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Datation de l’injection/profondeur d’enfouissement de la source au moment de l’injection
Dater l’injection et/ou connaître la profondeur de la source de sable au moment de l’injection, est fondamental pour comprendre les processus et mécanismes de formation des intrusions sableuses du cas considéré. L’estimation de la profondeur d’enfouissement de la source et l’estimation de l’âge de l’injection sont parfois possibles grâce aux mesures directes, si la source et les extrudites sont identifiées (e.g. les intrusions sableuses du Panoche Hills, Californie, Vigorito et Hurst, 2008; Vétel et Cartwright, 2010; Scott et al., 2013). D’après la littérature, l’injection de sable vers la surface peut se faire depuis un corps sableux enfoui à quelques mètres (e.g. Obermeier, 1996; Rowe et al., 2002), à plusieurs centaines de mètres (e.g. Huuse et al., 2004; Vigorito et al., 2008; Vétel et Cartwright, 2010; Szarawarska et al., 2010) et jusqu’à plusieurs kilomètres (e.g. Thompson et al., 1999).
Dater l’injection ne permet pas nécessairement de connaître la profondeur de la source au moment de l’injection car il est fréquent qu’elle ne soit pas identifiée. L’inverse oui, si la source est connue et datée alors il est parfois possible de déterminer l’âge de l’injection. On peut rencontrer les deux cas de figure suivants :
1- La source de sable est identifiée et datée : la méthode qualitative établie par Hillier et Coscgrove (2002). Cela consiste à estimer le taux de compaction des dykes subi entre Tinjection et Tactuel, les argiles environnantes ayant subi le même taux de compaction. Le taux de compaction des dykes peut se mesurer lorsque les dykes sont plissés en réponse à la compaction de l’encaissant après l’injection (Parize, 1988). On émet alors l’hypothèse que le dyke était droit au moment de l’injection et on compare la longueur du dyke (h1) à sa hauteur actuelle (h’1) (Fig. 1.14). Ensuite on mesure/estime la porosité (ϕ) sur un échantillon d’argile au niveau des intrusions sableuses, cette porosité ayant enregistrée la contrainte effective maximum (ϕactuelle des argiles = ϕ à Tmax enfouissement). En additionnant le taux de compaction des dykes à la porosité actuelle des argiles, on obtient la porosité de l’argile au moment de l’injection du sable. En comparant cette valeur de porosité avec une courbe de porosité-profondeur issue de l’encaissant, on peut estimer la profondeur d’enfouissement du corps sableux au moment de la mise en place des intrusions sableuses et par conséquent, dater l’injection.
≈ h’1 et est la hauteur initiale du dyke, h2 est la hauteur actuelle du dyke (modifié de Parize, 1988).
2- La source de sable n’est pas identifiée : Dans le meilleur des cas, des extrudites vont permettre de dater l’injection (Andresen et al., 2009). Dans le cas contraire, il est fréquent de voir au niveau de la paléo-surface (surface au moment de l’injection), des plis forcés (définis par Coscgrove et al., 2001) au-dessus des réseaux d’injection (eg : Molyneux et al., 2002; Szarawarska et al., 2010) qui permettent de dater indirectement l’injection (Shoulders et al., 2004).
Processus de formation des injectites
Les processus de formation des intrusions sableuses font l’objet de très nombreux débats (e.g. Jolly et Lonergan, 2002; Hurst et al., 2011) et restent encore aujourd’hui mal définis. D’après la littérature, il semble que les intrusions sableuses peuvent se former activement ou passivement.
Les intrusions sableuses actives
Les intrusions sableuses actives sont plus communes et nettement plus complexes que les intrusions passives, que ce soit au niveau de leur mise en place ou bien de leur morphologie, et font par conséquent l’objet d’une plus large documentation dans la littérature. Le terme « intrusion sableuse active » signifie que le matériel a été injecté au cours de l’ouverture de fractures formées le plus souvent par hydrofracturation (Jolly et Lonergan, 2002) (cf. processus d’hydrofrracturation en section 3.1.4). Dans ce cas de figure, cela signifie que l’intrusion se fait depuis un corps sableux parent mis en surpression au cours de son enfouissement dans des sédiments de faible perméabilité. Le développement de surpression fluide dans un corps sableux non-consolidé, enfoui et scellé par des sédiments de plus faible perméabilité, est un facteur susceptible de remobiliser ce corps et peut mener à l’injection forcée du sable dans les sédiments hôtes pour former les injectites (Jolly et Lonergan, 2002; Hurst et al., 2003a) (cf. processus de surpression en section 3.1.2) (Fig. 1.15a).
Alternativement, ce peut être la chute brutale et locale de pression dans l’encaissant qui va initier l’injection depuis un corps sableux en surpression : injection forcée subtrusive (Scholz et al., 2009, 2010). La diminution de la pression dans l’encaissant peut être liée à l’ouverture soudaine de fractures qui « aspirent » littéralement les sédiments (Scholz et al., 2009, 2010) (Fig. 1.15b). L’injection subtrusive se fait aussi bien vers le bas que vers le haut selon la position de la fracture par rapport au corps sableux (Rowe et al., 2002). La pression fluide facilite l’ouverture des fractures/failles dans des sédiments poro-élastiques saturés en fluide (Sibson, 1990; Grauls et Bareix, 1995; W all et Jenkins, 2004).
Fig. 1.15 : Schémas illustrant les processus de formation des injectites forcées et sugtrusives (adapté de Scholz et al., 2010) A) Un mécanisme déclencheur (ici un séism e) induit la surpression du corps sableux et permet à la fracturation hydraulique de s’initier et de se propager en direction du fond marin. Le sable a pénétré dans ce réseau de fractures dès que la vitesse de fluidisation a été atteinte pour former des injectites. B) Un sable enfoui sous des sédiments perméables est mis en surpression au cours de son enfouissement. L’ouverture d’une fracture en tension initie l’injection du sable vers le bas (le processus génère aussi des injectites vers le haut si la fracture s’ouvre au-dessus du corps sableux) (voir le texte pour plus d’explication).
Les intrusions sableuses actives peuvent aussi se former sans hydrofracturation à très faible profondeur (< 10 m, sols) (Obermeier, 1989; Montenat et al., 2001). A cette profondeur les sédiments ont une faible cohésion et le régime de fracture est dominé par des déformations plastiques (Jolly et Lonergan, 2002). Par conséquent, l’injection se fait plutôt sous la forme de colonnes que de dykes tabulaires ou sills et le matériel injecté est un mélange de sable fluidisé et de roche hôte (Nichols, 1995). Ce processus d’injection induit souvent la formation de petit volcans de sable en surface (e.g. Obermeier, 1989; Montenat et al., 2007). Un corps sableux enfoui quelques mètres sous des sédiments argileux-silteux, peut se liquéfier suite à un tremblement de terre (cf. processus de liquéfaction en section 3.1.1). Le sable liquéfié va alors pouvoir remonter par fluidisation (cf. processus de fluidisation 3.1.5) le long de plans de fissures/fractures de la couverture (Obermeier, 1989). Le processus n’est pas tout à fait comparable à celui qui forme les diapirs de sels ou les figures de charge classiques car dans ces cas il s’agit plus d’inversion de densité (Lowe, 1975).
Les intrusions sableuses actives peuvent se propager depuis leur corps sableux parent vers le haut (e.g. Smyers & Peterson, 1971; Truswell, 1972; Hiscott, 1979; Hillier & Cosgrove, 2002; Huuse et al., 2004; Hubbard et al., 2007; Cartwright et al., 2008; Scott et al., 2013), vers le bas (e.g. Gottis, 1953; Parize, 1988; Huang, 1988; Scholz, 2009, 2010), et/ou latéralement (e.g. Parize et al., 2007a, Jackson et al., 2007) et même dans toutes les directions (e.g. Philips & Alsop, 2000; Surlyk, 2001, 2007; Rowe et al., 2002; Ribeiro et Terrinha, 2007).
La liquéfaction
Le terme liquéfaction fait sensiblement partie du vocabulaire de la géotechnique car le processus de liquéfaction impact énormément sur la stabilité des sols. Ce terme signifie en mécanique des sols que l’effet d’une contrainte cisaillante sur un sol sans cohésion et saturé peut lui permettre d’acquérir un degré de mobilité suffisant pour déclencher le mouvement (Seed, 1979; Obermeier, 1996). Cela signifie que dans un milieu saturé la charge lithostatique transmise le long des contacts grain-grain peut être entièrement supportée par la pression fluide interstitielle pf (Leeder, 1982; Allen, 1982; Nichols, 1995). Ainsi, les pressions fluide élevées réduisent la contrainte effective ’ aux contacts grain à grain qui est exprimée selon l’équation de Terzaghi (1923) par : ’ = – pf
L’état de liquéfaction est considéré nécessaire pour qu’un sable puisse être remobilisé (Allen, 1982, 1985) et peut être la cause d’intrusions sableuses (Obermeier, 1989, 1996) mais il n’est pas un prérequis au processus d’injection forcée (Hurst et al., 2011). Il semble même qu’un corps sableux devient beaucoup plus compacté après sa liquéfaction (Allen, 1982), inhibant potentiellement le processus d’injection.
La liquéfaction peut être déclenchée par une contrainte cisaillante cyclique induite pendant un séisme (Seed, 1979), ou par une force de cisaillement unidirectionnelle (Peacock et Seed, 1968) induite pendant le dépôt d’une turbidites, d’un slump ou par des vagues de fortes tempêtes (Leeder, 1982; Hildebrandt et Egenhoff, 2007). Les séismes sont les mécanismes déclencheurs de la liquéfaction les plus cités dans la littérature (e.g. Obermeier et al., 1996; Surlyk et Noe-Nygaard, 2001; Jonk et al., 2005 ; Levi et al, 2006a). La liquéfaction se produit typiquement à des profondeurs inférieures à 10 m (Obermeier, 1989), puisque l’augmentation des contraintes cisaillantes de la source au cours de son enfouissement inhibe le processus de liquéfaction (Seed and Idriss, 1971; Obermeier, 1996; Jolly and Lonergan, 2002).
Les surpressions
Les principaux mécanismes générateurs de surpressions dans les bassins sédimentaires sont liés :
1- à la réduction mécanique de la porosité du solide qui compresse les fluides (déséquilibre de compaction, contrainte latérale);
2- à l’expansion du fluide piégé dans une roche imperméable (génération d’hydrocarbures, expansion thermique, déshydrations des argiles, transformation smectite-illite…);
3- Mouvement des fluides et flottabilité (Osborne et Swarbrick, 1997; Mourgues et Cobbold, 2004).
La surpression fluide est une pré-condition dans le processus d’injection forcée comme elle initie l’hydrofracturation et conduit le sable fluidisé (Jolly et Lonergan, 2002).
Fig. 1.16 : Principaux mécanismes de surpression dans les bassins sédimentaires (d’après Grauls, 1997). v = contrainte verticale, 1 = contrainte principale maximum, 2 = contrainte principale intermédiaire, 3 = contrainte principale minimum. A noter que tous les mécanismes de cette figure ne sont pas cités dans le texte (ex : l’osmose, l’effet Artésien) car induisent des surpressions mineures.
Les mécanismes qui génèrent des surpressions dans les bassins sédimentaires ont été étudiés depuis le début des années 90, à partir de modèles théoriques (e.g. Neuzil, 1995) ou prédictifs (e.g. Mann et Mackenzie, 1990). Elles ont été revues depuis la fin des années 90, de manière critique et adaptés à des situations géologiques réalistes (e.g. Osborne et Swarbrick, 1997; Swarbrick et Osborne, 1998; Grauls, 1999; Swarbrick et al., 2002) (Fig. 1.16).
Augmentation de la contrainte compressive
La principale cause de surpression dans les bassins sédimentaires est liée au déséquilibre de compaction (Osborne et Swarbrick, 1997; Grauls, 1999; Mourgues et Cobbold, 2004). Le développement du déséquilibre de compaction est un équilibre entre la perméabilité de la roche hôte et le taux à laquelle les fluides s’échappent de cette roche. Le déséquilibre de compaction s’initie dans les sédiments poreux et saturés en fluide au cours de leur enfouissement, lorsqu’ils sont soumis à une charge verticale (charge lithostatique) ou une compression tectonique et que l’expulsion des fluides devient limitée (Osborne et Swarbrick, 1997, Swarbrick et al., 2002). La contrainte appliquée est alors transmise au fluide incompressible et la pression augmente, exprimée selon l’équation de Pascal par : Pf = ρ.g.h
Avec ρ : la densité du fluide de formation de la roche (ρeau de mer ≈ 1, ρhuile ≈ 0,8, ρgaz ≈ 0,2), g : l’accélération de la pesanteur (≈ 9,81) et h : la hauteur de la de la colonne sédimentaire). Ainsi, le déséquilibre de compaction opère dans des sédiments peu perméables (argiles, évaporites) ou dans des sédiments perméables isolés dans des sédiments peu perméables. L’isolation d’un sédiment perméable est favorisée par des barrières latérales comme des failles scellantes qui peuvent compartimentaliser les corps sableux au cours de leur enfouissement (Mann et Mackenzie, 1990; Osborne et Swarbrick, 1997). La profondeur à laquelle le déséquilibre de compaction s’initie dans un corps sableux (Fluid Retention Depth ou FRD) dépend de l’efficacité de la couverture (Mourgues et Cobbold, 2004) et du taux de sédimentation (Swarbrick et al., 2002). Ainsi, cette profondeur est plus faible lorsque la perméabilité est faible et que le taux de sédimentation augmente. De la même façon, la pression d’un corps sableux sera d’autant plus précoce que la couverture est imperméable, que le taux d’enfouissement est élevé et que la compartimentalisation par des failles est précoce dans l’enfouissement.
Expansion des fluides
Contrairement au déséquilibre de compaction, ce n’est pas le volume poreux qui se réduit pour induire la surpression mais bien le volume de fluide qui augmente dans une roche non déformable. Les pressions qui résultent des différents mécanismes d’expansion de fluide ont été très discutées et ont permis de mieux contraindre les effets de l’expansion des fluides (e.g. Daines, 1982 ; Swarbrick et Osborne, 1998; Alnes et Liburn, 1998, Swarbrick et al., 2002; Vidal et Dubacq, 2009). L’expansion de fluide liée à la génération d’hydrocarbures, en particulier du gaz, est la deuxième cause principale de génération de surpression dans les bassins sédimentaires (Mourgues et Cobbold, 2004). C’est aussi le seul mécanisme d’expansion de fluide capable d’induire de fortes surpressions (Swarbrick et al., 2002). Les autres mécanismes d’expansion de fluide sont :
1- l’expansion thermique : sous l’effet d’une augmentation de la température, l’eau se dilate (Osborne et Swarbrick, 1997; Alnes et Liburn, 1998).
2- la déshydratation des argiles : les minéraux argileux les plus hydratés (ex : la smectite) peuvent relâcher de l’eau au cours de l’enfouissement par compaction (Colton-Bradley, 1987; Osborne et Swarbrick, 1997; Swarbrick et al., 2002; Vidal et Dubacq, 2009).
3- les transformations minéralogiques : plus particulièrement la transformation smectite-illite (Osborne et Swarbrick, 1997). Les échanges d’ions qui résultent de cette transformation vont diminuer la perméabilité des sédiments (Boles et Francks, 1979), favorisant la génération des surpressions (Mourgues et Cobbold, 2004).
Circulation de fluide et flottabilité des hydrocarbures
Les surpressions générées dans les sédiments jouent un rôle important dans la dynamique de migration des fluides. Ainsi, dans un aquifère perméable incliné et isolé, les fluides profonds vont migrer vers la crête de la structure et le gradient de pression y sera le plus élevé (Mann et Mackenzie, 1990; Grauls, 1999; Yardley et al., 2000). Ce phénomène est généralement référencé sous le terme de « transfert latéral » et peut générer des surpressions capable d’initier des fractures hydrauliques au niveau de la crête structurale (e.g. Boehm et Moore, 2002; Lupa et al. 2002; Andresen et al., 2009; Mourgues et al., 2010). La densité du fluide a aussi une importance capitale dans les générations de surpressions, notamment si le fluide en question est un hydrocarbure. Une colonne d’hydrocarbures induit des surpressions à cause du contraste de densité de l’huile et/ou du gaz avec les eaux de formation des sédiments (Osborne et Swarbrick, 1997). Ce phénomène de flottabilité des hydrocarbures génère des surpressions proportionnelles à la hauteur de la colonne d’hydrocarbures et proportionnelle au contraste de densité (Swarbrick et al., 2002).
Les mécanismes déclencheurs
Les mécanismes qui génèrent des surpressions ne sont généralement pas suffisants pour produire des intrusions sableuses de grand volume (Vigorito et Hurst, 2010). Le processus d’injection nécessite d’être déclenché par un mécanisme externe (Fig. 1.17), attribué le plus souvent :
1- à des séismes (e.g Newsom, 1903; Martil et Hudson, 1989; Obermeier, 1996; Surlyk et Noe-Nygaard, 2001; Molyneux et al., 2002; Levi et al., 2006; Hurst et al., 2011),
2- au dépôt soudain de sédiments (slumps, glissements) ou à la charge d’un corps (glacier) (e.g. Truswell, 1972; Taylor, 1982; Rijsdijk et al., 1999; Rowe et al., 2002; Jonk et al., 2010),
3- à l’introduction de fluide en surpression depuis des parties plus profondes du bassin (e.g. Cathles et Smith, 1983; Brooke et al., 1995).
4- aux contraintes tectoniques dans un contexte extensif (e.g. Vitanage, 1954; Harms, 1965; Scholz et al., 2009).
Les dykes de Bevons
Les dykes sont sans aucun doute les intrusions sableuses les plus facilement identifiables à l’affleurement. Dans la zone d’étude, ce type d’injectites recoupe de manière nette l’encaissant argileux avec un fort angle d’inclinaison compris entre 45-60° ou 80-90° sur des distances atteignant plusieurs centaines de mètres de longueur et 110 m de hauteur (cf. chapitre 4). La profondeur de pénétration des dykes est ici sous-estimée du fait de la compaction tardive d’un encaissant non totalement compacté au moment de la mise en place des injectites. La compaction post-injection de l’encaissant peut être déterminée en « décompactant » les dykes qui subissent cette même compaction par plissement, micro-plissement ou cisaillement (Parize et al., 2007a). Le plissement des dykes n’est pas uniquement lié à la compaction de l’encaissant car peut être issu de leur sinuosité originelle (Gottis, 1953; Kane, 2010). Les dykes peuvent aussi être très droits ou avoir des trajectoires en zig-zag (Fig. A4.10d-e) sans aucune évidence de recoupement de segments individuels. Ils sont très souvent anastomosés/ramifiés et s’amincissent dans la direction de propagation dans la plupart des cas d’injectites connus (Jonk et al., 2003). Les bifurcations de dykes de Bevons sont plus importantes à proximité des failles et se font aussi bien vers le haut que vers le bas sur les affleurements verticaux (Fig. A5.2). Les bifurcations latérales de dykes ont été plus rarement identifiées (Figure 9 dans Parize et Friès, 2003), à cause du manque d’affleurements propices à leur identification. L’épaisseur des dykes est maximum à proximité de leur source et de la surface (cf. chapitre 4). Enfin, les dykes de Bevons se regroupent selon quatre familles directionnelles principales : N50-60° (set 1), N140-150° (set 2), N20-30° (set 3) et N80-90° (set 4) dans l’ordre de leur fréquence à l’affleurement (cf. chapitre 4). Les trois dernières familles sont intimement liées à des réseaux de failles syn-sédimentaires préexistantes auprès desquelles la densité de dykes est beaucoup plus importante (Fig. A4.11) (cf. chapitre 4).
Les sills de Bevons
A cause de l’analogie de composition, de morphologie et de relation avec l’encaissant sédimentaire, les sills peuvent être interprétés comme des chenaux turbiditiques sableux que ce soit à l’affleurement ou bien en carotte. Bien que les sills et les chenaux de Bevons soient tous deux très homogènes et non granoclassés, il existe des critères pour les différencier : (i) les chenaux turbiditiques du bassin Vocontien sont très massifs mais des rides et des laminations planaires, parfois convolutées, ont été identifiées à leur sommet (Parize et al., 2007b) et des bioturbations ou des figures d’érosion sont visibles à la base ; et (ii) les sills sont différenciés des corps sableux dépositionnels grâce aux possibles sauts stratigraphiques abrupts dans l’encaissant (Waterson, 1950), aux fréquents changements latéraux d’épaisseur (Surlyk et Noe-Nygaard, 2001), à la marge supérieure qui peut éroder l’encaissant (Vigorito et al., 2008), ainsi que leur association commune avec les dykes (Hiscott, 1979 ; Parize et Friès, 2003). Les sauts stratigraphiques sont appelés des « Wing », qui se propagent depuis les marges d’un corps sableux (Huuse et al., 2004). Les sills et wings de Bevons sont présents sur un intervalle d’une cinquantaine de mètres dans la partie sommitale de la série apto-albienne affleurant et s’étendent sur plusieurs centaines de mètres, alors qu’ils tendent à s’amincir en s’éloignant de leur source et s’épaissir vers la surface (Fig. A4.9) (cf. chapitre 4).
Les laccolites sédimentaires
Associés aux dykes et sills de la zone d’étude, des laccolites sédimentaires sont cartographiés sur divers affleurements dans l’intervalle à sills (Fig. A4.6). Ce sont de grosses lentilles de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres, à surface inférieure plane et surface supérieure convexe vers le haut. Le bombement des séries sus-jacentes propre aux laccolites n’est cependant pas visible à cause de l’érosion actuelle des sédiments. Les bordures de ces intrusions sableuses peuvent être bombées ou bien très droites laissant apparaître de véritables murs à l’affleurement. On trouve systématiquement un ou plusieurs dykes connectés à leur base et parfois des wings qui se propagent depuis les flancs (cf. chapitre 4). Tout comme les sills, les laccolites peuvent être confondus avec des corps sableux dépositionnels remobilisés mais nous verrons dans la suite du papier (section 4.1) que des figures externes à ces objets témoignent de leur formation par injection forcée.
Le développement de fractures associées au processus d’injection
L’étude détaillée du réseau d’injectites de Bevons a montré que les seuls processus capables de former ces injetites étaient l’injection forcée pure ou l’injection forcée subtrusive (cf. chapitre 4). Ces deux processus impliquent que le mélange de fluide et de sable pénètre dans un réseau de fractures hydrauliques qui se développe lorsque la pression fluide excède la pression de fracturation de l’encaissant (Jolly et Lonergan, 2002). La nucléation et la propagation de fractures hydrauliques dépend de très nombreux paramètres tels que la pression du fluide, la rhéologie de l’encaissant et le champ de contrainte in situ (Hubbert et Willis, 1957; Secor, 1965). La fracturation hydraulique (fracture en Mode I) peut être reconnue à l’affleurement grâce aux « structures plumeuses », comme sur la surface des diaclases d’une roche fracturée par exemple (Bahat, 1991).
Les structures plumeuses
Malgré les micro-plissements présents sur les épontes des injectites suite à la compaction tardive de l’encaissant, il est souvent possible de distinguer des structures plumeuses (« plume » ou « plumose ») constituées par un axe, une origine et des lignes divergentes (Figs. A5.3a-b) (Pollard et Aydin, 1988). Ce type de structure ressemble fortement aux striations identifiées sur des injectites étudiés dans d’autres endroits à travers le monde (e.g. Martill et Hudson, 1989, Surlyk et al., 2007). La structure plumeuse est bordée par les franges où les lignes divergentes sont plus marquées qu’à proximité de l’origine (Quesada, 2008). Ces structures se forment lors de l’ouverture des fractures hydrauliques (ou « diaclases hydrauliques ») et donnent de nombreuses indications sur leur amorçage et leur propagation. Ainsi, l’origine est comme son nom le laisse entendre le point d’amorçage, l’axe de la structure plumeuse marque l’avancée de la pointe de fissure et les lignes divergentes indiquent la direction de propagation latérale (Bahat, 1991). L’analyse systématique des structures plumeuses observées sur les injectites de Bevons a montré que la propagation des
dykes se faisait toujours horizontalement par rapport à la stratigraphie avec parfois un « pitch » de quelques degrés (3-10°) vers le haut dans la direction de propagation. Quelques plumoses ont pu être mesurés à la base de certains sills et sous le plus gros laccolite sédimentaire de la zone (Fig. A5.3b). La synthèse des mesures de directions de propagation des injectites indique que les sills se propagent en moyenne vers le nord avec des directions comprises entre N350° et N20°, alors que les dykes des différentes familles de directions (sets 1-4) ont pu se propager dans des directions opposées même si la direction N-NE est la plus marquée (Fig. A5.4).
Fig. A5.3 : Structures plumeuse sur la surface externe d’injectites. (a) Plumose sur un mur de dyke situé sur l’affleurement de Pierre-Avon (Fig. A5.4 pour la localisation) et qui indique une propagation de la fracturation vers l’Est. (b) Plumose à la base d’un laccolite sédimentaire situé sur le flanc Nord de la colline du Puy (Fig. A5.4 pour la localisation) qui indique une propagation de la fracturation vers le Sud.
Les interactions
La propagation de la fracturation hydraulique est contrôlée par de nombreux paramètres mais est surtout dépendante des propriétés mécaniques de la roche hôte et du champ de contrainte in situ (Hubbert et Willis, 1957; Secor, 1965). Les injectites de Bevons sont orientées selon quatre directions préférentielles dont une, orientée N50-60° (set 1), a confirmé le contrôle du champ de contrainte au moment de l’injection (cf. chapitre 4). A l’affleurement, plusieurs interactions entre les injectites et la roche hôte ont été observées et permettent dans certains cas de déterminer le sens de propagation des intrusions sableuses.
Fig. A5.4 : Carte structurale de la zone d’étude et directions de propagation de la fracturation déterminée à partir des structures plumeuses. Les différents affleurements d’étude sont localisés, ainsi que l’ensemble des injections sableuses (rouge, orange et violet) et l’ensemble des corps sableux dépositionnels (jaune). Les deux failles décro-normales majeures (F1 et F2) de la zone d’étude et le niveau repère du Clansayésien sont aussi représentés sur la figure.
Dykes vs. marnes
Dans la zone d’étude, le plan de stratification S0 des différents affleurements varie selon leur position par rapport à l’axe du synclinal de Bevons. Le pendage des couches n’est cependant que très faible dans la majorité des affleurements d’étude (0-10°S) sauf dans la partie la plus septentrionale (Les Houlettes) où le pendage est d’environ 30° vers le sud. La schistosité des marnes marque la compaction et est donc naturellement parallèle au plan de stratification S0. A proximité des dykes il est très fréquent de voir un rebroussement de la schistosité (Figs. A5.5a-d). Ce rebroussement est interprété comme marqueur de la direction de propagation des dykes (Dillier, 1889; Newsom, 1903; Rowe et al., 2002) ou comme résultant de l’effet pilier des dykes qui ont un facteur de compaction moins important que les marnes environnantes (Hiscott, 1979; Parize, 1988). Dans la zone d’étude, le rebroussement des marnes se fait essentiellement vers le haut (Fig. A5.5a) et dans de très rares cas vers le bas (Fig. A5.5b). Il est soit progressif, i.e. le pendage des marnes se verticalise progressivement en se rapprochant des bordures du dyke (Fig. A5.5a), ou bien brutal et les marnes verticales de bordures de dyke sont en contact direct avec des marnes horizontales (Fig. A5.5c). Lorsque les dykes sont segmentés ou cisaillés, la schistosité autour des extrémités de ces dykes est rebroussée vers le bas ou le haut selon le sens de la terminaison (Figs. A5.5d).
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Table des matières
ETAT DES LIEUX ET METHODOLOGIE
1. Historique
2. Description
2.1. Géométrie et échelle
2.1.1. Les dykes
2.1.2. Les sills
2.1.3. Les wings
2.1.4. Les intrusion coniques et en forme d’assiette
2.1.5. Les extrudites
2.2. Contextes tectoniques et environnements de dépôt associés aux injectites
2.3. Granulométrie
2.4. Ecoulements syn-formation des injectites et structures associées
2.5. Ecoulement post-formation des injectites et diagenèse
2.6. Datation de l’injection/profondeur d’enfouissement de la source au moment de l’injection
3. Processus de formation des injectites
3.1. Les intrusions sableuses actives
3.1.1. La liquéfaction
3.1.2. Les surpressions
3.1.3. Les mécanismes déclencheurs
3.1.4. L’hydrofracturation
3.1.5. La fluidisation
3.2. Les intrusions sableuses passives
4. Objectifs, données et méthodes
4.1. Objectifs
4.2. Données
4.3. Méthodologie
INTEGRATION DES CONCEPTS RECENTS DE DYNAMIQUE DES DEPOTS SEDIMENTAIRES DANS L’INTERPRETATION DES CORPS SABLEUX ENFOUIS : CONSEQUENCES SUR LA DETECTION DES INJECTITES ET LES PIEGES A EVITER. EXEMPLE DANS LE BASSIN DU BAS-CONGO
1. Introduction
2. Regional setting
2.1. Oligocene-Miocene structural framework of the Lower Congo basin
2.2. Oligocene-Miocene turbidites in the Lower Congo basin
3. Database and methodology
3.1. Database
3.2. Methodology
4. Architectural characterization of the deep-water channel complexes
5. Occurrence and morphology of high-amplitude anomalies and their relation to deep-water channel complexes
5.1. High-amplitude anomaly in the northeastern area
5.2. High-amplitude anomaly in the southwestern area
5.3. Fluid migration-related amplitude anomalies
6. Interpretations
6.1. Hypothesis 1: Seismic-scale sand intrusions: a comparison with case studies from North Sea
6.2. Hypothesis 2: Sedimentary processes along the channel margins
6.3. Hypothesis 3: combination of sedimentary ptocesses and fluid effects Sedimentary and post sedimentary processes along the channel margins
7. Discussion
8. Conclusion
Bilan chapitre 2
LES INJECTITES, TEMOIN DE L’INITIATION DES MIGRATIONS DE FLUIDES, CREATRICES DE CHEMINS DE MIGRATION ET GARANTES DE LEUR PERENNITE. EXEMPLE DANS LE BASSIN DU BAS-CONGO
En-tête chapitre 3
Summary
1. Introduction
2. Regional setting
3. Database and methodology
3.1. Database
3.2. Methodology
4. Seismic observations on the occurrence and morphology of the anomalies and their relationships of the encasing rocks and the turbidite channels
4.1. Occurrence
4.2. Geometry and scale
4.3. Relationships with the argillaceous host rocks and the turbidite channels
4.3.1. Conical & saucer-shaped anomalies vs. encasing series
4.3.2. Conical & saucer-shaped anomalies vs. turbidite channels
5. Discussion
5.1. Lithology of the anomalies
5.2. Comparison with North Sea and Faeroe–Shetland seismic-scale sand injectites
5.3. Sand injections
5.3.1 Process of formation of the sand injectites
5.3.2. Propagation mechanisms for sand injectites
5.4. Implications and possible misinterpretations
6. Conclusions
Bilan chapitre 3
ARCHITECTURE DETAILLEE D’UN RESEAU D’INJECTITES ET MECANISMES DE MISE EN PLACE. EXEMPLE DE BEVONS, SE FRANCE
En-tête chapitre 4
Abstract
1. Introduction
2. Geological setting
2.1. Structural setting
2.2. Sedimentary setting
3. Data and Method
3.1. Data
3.2. Method
4. Structural framework of sand injectites
4.1. Cartography of the sand injectites network
4.2. Cross sections and biostratigraphy
4.3. Synthesis
5- The networks of sand injectites
5.1. Metric to pluri-metric sills: La Beaume and Le Puy outcrops
5.2. Cm to dm dykes network: Vieux-Bevons and Les Houlettes outcrops
5.3. Turbidite sand and metric dykes and sills: Le Couvent outcrop
6. Discussion
6.1. Sand injectites vs. stress field
6.2. Sand injectites vs. preexisting faults and lithology
6.3. Sand injectites vs. depth and distance to the potential sand sources
6.4. Models of sand injection
6.4.1. First model: propagation in all directions of the intrusions
6.4.2. A second model: lateral and upward propagation of the intrusions
7. Conclusion
Bilan chapitre 4
DYNAMIQUE DE PROPAGATION D’UN RESEAU D’INJECTITES ET PROCESSUS DE MISE EN PLACE. EXEMPLE DE BEVONS, SE FRANCE
En-tête chapitre 5
Résumé
1. Introduction
2. Contexte géologique
3. Les injectites de Bevons
3.1. Les dykes de Bevons
3.2. Les sills de Bevons
3.3. Les laccolites sédimentaires
4. Le développement de fractures associées au processus d’injection
4.1. Les structures plumeuses
4.2. Les interactions
4.2.1. Dykes vs. marnes
4.2.2. Dykes vs. bancs calcaires
4.2.3. Dykes vs. sills
5. Circulations de fluides associées aux intrusions sableuses
5.1. Structures externes d’écoulement
5.2. Structures internes d’écoulement
5.2.1. Les données d’affleurements
5.2.2. Les analyses directionnelles
5.3. Pétrographie
5.4. Les cheminées carbonatées
6. Discussion
6.1. Sens de propagation des injectites de Bevons
6.1.1. Direction de propagation de la fracturation hydraulique
6.1.2. Direction d’écoulement du flux sédimentaire dans la fracturation
6.1.3. Histoire de circulation des fluides dans les injectites
6.1.4. Le modèle de propagation
6.2. Genèse des injectites
6.2.1. Chronologie de formation des injectites
6.2.2. Génération des surpressions
6.2.3. Mécanismes déclencheurs
6.2.4. Le modèle d’injection
7. Conclusions
Bilan chapitre 5
APPORT DES ANALOGUES A LA CARACTERISATION DU RESEAU D’INJECTITES A PARTIR DE CRITERES PONCTUELS DES DONNEES DE PUITS ET DE CAROTTES. EXEMPLE DE DEUX CHAMPS PETROLIERS DU BASSIN DU BAS-CONGO
1. Introduction
2. Les injectites subsismiques : définitions
2.1. Identification des injectites sur les carottes
2.2. Identification des injectites sur les logs d’images de puits
3. Données et Méthodologie
3.1. Données
3.2. Méthodologie
4. Environnement de dépôt et contenu lithologique des puits
4.1. Contexte tectono-sédimentaire général
4.2. Les associations de faciès
5. Etude des injectites sub-sismiques de complexes de chenaux miocènes
5.1. Contexte sédimentologique local
5.2. Le puits 1
5.3. Le puits 2
5.4. Le puits 3
6. Etude des injectites sub-sismiques de complexes de chenaux oligocènes
6.1. Contexte sédimentologique local
6.2. Le puits 4
6.3. Le puits 5
6.4. Le puits 6
6.5. Le puits 7
7. Interprétations – Discussion
7.1. Les mécanismes
7.2. Processus
8. Implications
8.1. Implications géologiques
8.2. Implications pétrolières
9. Conclusions
CONCLUSIONS
1. Les résultats majeurs
2. Les perspectives
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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