La mortalité néonatale est définie comme l’ensemble des enfants nés vivants mais décédés entre la naissance et le 28e jour de vie. Elle a toujours été cependant une des préoccupations majeures dans le monde. Son ampleur et sa gravité en ont fait depuis plus d’un quart de siècle une priorité en Santé publique. Environ 4 millions de décès néonataux sont enregistrés chaque année dans le monde entier et troisquarts d’entre eux surviennent en première semaine de vie avec un risque plus élevé au premier jour de vie [1]. La mortalité infanto juvénile demeure un problème majeur de santé publique. Quinze mille (15 000) enfants de moins de 5 ans sont morts chaque jour en 2016, dont 46% au cours des 28 premiers jours de leur vie [2]. Le nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans n’a jamais été aussi bas (5,6 millions en 2016, contre près de 9,9 millions en 2000), mais on note une augmentation de la proportion des décès d’enfants de moins de 5 ans intervenus durant les 28 premiers jours de vie, qui est passée de 41% à 46% au cours de la même période [3].
Selon l’OMS, la plupart des décès néonataux sont survenus dans 2 régions : l’Asie du Sud (39%) et l’Afrique subsaharienne (38%). La moitié des décès comptabilisés a été enregistrée dans 5 pays: l’Inde (24%), le Pakistan (10%), le Nigéria (9%), la République démocratique du Congo (4%) et l’Éthiopie (3%)(2). Au Sénégal, la lutte pour la survie du nouveau-né et de l’enfant reste une priorité. Entre 2000 et 2014, la mortalité infanto juvénile a considérablement baissé passant de 145 décès à 54 décès pour mille naissances en 2014 [4]. La mortalité néonatale quant à elle n’a pas suivi le même rythme de baisse passant seulement de 38,19 en 2000 à 21,83 en 2016 pour 1000 naissances vivantes [5].
DISCUSSION
Mortalité néonatale
La mortalité chez les nouveau-nés baisse plus lentement (2,9% par année) que chez les enfants de 1 à 59 mois (4,9%). Dans plusieurs pays dans monde, elle a eu tendance à augmenter de 2000 à 2013 en passant de 37,6% à 43,9% [13]. Ce résultat explique la nécessité de réduire la mortalité néonatale pour réduire la mortalité infanto-juvénile. Cette étude a permis de trouver un taux de mortalité néonatale de 2,12% (soit 21,2/1000 naissances vivantes). Ces chiffres sont similaires à ceux retrouvés dans d’autres pays de la sous-région ouest-africaine. Ainsi en Gambie, le taux de mortalité néonatale est de 21/1000 naissances vivantes [14]. Au Burkina, on retrouve des taux de mortalité néonatale de 46,3 /1000 naissances vivantes. De manière générale, les taux de mortalité néonatale sont globalement élevés en Afrique de l’Ouest et peuvent dépasser des taux de 50/1000 naissances vivantes dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest [15, 16]. La part des décès néonataux dans la mortalité des enfants de moins de 5 ans reste élevée. Les décès néonataux représentent 50,97% des décès des enfants de moins de 5 ans dans cette étude. C’est le cas dans beaucoup de pays africains ou plus de le moitié des décès des enfants de moins de 5 ans concernent la période néonatale [17]. En Gambie, la part des décès néonataux représente 40 % de la population des moins de 5 ans en Gambie [14). Cette contribution importante des décès néonataux à la mortalité infanto-juvénile renforce l’intérêt qui devrait être porté sur cette question dans le cadre de la lutte contre la mortalité infanto-juvénile en Afrique de l’Ouest et au Sénégal en particulier.
Facteurs associés à la mortalité néonatale
Cette étude a permis de montrer que les facteurs associés à la mortalité néonatale étaient le faible poids de naissance, l’estimation de la corpulence du nouveau-né par sa mère et la naissance par césarienne. Les nouveau-nés avec un faible poids de naissances < 2500 g avaient 2,3 fois plus de risque de décéder avec un ORaj de 2,3 [1,01-5,28]. Les nouveaux nés qui étaient estimés « très petit » par leur mère à la naissance avaient 2,5 fois plus de risque de décéder en période néonatale ORaj=2,5 [ 1,04-6,04]. Le dernier facteur de risque identifié était la naissance par césarienne de l’enfant (ORaj =3,97 [1,68-9,39]). Les nouveau-nés avec un faible poids de naissance < 2500 g avaient 2,3 fois plus de risque de décéder avec un ORaj de 2,3 [1,01-5,28]. Des études ont montré que l’insuffisance pondérale à la naissance en particulier le poids de naissance très faible était un des principaux déterminants de l’ampleur des taux de mortalité néonatale élevés [18, 19]. Le rôle du faible poids de naissance sur la survenue de décès néonataux a été décrit par la littérature. L’entérocolite nécrosante est une des première cause de décès néonataux chez les faibles poids de naissance. L’entérocolite nécrosante est une maladie dévastatrice et courante des nourrissons de très faible poids à la naissance , avec un taux de mortalité de 10 à 50 % et une cause importante de morbidité chez les survivants [20]. Il reste que l’entérocolite nécrosante est multifactorielle. Parmi ces étiologies on cite l’ischémie, les infections, l’alimentation entérale etc. [20]. L’hypoxie cérébrale été également décrite comme une des causes les plus importantes de la mortalité néonatale. Le rapport de cotes (OR) pour le décès était de 1,08 (IC 95% : 1,015 1,15, p = 0,016) pour chaque 10 périodes de valeurs rSO2 <40% dans les premières 48 h dans certaines études [21] . Parmi les autres causes de décès néonataux, des études ont également identifié la membrane des membranes hyalines [22]. Notre étude a pu montrer un taux d’insuffisance pondérale à la naissance qui est de 5,92%. Les principales causes des faibles poids de naissance en Afrique décrites par la littérature étaient le non-emploi des mères [23] , la résidence dans les zones rurales [23], l’existence de grossesse non désirée [23], l’absence de soins prénataux[23], la multiparité [23, 24], un intervalle entre les naissances inférieur ou égal à deux ans[23], un nombre de CPN<4 [24] et la violence exercée par un partenaire intime pendant la grossesse [23]. Il convient de noter que notre étude a permis de montrer que seul 51,26 % des femmes avaient bénéficié de 4 CPN et plus au cours de leur grossesse. Les informations rapportées par la mère et collectées dans le cadre d’enquêtes nationales sur les ménages, comme les enquêtes démographiques et sanitaires (EDS) et les enquêtes en grappes à indicateurs multiples (MICS), sont souvent la seule source de données démographiques disponibles sur les indicateurs de poids à la naissance et de naissances prématurées dans les pays à faible revenu[25] . Dans le cadre de ces approches, il est demandé aux mères de se rappeler les événements liés à la naissance de leur enfant qui ont pu avoir lieu jusqu’à cinq ans avant l’administration de l’enquête[25] . Le rappel des évènements de la naissance par la mère peut ainsi être considéré comme une source d’information importante dans le diagnostic des problèmes de santé des enfants de moins de 5 ans [26]. Cette étude a montré que les nouveaux nés qui étaient estimés « très petit » par leur mère à la naissance avaient 2,5 fois plus de risque de décéder en période néonatale ORaj=2,5 [1,04-6,04]. Cette estimation avait été faite sur jugement des mères à la naissance de leur enfant. Ces résultats contribuent à la réflexion de l’importance des dénominations locales qui peuvent servir de base à la promotion de la santé néonatale dans le contexte Africain ou encore un grand nombre d’accouchements et de soins postnataux sont encore faits en dehors des structures de santé ou par du personnel non qualifié [27]. Cette étude a pu identifier enfin parmi les facteurs de décès néonataux, la naissance par césarienne de l’enfant (ORaj=3,97 [1,68-9,39]). La pratique de la césarienne est en évolution croissante dans le monde bien que l’évolution de cette pratique en Afrique subsaharienne est encore timide [28]. Au Sénégal, notre étude a montré des taux d’accouchement par césarienne de 5,55%. Ce qui est à la limite des taux recommandés par les directives de l’OMS (5-15%) [29]. Cependant, notre étude a pu établir que les enfants nés par césarienne au Sénégal avaient 3,97 fois plus de chance de décéder au cours de leur premier mois de vie.
Les raisons pourraient être liées à la qualité des césariennes effectuées, aux indications de césarienne ou encore aux conditions dans lesquels la gestion des urgences obstétricales se fait dans nos contextes d’insuffisance des services sanitaires obstétricaux (disponibilité des ressources humaines de qualité et insuffisance du plateau technique). La césarienne est un service de santé maternelle essentiel. Son rôle dans les soins liés au travail et à l’accouchement dans les pays à faibles et moyens revenus est complexe; dans de nombreux contextes à faibles ressources, il est sous-utilisé dans les populations les plus nécessiteuses et surutilisé par les moins nécessiteux, sans méthodes claires pour garantir un accès universel [30]. Des études ont montré qu’aucune différence statistiquement significative n’a été constatée au sein des paires d’interventions césarienne qui existe [30,31]. Ainsi, les complications issus de la césarienne seraient attribuables non pas en la césarienne en elle-même mais plutôt à la procédure de césarienne [31]. Plusieurs études ont mis en exergue les complications des césariennes dans les pays d’Afrique subsaharienne parmi lesquelles les infections ont été citées parmi les plus importantes [32]. Il convient de souligner que la césarienne faite dans d’excellente condition permettrait à des taux élevée allant jusqu’à environ 19 pour 100 naissances vivantes d’être associée à une mortalité néonatale plus faible parmi les États membres de l’OMS [33]. En Afrique, le personnel de santé en activité ne couvre pas encore la demande de couverture des besoins de santé des populations [27]. Ainsi, il est possible de noter une insuffisance dans la qualité de prise en charge des nouveau-nés à la naissance. Cette étude a montré que 14,69 % des enfants ne recevaient pas des soins postnataux par du personnel de santé qualifié. Également seul 44,70 % disent avoir bénéficié d’une CPON après leur accouchement alors que 24,09% des enfants sont nés à domicile (avec 22,12% dans le domicile de la mère et le reste dans un autre domicile de la communauté). Soixante-huit virgule quatre vingt-seize pourcent (68,96%) des enfants n’avaient pas bénéficié de soins postnatals essentiels dès la première heure de naissance. Les soins postnatals précoces sont essentiels pour la promotion des pratiques saines dans les foyers notamment l’allaitement exclusif ; elles sont cruciales pour la santé et la survie des enfants. Toutefois, en dépit des avantages des soins postnataux, la plupart des nouveau-nés et des mères ne bénéficient pas de la prestation de ces soins par un agent de santé qualifié au cours des premiers jours critiques suivant l’accouchement [34].
Limites
Cette étude présente certaines limites. En particulier, les analyses ont utilisé des données transversales, de sorte que seules des associations et aucune relation de cause à effet ont été établies. Cette étude pourrait être complétée par une étude qualitative afin de comprendre les contextes mécanismes et effets des interventions sanitaires de lutte contre la mortalité néonatale au Sénégal.
RECOMMANDATIONS
A l’endroit du Ministère de la santé et de l’action sociale
– Procéder à un ciblage des interventions à haut impact sur la santé de la mère, de l’enfant et du nouveau-né dans les région de Dakar, Diourbel et Kolda
– Mettre en œuvre un plan de communication concernant l’utilisation des services de santé périnataux
– Faire une évaluation de la politique de gratuité des césariennes au Sénégal
– Faire une évaluation des conditions techniques de réalisation des césariennes ainsi les facteurs d’acceptabilité sociale de ces dernières dans le cadre de la lutte contre la mortalité néonatale.
– Promouvoir la pluridisciplinarité (gynécologie-obstétrique et pédiatrie ) dans la gestion du programme de lutte pour la survie du nouveau-né
A l’endroit des régions médicales de Dakar, Diourbel et Kolda
– Faire une analyse situationnelle contextuelle des décès néonataux avec un focus sur la recherche socio-anthropologique
– Élaborer un plan de riposte pour la lutte contre les décès néonataux
A l’endroit de la chaire de pédiatrie
– Promouvoir la recherche sur l’identification des facteurs associés au faible poids de naissance au Sénégal
– Promouvoir la recherche sur l’identification des gaps dans la prestation de services périnatales
– Promouvoir la recherche sur les représentations sociales entourant la gestion et l’élevage du nouveau-né dans les communautés sénégalaises .
Sur la base des conclusions de cette étude, il est important de noter que la mortalité néonatale reste élevée au Sénégal et représente une part importante de la mortalité infanto-juvénile. Cette étude a montré que les facteurs associés à la mortalité néonatale au Sénégal en 2017 étaient le faible poids de naissance, l’estimation de la corpulence du nouveau-né par sa mère et la naissance par césarienne. L’identification des facteurs associés à l’insuffisance pondérale à la naissance pourrait faire l’objet d’études plus approfondie. Il reste que cette étude a pu montrer des gaps dans la prestation de services périnatales (CPN et CPON).
Par ailleurs, l’estimation de la corpulence du nouveau-né par sa mère qui a été identifié qui comme facteurs associé jette les bases d’une réflexion autour de la promotion de la santé dans le sens d’une utilisation des perceptions et des représentations des mères concernant leur nouveau-né. Cette conclusion se termine par une réflexion sur les césariennes au Sénégal qui malgré un taux encore bas de 5,5% en comparatif des taux recommandés est un des facteurs de risque de décès néonataux au contrario de sa fonction première de contribution à la survie maternel et néonatale. Ainsi les conditions techniques de réalisation des césariennes ainsi les facteurs d’acceptabilité sociale de ces dernières pourraient être mieux examinées au Sénégal dans le cadre de la lutte contre la mortalité néonatale.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. MATERIEL ET METHODE
I.1. Cadre d’étude
I.2. Objectifs
I.3. Méthodes
Type d’étude
Échantillonnage
Variables
Analyse
I.4. Éthique
Disponibilité des données et du matériel
II. RESULTATS
II.1. Résultats descriptifs
Caractéristiques individuelles des enfants de moins de 5 ans au Sénégal
Caractéristiques sociodémographiques des enfants de moins de 5 ans au Sénégal
Caractéristiques de la prestation de service néonatale au Sénégal
Épidémiologie descriptive de la mortalité infantile et néonatale
II.2. Résultats analytiques
Analyse bi variée
Analyse multivariée : Facteurs associés à la mortalité néonatale en 2017 au Sénégal
III. DISCUSSION
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
RÉFÉRENCES