Définitions des concepts
Selon la définition des neuvième et dixième révisions de la classification internationale des maladies et problèmes de santé connexes (CIM), la mort maternelle est le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison, quelle qu’en soit la durée et la localisation pour une cause quelconque, déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu’elle a motivés, mais ni accidentelle, ni fortuite [26]. Ces décès sont classés en trois groupes selon la nouvelle classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) [26] :
– les décès par cause obstétricale directe ;
– les décès par cause obstétricale indirecte, et
– les complications imprévues de la prise en charge.
Ce troisième groupe permet de mieux cerner les causes iatrogènes comme, celles en rapport avec le déroulement d’une césarienne. Le groupe de travail à l’origine de cette nouvelle classification préconise que cette dernière soit compatible avec la 11ème révision de la classification internationale des maladies et de classer le suicide au cours de la grossesse et les décès suite à une psychose ou une dépression puerpérale comme causes directes [47].
Décès maternels par causes obstétricales directes : Ce sont des décès maternels résultant d’affections ou de complications particulières à la grossesse, ou de leur prise en charge, survenant avant, pendant ou après l’accouchement. Il faut distinguer sept grandes causes obstétricales directes : les hémorragies, les dystocies, l’hypertension artérielle associée à la grossesse, les infections, les avortements à risque, la grossesse extra-utérine et la rupture utérine [43].
Décès maternels par causes obstétricales indirectes : Ce sont des décès maternels qui résultent d’une maladie préexistante ou d’une affection apparue pendant la grossesse sans qu’elle ne soit due à des causes obstétricales directes mais qui a été aggravée par les effets physiologiques de la grossesse.
Complications imprévues de la prise en charge : Ce sont des décès qui font suite à une complication de la prise en charge des causes obstétricales directes ou indirectes ; survenus plus de 42 jours, mais moins d’un an après la terminaison de la grossesse.
Causes obstétricales directes
La plupart des décès maternels ont lieu au troisième trimestre de la grossesse et dans la première semaine du post-partum. Les risques de décès sont plus élevés pendant le travail, l’accouchement et dans les deux jours suivants celui-ci [32]. Les causes directes liées à la grossesse, dont les principales sont les hémorragies obstétricales sévères [8, 19, 22, 24, 35, 60], les infections puerpérales (septicémie), les états hypertensifs de la grossesse, les dystocies, les avortements à risque, la grossesse extra-utérine et la rupture utérine [43].
Causes de décès
Dans notre étude, les causes directes que sont les hémorragies du post-partum et l’hypertension artérielle et ses complications représentaient 68% des cas étant plus élevés que ceux d’autres études, à Madagascar par Rafanomezantsoa [48] avec 60%, à Dakar par Cissé [16] avec 64% et en France par Saucedo [52] avec 57,9% et plus bas que ceux rapportés par Formulu [22] avec 89,7% et Thiam [57] avec 80%. L’anémie et le paludisme représentaient les deux principales causes indirectes de décès maternels dans notre étude. Ces causes indirectes représentaient 32% des cas de décès maternels. Ces résultats étaient comparables à ceux de Cissé [16] qui retrouvait que la première cause indirecte de décès maternels était l’anémie. Nos résultats sont corroborés par les études de Formulu [22] et de Cissé [16] où les hémorragies du post-partum représentaient la première cause de mortalité maternelle avec respectivement 56,4% et 30%. De même dans une étude faite au Sénégal, dans une région rurale, les causes de décès maternels identifiées étaient les suivantes par ordre de fréquence : l’hémorragie post-partum, l’éclampsie, les dystocies et l’infection puerpérale [28]. La place occupée par l’hémorragie pose le problème de mortalité évitable attribuée à la pratique de soins obstétricaux de base au-dessous de la norme. Des efforts sont à fournir par les autorités sanitaires pour enseigner et faire appliquer la gestion active de la troisième phase de l’accouchement dans toutes les maternités périphériques. La prééclampsie/éclampsie occupait le deuxième rang des causes de mortalité maternelle : 29 cas, soit 24,2% des décès enregistrés. Rafanomezantsoa [48] au Madagascar et de Foumane [23] au Cameroun rapportaient dans leurs séries que l’hypertension artérielle était la première cause de mortalité maternelle. Ce fait était conforté par plusieurs travaux africains dont une étude multicentrique menée au Bénin, en Côte-d’Ivoire et au Sénégal dans laquelle 29% des décès maternels sont imputables à l’hypertension [61]. Par contre pour Formulu [22], la prééclampsie/éclampsie représentait la 3ème cause de mortalité maternelle avec 15,4%. De même, au CHU Le Dantec, Cissé [17] avait retrouvé une mortalité maternelle par éclampsie de 20,6% tandis que Tchaou [56] affirmait que la mortalité maternelle au Bénin due à l’hypertension artérielle et ses complications était de 6,8%. La prévalence de la prééclampsie/éclampsie ne cesse d’augmenter au fil des années. Ceci pourrait s’expliquer par un manque de suivi des grossesses, la mauvaise qualité des CPN notamment l’absence systématique de recherche d’albumine dans les urines qui est un élément important dans le dépistage de la prééclampsie, et aussi dans le post-partum. La létalité importante de l’éclampsie dans notre série qui est liée au fait que les patientes étaient toutes reçues au cours des crises convulsives avec souvent une tension artérielle élevée, dans une structure où les ressources humaines et l’équipement en matériels de réanimation font défaut. Au décours de cette analyse, il nous semble être évident d’avoir une attitude plus efficace et rationnelle pour endiguer les décès maternels lies aux états hypertensifs. Nous devons améliorer le plateau technique de la réanimation et être plus chirurgical dans ces états hypertensifs au lieu d’attendre l’installation d’un coma irréversible qui compliquent le pronostic maternel. L’anémie et les infections du post-partum venaient au troisième rang des causes de décès maternels dans notre étude. Cissé [16] et Mayi-Tsonga [34] rapportaient aussi dans leurs travaux que l’anémie était la troisième cause de décès maternels. Par contre, Formulu [22] et n’avait retrouvé aucun cas d’anémie dans les décès maternels. Les facteurs favorisants l’anémie sont la polyparasitose, le paludisme et la malnutrition, d’où la systématisation des prophylaxies antianémique et antipalustre lors de nos consultations prénatales. Les essais randomisés montrent, de façon très évidente, un réel bénéfice de l’antibiothérapie prophylactique. Le risque d’infection après l’accouchement peut être réduit par la pratique d’une bonne hygiène mais aussi la reconnaissance et le traitement précoce des infections [43].
Lutter contre l’insuffisance flagrante en matière de prévention
L’insuffisance des suivis de grossesse en qualité et en quantité, l’ignorance de son existence et de son importance par les patientes et même de certains personnels soignants sont effarants.
La couverture contraceptive faible en rapport avec un accès insuffisant aux informations sur la contraception et au service de planning familial aggrave la situation. Des mesures sont à suggérer notamment :
– l’intensification et la multiplication des IEC/ CCC en matière de contraception et de suivi de grossesse ;
– l’élargissement des cibles des informations et d’accompagnement en matière de sexualité et de contraception vers les plus jeunes (collèges et lycées);
– l’amélioration de l’accès aux services de santé de la femme en matière de planning familial et aux contraceptions mais également des suivis de grossesse.
Lutter contre les soins non optimaux dans le centre de référence
Ceci relève d’une panoplie d’insuffisances logistiques et matérielles ; en ressources humaines, organisationnelles et de motivation. Nous suggérons :
– la conscientisation du personnel soignant sur l’importance du rôle de chacun dans le système et la promotion de la prise en charge multidisciplinaire ;
– l’amélioration de l’infrastructure hospitalière ;
-l’intégration de personnels qualifiés dans toutes les disciplines et la promotion de la formation médicale continue ;
– l’affectation de personnel suffisant à chaque niveau pour une meilleure qualité de prestation et d’accueil ;
– l’amélioration de notre plateau technique.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Mortalité maternelle
1.1. Définitions des concepts
1.2. Épidémiologie
1.2.1. Fréquence
1.2.2. Facteurs favorisant les décès maternels
1.2.3. Causes de mortalité maternelle
2. Audits des décès maternels
2.1. Définition des concepts
2.2. Définition opérationnelle
2.3. Principes
2.4. Cycle des audits
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Objectifs
2. Cadre d’étude
2.1. Région de Kolda
2.2. Hôpital régional de Kolda
3. Patientes et méthode
3.1. Type d’étude
3.2. Critères d’inclusion
3.3. Critères de non inclusion
3.4. Paramètres étudiés
3.5. Définitions opérationnelles
3.6. Recueil de données
3.7. Analyse des données
4. Résultats
4.1. Résultats descriptifs
4.1.1. Ratio de Mortalité maternelle
4.1.2. Caractéristiques socio-démographiques
4.1.3. Données cliniques
4.1.4. Causes de décès maternels
4.1.5. Pronostic fœtal
4.1.6. Prise en charge
4.1.7. Conclusions du comité d’audit des décès maternels
5. Discussion
5.1. Epidémiologie
5.1.1. Incidence de la mortalité maternelle
5.1.2. Caractéristiques socio-démographiques
5.2. Données cliniques
5.2.1. Consultations prénatales
5.2.2. Données de l’admission
5.3. Données étiologiques
5.3.1. Causes de décès
5.3.2. Moment des décès de survenue des décès maternels
5.3.3. Mode d’accouchement
5.4. Conclusion des audits de décès maternels
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
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