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Aspects humains de la Haute Guinée
Arrivée et installation des populations actuelles de la Haute Guinée
C’est entre les 12ème et 17ème siècles que la Haute Guinée fut peuplée par vagues successives de populations issues du Manding. Ces populations ont succédé à des peuples plus anciens dont les vestiges sont actuellement étudiés par les archéologues (Wondji, 1999 ; Gokee et al., 2013). Les guerres entre les anciens royaumes Bambara, Songhay, Sosso et Manding ont entraîné des migrations pour la conquête de nouveaux espaces de chasse, de cueillette, de cultures et pour le contrôle des mines d’or. En effet, selon la tradition, les premiers occupants de la Haute Guinée furent les korogba à caractère pygmoïde (petite taille, mode de vie primitif). Les bambara ont succédé et furent remplacés par les djallonka, suite au déclin du royaume de Soumaoro Kanté en 1235. Ceux-ci continuèrent leur migration au sud et à l’ouest, fondant les provinces de Balèya (Kouroussa), de Solima et Firia (Faranah), de Toumanya et Tamba (Dinguiraye). Les foulbés musulmans ont ensuite colonisés la Haute Guinée. Les peulhs de Wassoulou, à la recherche des pâturages vinrent s’installer à l’Est de la région dans l’actuelle préfecture de Mandiana. Les tribus malinkés, dont l’arrivée est plus tardive, vont occuper les provinces de Bidika, Bouré, Hamana, Bassondo, Batè, Sabadou, Woulada, Sankaran, Kouranko, Törön, etc.
Selon Wondji (1999), les principaux acteurs de ces mouvements étaient des guerriers et d’autres membres de la société Manding, tels que des commerçants et des chasseurs. Ces mouvements concernaient également des fermiers souhaitant tirer profit du commerce avec l’Occident, principalement à partir des côtes atlantiques, ou désireux de trouver des régions où se fixer. Les artisans et les esclaves prirent eux aussi activement part à ces mouvements qui se sont également traduits par des échanges multiples entre les divers groupes ethniques et linguistiques, créant de nouveaux brassages. Comme l’ont souligné Gokee et al., (2013), les groupes sociaux qui habitent la Haute Guinée sont arrivés soit à la suite d’une guerre, soit par nécessité économique. La langue et les coutumes Maninka ont finalement été adoptées par la majorité des communautés installées dans cette zone périforestière de la frange nord de la forêt ombrophile guinéenne où elles constituent un peuple assez homogène.
La migration récente de ce peuple a, pour principale motivation, des raisons économiques. La région a été une zone de départ, fournissant aux pays côtiers (Côte d’Ivoire, Liberia) un important contingent de migrants saisonniers allant travailler dans les grandes villes ou dans les plantations de caféiers ou de cacaoyers, mais c’est aussi une région d’accueil, attirant par ses zones minières de nombreuses autres communautés guinéennes (Diallo, 2011).
Organisation traditionnelle des villages
Le village malinké (Dougou) regroupe plusieurs concessions (Lou) habité par une famille définie, caractérisé par un habitat très concentré. Il est dirigé par un chef de village (Sotikèmo), une fonction qui se transmet au sein d’une même famille (Diallo, 2011). Le conseil des sages tient le rôle principal de décision au sein des villages. La direction de ce conseil est tenue par le doyen. Dans de nombreux cas, il s’agit du « doyen d’âge » de la famille des fondateurs ou des détenteurs du pouvoir traditionnel. Les membres du conseil sont composés par des doyens de toutes les grandes familles ou clans (Kabila). Les imams sont aussi membres du conseil des villages, conséquence politique de l’islamisation conquérante. Les étrangers sont souvent rattachés au clan de leurs premiers hôtes dans le village (Beavogui, 2004). Cette organisation sociale des villages peut avoir des répercussions sur la gestion d’une forêt sacrée, selon le droit foncier ou le conflit d’intérêt opposant les membres d’un ou des clans. Ces sociétés sont en pleine mutation, bien que les organisations traditionnelles soient encore solides. L’une des conséquences de ces mutations est le délaissement des pratiques rituelles et la profanation des forêts sacrées suivie du pillage des ressources forestières. C’est l’une des conséquences d’ordre culturel des grandes religions monothéistes expansionnistes chez les Malinkés.
Croyances religieuses du peuple Malinké
Sur le plan religieux, le peuple Malinké, dont l’islamisation a débuté au 18ème siècle, est essentiellement constitué de musulmans (plus de 95 % ; Beavogui, 2004). Cette réalité, même si elle a profondément influencé les croyances ancestrales, n’a pas poussé ces peuples à un abandon total des lieux sacrés (forêts, marigots ou mares sacrées). Les mares font particulièrement l’objet de grandes cérémonies festives chaque année, dénommées « fêtes des mares ». L’existence des sites sacrés dans la région témoigne des représentations divines que ce peuple se fait de certains éléments de leur environnement. Des sociétés secrètes (féticheurs, chasseurs, etc), bien que restreintes, conservent encore quelques pratiques animistes ou ancestrales.
Activités socio-économiques et pressions sur les écosystèmes naturels
A la suite de l’annexion pacifique par les Malinkés des terres situées au nord de la zone de forêt dense, les défrichements agricoles extensifs font reculer annuellement les limites de la végétation arborescente (Adam, 1948). Selon cet auteur, même s’il est difficile d’évaluer, sans données historiques précises, la superficie moyenne du recul annuel, celui-ci est avéré depuis l’extension vers le sud des Malinkés islamisés au détriment des peuples forestiers fétichistes. Les défrichements ont provoqué dans ces zones soudanaises, soudano-guinéennes et guinéennes, la disparition des forêts sèches naturelles, uniformisant la végétation sous l’aspect de savanes boisées plus ou moins claires suivant la densité de la population. Cette végétation est dominée par les composantes les mieux adaptées aux feux. Ce n’est que vers le sud, dans la zone préforestière sur éboulis, sur les bords des ravins ou dans les falaises, qu’il subsiste encore quelques reliques de forêts denses (Adam, 1948).
Aujourd’hui, la région de la Haute Guinée compte 2 914 091 habitants (soit 28 % de la population nationale avec un taux d’accroissement annuel de 3 %). Cette population essentiellement agricole (Dioubaté, 2002) est toujours dépendante des ressources naturelles locales. Parallèlement à l’agriculture, elles pratiquent l’élevage, la chasse, la pêche, la cueillette, l’exploitation du bois, l’orpaillage et l’artisanat pour satisfaire leurs besoins. Aucune de ces activités n’est suffisamment contrôlée pour atténuer leurs effets sur les écosystèmes naturels. Barry et al. (1999) admettent que le manque d’alternative économique explique la persistance des menaces sur les écosystèmes de cette région. Les aires protégées de l’Etat dans la région (forêts classées, réserves, parcs nationaux) comme partout dans le pays, sont soumises à des fortes pressions anthropiques (Diallo, 2011). Dans le cadre de cette étude, trois villages à savoir, Diankana, Tintioulenkoro et Dossori sont retenus dans les zones fortement anthropisées des environs de Kankan. Selon le recensement général de la population et de l’habitation de 2014 (RGPH, 2014), les populations de ces villages comptent 3200 habitants pour Diankana ; 809 habitants pour Tintioulenkoro et 187 habitants Dossori. Les quatre forêts sacrées qui font l’objet de la présente étude dont deux dans le village de Tintioulenkoro, sont des rares îlots forestiers naturels de la zone subsistant dans les environnements fortement anthropisés (Figure 8). Des études scientifiques comme celles-ci visent à faire un état des lieux profond des aspects tant socioéconomiques qu’écologiques en vue de garantir et d’améliorer la conservation de ces écosystèmes.
Forêt sacrée ‘’Kolonbatou’’ du village de Tintioulenkoro
Le village de Tintioulenkörö, situé à 26 km au Sud de Kankan, est l’un des plus anciens villages de la préfecture de Tintioulen. Les habitants sont essentiellement des descendants de deux ancêtres (un chasseur et un forgeron). La forêt « Kölönbatou », située tout près du village, est une forêt galerie couvrant la source d’un marigot. Le site a été découvert et sacralisé par l’ancêtre fondateur du village en provenance de l’ex-empire manding. C’est la forêt sacrée des génies ou des esprits protecteurs du village. Certains habitants la consultent par syncrétisme religieux en compagnie des coutumiers chargés des rituels dans cette forêt pour divers besoins (protection contre le mauvais sort, traitement de la stérilité féminine, justice en cas d’accusation, forte productivité des champs de cultures, etc.).
Forêt sacrée ‘’Komagbèntou’’ du village de Tintioulenkoro
La forêt Komagbèntou est un ancien lieu d’initiations organisées par les sociétés secrètes d’autrefois, appelées « Koma-ti » ou porteurs de masque sacré, dénommé « Koma » d’où le nom de la forêt sacrée « Komagbèntou », située tout près du village et de la forêt « Kolonbatou ». Ces rites à caractère animiste ne sont plus pratiqués dans le village en raison de l’islamisation des populations. La forêt ne joue donc plus ses fonctions culturelles, même si elle est encore respectée.
Forêt sacrée ‘’Toukouna’’ du village de Dossori
Le village de Dossori est situé à 5 km au sud-ouest de Kankan. Il a été créé en lieu et place du refuge des hommes venus de la rive droite de la rivière Milo, fuyant la troupe de Samory Touré, empereur de Wassouloun entre 1860 et 1898. A cause de la plaine rizicole de la place, ces hommes ont fini par s’installer en nommant le village
« Donsoro » qui signifie « endroit où se cacher ». La forêt sacrée « Toukouna » est un cimetière, situé à proximité du village. Selon les habitants, c’est l’endroit où se trouvent les tombes des ancêtres fondateurs du village. Le site continu à servir de cimetière pour les habitants. C’est dans ce cimetière où les personnalités importantes du village sont enterrées. Les bois sont coupés dans la forêt et utilisés pour y couvrir les tombes. La végétation actuelle est une forêt dense sèche. Dans le souci de limiter la coupe de bois et le nombre de tombes dans cette forêt, un autre cimetière pour tous est créé au côté opposé du village.
Typologie des forêts sacrées étudiées
Les forêts sacrées ont plusieurs statuts. Ce qui rend difficile l’adoption d’un seul critère pour établir leur classification. Plusieurs axes ont été donc adoptés pour mieux les catégoriser.
a) Selon la légende qui marque leurs origines, ces forêts peuvent être classées en deux principales catégories :
– Forêt sacrée préexistante : C’est une forêt découverte par les premiers occupants des villages situés à proximité (cas des forêts sacrées du village de Tintioulenkoro).
L’installation des villages a été conditionnée par l’existence de la forêt.
– Forêt sacrée créée : c’est une forêt qui s’est développé en faveur d’une mise en défens par les populations pour diverses raisons. Lorsqu’il s’agit par exemple de protéger une source d’eau ou un cimetière (cas de la forêt sacrée de Diankana et celle de Dossori).
b) Selon leur fonction socioculturelle, il est possible de classer ces forêts :
– Forêt des génies ou esprits : elle est considérée comme demeure des génies ou des esprits malfaisants ou bienfaisants. Elle est consultée pour les différents vœux
(cas des forêts sacrées de Diankana et de Tintioulenkoro) ;
– Forêt cimetière : il s’agit d’un cimetière où sont enterrées les personnalités importantes de la communauté à commencer par les fondateurs du village. L’intérieur de la forêt n’est jamais défriché (cas de la forêt Toukouna de Dossori).
c) Selon leur fonctionnalité, les forêts sacrées étudiées peuvent être classées en :
– Forêt sacrée active, qui joue actuellement une ou plusieurs fonctions socioculturelles (cas des forêts sacrées Toukouna de Dossori, Wrouwroutou de Diankana et Kolonbatou de Tintioulenkoro) ;
– Forêt sacrée inactive, qui ne joue plus ses fonctions culturelles (cas de la forêt sacrée Komagbèntou, deuxième forêt sacrée du village Tintioulenkoro).
d) Selon leur appartenance, les forêts sacrées étudiées sont des propriétés communautaires. Leur gestion est sous la responsabilité des chefs traditionnels et doyens de l’ensemble de la communauté villageoise.
Perceptions des populations sur l’importance des forêts sacrées
Pour tous villages confondus, les populations reconnaissent trois principales catégories de services rendus par les forêts sacrées, parmi lesquels les services environnementaux (les plus cités), la valeur religieuse et symbolique, et l’utilisation des ressources de ces forêts (Figure 10).
Figure 10. Importance ou rôle des forêts sacrées selon les perceptions des populations locales
Importance religieuse et symbolique
Les forêts sacrées sont des espaces qui jouent un rôle dans la vie spirituelle des populations. Ce rôle est le fondement de la sacralisation de la plupart de ces espaces. A Diankana et à Tintioulenkoro, les forêts sacrées continuent encore de recevoir les pratiques traditionnelles. Certains habitants (hommes et femmes) s’y rendent accompagnés par un chef coutumier, maître de cérémonie pour des rituels adressés aux génies/esprits des forêts pour des besoins divers (fécondité, richesse, chefferie, protection contre le mauvais sort, traitement d’une maladie de sorcellerie, etc.). Les forêts sacrées de ces villages remplissent encore cette ancienne fonction. Au-delà des services individuels, les populations pensent que les génies de ces forêts veillent sur la prospérité de leurs villages. La forêt sacrée de Dossori sert de cimetière pour le village aucun autre rituel n’est effectué à l’intérieur.
Services environnementaux et écologiques
Les habitants estiment que ces forêts protègent les habitations contre les vents violents et les feux de brousse. Elles fournissent de l’air frais aux villages et participent à la pluviométrie locale. Les forêts galeries des villages de Diankana et de Tintioulenkoro, protègent les sources de deux cours d’eau. Les population reconnaissent aussi que ces forêts servent de refuges pour nombreuses espèces animales et végétales rares ou absentes dans le reste du terroir.
3.3.3 Utilisations des ressources
Ces forêts renferment de nombreuses ressources naturelles (plantes, animaux, eau, etc.) auxquelles les habitants des villages riverains et leur bétail font souvent recours.
Connaissance et utilisation des ressources végétales
Les populations locales tirent l’essentiel de leurs besoins en produits végétaux de leur environnement. Les espaces boisés, y compris les forêts sacrées, sont des principales sources d’approvisionnement. Les ressources végétales les plus connues et utilisées sont les plantes médicinales et alimentaires (Figure 11). Les lianes et les écorces fibreuses de tiges pour le cordage, les espèces de bois utilisés pour confectionner les clôtures, les espèces de bois utilisées comme manches d’outils et les bois d’œuvre sont aussi rencontrées dans ces forêts. Enfin, les plantes magico-religieuses et le bois « énergie » complètent les prélèvements. Le tableau récapitulatif des plantes citées par les populations en fonction des catégories d’usages est disponible en Annexe 4.
Plantes médicinales
Les habitants des villages étudiés connaissent et utilisent de nombreuses espèces de plantes médicinales pour le traitement des maux ou maladies courantes (les maux de tête, les maux de ventre, le paludisme, les hémorroïdes, les diarrhées, la constipation, les vers intestinaux, les infections, la stérilité féminine, la faiblesse sexuelle, etc.). Les organes végétaux souvent utilisés sont les feuilles, les fruits (ou graines), les racines et l’écorce des tiges. Parmi ces plantes les plus citées figurent : Combretum micrantum, Cassia sieberiana, Leptaulus daphnoides, Paulinnia pinnata, Sarcocephalus pobeguinii, Sarcocephalus esculentus, Uapaca togoensis, Carapa procera, Zanthoxylum zanthoxyloides, Ximenia americana, etc. En fonction de leur disponibilité, les plantes à usage médical sont prélevées dans toutes les formations végétales, y compris les forêts sacrées. Ces plantes sont tant utilisées dans les villages (autoconsommation) que dans la ville de Kankan. Des organes de certaines espèces médicinales telles que Leptaulus daphnoides (tiges), Paulinnia pinnata (tiges), Sarcocephalus pobeguinii (écorces), Ximenia americana (racines), Cassia sieberiana (racines) et Combretum micrantum (feuilles) sont vendus sur les marchés de Kankan.
Plantes alimentaires
Les espèces fruitières sont les plus citées lors des enquêtes. Parmi ces dernières les plus connues sont : Detarium senegalense, Saba senegalensis, Landolphia heudelotii, Dialium guineense, Vitex doniana, Uvaria chamae, Parkia biglobosa, Deinbollia pinnata, Ximenia africana, etc. Les fruits sont souvent ramassés ou récoltés par les enfants et les femmes à but de consommation personnelle et parfois vendus sur les marchés de Kankan.
Bois utilisés pour la construction de clôtures
L’utilisation du bois pour la construction ou la réparation des clôtures est l’une des activités les plus consommatrices de bois en Haute Guinée. Les clôtures faites de petits bois sont très fréquentes et utilisent beaucoup plus de bois. Les espèces forestières souvent sollicités pour les haies vives, notamment les toilettes en bois sont Spondias mombin et Erythrina senegalensis. Pour les clôtures réalisées autour des champs, des plantations, des jardins potagers, etc., les espèces fréquemment utilisées sont collectées hors des forêts sacrées. Parmi elles les plus citées sont :
Pericopsis laxiflora, Pterocarpus erinaceus, Hymenocardia acida, Prosopis africana, Terminalia macroptera, etc.
Lianes et cordages
Pour les besoins de construction et de réparation des clôtures, des toitures des cases, les populations ont recours à plusieurs espèces de lianes et de cordages qu’elles prélèvent tant dans les formations végétales anthropisées que dans les forêts sacrées. Parmi ces espèces, les plus citées sont : Landolphia heudelotii, Saba senegalensis, Combretum racemosum, Paulinnia pinnata et Cissus aralioides, et les cordages de l’écorce de Cola cordifolia, Piliostigma thonningii, Hexalobus monopetalus.
Bois utilisés pour fabriquer les manches d’outils
Divers outils (houe, coupe-coupe, hache, mortiers, etc.) sont fabriqués à partir du bois de nombreuses espèces dont les plus connues et citées sont : Pterocarpus erinaceus, Daniellia oliveri, Quassia undulata, Pterocarpus santalinoides, Terminalia macroptera, Piliostigma thonningii. Ces espèces sont essentiellement prélevées dans les jachères, les savanes et les ripisylves non protégées en périphérie des villages.
Bois d’œuvre
Plusieurs composantes forestières et de savanes sont utilisées dans la zone comme bois d’œuvre. Elles produisent les planches, les madriers et entrent dans la fabrication d’une gamme importante de matériel (lit, table, chaise, table-banc, porte, toit de maisons, etc). Les plus fréquemment utilisées et citées sont : Afzelia africana, Milicia excelsa, Khaya senegalensis, Ceiba pentandra, Pterocarpus erinaceus et Erythrophleum suaveolens. Ces espèces sont bien présentes dans les forêts sacrées, mais leur abattage est strictement interdit. C’est l’un des interdits les plus respectés des forêts sacrées. L’abattage des gros arbres qui sont quasiment des bois d’œuvre et des bois censés abriter des génies d’une forêt sacrée est perçu par les populations comme la plus grande infraction qui provoque la colère des génies et la dégradation de la forêt. Les bois d’œuvre sont donc prélevés seulement hors des forêts sacrées.
Plantes magico-religieuses
Cette catégorie est constituée par les arbres considérés comme « abri des génies ou esprits » et certaines plantes utilisées dans les pratiques magiques (traitement ou protection contre les mauvais sorts ou esprits, chance de trouver les gibiers, etc). Les espèces les plus citées pour ces cas particuliers sont : Ochna schweinfurthiana, Ceiba pentandra, Sorindeia juglandifolia, Erythrophleum suaveolens, Carapa procera, Annona senegalensis et Dichrostachys cinerea. Leur usage concerne les parties telles que les feuilles, les racines, les écorces et, dans certains cas, des rituels sont organisés aux pieds de certains arbres (cas de Ceiba pentandra). Ces espèces sont souvent prélevées dans les forêts sacrées, malgré l’interdit. Les populations estiment que ce prélèvement ou cet usage n’est pas de nature très destructif.
En général, les malinkés considèrent que tous les gros arbres, quel que soit l’endroit où ils se trouvent (dans une forêt sacrée, bosquet non sacré, isolés dans la savane ou au bord d’un cours d’eau ou d’une mare), sont les abris des génies. Ces arbres apparaissent, de par leur persistance, un peu comme les ‘’pères’’ des peuples qui vivent auprès d’eux. Les plus cités parmi ces arbres sont : Ceiba pentandra, Adansonia digitata, Afzelia africana, Cola cordifolia, Milicia excelsa et Erythrophleum suaveolens. Ils sont souvent cités par les pratiquants des rites magiques : chasseurs et des responsables de la coutume.
Bois énergie
Le bois demeure la principale source d’énergie pour les besoins de chauffage des villages et villes de la région de Kankan. Il n’est pas exclu que les bois morts retrouvés au sol dans les forêts sacrées soient ramassés par les populations malgré les interdits. Mais l’essentiel des bois de feu, y compris le charbon de bois, est collecté dans les autres formations boisées proches des villages. Parmi les espèces les plus citées pour cet usage figurent : Pterocarpus erinaceus, Terminalia macroptera, Pericopsis laxiflora, Prosopis africana, Lophira lanceolata, Hymenocardia acida, Erythrophleum suaveolens, etc. L’histoire de Tintioulenkoro enseigne que les anciens forgerons de ce village pratiquaient la métallurgie et que Prosopis africana et Erythrophleum suaveolens sont les bois de feu utilisés de préférence à cette fin.
Connaissances et usages des animaux sauvages
Au total, 98 espèces animales (tous taxons confondus) sont rencontrées selon les informateurs dans les forêts sacrées de la zone. Ces espèces sont reparties entre les : oiseaux (42 espèces), mammifères (33 espèces), reptiles (15 espèces), amphibiens et invertébrés (4 espèces pour chaque taxon). Par taxon, les espèces les plus citées sont :
Oiseaux : wölö (perdrix), bibifin (tourterelle à collier), koronkönö, wéntérélén et kôoulen (oiseau gendarme) ;
Mammifères : koyina (aulacode, Thryonomys swinderianus), konan (gazelle), minan (guib harnaché), doumakrèn (écureuil fouisseur, Xerus erythropus), sammakrèn (écureuil grimpeur, Sciurus spp) ;
Reptiles : toudou (vipère, Bitis arietans), gbada, manian (serpent boa), fidalasa (mamba vert) ; Amphibiens : todigböfödö (crapaud), todikouna (rainette), todiséndjan (grenouille) ;
Invertébrés : escargots, vers de terre, termites, abeilles.
Pour ce qui est de l’usage des animaux cités, l’utilisation alimentaire est la plus importante, soit 77 espèces (Figure 12), composées essentiellement de mammifères et d’oiseaux dont les plus citées sont : wölö (perdrix), koyina (aulacode), toroi (rat), konan (guib harnaché) et minan (gazelle). L’utilisation en médicine traditionnelle concerne 19 espèces parmi lesquelles : soulaoulen (singe rouge), wölö (perdrix), toudou (vipère), toroi (rat), djourni (hérisson), sanèn (lapin) et kérékétè (escargot).
La présence d’autres espèces animales (au nombre de 17) est signalée dans les forêts sacrées mais aucune indication n’a été indiquée pour leur usage. La liste générale des animaux recensés est disponible en Annexe 5.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : CADRES CONCEPTUEL ET GEOGRAPHIQUE DE L’ETUDE
I.1 DEFINITIONS DE QUELQUES NOTIONS
1.1 Forêt sacrée (historique, définitions et rôles)
1.2 Sacralisation d’un lieu
1.3 Statut des forêts sacrées dans la législation guinéenne
1.4 Gestion durable des forêts
1.5 Diversité biologique ou biodiversité
1.6 Anthropisation
1.7 Conservation de la biodiversité
I. 2 PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE
2.1 Présentation de la Guinée
2.2 Présentation de la Haute Guinée
CHAPITRE II. ETUDE DU CONTEXTE SOCIOCULTUREL DES FORETS SACREES FAVORABLE A LA CONSERVATION
II.1 INTRODUCTION
II.2 METHODES DE COLLECTE ET D’ANALYSE DES DONNEES
II.3 RESULTATS
3.1 Historique de la mise en place des forêts sacrées étudiées
3.2 Typologie des forêts sacrées étudiées
3.3 Perceptions des populations sur l’importance des forêts sacrées
3.4 Modes de gestion en cours : savoirs, pratiques et règlementation locaux
II.4 DISCUSSION
4.1 Origine socioculturelle et importances des forêts sacrées
4.2 Gestion locale des forêts sacrées
II.5 CONCLUSION
CHAPITRE III. ANALYSE DES MENACES ET PRESSIONS ANTHROPIQUES SUR
LES FORETS SACREES
III.1 INTRODUCTION
III.2 METHODES DE COLLECTE ET D’ANALYSE DES DONNEES
III.3 RESULTATS
3.1 Perceptions de la population locale sur les contraintes de gestion
3.2 Activités socio-économiques et leur incidence sur les forêts sacrées
3.3 Perceptions des populations sur les mesures de gestion future
III.4 DISCUSSION
III.5 CONCLUSION
CHAPITRE IV. ETUDE DES FACTEURS DE DISTRIBUTION SPATIALE DES GROUPEMENTS VEGETAUX DANS LE PAYSAGE DES FORETS SACREES
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 METHODES DE COLLECTE ET D’ANALYSE DES DONNEES
2.1 Relevés écologiques
2.2 Relevés floristiques
2.3 Méthodes d’analyse des données
IV.3 RESULTATS
3.1 Groupements végétaux
3.2 Facteurs écologiques majeurs de distribution des groupements
3.3 Analyse du spectre biologique des groupements végétaux
3.4 Analyse du spectre phytogéographique des groupements végétaux
IV.4 DISCUSSION
4.1 Groupements végétaux des forêts galeries
4.2 Groupements végétaux des forêts sur terre ferme
4.3 Groupements des végétations environnantes des forêts sacrées
4.4 Spectres biologique et phytogéographique des groupements
IV.5 CONCLUSION
CHAPITRE V. CARACTERISTIQUES STRUCTURALES ET DIVERSITE FLORISTIQUE DES SITES ETUDIES
V.1 INTRODUCTION
V.2 METHODE DE COLLECTE ET D’ANALYSE DES DONNEES
V.3 RESULTATS
3.1 Caractéristiques structurales des peuplements
3.2 Caractéristiques floristiques des sites étudiés
3.3 Contribution des forêts sacrées à la conservation de la biodiversité
V.4 DISCUSSION
4.1 Caractéristiques structurales
4.2 Caractéristiques floristiques
4.3 Rôle conservateur des forêts sacrées
V.5 CONCLUSION
CHAPITRE VI. SYNTHESE ET DISCUSSION GENERALE
VI.1 PERCEPTIONS LOCALES SUR LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES
VI.2 CONTRAINTES DE LA GESTION TRADITIONNELLE DES RESSOURCES FORESTIERES
VI.3 CARACTERISTIQUES ECOLOGIQUES DES SITES SACRES
VI.4 CARACTERISTIQUES STRUCTURALES DES PEUPLEMENTS ETUDIES
VI.5 QUAND LES FORETS SACREES CONTRIBUENT A LA CONSERVATION
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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