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Aspects humains de la Haute Guinรฉe
Arrivรฉe et installation des populations actuelles de la Haute Guinรฉe
Cโest entre les 12รจme et 17รจme siรจcles que la Haute Guinรฉe fut peuplรฉe par vagues successives de populations issues du Manding. Ces populations ont succรฉdรฉ ร des peuples plus anciens dont les vestiges sont actuellement รฉtudiรฉs par les archรฉologues (Wondji, 1999 ; Gokee et al., 2013). Les guerres entre les anciens royaumes Bambara, Songhay, Sosso et Manding ont entraรฎnรฉ des migrations pour la conquรชte de nouveaux espaces de chasse, de cueillette, de cultures et pour le contrรดle des mines d’or. En effet, selon la tradition, les premiers occupants de la Haute Guinรฉe furent les korogba ร caractรจre pygmoรฏde (petite taille, mode de vie primitif). Les bambara ont succรฉdรฉ et furent remplacรฉs par les djallonka, suite au dรฉclin du royaume de Soumaoro Kantรฉ en 1235. Ceux-ci continuรจrent leur migration au sud et ร lโouest, fondant les provinces de Balรจya (Kouroussa), de Solima et Firia (Faranah), de Toumanya et Tamba (Dinguiraye). Les foulbรฉs musulmans ont ensuite colonisรฉs la Haute Guinรฉe. Les peulhs de Wassoulou, ร la recherche des pรขturages vinrent sโinstaller ร lโEst de la rรฉgion dans lโactuelle prรฉfecture de Mandiana. Les tribus malinkรฉs, dont lโarrivรฉe est plus tardive, vont occuper les provinces de Bidika, Bourรฉ, Hamana, Bassondo, Batรจ, Sabadou, Woulada, Sankaran, Kouranko, Tรถrรถn, etc.
Selon Wondji (1999), les principaux acteurs de ces mouvements รฉtaient des guerriers et dโautres membres de la sociรฉtรฉ Manding, tels que des commerรงants et des chasseurs. Ces mouvements concernaient รฉgalement des fermiers souhaitant tirer profit du commerce avec lโOccident, principalement ร partir des cรดtes atlantiques, ou dรฉsireux de trouver des rรฉgions oรน se fixer. Les artisans et les esclaves prirent eux aussi activement part ร ces mouvements qui se sont รฉgalement traduits par des รฉchanges multiples entre les divers groupes ethniques et linguistiques, crรฉant de nouveaux brassages. Comme lโont soulignรฉ Gokee et al., (2013), les groupes sociaux qui habitent la Haute Guinรฉe sont arrivรฉs soit ร la suite dโune guerre, soit par nรฉcessitรฉ รฉconomique. La langue et les coutumes Maninka ont finalement รฉtรฉ adoptรฉes par la majoritรฉ des communautรฉs installรฉes dans cette zone pรฉriforestiรจre de la frange nord de la forรชt ombrophile guinรฉenne oรน elles constituent un peuple assez homogรจne.
La migration rรฉcente de ce peuple a, pour principale motivation, des raisons รฉconomiques. La rรฉgion a รฉtรฉ une zone de dรฉpart, fournissant aux pays cรดtiers (Cรดte dโIvoire, Liberia) un important contingent de migrants saisonniers allant travailler dans les grandes villes ou dans les plantations de cafรฉiers ou de cacaoyers, mais cโest aussi une rรฉgion dโaccueil, attirant par ses zones miniรจres de nombreuses autres communautรฉs guinรฉennes (Diallo, 2011).
Organisation traditionnelle des villages
Le village malinkรฉ (Dougou) regroupe plusieurs concessions (Lou) habitรฉ par une famille dรฉfinie, caractรฉrisรฉ par un habitat trรจs concentrรฉ. Il est dirigรฉ par un chef de village (Sotikรจmo), une fonction qui se transmet au sein dโune mรชme famille (Diallo, 2011). Le conseil des sages tient le rรดle principal de dรฉcision au sein des villages. La direction de ce conseil est tenue par le doyen. Dans de nombreux cas, il s’agit du ยซ doyen d’รขge ยป de la famille des fondateurs ou des dรฉtenteurs du pouvoir traditionnel. Les membres du conseil sont composรฉs par des doyens de toutes les grandes familles ou clans (Kabila). Les imams sont aussi membres du conseil des villages, consรฉquence politique de lโislamisation conquรฉrante. Les รฉtrangers sont souvent rattachรฉs au clan de leurs premiers hรดtes dans le village (Beavogui, 2004). Cette organisation sociale des villages peut avoir des rรฉpercussions sur la gestion dโune forรชt sacrรฉe, selon le droit foncier ou le conflit dโintรฉrรชt opposant les membres dโun ou des clans. Ces sociรฉtรฉs sont en pleine mutation, bien que les organisations traditionnelles soient encore solides. Lโune des consรฉquences de ces mutations est le dรฉlaissement des pratiques rituelles et la profanation des forรชts sacrรฉes suivie du pillage des ressources forestiรจres. Cโest lโune des consรฉquences dโordre culturel des grandes religions monothรฉistes expansionnistes chez les Malinkรฉs.
Croyances religieuses du peuple Malinkรฉ
Sur le plan religieux, le peuple Malinkรฉ, dont lโislamisation a dรฉbutรฉ au 18รจme siรจcle, est essentiellement constituรฉ de musulmans (plus de 95 % ; Beavogui, 2004). Cette rรฉalitรฉ, mรชme si elle a profondรฉment influencรฉ les croyances ancestrales, nโa pas poussรฉ ces peuples ร un abandon total des lieux sacrรฉs (forรชts, marigots ou mares sacrรฉes). Les mares font particuliรจrement lโobjet de grandes cรฉrรฉmonies festives chaque annรฉe, dรฉnommรฉes ยซ fรชtes des mares ยป. Lโexistence des sites sacrรฉs dans la rรฉgion tรฉmoigne des reprรฉsentations divines que ce peuple se fait de certains รฉlรฉments de leur environnement. Des sociรฉtรฉs secrรจtes (fรฉticheurs, chasseurs, etc), bien que restreintes, conservent encore quelques pratiques animistes ou ancestrales.
Activitรฉs socio-รฉconomiques et pressions sur les รฉcosystรจmes naturels
A la suite de l’annexion pacifique par les Malinkรฉs des terres situรฉes au nord de la zone de forรชt dense, les dรฉfrichements agricoles extensifs font reculer annuellement les limites de la vรฉgรฉtation arborescente (Adam, 1948). Selon cet auteur, mรชme sโil est difficile d’รฉvaluer, sans donnรฉes historiques prรฉcises, la superficie moyenne du recul annuel, celui-ci est avรฉrรฉ depuis l’extension vers le sud des Malinkรฉs islamisรฉs au dรฉtriment des peuples forestiers fรฉtichistes. Les dรฉfrichements ont provoquรฉ dans ces zones soudanaises, soudano-guinรฉennes et guinรฉennes, la disparition des forรชts sรจches naturelles, uniformisant la vรฉgรฉtation sous l’aspect de savanes boisรฉes plus ou moins claires suivant la densitรฉ de la population. Cette vรฉgรฉtation est dominรฉe par les composantes les mieux adaptรฉes aux feux. Ce nโest que vers le sud, dans la zone prรฉforestiรจre sur รฉboulis, sur les bords des ravins ou dans les falaises, quโil subsiste encore quelques reliques de forรชts denses (Adam, 1948).
Aujourdโhui, la rรฉgion de la Haute Guinรฉe compte 2 914 091 habitants (soit 28 % de la population nationale avec un taux dโaccroissement annuel de 3 %). Cette population essentiellement agricole (Dioubatรฉ, 2002) est toujours dรฉpendante des ressources naturelles locales. Parallรจlement ร lโagriculture, elles pratiquent lโรฉlevage, la chasse, la pรชche, la cueillette, lโexploitation du bois, lโorpaillage et lโartisanat pour satisfaire leurs besoins. Aucune de ces activitรฉs nโest suffisamment contrรดlรฉe pour attรฉnuer leurs effets sur les รฉcosystรจmes naturels. Barry et al. (1999) admettent que le manque dโalternative รฉconomique explique la persistance des menaces sur les รฉcosystรจmes de cette rรฉgion. Les aires protรฉgรฉes de lโEtat dans la rรฉgion (forรชts classรฉes, rรฉserves, parcs nationaux) comme partout dans le pays, sont soumises ร des fortes pressions anthropiques (Diallo, 2011). Dans le cadre de cette รฉtude, trois villages ร savoir, Diankana, Tintioulenkoro et Dossori sont retenus dans les zones fortement anthropisรฉes des environs de Kankan. Selon le recensement gรฉnรฉral de la population et de lโhabitation de 2014 (RGPH, 2014), les populations de ces villages comptent 3200 habitants pour Diankana ; 809 habitants pour Tintioulenkoro et 187 habitants Dossori. Les quatre forรชts sacrรฉes qui font lโobjet de la prรฉsente รฉtude dont deux dans le village de Tintioulenkoro, sont des rares รฎlots forestiers naturels de la zone subsistant dans les environnements fortement anthropisรฉs (Figure 8). Des รฉtudes scientifiques comme celles-ci visent ร faire un รฉtat des lieux profond des aspects tant socioรฉconomiques quโรฉcologiques en vue de garantir et dโamรฉliorer la conservation de ces รฉcosystรจmes.
Forรชt sacrรฉe โโKolonbatouโโ du village de Tintioulenkoro
Le village de Tintioulenkรถrรถ, situรฉ ร 26 km au Sud de Kankan, est lโun des plus anciens villages de la prรฉfecture de Tintioulen. Les habitants sont essentiellement des descendants de deux ancรชtres (un chasseur et un forgeron). La forรชt ยซ Kรถlรถnbatou ยป, situรฉe tout prรจs du village, est une forรชt galerie couvrant la source dโun marigot. Le site a รฉtรฉ dรฉcouvert et sacralisรฉ par lโancรชtre fondateur du village en provenance de lโex-empire manding. Cโest la forรชt sacrรฉe des gรฉnies ou des esprits protecteurs du village. Certains habitants la consultent par syncrรฉtisme religieux en compagnie des coutumiers chargรฉs des rituels dans cette forรชt pour divers besoins (protection contre le mauvais sort, traitement de la stรฉrilitรฉ fรฉminine, justice en cas dโaccusation, forte productivitรฉ des champs de cultures, etc.).
Forรชt sacrรฉe โโKomagbรจntouโโ du village de Tintioulenkoro
La forรชt Komagbรจntou est un ancien lieu dโinitiations organisรฉes par les sociรฉtรฉs secrรจtes dโautrefois, appelรฉes ยซ Koma-ti ยป ou porteurs de masque sacrรฉ, dรฉnommรฉ ยซ Koma ยป dโoรน le nom de la forรชt sacrรฉe ยซ Komagbรจntou ยป, situรฉe tout prรจs du village et de la forรชt ยซ Kolonbatou ยป. Ces rites ร caractรจre animiste ne sont plus pratiquรฉs dans le village en raison de lโislamisation des populations. La forรชt ne joue donc plus ses fonctions culturelles, mรชme si elle est encoreย respectรฉe.
Forรชt sacrรฉe โโToukounaโโ du village de Dossori
Le village de Dossori est situรฉ ร 5 km au sud-ouest de Kankan. Il a รฉtรฉ crรฉรฉ en lieu et place du refuge des hommes venus de la rive droite de la riviรจre Milo, fuyant la troupe de Samory Tourรฉ, empereur de Wassouloun entre 1860 et 1898. A cause de la plaine rizicole de la place, ces hommes ont fini par sโinstaller en nommant le village
ยซ Donsoro ยป qui signifie ยซ endroit oรน se cacher ยป. La forรชt sacrรฉe ยซ Toukouna ยป est un cimetiรจre, situรฉ ร proximitรฉ du village. Selon les habitants, cโest lโendroit oรน se trouvent les tombes des ancรชtres fondateurs du village. Le site continu ร servir de cimetiรจre pour les habitants. Cโest dans ce cimetiรจre oรน les personnalitรฉs importantes du village sont enterrรฉes. Les bois sont coupรฉs dans la forรชt et utilisรฉs pour y couvrir les tombes. La vรฉgรฉtation actuelle est une forรชt dense sรจche. Dans le souci de limiter la coupe de bois et le nombre de tombes dans cette forรชt, un autre cimetiรจre pour tous est crรฉรฉ au cรดtรฉ opposรฉ du village.
Typologie des forรชts sacrรฉes รฉtudiรฉes
Les forรชts sacrรฉes ont plusieurs statuts. Ce qui rend difficile lโadoption dโun seul critรจre pour รฉtablir leur classification. Plusieurs axes ont รฉtรฉ donc adoptรฉs pour mieux les catรฉgoriser.
a) Selon la lรฉgende qui marque leurs origines, ces forรชts peuvent รชtre classรฉes en deux principales catรฉgories :
– Forรชt sacrรฉe prรฉexistante : Cโest une forรชt dรฉcouverte par les premiers occupants des villages situรฉs ร proximitรฉ (cas des forรชts sacrรฉes du village de Tintioulenkoro).
Lโinstallation des villages a รฉtรฉ conditionnรฉe par lโexistence de la forรชt.
– Forรชt sacrรฉe crรฉรฉe : cโest une forรชt qui sโest dรฉveloppรฉ en faveur dโune mise en dรฉfens par les populations pour diverses raisons. Lorsquโil sโagit par exemple de protรฉger une source dโeau ou un cimetiรจre (cas de la forรชt sacrรฉe de Diankana et celle de Dossori).
b) Selon leur fonction socioculturelle, il est possible de classer ces forรชts :
– Forรชt des gรฉnies ou esprits : elle est considรฉrรฉe comme demeure des gรฉnies ou des esprits malfaisants ou bienfaisants. Elle est consultรฉe pour les diffรฉrents vลux
(cas des forรชts sacrรฉes de Diankana et de Tintioulenkoro) ;
– Forรชt cimetiรจre : il sโagit dโun cimetiรจre oรน sont enterrรฉes les personnalitรฉs importantes de la communautรฉ ร commencer par les fondateurs du village. Lโintรฉrieur de la forรชt nโest jamais dรฉfrichรฉ (cas de la forรชt Toukouna de Dossori).
c) Selon leur fonctionnalitรฉ, les forรชts sacrรฉes รฉtudiรฉes peuvent รชtre classรฉes en :
– Forรชt sacrรฉe active, qui joue actuellement une ou plusieurs fonctions socioculturelles (cas des forรชts sacrรฉes Toukouna de Dossori, Wrouwroutou de Diankana et Kolonbatou de Tintioulenkoro) ;
– Forรชt sacrรฉe inactive, qui ne joue plus ses fonctions culturelles (cas de la forรชt sacrรฉe Komagbรจntou, deuxiรจme forรชt sacrรฉe du village Tintioulenkoro).
d) Selon leur appartenance, les forรชts sacrรฉes รฉtudiรฉes sont des propriรฉtรฉs communautaires. Leur gestion est sous la responsabilitรฉ des chefs traditionnels et doyens de lโensemble de la communautรฉ villageoise.
Perceptions des populations sur lโimportance des forรชts sacrรฉes
Pour tous villages confondus, les populations reconnaissent trois principales catรฉgories de services rendus par les forรชts sacrรฉes, parmi lesquels les services environnementaux (les plus citรฉs), la valeur religieuse et symbolique, et lโutilisation des ressources de ces forรชts (Figure 10).
Figure 10. Importance ou rรดle des forรชts sacrรฉes selon les perceptions des populations locales
Importance religieuse et symbolique
Les forรชts sacrรฉes sont des espaces qui jouent un rรดle dans la vie spirituelle des populations. Ce rรดle est le fondement de la sacralisation de la plupart de ces espaces. A Diankana et ร Tintioulenkoro, les forรชts sacrรฉes continuent encore de recevoir les pratiques traditionnelles. Certains habitants (hommes et femmes) sโy rendent accompagnรฉs par un chef coutumier, maรฎtre de cรฉrรฉmonie pour des rituels adressรฉs aux gรฉnies/esprits des forรชts pour des besoins divers (fรฉconditรฉ, richesse, chefferie, protection contre le mauvais sort, traitement dโune maladie de sorcellerie, etc.). Les forรชts sacrรฉes de ces villages remplissent encore cette ancienne fonction. Au-delร des services individuels, les populations pensent que les gรฉnies de ces forรชts veillent sur la prospรฉritรฉ de leurs villages. La forรชt sacrรฉe de Dossori sert de cimetiรจre pour le village aucun autre rituel nโest effectuรฉ ร lโintรฉrieur.
Services environnementaux et รฉcologiques
Les habitants estiment que ces forรชts protรจgent les habitations contre les vents violents et les feux de brousse. Elles fournissent de lโair frais aux villages et participent ร la pluviomรฉtrie locale. Les forรชts galeries des villages de Diankana et de Tintioulenkoro, protรจgent les sources de deux cours dโeau. Les population reconnaissent aussi que ces forรชts servent de refuges pour nombreuses espรจces animales et vรฉgรฉtales rares ou absentes dans le reste du terroir.
3.3.3 Utilisations des ressources
Ces forรชts renferment de nombreuses ressources naturelles (plantes, animaux, eau, etc.) auxquelles les habitants des villages riverains et leur bรฉtail font souvent recours.
Connaissance et utilisation des ressources vรฉgรฉtales
Les populations locales tirent lโessentiel de leurs besoins en produits vรฉgรฉtaux de leur environnement. Les espaces boisรฉs, y compris les forรชts sacrรฉes, sont des principales sources dโapprovisionnement. Les ressources vรฉgรฉtales les plus connues et utilisรฉes sont les plantes mรฉdicinales et alimentaires (Figure 11). Les lianes et les รฉcorces fibreuses de tiges pour le cordage, les espรจces de bois utilisรฉs pour confectionner les clรดtures, les espรจces de bois utilisรฉes comme manches dโoutils et les bois dโลuvre sont aussi rencontrรฉes dans ces forรชts. Enfin, les plantes magico-religieuses et le bois ยซ รฉnergie ยป complรจtent les prรฉlรจvements. Le tableau rรฉcapitulatif des plantes citรฉes par les populations en fonction des catรฉgories dโusages est disponible en Annexe 4.
Plantes mรฉdicinales
Les habitants des villages รฉtudiรฉs connaissent et utilisent de nombreuses espรจces de plantes mรฉdicinales pour le traitement des maux ou maladies courantes (les maux de tรชte, les maux de ventre, le paludisme, les hรฉmorroรฏdes, les diarrhรฉes, la constipation, les vers intestinaux, les infections, la stรฉrilitรฉ fรฉminine, la faiblesse sexuelle, etc.). Les organes vรฉgรฉtaux souvent utilisรฉs sont les feuilles, les fruits (ou graines), les racines et lโรฉcorce des tiges. Parmi ces plantes les plus citรฉes figurent : Combretum micrantum, Cassia sieberiana, Leptaulus daphnoides, Paulinnia pinnata, Sarcocephalus pobeguinii, Sarcocephalus esculentus, Uapaca togoensis, Carapa procera, Zanthoxylum zanthoxyloides, Ximenia americana, etc. En fonction de leur disponibilitรฉ, les plantes ร usage mรฉdical sont prรฉlevรฉes dans toutes les formations vรฉgรฉtales, y compris les forรชts sacrรฉes. Ces plantes sont tant utilisรฉes dans les villages (autoconsommation) que dans la ville de Kankan. Des organes de certaines espรจces mรฉdicinales telles que Leptaulus daphnoides (tiges), Paulinnia pinnata (tiges), Sarcocephalus pobeguinii (รฉcorces), Ximenia americana (racines), Cassia sieberiana (racines) et Combretum micrantum (feuilles) sont vendus sur les marchรฉs de Kankan.
Plantes alimentaires
Les espรจces fruitiรจres sont les plus citรฉes lors des enquรชtes. Parmi ces derniรจres les plus connues sont : Detarium senegalense, Saba senegalensis, Landolphia heudelotii, Dialium guineense, Vitex doniana, Uvaria chamae, Parkia biglobosa, Deinbollia pinnata, Ximenia africana, etc. Les fruits sont souvent ramassรฉs ou rรฉcoltรฉs par les enfants et les femmes ร but de consommation personnelle et parfois vendus sur les marchรฉs de Kankan.
Bois utilisรฉs pour la construction de clรดtures
Lโutilisation du bois pour la construction ou la rรฉparation des clรดtures est lโune des activitรฉs les plus consommatrices de bois en Haute Guinรฉe. Les clรดtures faites de petits bois sont trรจs frรฉquentes et utilisent beaucoup plus de bois. Les espรจces forestiรจres souvent sollicitรฉs pour les haies vives, notamment les toilettes en bois sont Spondias mombin et Erythrina senegalensis. Pour les clรดtures rรฉalisรฉes autour des champs, des plantations, des jardins potagers, etc., les espรจces frรฉquemment utilisรฉes sont collectรฉes hors des forรชts sacrรฉes. Parmi elles les plus citรฉes sont :
Pericopsis laxiflora, Pterocarpus erinaceus, Hymenocardia acida, Prosopis africana, Terminalia macroptera, etc.
Lianes et cordages
Pour les besoins de construction et de rรฉparation des clรดtures, des toitures des cases, les populations ont recours ร plusieurs espรจces de lianes et de cordages quโelles prรฉlรจvent tant dans les formations vรฉgรฉtales anthropisรฉes que dans les forรชts sacrรฉes. Parmi ces espรจces, les plus citรฉes sont : Landolphia heudelotii, Saba senegalensis, Combretum racemosum, Paulinnia pinnata et Cissus aralioides, et les cordages de lโรฉcorce de Cola cordifolia, Piliostigma thonningii, Hexalobus monopetalus.
Bois utilisรฉs pour fabriquer les manches dโoutils
Divers outils (houe, coupe-coupe, hache, mortiers, etc.) sont fabriquรฉs ร partir du bois de nombreuses espรจces dont les plus connues et citรฉes sont : Pterocarpus erinaceus, Daniellia oliveri, Quassia undulata, Pterocarpus santalinoides, Terminalia macroptera, Piliostigma thonningii. Ces espรจces sont essentiellement prรฉlevรฉes dans les jachรจres, les savanes et les ripisylves non protรฉgรฉes en pรฉriphรฉrie des villages.
Bois dโลuvre
Plusieurs composantes forestiรจres et de savanes sont utilisรฉes dans la zone comme bois dโลuvre. Elles produisent les planches, les madriers et entrent dans la fabrication dโune gamme importante de matรฉriel (lit, table, chaise, table-banc, porte, toit de maisons, etc). Les plus frรฉquemment utilisรฉes et citรฉes sont : Afzelia africana, Milicia excelsa, Khaya senegalensis, Ceiba pentandra, Pterocarpus erinaceus et Erythrophleum suaveolens. Ces espรจces sont bien prรฉsentes dans les forรชts sacrรฉes, mais leur abattage est strictement interdit. Cโest lโun des interdits les plus respectรฉs des forรชts sacrรฉes. Lโabattage des gros arbres qui sont quasiment des bois dโลuvre et des bois censรฉs abriter des gรฉnies dโune forรชt sacrรฉe est perรงu par les populations comme la plus grande infraction qui provoque la colรจre des gรฉnies et la dรฉgradation de la forรชt. Les bois dโลuvre sont donc prรฉlevรฉs seulement hors des forรชts sacrรฉes.
Plantes magico-religieuses
Cette catรฉgorie est constituรฉe par les arbres considรฉrรฉs comme ยซ abri des gรฉnies ou esprits ยป et certaines plantes utilisรฉes dans les pratiques magiques (traitement ou protection contre les mauvais sorts ou esprits, chance de trouver les gibiers, etc). Les espรจces les plus citรฉes pour ces cas particuliers sont : Ochna schweinfurthiana, Ceiba pentandra, Sorindeia juglandifolia, Erythrophleum suaveolens, Carapa procera, Annona senegalensis et Dichrostachys cinerea. Leur usage concerne les parties telles que les feuilles, les racines, les รฉcorces et, dans certains cas, des rituels sont organisรฉs aux pieds de certains arbres (cas de Ceiba pentandra). Ces espรจces sont souvent prรฉlevรฉes dans les forรชts sacrรฉes, malgrรฉ lโinterdit. Les populations estiment que ce prรฉlรจvement ou cet usage nโest pas de nature trรจs destructif.
En gรฉnรฉral, les malinkรฉs considรจrent que tous les gros arbres, quel que soit lโendroit oรน ils se trouvent (dans une forรชt sacrรฉe, bosquet non sacrรฉ, isolรฉs dans la savane ou au bord dโun cours dโeau ou dโune mare), sont les abris des gรฉnies. Ces arbres apparaissent, de par leur persistance, un peu comme les โโpรจresโโ des peuples qui vivent auprรจs dโeux. Les plus citรฉs parmi ces arbres sont : Ceiba pentandra, Adansonia digitata, Afzelia africana, Cola cordifolia, Milicia excelsa et Erythrophleum suaveolens. Ils sont souvent citรฉs par les pratiquants des rites magiques : chasseurs et des responsables de la coutume.
Bois รฉnergie
Le bois demeure la principale source dโรฉnergie pour les besoins de chauffage des villages et villes de la rรฉgion de Kankan. Il nโest pas exclu que les bois morts retrouvรฉs au sol dans les forรชts sacrรฉes soient ramassรฉs par les populations malgrรฉ les interdits. Mais lโessentiel des bois de feu, y compris le charbon de bois, est collectรฉ dans les autres formations boisรฉes proches des villages. Parmi les espรจces les plus citรฉes pour cet usage figurent : Pterocarpus erinaceus, Terminalia macroptera, Pericopsis laxiflora, Prosopis africana, Lophira lanceolata, Hymenocardia acida, Erythrophleum suaveolens, etc. Lโhistoire de Tintioulenkoro enseigne que les anciens forgerons de ce village pratiquaient la mรฉtallurgie et que Prosopis africana et Erythrophleum suaveolens sont les bois de feu utilisรฉs de prรฉfรฉrence ร cette fin.
Connaissances et usages des animaux sauvages
Au total, 98 espรจces animales (tous taxons confondus) sont rencontrรฉes selon les informateurs dans les forรชts sacrรฉes de la zone. Ces espรจces sont reparties entre les : oiseaux (42 espรจces), mammifรจres (33 espรจces), reptiles (15 espรจces), amphibiens et invertรฉbrรฉs (4 espรจces pour chaque taxon). Par taxon, les espรจces les plus citรฉes sont :
Oiseaux : wรถlรถ (perdrix), bibifin (tourterelle ร collier), koronkรถnรถ, wรฉntรฉrรฉlรฉn et kรดoulen (oiseau gendarme) ;
Mammifรจres : koyina (aulacode, Thryonomys swinderianus), konan (gazelle), minan (guib harnachรฉ), doumakrรจn (รฉcureuil fouisseur, Xerus erythropus), sammakrรจn (รฉcureuil grimpeur, Sciurus spp) ;
Reptiles : toudou (vipรจre, Bitis arietans), gbada, manian (serpent boa), fidalasa (mamba vert) ; Amphibiens : todigbรถfรถdรถ (crapaud), todikouna (rainette), todisรฉndjan (grenouille) ;
Invertรฉbrรฉs : escargots, vers de terre, termites, abeilles.
Pour ce qui est de lโusage des animaux citรฉs, lโutilisation alimentaire est la plus importante, soit 77 espรจces (Figure 12), composรฉes essentiellement de mammifรจres et dโoiseaux dont les plus citรฉes sont : wรถlรถ (perdrix), koyina (aulacode), toroi (rat), konan (guib harnachรฉ) et minan (gazelle). Lโutilisation en mรฉdicine traditionnelle concerne 19 espรจces parmi lesquelles : soulaoulen (singe rouge), wรถlรถ (perdrix), toudou (vipรจre), toroi (rat), djourni (hรฉrisson), sanรจn (lapin) et kรฉrรฉkรฉtรจ (escargot).
La prรฉsence dโautres espรจces animales (au nombre de 17) est signalรฉe dans les forรชts sacrรฉes mais aucune indication nโa รฉtรฉ indiquรฉe pour leur usage. La liste gรฉnรฉrale des animaux recensรฉs est disponible en Annexe 5.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : CADRES CONCEPTUEL ET GEOGRAPHIQUE DE LโETUDE
I.1 DEFINITIONS DE QUELQUES NOTIONS
1.1 Forรชt sacrรฉe (historique, dรฉfinitions et rรดles)
1.2 Sacralisation dโun lieu
1.3 Statut des forรชts sacrรฉes dans la lรฉgislation guinรฉenne
1.4 Gestion durable des forรชts
1.5 Diversitรฉ biologique ou biodiversitรฉ
1.6 Anthropisation
1.7 Conservation de la biodiversitรฉ
I. 2 PRESENTATION DE LA ZONE DโETUDE
2.1 Prรฉsentation de la Guinรฉe
2.2 Prรฉsentation de la Haute Guinรฉe
CHAPITRE II. ETUDE DU CONTEXTE SOCIOCULTUREL DES FORETS SACREES FAVORABLE A LA CONSERVATION
II.1 INTRODUCTION
II.2 METHODES DE COLLECTE ET DโANALYSE DES DONNEES
II.3 RESULTATS
3.1 Historique de la mise en place des forรชts sacrรฉes รฉtudiรฉes
3.2 Typologie des forรชts sacrรฉes รฉtudiรฉes
3.3 Perceptions des populations sur lโimportance des forรชts sacrรฉes
3.4 Modes de gestion en cours : savoirs, pratiques et rรจglementation locaux
II.4 DISCUSSION
4.1 Origine socioculturelle et importances des forรชts sacrรฉes
4.2 Gestion locale des forรชts sacrรฉes
II.5 CONCLUSION
CHAPITRE III. ANALYSE DES MENACES ET PRESSIONS ANTHROPIQUES SUR
LES FORETS SACREES
III.1 INTRODUCTION
III.2 METHODES DE COLLECTE ET DโANALYSE DES DONNEES
III.3 RESULTATS
3.1 Perceptions de la population locale sur les contraintes de gestion
3.2 Activitรฉs socio-รฉconomiques et leur incidence sur les forรชts sacrรฉes
3.3 Perceptions des populations sur les mesures de gestion future
III.4 DISCUSSION
III.5 CONCLUSION
CHAPITRE IV. ETUDE DES FACTEURS DE DISTRIBUTION SPATIALE DES GROUPEMENTS VEGETAUX DANS LE PAYSAGE DES FORETS SACREES
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 METHODES DE COLLECTE ET DโANALYSE DES DONNEES
2.1 Relevรฉs รฉcologiques
2.2 Relevรฉs floristiques
2.3 Mรฉthodes dโanalyse des donnรฉes
IV.3 RESULTATS
3.1 Groupements vรฉgรฉtaux
3.2 Facteurs รฉcologiques majeurs de distribution des groupements
3.3 Analyse du spectre biologique des groupements vรฉgรฉtaux
3.4 Analyse du spectre phytogรฉographique des groupements vรฉgรฉtaux
IV.4 DISCUSSION
4.1 Groupements vรฉgรฉtaux des forรชts galeries
4.2 Groupements vรฉgรฉtaux des forรชts sur terre ferme
4.3 Groupements des vรฉgรฉtations environnantes des forรชts sacrรฉes
4.4 Spectres biologique et phytogรฉographique des groupements
IV.5 CONCLUSION
CHAPITRE V. CARACTERISTIQUES STRUCTURALES ET DIVERSITE FLORISTIQUE DES SITES ETUDIES
V.1 INTRODUCTION
V.2 METHODE DE COLLECTE ET DโANALYSE DES DONNEES
V.3 RESULTATS
3.1 Caractรฉristiques structurales des peuplements
3.2 Caractรฉristiques floristiques des sites รฉtudiรฉs
3.3 Contribution des forรชts sacrรฉes ร la conservation de la biodiversitรฉ
V.4 DISCUSSION
4.1 Caractรฉristiques structurales
4.2 Caractรฉristiques floristiques
4.3 Rรดle conservateur des forรชts sacrรฉes
V.5 CONCLUSION
CHAPITRE VI. SYNTHESE ET DISCUSSION GENERALE
VI.1 PERCEPTIONS LOCALES SUR LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES
VI.2 CONTRAINTES DE LA GESTION TRADITIONNELLE DES RESSOURCES FORESTIERES
VI.3 CARACTERISTIQUES ECOLOGIQUES DES SITES SACRES
VI.4 CARACTERISTIQUES STRUCTURALES DES PEUPLEMENTS ETUDIES
VI.5 QUAND LES FORETS SACREES CONTRIBUENT A LA CONSERVATION
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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