L’enjeu de l’étude des aérosols
Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, les conséquences des activités humaines sont susceptibles de modifier le climat terrestre à l’échelle globale [IPCC, 2001]. Connaître les interactions entre les différentes composantes du système climatique est donc devenu un enjeu essentiel pour pouvoir prévoir l’évolution du climat. Les considérations de la communauté scientifique sur le changement climatique global se sont d’abord focalisées sur les gaz à effet de serre et le réchauffement global qu’ils induisent. Cependant, les aérosols sont d’autres constituants atmosphériques importants qui influencent le climat et qui ont été affectés par les activités humaines. La Figure 1.1 issue du rapport IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) paru en 2001, expose l’état de nos connaissances en termes d’estimations du forçage radiatif des différents agents externes qui influencent le climat. Le concept de forçage radiatif, que nous évoquerons plus en détail au chapitre 2, permet de quantifier la variation du flux radiatif au sommet de l’atmosphère suite à l’application d’une perturbation. Les facteurs externes pris en compte dans cette étude, outre les aérosols, sont les gaz à effet de serre, l’ozone troposphérique, les nuages induits par le transport aérien, la modification de la constante solaire et le changement de l’albédo de surface dû à l’utilisation des sols. En termes d’estimations quantitatives de l’impact sur le climat, les aérosols sont les plus méconnus. Dans certains cas, nos connaissances ne nous permettent ni de savoir si la perturbation appliquée tend à réchauffer ou à refroidir le climat ni de connaître son ampleur. Or la présence d’aérosols modifie en particulier la quantité de lumière réfléchie vers l’espace (effet direct) et la microphysique des nuages (effet indirect) qui sont un des éléments clés dans le cycle de l’eau atmosphérique. Les aérosols font partie intégrante du système climatique. La compréhension quantitative de leur impact est par conséquent essentielle si l’on veut comprendre le système climatique dans son ensemble.
Les difficultés spécifiques
Pour comprendre la complexité de l’étude des aérosols, intéressons-nous à la manière dont ces particules sont formées et disparaissent. Les aérosols sont des particules solides ou liquides en suspension dans l’atmosphère [IPCC, 2001] dont la taille varie de quelques nanomètres à plusieurs centaines de micromètres (µm), balayant ainsi une gamme de plus de cinq ordres de grandeur. Pour bien comprendre l’étendue d’une telle distribution en taille, il suffit de penser que la masse d’une particule de 10 µm de diamètre est équivalente à la masse d’un milliard de particules de 10 nm de diamètre [Seinfeld and Pandis, 1997]. Les particules dont le diamètre est inférieur à 2.5 µm sont dites appartenir au « mode fin » et celles dont le diamètre est supérieur à 2.5 µm au « mode grossier ». Les phénomènes qui influencent la taille des particules sont schématisés sur la Figure 1.2. Des processus différents engendrent des particules de taille différente. Dans le mode fin, on distingue le mode de nucléation et le mode d’accumulation. Les aérosols dans le mode de nucléation ont des diamètres compris entre 0.005 et 0.1 µm. Les particules y sont prépondérantes en nombre mais en raison de leur petite taille, elles ne représentent en général pas plus de quelques pour cent de la masse totale de particules. Elles sont formées par la condensation de vapeurs. Elles disparaissent principalement par agrégation avec des particules de taille supérieure. Dans le mode d’accumulation, le diamètre des particules varie entre 0.1 et 2.5 µm. La condensation de vapeur sur des particules existantes permet aux aérosols de grossir jusqu’à de telles tailles. Les mécanismes de dépôt sont moins efficaces dans ce mode que dans les modes de nucléation et grossier, ce qui y génère une accumulation de particules (à l’origine du nom) et leur confère un temps de résidence dans l’atmosphère plus élevé que dans les modes de nucléation et grossier. Enfin, le mode grossier englobe les particules dont le diamètre est supérieur à 2.5 µm. Elles sont en général formées par des actions mécaniques comme le soulèvement de poussières désertiques par l’action du vent. Ces particules ont des vitesses de sédimentation élevées et retombent en quelques jours. Dans le cas des poussières désertiques, par exemple, seules les particules dont le diamètre est inférieur à 10 µm sont transportées sur de grandes distances (5000 km), les plus grosses (jusqu’à 100 µm) se déposent à proximité immédiate des sources .
Les poussières minérales
Les poussières minérales sont des particules mises en suspension par l’action du vent sur les surfaces continentales désertiques ou semi-arides. La vitesse seuil d’érosion qui régule les émissions dépend de la rugosité de la surface, de la taille des grains et de l’humidité des sols [Marticorena et al., 1997]. Elles représentent l’une des contributions majeures au contenu en aérosol de l’atmosphère, en particulier dans les régions tropicales et subtropicales. Les estimations des émissions globales varient entre 1012 et 3×1012 kg/an [Duce, 1995; IPCC, 2001] avec une très forte variabilité spatiale et temporelle. Les principales régions d’émission se situent dans les déserts de l’hémisphère Nord. Bien qu’essentiellement d’origine naturelle, une partie des émissions peut être imputable aux activités humaines car le développement de l’agriculture intensive tend à augmenter la surface des zones érodables [Tegen et al., 1996]. Une étude a ainsi estimé que 30 à 50% du contenu actuel de l’atmosphère en poussière minérale provient de l’érosion de surfaces modifiées par l’activité humaine [Tegen and Fung, 1995]. La fraction des émissions d’origine anthropique reste cependant soumise à de fortes incertitudes et controverses. Ces particules ont un diamètre qui peut varier de moins d’1 µm jusqu’à 20 µm, mais plus de 80% d’entre elles sont situées dans le mode grossier. La durée de vie des poussières désertiques est très variable car les plus grosses sont déposées rapidement sous l’effet de leur poids alors que la fraction submicronique peut résider plusieurs semaines dans l’atmosphère.
Les sels marins
Ces particules sont libérées dans l’atmosphère par l’éclatement de bulles d’air qui ont été mises en suspension par l’action du vent sur les surfaces océaniques [Blanchard, 1983]. Leur présence dans l’atmosphère est donc essentiellement conditionnée par les vents de surface. Les sels marins constituent une fraction entièrement naturelle des aérosols. Avec les poussières minérales, ils représentent la majeure partie de la masse d’aérosols émise globalement. Les estimations d’émission varient entre 1012 et 6×1012 kg/an [Erickson and Duce, 1988; Tegen et al., 1997]. Le diamètre de ces particules peut varier entre 0.05 µm et plusieurs centaines de µm, la majorité des particules ayant un diamètre supérieur à 1 µm. Leur durée de vie dans l’atmosphère est par conséquent très variable.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1 L’enjeu de l’étude des aérosols
1.2 Les difficultés spécifiques
1.3 Présentation du projet de thèse
2. LES AÉROSOLS
2.1 Introduction
2.2 Les différents types d’aérosols
2.2.1 Les poussières minérales
2.2.2 Les sels marins
2.2.3 Les aérosols carbonés
2.2.4 Les sulfates
2.2.5 Les nitrates
2.3 L’impact des aérosols sur le climat
2.3.1 Description des processus d’interactions
2.3.1.1 L’effet direct
2.3.1.2 L’effet indirect
2.3.2 Estimation quantitative
2.3.3 Le rôle des aérosols d’origine anthropique
2.4 L’observation des aérosols
2.4.1 L’observation par satellite
2.4.1.3 Le principe, l’historique et les projets futurs
2.4.1.4 L’exemple de POLDER
2.4.1.5 Quels sont les prochains défis de l’observation spatiale ?
2.4.2 Les mesures depuis le sol
2.5 La modélisation des aérosols
2.5.1 Les modèles d’aérosols
2.5.2 L’exemple du LMDz-INCA
2.5.3 Les sources d’incertitude et les prochains défis
2.6 Conclusion
3. LES ÉMISSIONS DANS LMDZ-INCA
3.1 Introduction
3.2 Etude de la représentativité des émissions du modèle
3.2.1 Description des émissions
3.2.2 Analyse de la représentativité des émissions
3.2.2.6 Comparaisons aux observations
3.2.2.7 Conclusions
3.3 Émissions par les feux de biomasse : correction des inventaires par les observations spatiales
3.3.1 Présentation de la méthode
3.3.2 Validation de la méthode
3.3.2.8 Validation de la distribution temporelle
3.3.2.9 Validation de la distribution spatiale
3.3.2.10 Les sources d’incertitude
3.4 Présentation des résultats
3.4.1 Le cycle saisonnier
3.4.2 La variabilité interannuelle
3.4.3 À l’échelle planétaire
3.5 Comparaison aux autres méthodes
3.5.1 Présentation des autres méthodes
3.5.2 Comparaison des quantités émises
3.6 Vers la résolution journalière des émissions par les feux ?
3.7 Conclusion
4. LE TRANSPORT DE PANACHES D’AÉROSOLS À GRANDE ÉCHELLE
5. LE CALCUL DES ÉPAISSEURS OPTIQUES DANS LE LMDZ-INCA
6. L’ASSIMILATION DES OBSERVATIONS POLDER DANS LMDZ-INCA
7. CONCLUSION
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