Etude des couches frontières dans les plasmas

Relations Soleil-Terre et Magnétopause

Introduction aux plasmas spatiaux

Dans les régions étudiées au cours de la thèse, à quelques rayons terrestres (Re= 6371 km) de la Terre, la matière est systématiquement à l’état de plasma. Ces plasmas astrophysiques ont pour caractéristique commune d’être ténus et chauds. Ainsi les densités des milieux étudiés varient de 0.1 cm⁻³ à 20 − 30 cm⁻³ . Les températures s’échelonnent de quelques dizaines d’eV à quelques dizaines de keV, selon les milieux et les populations. La matière est toujours complétement ionisée.

Les plasmas sur lesquels portent nos études sont aussi tous non-collisionnels. Ainsi, dans les milieux étudiés, le libre parcours moyen de collision est de plusieurs ordres de grandeur supérieur aux rayons de Larmor, qui sont pour les ions de quelques dizaines de km et pour les électrons de quelques centaines de m. Les collisions sont donc toujours parfaitement négligeables. L’ordre de grandeur des différentes longueurs de Debye est de quelques dizaines de m, bien inférieur aux ordres de grandeurs associés aux phénomènes étudiés. Il n’y a donc jamais de séparation des charges à l’ordre zéro (la quasi-neutralité est respectée).

Le vent solaire : existence et propriétés 

L’existence d’une frontière appelée magnétopause est intimement liée à celle d’un « vent solaire ». Nous allons donc d’abord expliquer ce qu’est ce vent solaire et pourquoi il existe. Une des premières manifestations de l’existence d’un vent de particules propulsées par le soleil dans le milieu interplanétaire est venue de l’observation de la seconde queue des comètes, systématiquement orientée dans la direction opposée au soleil. [Biermann 1951] émet la théorie que la partie dédoublée de la queue est sensible à des particules de même type qui s’échappent continuellement du soleil, conjecturant ainsi l’existence d’un « vent solaire ».

Rapidement, [Parker 1958] propose un modèle simple de ce vent solaire. La haute atmosphère du soleil, la couronne, présente des températures chaudes, de l’ordre du million de Kelvin. Dans ce cadre, une partie non négligeable des électrons a des vitesses d’agitation thermique dépassant la vitesse de libération. Un plasma s’échappe donc du soleil, les électrons entraînant les ions. Le modèle de Parker prend en compte un champ magnétique radial et une étoile sphérique, sans tenir compte de la rotation du soleil, mais parvient tout de même à une description assez proche de la réalité pour ce qui concerne le plan de l’écliptique : en résolvant les équations de l’hydrodynamique pour un fluide soumis à deux forces, le gradient de pression et l’attraction gravitationnelle, on trouve en effet plusieurs solutions, dont une pour laquelle la vitesse devient supersonique au delà du point d’équilibre des deux forces. Cette solution donne des vitesses, radiales, de l’ordre de 500 km.s⁻¹ au niveau de l’orbite de la Terre, raisonnablement conformes aux observations.

En fait, pour une description plus réaliste du vent solaire, il faut évidemment compliquer la forme du champ magnétique. Nous verrons en effet plus tard que les lignes de champ sont gelées dans le plasma aux grandes échelles considérées. La combinaison du mouvement radial des particules et de la rotation du soleil fait donc que les lignes de champ magnétique sont amenées à s’enrouler pour former une spirale tiltée, la spirale de Parker .

Champ magnétique terrestre et interaction avec le vent solaire

La Terre, comme d’autres planètes ou satellites du système solaire, possède un champ magnétique propre. On sait que celui-ci est principalement généré par un effet de dynamo, à l’intérieur de la Terre, dû aux mouvements de convection dans le noyau, composé à 90% de fer liquide. En revanche, notre compréhension théorique de sa génération et de son évolution n’est pas complète et constitue toujours un sujet de recherche. Nous ne nous en préoccuperons pas par la suite. Dans les régions proches de la Terre, le champ est en première approximation dipolaire. Cependant, dans des régions plus lointaines, ce champ magnétique joue le rôle d’un « bouclier » contre le vent solaire, ce qui déforme fortement les lignes de champ. Nous allons donc maintenant détailler les différentes régions que l’on rencontre entre le milieu interplanétaire, dominé par le vent solaire, et la magnétosphère, zone dominée par l’influence du champ magnétique terrestre. Au voisinage de la Terre, le champ magnétique porté par le vent solaire est de l’ordre de quelques nT, la densité d’environ 5 cm−3 et la température de l’ordre de la dizaine d’eV. Le vent solaire atteint des vitesses de l’ordre de 500 km.s−1 . A l’avant de la magnétosphère se trouve donc une première frontière nette, le choc. En effet, le vent solaire, « supersonique » au sens où sa vitesse est supérieure à toutes les vitesses de propagation des ondes dans le milieu, est ralenti et comprimé à l’approche de l’obstacle. Ce choc marque la transition entre le milieu interplanétaire et une région appelée magnétogaine, formée, donc, de vent solaire « choqué ». Le plasma y est plus dense (l’ordre de grandeur est la dizaine de particules par centimètre cube) et plus chaud (centaine d’eV). Le champ magnétique est plus intense mais de direction en général à peu près équivalente à celle du vent solaire. La pression dynamique du vent solaire est essentiellement convertie par le choc en pression thermique. La frontière qui va nous intéresser, la magnétopause, est celle, en première approximation étanche, où se produit la transition entre la magnétogaine et les conditions de la magnétosphère (peu dense, 1 particule cm⁻³ , plus froide avec une température de l’ordre de l’eV pour la population majoritaire, avec comme champ magnétique celui du dipôle terrestre comprimé). La zone de transition est fine, quelques dizaines de rayons de Larmor des ions, et on y observe au même lieu ou en des lieux proches une variation du champ magnétique (direction et module) et une transition entre les deux plasmas. C’est schématiquement le lieu d’équilibre entre la pression thermique dans la magnétogaine et la pression magnétique de la magnétosphère, ce qui explique la variation de sa position en fonction de la latitude et donne à la magnétosphère la forme caractéristique d’un paraboloïde, le champ étant comprimé au « nez » et allongé à l’arrière (formant la queue magnétosphérique).

Pourquoi étudier la magnétopause ? 

La magnétopause est en premier lieu une des rares frontières accessibles expérimentalement entre deux plasmas de composition et champ magnétique différents. Nous verrons un peu plus loin qu’elle est l’objet de mesures in situ depuis déjà plusieurs décennies. Elle permet donc d’étudier directement ce type de frontières et leur physique, plus facilement que des expériences de laboratoires qui ne peuvent en général pas reproduire les grandeurs adimensionnées recherchées, ou que des frontières plus lointaines inaccessibles aux mesures directes. De plus, à la magnétopause, se produisent des processus universels en physique des plasmas et en astrophysique comme la reconnexion magnétique ou l’instabilité de Kelvin Helmholtz. Bien comprendre le développement de ces phénomènes a un intérêt théorique général, et peut par exemple contribuer à faire progresser la fusion par confinement magnétique. En seconde approximation, enfin, la magnétopause n’est donc pas complètement étanche, puisqu’il arrive qu’il y ait « reconnexion » des lignes de champ. Les phénomènes auroraux sont une manifestation bénigne de cette non étanchéité de la frontière. Cependant, certaines de ses manifestations peuvent être plus violentes, notamment en cas d’orages magnétiques venant du soleil, qui peuvent provoquer des perturbations des communications ou des coupures d’electricité sur Terre. Mieux comprendre le « bouclier naturel » qu’est la magnétopause pourrait à terme permettre d’améliorer nos compétences en « météorologie de l’espace », et de savoir quand se préparer à ce type d’événements.

Système d’équations de Vlasov-Maxwell

Afin de décrire au mieux la position et la vitesse des particules d’une population d’un système physique, il est courant d’utiliser une description statistique. Cela permet de manipuler des grandeurs moyennées, variant régulièrement dans le temps et l’espace. En effet, utiliser une description exacte, de N particules numérotées ou indifférenciées, est fastidieux et amènerait à étudier des grandeurs aux variations violentes, voire divergentes (comme le serait par exemple le champ électrique en se rapprochant de la position exacte d’un noyau). Dans ce cadre, nous sommes donc amenés à décrire le système à l’aide d’une fonction de distribution dans l’espace des phases, f(t, x, w), correspondant à la moyenne spatiale de la densité exacte dans un petit volume entourant la position dans cet espace. Cette fonction permettra de décrire les variations moyennes du système, tandis que l’effet des fluctuations locales devra être porté par des termes dits « de collision ».

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Relations Soleil-Terre et Magnétopause
1.1.1 Introduction aux plasmas spatiaux
1.1.2 Le vent solaire : existence et propriétés
1.1.3 Champ magnétique terrestre et interaction avec le vent solaire
1.1.4 Pourquoi étudier la magnétopause ?
1.2 Théories fluides
1.2.1 Système d’équations de Vlasov-Maxwell
1.2.2 Théories fluides/MHD idéale
1.3 Discontinuités
1.3.1 Équations de saut (Rankine-Hugoniot)
1.3.2 Théorie des discontinuités en MHD idéale
1.3.3 Au-delà de la MHD
1.3.4 Que sont le choc et la magnétopause ?
1.4 Observations et connaissances expérimentales : état de l’art
1.4.1 Historique de l’exploration de la magnétopause
1.4.2 Forme de la magnétopause
1.4.3 Grandes échelles
1.4.4 Structures internes à la magnétopause
1.5 Problème et études menées
1.5.1 Construire une bonne direction normale et une coordonnée normale
1.5.2 Étudier la structure interne de la magnétopause agitée
1.5.3 Pour comprendre la reconnexion, connaître la magnétopause tangentielle
1.5.4 Turbulence et spectres
2 La méthode BV
2.1 Des méthodes existantes insuffisantes pour un problème crucial
2.1.1 Importance de la détermination d’une normale et d’une coordonnée normale
2.1.2 Méthodes à un satellite : état de l’art
2.1.3 Apports et limites des méthodes « multi-satellites »
2.1.4 Détermination d’une coordonnée : le « transition parameter » (paramètre de profondeur)
2.2 Fonctionnement de la méthode BV
2.2.1 Principes de la méthode
2.2.2 Initialisation de la méthode
2.2.3 Détermination de la normale et de la coordonnée
2.3 Profils spatiaux et comparaison aux autres méthodes pour la traversée du 03 mars 2008
2.3.1 Comparaison aux autres méthodes
2.3.2 Profils spatiaux
2.4 Domaine de validité et discussion
3 Tests de la méthode BV et statistiques
3.1 Quelques arguments en faveur des hypothèses de BV
3.1.1 Utilisation d’une forme elliptique
3.1.2 Dépendance en vitesse et en position de la rotation
3.1.3 Tests sur des données générées et de simulation
3.2 Comparaison de BV et des méthodes de résidus : une expérience numérique
3.2.1 Mode opératoire
3.2.2 Résultats et discussion
3.3 Comparaison statistique des différentes méthodes à un satellite sur un échantillon de traversées de la mission Cluster
3.3.1 Construction d’une base de données adaptée à l’étude
3.3.2 Résultats
3.4 Conclusion sur la méthode BV
4 La magnétopause agitée : un complexe de sous-couches rotationnelles et compressionnelles en interaction ?
4.1 Introduction au problème de la structure de la frontière dans les cas non tangentiels
4.2 Nature compressionnelle/rotationnelle de la magnétopause : une étude de cas du 15 avril 2008
4.2.1 Présentation et première analyse de la traversée
4.2.2 Analyse des variations compressionnelles
4.2.3 Étude des variations rotationnelles
4.2.4 Un complexe choc lent/discontinuité rotationnelle ?
4.3 Un complexe de sous-couches rotationnelles et compressionnelles en interaction?
4.3.1 Simulation de l’interaction d’un choc lent et d’une onde d’Alfvén, en MHD 1.5D dans un milieu isotrope
4.3.2 Qu’est-ce qu’un « cas en S » ?
5 Traitement des sous-structures à la magnétopause
5.1 Généralisation naturelle de la méthode BV aux cas en S ?
5.1.1 Une généralisation techniquement difficile
5.1.2 Une approche globale contestable
5.2 Difficultés à résoudre pour l’analyse des frontières « non-C »
5.3 Quelques idées sur le traitement des cas « non-C »
5.3.1 Lisser les variations non significatives
5.3.2 Construire une vitesse utilisable
5.3.3 Identifier et classer automatiquement les couches
5.3.4 Utiliser des méthodes de détermination de normale adaptées
6 Conclusion

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