Etude des effets d’impulsions électriques ultra-courtes sur des cellules vivantes

Champs electriques et objets vivants 

Depuis l’Antiquité Grecque, où les propriétés électrostatiques de l’ambre jaune (d’où le mot électricité tire son origine) ont été découvertes, jusqu’à nos jours, l’électricité fascine et l’homme cherche à maîtriser ce phénomène physique afin de l’utiliser. Sa compréhension, qui remonte au 17e siècle, a permis de rendre l’électricité accessible à tous les pays développés. De tout temps, l’électricité a aussi eu ses applications dans les sciences du vivant. La bioélectricité remonte elle aussi à l’Antiquité, notamment en Egypte où des bas-reliefs montrent les effets des décharges de certains types de poissons « électriques » (les poissons-torpilles). Certains de ces phénomènes ont été utilisés par la suite pour le traitement de maladies telles que la migraine ou la goutte par exemple. Les premières expériences de ce type ont été décrites par Scribonius Largus, sous le règne de l’empereur Claude . L’électrothérapie était alors née. Depuis, de nombreuses avancées, notamment sur la compréhension de la cellule biologique, sur sa composition et sur le rôle de sa membrane, ont permis de mettre en évidence des applications possibles de l’électricité comme base dans le traitement de maladies ou l’analyse des cellules composant le corps humain. En particulier, la cellule étant un milieu conducteur (le cytoplasme) séparé par un diélectrique (la membrane plasmique) d’un autre milieu conducteur (la solution physiologique dans laquelle elle se trouve), elle est sensible aux champs électriques pouvant interagir avec elle.

Généralités sur les champs électriques

Un champ électrique est un champ de force créé par des particules chargées électriquement. On peut différencier deux types de champs électriques : les champs électrostatiques, dans le cas de charges fixes, et les champs électriques induits par les déplacements de charge.

Champs électriques en milieu électrolyte : électrochimie et toxicité

L’exposition d’objets vivants à des impulsions électriques , nécessite la mise en contact d’électrodes, permettant d’appliquer le potentiel électrique, avec une solution électrolytique, maintenant les cultures cellulaires dans des conditions de viabilité suffisante pour toute la manipulation. L’interface entre ces deux matériaux de nature différente (l’un conducteur, l’autre diélectrique) devient alors un lieu d’accumulation d’espèces chargées : d’un côté des électrons et de l’autre des ions. Selon la nature et la surface des électrodes ainsi que la concentration des ions en solution, des échanges de ces espèces peuvent avoir lieu entraînant alors des réactions électrochimiques plus ou moins intenses. Ces réactions produisent des espèces pouvant être toxiques pour le monde vivant.

Échanges électroniques et ioniques

Lorsqu’une différence de potentiel est imposée entre deux électrodes permettant d’appliquer un champ électrique sur une solution contenant des cellules, un courant traverse ce milieu. Mais contrairement aux matériaux conducteurs (métaux par exemple) où ce courant est créé par déplacement d’électrons, en solution aqueuse, considérée comme diélectrique (milieux dans lesquels il n’existe pas de charges électriques libres et mobiles), ce courant est dû à la mobilité des ions présents. Dans ce second cas, le courant peut être divisé en deux composantes :
– le courant capacitif, provenant du réarrangement d’ions dans la solution pour contrer les perturbations provoquées par le contact entre les électrodes et la solution, à savoir une accumulation d’électrons à la surface de l’électrode ;
– le courant faradique, provenant du transfert de charges à travers l’interface entre la solution et les électrodes lorsque des réactions d’oxydo-réduction ont lieu.

Le courant capacitif est dû à l’accumulation d’espèces chargées à l’interface entre le milieu et l’électrode. Des charges positives s’accumulent d’un côté, des charges négatives de l’autre. Le comportement de cette interface est similaire à celui d’un condensateur, d’où le terme de courant capacitif. La structure d’un telle interface est décrite par le modèle communément admis de la double couche électrique (Bard et Faulkner, 1983). La valeur de cette capacité est comprise entre 1 et 40 µF/cm² . Dans les conditions usuelles de l’électrochimie moléculaire, l’épaisseur de cette double couche est de l’ordre de quelques dizaines d’Angström. Lors d’une variation de potentiel, l’accumulation de charges de part et d’autre de l’interface entre la solution et l’électrode donne lieu à un courant transitoire. Les caractéristiques de ce courant dépendent uniquement de la surface de l’électrode, de la nature et de la concentration des ions présents dans la solution.

Réactions chimiques aux électrodes

Si la solution contient des espèces électroactives, il se rajoute en plus du courant capacitif un courant résultant d’une réaction d’oxydoréduction appelé courant faradique. Cette réaction s’accompagne d’un transfert d’électrons selon le processus à n électrons suivant : Ox+ne⁻ = Red, où Ox et Red sont les formes oxydées et réduites d’une espèce électroactive. Cette réaction implique la présence d’un accepteur ou un donneur d’électrons (tel qu’une électrode) et ne pourra se faire qu’à partir d’une certaine valeur de potentiel (classiquement autour de quelques volts). Cet effet peut être représenté électriquement par une source de tension associée à une résistance dite résistance de transfert. Cette dernière est inversement proportionnelle au courant d’échange qui caractérise la cinétique du transfert électronique (Le Pioufle et al., 1998).

Ces réactions peuvent entraîner la production d’espèces chimiques très réactives telles que des radicaux libres ou la libération d’ions métalliques (Friedrich et al., 1998; Kotnik et al., 2001a). Cet effet est localisé au niveau des électrodes et dépend de la nature chimique de celles-ci (acier, acier inoxydable, aluminium,…), de la composition du milieu et des paramètres électriques. Pour de longues durées d’exposition (> 100 µs), il se produit aussi un changement de pH localisé au niveau des électrodes (Friedrich et al., 1998). L’anode (électrode positive) devient alors acide et la cathode (électrode négative) devient basique.

Effets sur le monde vivant 

Les composés générés au niveau des électrodes peuvent avoir des conséquences néfastes sur la viabilité cellulaire et entraîner des modifications des conditions électriques pendant l’impulsion par variation des propriétés physiques du milieu (Loste et al., 1998). Les résultats biologiques associés à certaines expériences peuvent aussi être modifiés en présence de ces réactions chimiques (Kotnik et al., 2001a). Une réduction de ces effets peut être observée lors de l’application d’impulsions bipolaires sur la solution, l’effet de l’alternance négative compensant en grande partie celui de l’alternance positive (Kotnik et al., 2001b). Ces réactions chimiques peuvent aussi entraîner un relargage d’ions, comme nous l’avons mentionné précédemment. Il faut savoir que la plupart des métaux ne sont pas biocompatibles, à savoir qu’ils peuvent induire une certaine toxicité au niveau des cellules. L’une des espèces métalliques ayant le plus d’effet semble être le cuivre. Celui-ci est un élément essentiel dans le cycle et dans la survie cellulaires in vitro et in vivo. Il joue notamment un rôle dans l’homéostasie du fer et dans plusieurs oxydases (cytochrome C oxydase, tyrosinase, amine oxydases,…). Il est aussi connu pour induire l’apoptose dans certaines lignées cellulaires (Kawakami et al., 2008) ou d’autres effets toxiques (Benders et al., 1994; Wang et al., 2010).

L’électroperméabilisation

Les champs électriques pulsés sont connus pour leur capacité à entraîner une déstructuration de la membrane plasmique qui peut être transitoire et réversible, dans des conditions expérimentales particulières (Crowley, 1973; Neumann et al., 1982). Ce phénomène physique a très rapidement trouvé des applications tant en biologie (Dower et al., 1988) que dans des applications cliniques (Mir et al., 2006; Daud et al., 2008), mais le (ou les) mécanisme(s) qu’il fait intervenir sont encore à l’étude (Escoffre et al., 2009), que ce soit par l’expérience in vitro et in vivo (André et al., 2008) ou par la modélisation et la simulation (Weaver, 2003).

Description du phénomène

L’application d’un champ électrique d’une « longue » durée (entre quelques dizaines de microsecondes et quelques millisecondes (Mir et al., 2005)) sur une solution biologique contenant des cellules vivantes entraîne une accumulation de charges de signes opposés de part et d’autre de la membrane plasmique. Ce phénomène est dû à la nature conductrice des différents milieux, intracellulaire (cytoplasme) et extracellulaire (milieu de culture ou d’exposition) et à l’aspect isolant ou diélectrique de la membrane. Cette barrière électrique empêche la recombinaison de ces charges opposées entre elles entraînant alors une modification du potentiel transmembranaire des cellules (Kotnik et Miklavcic, 2000; Gimsa et Wachner, 2001; Pucihar et al., 2006).

Au potentiel transmembranaire de repos (∆Ψ0), vient alors s’ajouter une différence de potentiel transmembranaire induite (∆Ψi) par l’application d’un champ électrique continu pulsé externe E . Cette différence de potentiel dépend du rayon R de la cellule, d’une fonction f dépendante des propriétés électriques et géométriques des cellules et d’un angle θ correspondant à l’angle polaire mesuré par rapport à la direction du champ électrique :

∆Ψi = f · E · R · cos(θ)

La fonction f dépend des conductivités du cytoplasme σi , de la membrane σm et du milieu extracellulaire σo, du rayon de la cellule R, de la permittivité de la membrane εm et de son épaisseur d (Kotnik et al., 1997).

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Table des matières

INTRODUCTION
I Des microtechnologies à la bionanomanipulation
1 Champs électriques et objets vivants
1.1 Généralités sur les champs électriques
1.1.1 Champ électrostatique
1.1.2 Champ électrique induit et champ électromagnétique
1.1.3 Champs électriques en milieu électrolyte : électrochimie et toxicité
1.1.4 Conclusion
1.2 L’électroperméabilisation
1.2.1 Description du phénomène
1.2.2 De l’expérimentation vers la théorisation
1.2.3 Vers les applications
1.2.4 Conclusion
1.3 La nanomanipulation par application d’impulsions ultra-courtes
1.3.1 Description du phénomène
1.3.2 Avancées des travaux
1.3.3 Conclusion
2 L’apport des microtechnologies dans le domaine de la biologie
2.1 Des systèmes basés sur des techniques de fabrication de la microélectronique
2.1.1 Les premiers pas vers la microélectronique
2.1.2 Vers les premiers microsystèmes
2.1.3 Des techniques de fabrication à l’échelle micronique
2.1.4 Apport de la microfluidique
2.2 Vers le développement de biomicrosystèmes
2.2.1 L’intérêt de la miniaturisation
2.2.2 De la puce à ADN jusqu’au laboratoire sur puce
2.3 Champs électriques et biomicrosystèmes
2.3.1 Diélectrophorèse
2.3.2 Micro-électroporation
2.4 Conclusion
II Théorie, modèles et conception
3 Etude de la faisabilité d’exposer des cellules à l’aide d’électrodes isolées
3.1 L’isolation : un filtre électrique et chimique
3.2 Etude théorique de la faisabilité
3.3 Influence du matériau et de l’épaisseur de l’isolant
3.3.1 Influence de l’épaisseur de l’isolant sur la tension dans le milieu
3.3.2 Influence de l’épaisseur de l’isolant sur la tension dans l’isolant
3.4 Conclusion
4 Microdispositifs d’exposition de cellules pour la visualisation en temps réel
4.1 Objectifs et contraintes
4.1.1 Un microdispositif pour la visualisation en temps réel lors de l’exposition à des impulsions courtes
4.1.2 Contraintes environnantes
4.1.3 Caractéristiques des générateurs et signaux associés
4.1.4 Limitation technologique
4.2 Adaptation d’impédance
4.2.1 Approche basse fréquence : impédance de charge
4.2.2 Approche haute fréquence : micro-ligne de transmission
4.3 Conception des électrodes
4.3.1 Choix du type d’électrodes
4.3.2 Impédance du système
4.3.3 Calcul des paramètres géométriques
4.3.4 Validation par modélisation quasi-statique et dynamique par éléments finis
4.3.5 Masque pour les électrodes
III Matériels, méthodes et procédés de fabrication
5 Microsystèmes sur verre
5.1 Résines et substrats
5.2 Biopuce pour la visualisation en temps réel
5.2.1 Micromoulage et dépôt électrolytique de cuivre
5.2.2 Amélioration du profil de déposition
5.2.3 Packaging
5.3 Electrodes isolées pour l’in vitro et l’in vivo
5.3.1 Microsystème à électrodes liquides
5.3.2 Isolation par dépôt de parylène
6 Application d’impulsions ultra-courtes in vitro et in vivo
6.1 Systèmes d’exposition et de génération d’impulsions électriques
6.1.1 Générateurs pour l’électrotransfert de gènes
6.1.2 Générateur pour l’électrochimiothérapie
6.1.3 Générateur pour l’application en microsystème
6.2 Electrotransfert de gènes
6.2.1 Support de l’information
6.2.2 Electrotransfert in vitro
6.2.3 Electrotransfert in vivo
6.2.4 Exposition au trans-cyclohexane-1, 2-diol (TCHD)
6.2.5 Détermination de l’expression de la luciférase
6.3 Visualisation de la perméabilisation cellulaire in vitro par suivi de fluorescence
6.3.1 Prototype millimétrique
6.3.2 Utilisation d’un marqueur fluorescent
6.3.3 Suivi de la fluorescence et cartographie de la distribution de champ électrique
6.4 Electrochimiothérapie nouvelle in vivo
6.4.1 Modèles de tumeurs murines
6.4.2 Traitement par impulsions ultra-courtes
6.4.3 Suivi de croissance tumorale
6.5 Analyses statistiques
IV Résultats
7 Optimisation de l’électrotransfert de gènes rapporteurs in vitro et in vivo
7.1 Résultats in vitro
7.1.1 Influence du nombre d’impulsions
7.1.2 Influence de la quantité d’ADN par cuvette
7.1.3 Influence de la fréquence de répétition des impulsions
7.1.4 Influence du délai entre l’électrotransfert et l’application d’impulsions ultra-courtes
7.2 Validation de l’utilisation d’électrodes isolées
7.3 Augmentation de l’efficacité de l’électrotransfert de gènes in vivo
7.4 Données complémentaires
7.4.1 Influence de la distance inter-électrodes sur la production de luciférase
7.4.2 Rôle des nsPEF dans l’ouverture des pores nucléaires
7.5 Discussion
8 Exposition de cellules dans des microsystèmes
8.1 Microsystèmes équipés d’électrodes non isolées
8.1.1 Visualisation de la perméabilisation par suivi de fluorescence
8.1.2 Article : Nanomanipulation de cellules vivantes par champs électriques en microsystème
8.2 Microsystèmes à électrodes isolées
8.3 Discussion
9 Electrochimiothérapie par applications d’impulsions ultra-courtes en présence de bléomycine
9.1 Combinaison bléomycine et impulsions ultra-courtes
9.2 Influence des paramètres électriques
9.2.1 Amplitude des impulsions
9.2.2 Nombre d’impulsions et fréquence de répétition
9.3 Discussion
CONCLUSION
Synthèse et perspectives

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