Étude des émotions dans la relation pharmacien patient: gestion de la colère au comptoir

Aujourd’hui, le rôle du pharmacien a beaucoup évolué, passant de la simple délivrance du médicament inscrit sur une ordonnance, à un rôle d’éducateur de santé. Nous sommes au service du patient dans l’intérêt de sa santé. La communication est par conséquent au cœur de notre métier.

Tout au long de ces six années d’études en pharmacie, j’ai travaillé en officine les weekends et les vacances scolaires. Un samedi matin, alors qu’il y avait foule dans la pharmacie, une personne s’est trouvée être d’une agressivité extrême parce que cela n’allait pas assez vite. « Ce n’est pas normal de mettre des incapables au comptoir ! » a-telle dit. A ce moment, les larmes nous envahissent ; une collègue vient me seconder en expliquant à cette personne que je suis étudiante et qu’en aucun cas elle ne peut me parler sur ce ton. J’étais déstabilisée, les mains tremblantes, les larmes aux yeux. J’ai compris après que la personne manquait de temps car son enfant handicapé était resté dans la voiture. Elle était inquiète et en colère. Cette expérience m’a fait prendre conscience que nous sommes parfois impuissant face aux émotions des patients. Nos émotions nous envahissent et le dialogue peut alors être rompu. Des situations comme la mienne, tout le monde en rencontre. Il y a des personnes qui arrivent mieux que d’autres à les gérer. C’est pourquoi, j’ai eu l’envie de comprendre comment et pourquoi nous sommes parfois submergés par nos émotions, afin de proposer une méthode pour optimiser la relation pharmacien patient au comptoir.

Mais comment réussir à établir une relation thérapeutique d’aide et de confiance avec un patient, tout en faisant face à ses propres émotions et à celles du patient ? Cette thèse tentera de proposer des réponses en abordant dans un premier temps l’origine des émotions. Nous essaierons de les identifier afin de mieux les comprendre. Dans un second temps, nous étudierons les différentes stratégies de communication au service de la gestion des émotions, pour ainsi dans un dernier temps, étudier la prise en charge d’un patient agressif au comptoir.

Comprendre ses propres émotions et celles des patients à l’officine

Les émotions : définition

Il nous paraît primordial dans un premier temps de tenter de définir ce qu’est une émotion. Il nous est facile de donner des exemples d’émotions, quant à décrire ce terme, cela relève d’une toute autre difficulté. Dans ce travail, nous étudierons l’ensemble des émotions. Néanmoins nous nous attarderons plus en détail sur la colère, qui nous paraît être l’émotion la plus difficile à prendre en charge, voire à maîtriser à l’officine.

Les fondations historiques

La division tripartite de l’âme selon Platon
Si l’on remonte dans l’histoire, Platon faisait référence aux émotions dans son ouvrage intitulé La République (Site internet n°10), particulièrement dans son modèle de division tripartite de l’âme. Il formule l’hypothèse de l’existence de trois parties qui composent notre âme, et démontre que les « divers actes que nous posons ne peuvent s’expliquer que si nous postulons l’existence de ces trois principes » .

La première partie est l’épithumia. Elle est située dans le bas-ventre et représente le mouvement de l’âme qui a pour but ultime la satisfaction de la vie. Elle représente les désirs de faim et de soif. C’est en quelque sorte la motivation première de l’être humain. La seconde partie est le logos. Il a son siège dans la tête ; il représente la raison, le jugement rationnel et a pour finalité la maîtrise de soi. Cette partie pourra donc, pour Platon, diriger les deux autres. Nous l’apparenterons à la cognition. Enfin la troisième partie est le thumos qui siège dans la poitrine. C’est le principe colérique relatif aux émotions vives ; il semble être plus proche du principe de désir (l’épithumia) que du principe rationnel, mais pourtant il ne peut pas être situé dans la première ou la deuxième partie. S’il s’unit à la première partie cela devient de l’irritation alors que s’il est au logos, il devient de l’enthousiasme. Il est alors associé aux émotions. Il explique qu’il est difficile de savoir si toutes nos actions sont réalisées par le même principe ou si il y a trois principes en nous avec comme fonction respective, le jugement (logos), le désir (épithumia) et l’émotion (thumos) .

Les émotions selon Aristote

Aristote réfute les théories de Platon en décrivant les émotions comme des changements corporels. « Les émotions sont tous ces sentiments qui changent l’homme de façon à affecter son jugement et qui sont accompagnés par la souffrance ou le plaisir » (Sander & Scherer, 2009). Aristote démontre que les émotions influencent les pensées et les actes des individus et il ne faut pas les résumer à une partie de l’âme. Nos émotions font partie intégrante de notre personnalité .

Le dualisme corps/âme de René Descartes

René Descartes dans son ouvrage intitulé Les passions de l’âme, définit les émotions en nous expliquant que l’âme cartésienne est indivisible, immatérielle et unique, contrairement au corps qui est divisible, matériel. Notre corps est composé de plusieurs parties (le cœur, le cerveau, les bras, les jambes) contrairement à notre pensée, qui elle, est unique .

Cependant « l’âme est unie à toutes les parties du corps conjointement » , nous explique René Descartes en démontrant l’existence de la glande pinéale. C’est une petite glande située dans notre cerveau qui permet d’unir l’âme au corps. L’esprit reçoit des informations par l’intermédiaire du corps, ce qui lui permet de réagir en fonctions des évènements passés. La glande pinéale peut influencer le corps, tout comme le corps peut l’influencer en retour .

Les passions (ou émotion définie par René Descartes) sont l’union de l’âme et du corps . En d’autres termes, les émotions sont des sensations de l’âme qui ont le corps comme origine. Par ailleurs, on peut en conclure que l’union corps et âme est personnelle à chaque individu puisque cette union varie selon notre rapport que nous entretenons avec le monde qui nous entoure.

Baruch Spinoza s’oppose à René Descartes

Pour Baruch Spinoza, l’esprit et le corps sont en parfaite correspondance et lorsque le corps ou l’esprit est confronté à un autre corps ou un autre esprit, deux possibilités existent. C’est alors qu’entrent en jeu les deux passions fondamentales selon Baruch Spinoza. Si les deux corps (ou esprit) se composent, cela donne naissance à la joie. C’est une perfection de l’être. Alors que si un corps se décompose au contact d’un autre esprit ou corps cela provoque de la tristesse, et s’apparente à une diminution de l’être. Baruch Spinoza explique que ces deux passions se déclinent de façons multiples en suivant cette logique : ce qui me fait grandir ou ce qui me diminue (Charles, 2002). D’après Baruch Spinoza, les passions (ou émotions) sont des modifications passives de notre être. Par exemple, lorsque nous mangeons, nous sommes joyeux parce que le repas est bon ; cette joie procurée est un effet et non le résultat d’une volonté libre de notre part (Charles, 2002).

Spinoza, en réduisant le dualisme corps/âme, a développé une philosophie où les émotions ont un rôle moteur dans l’existence humaine, et ne sont plus apparentées à des éléments perturbateurs.

David Hume

Dans son traité de la nature humaine, David Hume décrit les passions comme des impressions secondaires, qui sont toujours précédées d’une impression originale, celle-ci prenant la forme de plaisirs ou douleurs physiques. Il différencie les passions directes (désir, joie, chagrin, crainte) des passions indirectes (fierté, amour, haine). Il fait aussi une distinction entre la cause et l’objet des passions. Pour lui, ce n’est pas la raison qui nous fait agir, mais nos émotions, telles que la douleur ou le plaisir. « Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt. Une passion doit s’accompagner de quelque faux jugement pour être déraisonnable ; même alors ce n’est pas la passion qui est déraisonnable, mais le jugement » (Hume, 2015).

Ainsi nous comprenons toute l’ambiguïté qui existe dans la définition de l’émotion. C’est pourquoi il paraît important de s’intéresser de plus près aux différentes théories des émotions afin de mieux comprendre la complexité des émotions.

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Table des matières

Introduction
I. Comprendre ses propres émotions et celles des patients à l’officine
A. Les émotions : définition
1. Les fondations historiques
a) La division tripartite de l’âme selon Platon
b) Les émotions selon Aristote
c) Le dualisme corps/âme de René Descartes
d) Baruch Spinoza s’oppose à René Descartes
e) David Hume
2. Théorie des émotions
a) Perspective Darwinienne
b) Perspective Jamesienne
c) Perspective cognitive
d) Perspective socio-constructiviste
3. Rôle des émotions
a) Le rôle majeur des émotions
b) Comprendre ses émotions
c) Conscience de soi
d) Maîtrise de soi
e) Gestion des relations
B. Les émotions au comptoir
1. Les enjeux pour le pharmacien
a) Etre empathique
b) La compétence d’écoute
c) Réussir à établir une relation de confiance
2. Les besoins du patient
a) La vision du patient sur sa maladie
b) Les comportements relatif à la santé
c) Les sentiments du patient liés à la maladie
II. Les stratégies de communication au service du dialogue et de la gestion des émotions
A. La communication : définitions
1. Généralités
2. La communication verbale
a) Les critères d’efficacité d’une communication verbale
b) Les techniques de communication verbale
3. La communication non verbale
a) Définition
b) La mimogestualité
c) Les synchronisateurs de l’interaction
d) Les métacommunicatifs
e) Les extra-communicatifs
B. Les obstacles à la communication
1. Les facteurs défavorisant
a) La résistance à l’expression émotionnelle
b) La complexité du comportement humain
2. Les sources de malentendus
a) Défaut de métacommunication
b) Défaut de congruence
c) La communication paradoxale
d) Mécanismes projectifs
3. Mécanismes de défense et processus de coping
a) Généralités
b) Classification des mécanismes de défense
c) Description des principaux mécanismes de défense
d) Autres mécanismes de défense
C. L’analyse transactionnelle
III. Application des stratégies de communication lors de la gestion du patient agressif
A. Etude menée
1. Objectif
2. Méthode
3. Analyse des résultats
a) Le patient agressif
b) Seconder un membre de l’équipe
c) Perte de contrôle face au patient agressif
d) Sentiment de menace vis-à-vis d’un patient agressif
e) Stratégies ou actions mises en place
f) Ecoute du patient colérique
g) Isoler le patient
h) Proportion de professionnel agressé ou insulté
i) Renvoi d’un patient agressif
B. Elaboration d’une fiche conseil
1. Objectif de la fiche conseil
2. Organisation de la fiche conseil
Conclusion

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