La malnutrition infantile continue d’être une préoccupation planétaire ; notamment en Afrique subsaharienne. Elle survient généralement après le 6ème mois de vie ; âge à partir duquel l’enfant passe de l’allaitement maternel exclusif à une alimentation de complément. Ses conséquences en termes de morbidité et de mortalité en font un problème majeur de santé publique.
En 2008, l’UNICEF a rapporté que la malnutrition représentait au moins 30% de la mortalité infantile à travers le monde et ; chaque minute environ dix enfants malnutris mouraient, soit près de cinq millions de décès par an d’enfants malnutris [38]. La même année, Black rapportait que plus de 3,5 millions de mères et d’enfants âgés de moins de 5 ans meurent chaque année dans les pays pauvres pour cause sous jacente de malnutrition et ; des millions d’enfants sont handicapés à vie en raison des effets physiques et mentaux d’un apport nutritionnel pauvre durant les premiers mois de la vie [5]. A long terme, elle est responsable de retard de développement physique et cognitif, de limitation de la capacité intellectuelle à l’âge scolaire, de réduction de la productivité économique et de la performance reproductive ainsi que de problèmes métaboliques et cardiovasculaires à l’âge adulte..
La Côte d’Ivoire, à l’instar des pays de l’Afrique sub-saharienne, est confrontée au problème de malnutrition infantile en raison de la détérioration des conditions de vie des ménages et leur capacité à faire face à une alimentation suffisante et équilibrée. La pauvreté et l’analphabétisme des populations auxquels s’ajoute la détérioration du système sanitaire augmentent la vulnérabilité des populations aux maladies et l’aggravation des problèmes de malnutrition, notamment chez les enfants de moins de 5 ans. En 2009, l’UNICEF a rapporté une prévalence de 16% d’insuffisance pondérale globale, de 8% d’émaciation globale et de 40% de retard de croissance globale. La même année, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans (TMM5) a été estimé à 119‰, classant le pays à la 21ème place..
Plusieurs facteurs susceptibles d’influencer l’état nutritionnel du nourrisson et du jeune enfant ont été mis en évidence par des études antérieures. Selon le MICS 2006 :
– 58% des nouveau-nés ont été mis au sein durant le premier jour d’existence mais seulement 25% l’ont été durant la première heure suivant la naissance,
– 4% des enfants de moins de six mois ont été exclusivement allaités,
– 40% des enfants de 6 à 11 mois étaient allaités et recevaient en moyenne quatre repas de compléments tel que recommandé par l’OMS ; et 23% était correctement nourris,
– 37% des enfants de 20 à 23 mois étaient encore nourris au sein.
En outre, une évaluation nationale de la promotion de l’allaitement maternelle réalisée en 2008 a montré que 75% des mères ont introduit d’autres liquides, principalement l’eau, dès le premier mois de naissance, dans l’alimentation de leur enfant ; et parmi elles, 37% l’ont fait dès la naissance [30]. La région du Zanzan de la Côte d’Ivoire, avec une prévalence de 10,5% [7,4-14,6 95%IC] de malnutrition aiguë chez les enfant de 6 à 59 mois selon l’enquête SMART 2010, est la plus affectée par la malnutrition aiguë du pays. En termes de santé publique, cette région est dans une situation nutritionnelle « grave » chez les enfants car dépasse le seuil d’urgence de 10% selon les standards de l’OMS de 2006. De même, 36,9% [32-42,7 95%IC] des enfants de 6 à 59 mois souffrait de malnutrition chronique et 26,6% [21,5-32,2 95%IC] d’insuffisance pondérale [29].
C’est dans ce contexte que l’ONG Helen Keller International a conduit dans quatre districts de la région du Zanzan un projet d’urgence de renforcement de la prise en charge de la malnutrition aigüe sur la période de juillet à décembre 2011. Les interventions ont consisté à renforcer les capacités des structures sanitaires en vue de dépister et prendre en charge tous les enfants de 6 à 59 mois et les femmes enceintes et allaitantes malnutris. Dans le district sanitaire de Nassian, le projet a permis de dépister et prendre en charge 878 enfants malnutris aigus, soit une prévalence de 15,37%.
ETAT DES CONNAISSANCES
La malnutrition
Définition
La malnutrition se traduit par un déséquilibre entre les apports en éléments nutritifs et les besoins de l’organisme. Quand ces apports sont insuffisants, l’organisme s’affaiblit. La graisse disparaît en premier, puis les muscles fondent peu à peu. La malnutrition peut aussi être le résultat d’un excès d’un ou plusieurs nutriments essentiels, pendant une période prolongée. Le terme « malnutrition » englobe à la fois la dénutrition et la surnutrition. La dénutrition est due à une ration alimentaire continuellement insuffisante par rapport aux besoins énergétiques, à une malabsorption et/ou une utilisation biologique insuffisante des nutriments consommés. Elle se traduit habituellement par une perte de poids corporel. Alors que la surnutrition est un état chronique d’absorption d’aliments en quantité excessive par rapport aux besoins énergétiques, et engendre une surcharge pondérale et/ou l’obésité.
Les différentes formes
L’UNICEF définit la malnutrition en sous deux grandes formes de malnutrition : la malnutrition aiguë et la malnutrition chronique.
La malnutrition aiguë
La malnutrition aiguë se définit par une maigreur. Elle se développe rapidement, en lien avec une situation ponctuelle de manque ou de manques répétés (période de soudure, épidémie sévère, changement soudain ou répété dans le régime alimentaire, conflit…). Il existe deux types de malnutrition aiguë : la malnutrition aiguë modérée et aiguë sévère.
La malnutrition chronique ou retard de croissance
La malnutrition chronique se développe lentement, en lien avec une situation de pauvreté structurelle, notamment quand l’alimentation n’est pas équilibrée (exemple : ne manger que des céréales, sans autres aliments, peut provoquer un état de malnutrition chronique). Il en existe également deux types : la malnutrition chronique modérée et sévère.
L’insuffisance pondérale
Elle regroupe les enfants dont l’indice poids par rapport à l’âge est inférieur à moins deux (-2) z-score par rapport à la population de référence. C’est un indice reflétant soit la malnutrition aiguë ou chronique, soit une combinaison des deux. Il ne permet pas de distinguer les déficiences alimentaires de longue durée de celles qui sont récentes. Toute fois, il est utilisé dans de nombreux pays comme un indice général de l’état de santé de la population. L’insuffisance pondérale globale est l’ensemble des cas classés sévères (WAZ < -3 z-score) et ceux classés modérés (WAZ entre -3 et -2 z-score).
Les normes de référence
La référence du National Center for Health Statistics (NCHS) de 1977
Recommandée par l’OMS depuis la fin des années 1970, elle a été construite à partir d’un échantillon d’enfants américains de moins de cinq en bonne santé nourris artificiellement. En 1993, l’OMS a décidé de faire un audit de l’utilisation et de l’interprétation de ces références anthropométriques. Cette évaluation a permis de constater que l’utilisation de cette référence pour la petite enfance tendait à surestimer l’incidence du retard de croissance. Aussi, la formulation de nouvelles courbes de croissance a-t-elle été préconisée. Cette référence utilise le pourcentage de la médiane pour déterminer l’état nutritionnel des enfants..
Les normes de référence de l’OMS de 2006
Pour donner suite à la recommandation de l’étude approuvée par l’Assemblée mondiale de la santé en 1994, l’OMS a commandité une étude multicentrique sur les valeurs de référence pour la croissance (EMRC) entre 1997 et 2003 afin d’établir de nouvelles normes de croissance et de développement des enfants. Ce travail a aboutit à la définition de nouvelles normes de référence validées par l’OMS en 2006. Elles peuvent être utilisées pour évaluer les enfants partout dans le monde, quels que soient l’ethnie, la situation socio-économique et le type d’alimentation. Cette norme de référence utilise le Z-score pour déterminer l’état nutritionnel des enfants. La Côte d’Ivoire a adoptée ces normes en 2008..
Travaux antérieurs sur les déterminants de la malnutrition
Des études réalisées sur l’état nutritionnel des enfants à travers le monde ont, à partir de régression logistique, mis en évidence des facteurs liés à la mère, à l’enfant, aux pratiques nutritionnelles et à l’environnement socio-économique qui sont significativement liés à la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans. En 2005, une étude en Equateur a montré que le niveau d’éducation de la mère, les conditions de vie de base de la famille, l’accès aux services de santé, l’ethnicité, les grossesses rapprochées, l’âge de la mère et la composition des repas étaient associés à un retard de croissance [13]. En 2010, une étude conduite à Jhangara Town, Dadu Sindh au Pakistan [37] a montré que les facteurs de risque significatifs du retard de croissance étaient (i) l’ethnicité (OR=2,1 95%IC 1,27-3,57) : les enfants d’ethnie Baluchi étaient 2,1 fois plus susceptibles d’être malnutris chroniques comparativement à ceux d’ethnie Sindhi ; puis (ii) l’intervalle intergénésique inférieur à deux ans (OR =1,5 95%IC 1,09-1,99) : les mères qui avaient précédemment un intervalle intergénésique inférieur à 24 mois étaient 1,5 fois plus susceptibles d’avoir leur enfant présenté un retard de croissance comparés à celles qui avaient un intervalle intergénésique de 24 mois et plus. En 2011, un article publié au Bengladesh a rapporté que l’âge de l’enfant, l’intervalle intergénésique, l’éducation des mères, l’état nutritionnel des mères, l’état de santé du ménage, le type d’alimentation de l’enfant, la fièvre, les infections respiratoires aiguës et la diarrhée étaient des facteurs de risques significatifs de la malnutrition aiguë..
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Table des matières
INTRODUCTION
I. ETAT DES CONNAISSANCES
1.1. La malnutrition
1.1.1. Définition
1.1.2. Les différentes formes
1.1.3. Les normes de référence
1.1.4. Signification de la prévalence de la malnutrition
1.2. Travaux antérieurs sur les déterminants de la malnutrition
II. JUSTIFICATION DE L’ÉTUDE
III. CADRE CONCEPTUEL
IV. QUESTIONS DE RECHERCHE
V. BUT ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
5.1. But de l’étude
5.2. Objectif général
5.3. Objectifs spécifiques
VI. CADRE DE L’ETUDE
6.1. La Côte d’Ivoire
6.2. Le district sanitaire de Nassian
6.2.1. Données géographiques
6.2.2. Les groupes ethniques
6.2.3. Les cultures et habitudes alimentaires des populations
6.2.4. Situation socio-sanitaire
VII. METHODE
7.1. Type d’étude
7.2. Population de l’étude
7.3. Echantillonnage
7.3.1. Critères d’inclusion
7.3.2. Critère de non inclusion
7.3.3. Procédures d’échantillonnage
7.3.4. Taille de l’échantillon
7.4. Instruments et méthodes de collecte de données
7.5. Durée de l’enquête
7.6. Recrutement et formation des équipes
7.7. Définition des variables collectées
7.8. Traitement des données
7.9. Analyse des données et présentation des résultats
7.10. Considérations éthiques
VIII. RÉSULTATS DE L’ETUDE
8.1. Description de l’échantillon
8.2. Prévalence de la malnutrition
8.2.1. Malnutrition aiguë
8.2.2. Malnutrition chronique ou Retard de croissance
8.2.3. Insuffisance pondérale
8.3. Analyse des déterminants de la malnutrition
8.3.1. Analyse bivariée
8.3.1.1. La malnutrition aiguë
8.3.1.2. Malnutrition chronique ou retard de croissance
8.3.1.3. L’insuffisance pondérale
8.3.2. Analyse multivariée
8.3.2.1. Malnutrition aigüe
8.3.2.2. Malnutrition chronique ou Retard de croissance
8.3.2.3. Insuffisance pondérale
IX. DISCUSSION
9.1. De la validité de l’étude
9.2. La prévalence de la malnutrition
9.3. Les facteurs de risque de la malnutrition
9.3.1. De l’association entre la malnutrition et l’appartenance ethnique
9.3.2. De l’association entre la malnutrition et les caractéristiques de l’enfant
9.3.3. De l’association entre la malnutrition aigüe et le niveau d’instruction de la mère
9.3.4. De l’association entre la malnutrition et l’accessibilité aux services sociaux
X. RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES