Le Sénégal, comme la plupart des pays africains, est confronté à des problèmes économiques et sociaux. Trouver un emploi devient de plus en plus difficile dans cette situation. Dés lors Dakar, la capitale se révèle être le lieu de convergence privilégié des migrants venant d’horizons divers et espérant trouver un emploi. Le phénomène de la migration interne s’est accentué et les paysans continuent à migrer vers Dakar, contraints par la détérioration du milieu hostile et de la pauvreté des campagnes. L’étude des facteurs répulsifs en milieu rural et insertion urbaine des ressortissants de Ngohé à Dakar que nous allons traiter sur les lignes qui suivent révèle une importance capitale dans ce contexte de crise agricole. Les crises vivrières ont en effet concerné depuis une vingtaine d’années toutes les paysanneries du bassin arachidier : ces dernières ont toutes connu certaines années une diminution très forte de la pluviométrie, et dans le même temps ont simplifié leurs systèmes de production à l’extrême (arachide-mil ou maïs), et intégré complètement l’économie marchande. Localisée au cœur de la zone éco géographique du bassin arachidier et abritant l’usine de la SUNEOR (ex SEIB) Ngohé était connu pour la richesse de ses terres cultivables.
Dans le village de Ngohé, l’agriculture était dominée par la culture de rente, notamment la culture de l’arachide. Cette culture est particulièrement affectée par les cycles de sécheresse de ces dernières années. La production est déficitaire pendant que le prix de l’arachide au niveau du marché mondial a baissé. Les revenus monétaires se sont donc raréfiés dans tout le village de Ngohé sans qu’une réelle diversification des cultures et une production alimentaire auto suffisante ne soient assurées. Le riz, denrée de première nécessité très prisé dans les villes comme dans les campagnes sénégalaises à l’heure actuelle, reste en majorité importé. A Ngohé on ne pratique pas la riziculture. Les produits de substitution n’ont pas réussi à s’imposer aux consommateurs.
PROBLEMATIQUE
La problématique est liée à une existence, une vérité ou une réussite douteuse. Elle peut être définie comme l’acte de traitement personnel qui sert à dynamiser la recherche en faisant surgir un ou des problèmes qui se trouvent dans le libellé du sujet.
Le Sénégal connait plusieurs formes de migrations dont la plus préoccupante est les déplacements massifs des ruraux vers les centres urbains. Ces déplacements sont liés au cycle persistant des sécheresses depuis les années 70 et surtout de la crise de l’agriculture. Cette forme de migration contribue fortement au déséquilibre de l’occupation du territoire. Il s’y ajoute le surpeuplement des centres urbains comme Dakar ou se développe l’essentiel des activités pourvoyeur d’emplois rémunérés. Cette migration interne affecte la plupart du temps les personnes potentiellement actives.
Pour les populations sahéliennes, la migration résulterait donc à la fois, du souci de réduire la vulnérabilité des moyens d’existence et de gérer les risques inhérents aux dérégulations climatiques et leurs répercussions, en même temps que d’une incapacité à s’adapter ; en quelque sorte un ultime recours (PNUE, 2011). Il s’y ajoute les écarts entre ville et campagne qui se creusent de plus en plus au moment ou la crise économique et agricole se généralise au Sénégal. La migration interne a longtemps existé au Sénégal. En effet pendant la saison sèche, des populations vont chercher du travail dans les centres urbains et retournent, généralement, au village pour les travaux agricoles. Cette migration rurale-urbaine essentiellement saisonnière au départ, s’est progressivement transformée en migration de longue durée alimentant le phénomène de l’exode rural qui a donné naissance et participé à l’agrandissement des bidonvilles à la périphérie de villes comme Dakar. De nos jours, elle connait une accélération avec la paupérisation des campagnes. La décision de migrer est motivée au premier chef par des considérations d’ordre économique. Les gens migrent dans l’espoir d’une vie meilleure, et lorsque les possibilités que leur offre leur environnement immédiat ne répond pas à leurs aspirations. Les migrations intérieures sont généralement provoquées par des disparités dans le degré de développement, les possibilités d’emploi, les conditions de vie et le niveau de revenus entre différentes régions dans un même pays ; elles s’orientent essentiellement vers les zones où se créent des emplois. Aussi, lorsque les investissements publics ou privés sont concentrés dans la métropole, ce qui est le cas de Dakar, c’est vers elle qu’afflue la majorité des migrants.
Les sécheresses ne sont pas un phénomène récent dans l’histoire du Sénégal. Les habitants de Ngohé se souviennent d’un épisode particulièrement douloureux à la fin de la seconde guerre mondiale. Ils se nourrissaient de tourteaux d’arachide achetés grâce à des bons obtenus en travaillant pour le chef de canton. Selon J-M GASTELLU depuis 1965 la chronologie des hivernages déficitaires à Ngohé est la suivante : 1966, 1968, 1972, 1977, 1980 et 1983. En dix ans de 1972 à 1982 la moyenne décennale des pluies serait passée de 650 à 450mm. Deux périodes se distinguent dans les mesures prises à l’égard du monde rural, du moins telles qu’on les perçoit de Ngohé. De 1960 à 1972, la conjoncture mondiale était à la croissance. La pression des organismes internationaux sur les politiques économiques des pays en développement était relativement légère. Le gouvernement du Sénégal a tenté de transformer les systèmes de production par la mise en place des coopératives, par un programme d’accroissement de la production d’arachide, par la modification des comportements par voie législative. Cette politique n’a eu qu’une efficacité modérée, car la dégradation du niveau de vie des cultivateurs, due aux mauvais cours de l’arachide, les a incités à maintenir les pratiques antérieures. A partir de 1972 débutait une crise mondiale qui a peu à peu conduit la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International à accentuer leur contrôle sur les pays africains. Au Sénégal, elle se conjuguait à plusieurs sécheresses. De 1972 à 1982, l’Etat s’est rendu nécessaire à la survie des villageois. Il a pu modifier à la fois l’organisation politique des villages, en instaurant les «communautés rurales », et l’organisation interne des groupes domestiques, par l’aide alimentaire et le Code de la Famille. Les derniers bastions d’une résistance à l’Etat ont été ainsi emportés. Le système de production s’est transformé dans le même temps. Un autre tournant est pris depuis 1983. A cause de l’endettement des coopératives, les achats à crédit sur les récoltes à venir ont été supprimés. Depuis 1985, et sous la pression des organismes financiers internationaux, une nouvelle politique agricole est inaugurée : les achats d’équipement agricole et de produits se feront dorénavant au comptant et aux prix du marché. En 1986, les cultivateurs ont délaissé les engrais et les produits phytosanitaires. A Ngohé, ces mesures interviennent dans une période de baisse de la fertilité des sols à la suite de la disparition de la jachère. De curieux effets de ricochet se produisent entre des mesures telles qu’elle ont été voulues et des effets sur le plan local qui n’ont pas été maîtrisés. L’appauvrissement du système de culture, l’extension du système de production sont des faits indéniables.
LA REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE
Il faut noter qu’il existe une littérature abondante sur les migrations, ce qui à été d’un apport considérable pour la compréhension du phénomène et des enjeux qui lui sont liés. Toutefois les écrits portants sur notre zone d’étude ont été sommaires quant à l’analyse des mouvements migratoires. Cette revue de la littérature aborde le thème de la migration de diverses manières selon les auteurs. Dans notre zone d’étude les écrits sur la migration sont quasi inexistants. Les deux seules études à notre connaissance qui ont été consacrées, à notre zone d’étude sont : la thèse de doctorat d’Etat de Jean Marc Gastellu intitulé :
« L’égalitarisme économique des serer du Sénégal (1978) » et du mémoire de maitrise de Ibrahima Diouf intitulé : « Etude d’un sous-groupe ethnique : Les sérères ool de NgohéMbayard (2002-2003) » .Gastellu s’est intéressé seulement à la question foncière et à l’administration du village. Quant à Ibrahima son étude s’est limitée au cadre de Ngohé Centre c’est-à-dire aux dix quartiers qui composent le chef- lieu de la Communauté Rurale. Son étude était axée sur trois grands axes. Le premier est consacré au cadre général et méthodologique de la recherche, le deuxième est réservé à la présentation du village et dans la troisième rubrique, il a analysé et interprété des informations de données recueillies au niveau des populations .Toutes ces études ont été faites par des anthropologues et des sociologues. Pour la migration de manière générale, on a eu à lire un certains nombre d’ouvrages qui traitent la migration de façon générale. Selon PH. ANTOINE la migration a pour effet d’élargir l’espace de vie de l’individu, qui, néanmoins, garde souvent des contacts avec son village d’origine, ses premières relations de travail … Ce changement d’espace de vie n’exclut pas aussi qu’au cours de son existence, l’individu revienne séjourner à son lieu d’origine. C’est souvent le but de nombreux migrants qui partent à la recherche de revenus monétaires, afin de construire un logement, d’ouvrir un commerce, de créer une activité artisanale dans leur localité d’origine. L’insertion urbaine est un processus dynamique, mais qui n’aboutit pas toujours à une intégration durable ou définitive en ville. Le migrant peut percevoir son séjour urbain comme une étape transitoire, même si ce « transitoire » peut s’étendre sur une très longue période de sa vie. D’autres migrants envisagent leur avenir dans la ville d’accueil. Les conséquences des migrations varient selon la nature de l’économie locale, les opportunités urbaines, et les dynamiques sociales en œuvre. Cette analyse nous a permis de bien comprendre les déterminants des migrations internes mais aussi les modalités d’insertion des migrants dans l’espace urbain d’une manière générale. Cette étude relate aussi les relations des migrants avec leurs lieux d’origine à travers les transferts de fonds qu’ils effectuent.
Mboup B (2006) dans sa thèse a fait une étude géographique du vieux bassin arachidier en mettant en exergue les potentialités de cette zone. Il a mis l’accent sur l’organisation de la société et du système de production dans le vieux bassin arachidier. Il a montré l’importance de la migration interne et internationale dans cette zone. Enfin il a parlé du rôle moteur que constitue la ville de Kebemer vis-à-vis de son arrière pays.
Le PNUE (2011) évoque la migration, par ces mots : « chaque saison, d’au moins un tiers de la main- d’œuvre rurale de la région deltaïque du Mali vers les villes, à la recherche d’un emploi ; au même moment, les jeunes hommes de la communauté de pêcheurs Diola (Nigeria), se déplacent pendant des mois, voire des années vers Dakar (Sénégal), et ce, depuis 1950, à la recherche de meilleures prises, de prix plus rémunérateurs et d’opportunités d’emploi saisonnières. Ils espèrent ainsi générer suffisamment d’économies qui leur permettront de complémenter les revenus tirés de leurs activités traditionnelles ». Ce rapport évoque les migrations saisonnières entre les pays du sahel en mettant en exergue les conditions climatiques qui ont conduit à la dégradation progressive de l’environnement.
Condé et Diagne (1986) qui abondent dans le même sens et qui, après avoir rappelé la longue tradition migratoire dans la région du Fleuve Sénégal, ont montré que la migration dans cette zone trouvait son explication, en grande partie, dans les facteurs environnementaux. Pour ces auteurs, ce sont la raréfaction de l’eau et le déficit alimentaire qui étaient les causes principales de la migration. Ces études se focalisent surtout sur l’environnement alors que notre étude est centrée sur les déterminants répulsifs qui jusque là n’ont pas connu à notre connaissance une étude approfondie au niveau de la zone de Diourbel. Les modalités de l’insertion urbaine sont aussi absentes au niveau de ces écrits.
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Table des matières
INTRODUCTION
CADRE DE REFERENCE
1-PROBLEMATIQUE
2-REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE
3-CADRE CONCEPTUEL
4- CADRE THEORIQUE
LE CADRE OPERATOIRE
1-QUESTIONS DE RECHERCHE
2-OBJECTIFS DE RECHERCHE
3-HYPOTHESES DE RECHERCHE
METHODOLOGIE DE RECHERCHE
1-LA COLLECTE DOCUMENTAIRE
2-DIFFICULTES RENCONTREES
3-TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNEES
PREMIERE PARTIE : CADRE DE L’ETUDE
PRESENTATION DE LA COMMUNAUTE RURALE DE NGOHE
1-LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES ET HUMAINES
2-ANALYSE DES SECTEURS D’ACTIVITES ECONOMIQUES
3-L’ACCES AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE
DEUXIEME PARTIE : ETUDE DES FACTEURS REPULSIFS
1-LES CONTRAINTES DU MILIEU
2-LES POLITIQUES DE L’ETAT ADMISES DANS LE MONDE RURAL
3-LES FACTEURS DEMOGRAPHIQUES
TROISIEME PARTIE : LES MODALITES D’INSERTION EN MILIEU URBAIN ET LES INVESTISSEMENTS DES MIGRANTS
1- LES MODALITES D’INSERTION URBAINE
2-LES INVESTISSEMENTS DES MIGRANTS
CONCLUSION GENERALE