Le rituximab (RTX) est un anticorps chimérique murin/humain, réalisé par génie génétique. Le fragment Fab du RTX se lie spécifiquement à l’antigène transmembranaire CD20, situé sur les lymphocytes B. Cet antigène s’exprime sur les lymphocytes pré-B et B matures mais également dans plus de 95% des cellules B des lymphomes non-hodgkiniens. En revanche il est absent des cellules souches hématopoïétiques, des cellules pro-B, des plasmocytes et des autres tissus. Le RTX en se liant à l’antigène CD20 des lymphocytes B entraine notamment une lyse cellulaire, par apoptose (1).
Le princeps – Mabthera®
En France, le laboratoire ROCHE obtient une autorisation de mise sur le marché (AMM) du RTX sous l’appellation Mabthera® sous forme intraveineuse (IV), le 02/06/1998, en procédure centralisée. Sa déclaration de commercialisation en France date du 01/12/1998. Les indications du Mabthera® IV ont évolué et sont actuellement les suivantes :
• Les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) (2010)
• Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) (lymphome folliculaire : 1998)
• Les polyarthrites rhumatoïdes (PAR) (2006)
• Les granulomatoses avec polyangéite et polyangéite microscopique (2015)
• Les pemphigus vulgaris (2019) .
Le 21/03/2014, le laboratoire ROCHE acquière une autre AMM pour le Mabthera® pour la forme sous-cutanée (SC) dans l’indication du LNH. Sa déclaration de commercialisation en France date du 22/06/2015. Le Mabthera® IV bénéficie également d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) en France dans la prise en charge du purpura thrombopénique immunologique (PTI), depuis mars 2019. Le Mabthera® est un médicament biologique, il est en l’occurrence le médicament biologique de référence du RTX, en France. Un médicament biologique est un médicament dont le principe actif est produit à partir d’une source biologique ou en est extrait. Il est opposé aux médicaments chimiques dont le principe actif est issu de la synthèse chimique. Les médicaments issus de la biotechnologie sont des molécules complexes (avec une structure primaire, secondaire et tertiaire) dont le procédé de fabrication présente des sources de variabilité à prendre en compte dans le contrôle de la qualité finale (méthodes d’analyses physico-chimiques et biologiques combinées). Le marché de ces produits est actuellement en expansion et représente de gros enjeux économiques. Depuis 2013, date d’expiration du brevet du Mabthera® nous assistons à l’émergence de ses biosimilaires.
Les biosimilaires – Truxima® et Rixathon®
Un médicament biosimilaire est un médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence, mais qui ne remplit pas les conditions pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication – Article L.5121-1, 15° du Code de la Santé Publique (CSP). En France, les biosimilaires du Mabthera® sont le Truxima® et le Rixathon®. Ils sont commercialisés pour les mêmes indications que le Mabthera® et bénéficient également de la RTU pour les PTI (du fait de l’inscription sur la liste de référence des groupes biologiques similaires mentionnée à l’article L.5121-10-2 du code de la santé publique).
L’objectif du développement d’un biosimilaire est de démontrer l’étroite similitude avec le produit d’origine, en matière de qualité, d’efficacité et de sécurité humaine (dont l’immunogénicité). Plusieurs paramètres sont comparés : les propriétés physico-chimiques et biologiques, les paramètres pharmacodynamiques et toxicologiques et les paramètres cliniques (2). Des guidelines (EMEA/CHMP/42832/05/) ont été élaborées par l’EMA afin de permettre le développement et l’enregistrement de ces nouvelles molécules. Car le concept de « générique » ne s’applique pas aux biosimilaires. Pour les génériques, une fois la qualité pharmaceutique prouvée, seules des études in vitro et in vivo de biodisponibilité sont nécessaires pour obtenir l’AMM – aucune analyse clinique d’efficacité et de sécurité directe n’est généralement demandée (3). La similarité clinique entre un biosimilaire et le médicament de référence est souvent démontrée pour une indication principale et l’extrapolation des données d’efficacité et de sécurité à d’autres indications peut être envisagée sous certaines conditions. Les dossiers d’AMM des médicaments biosimilaires, conformément au règlement CE n°726/2004 du parlement européen et du conseil du 31/03/2004, sont autorisés selon une procédure centralisée avec examen du dossier par le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Cette procédure entraine une seule AMM commune à tous les états membres de la Communauté Européenne et permet un accès à l’ensemble du marché communautaire européen.
Le dossier de demande comprend des données sur :
• La qualité pharmaceutique, qui sera comparée aux données du médicament de référence. Le procédé de production peut être différent de celui du médicament de référence, pouvant ainsi entrainer des différences sur la structure moléculaire,
• La sécurité et la toxicologie, principalement étudiées via des études in vitro et in vivo,
• La clinique, avec des études d’efficacité et de tolérance sur l’équivalence entre le biosimilaire et le médicament de référence.
L’interchangeabilité ou « switch » d’un médicament biologique par un biosimilaire peut être réalisée par le prescripteur, à tout moment. Elle doit respecter plusieurs conditions :
• Le patient traité par un médicament biologique doit être informé de l’interchangeabilité et donner son accord
• Le patient doit bénéficier d’une surveillance clinique
• La traçabilité des médicaments biologiques doit être assurée .
Le principe de substitution des pharmaciens qui avait été prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014 a été supprimé par la LFSS pour 2020. Les études menées pour les AMM des différents biosimilaires, ont tout d’abord concerné l’indication de PAR, puis par extrapolation ont concerné toutes les indications du Mabthera®. L’extrapolation des résultats à d’autres indications a été confirmée par une étude prospective, notamment, démontrant l’efficacité et la sécurité des biosimilaires dans le pemphigus vulgaris (4). Concernant le Truxima® (CT-P10) dès les études de phase I, les profils d’immunogénicité et de sécurité étaient comparables avec le Mabthera® (5). Les études de phase III confirment les résultats de cette phase I pour le Truxima®, notamment pour les réactions liées à la perfusion qui font partie des effets indésirables les plus courants (6). Concernant le Rixathon® (GP13), l’étude de phase I/II premièrement dans la PAR (7) montre également des incidences de réactions anaphylactiques, de réactions d’hypersensibilité et de réactions liées à la perfusion similaires entre les différents bras de l’étude (Rixathon® versus Mabthera®). L’étude de phase III concernant l’indication de lymphome folliculaire avancé confirme un profil de tolérance similaire entre le Rixathon® et le Mabthera® (8). Dans la littérature, nous retrouvons également différentes méta-analyses confirmant les résultats des études déposées lors de l’AMM des biosimilaires , sur la sécurité et l’efficacité de ces nouveaux médicaments développés autant pour des indications de rhumatologie que d’hématologie .
Médicaments biologiques et réactions immunitaires
L’un des principaux défis du développement des anticorps monoclonaux (AcM) est la gestion de l’immunogénicité. L’immunogénicité est le fait, chez un patient, de développer des anticorps anti-AcM (anti-drug antibodies – ADA) (11). Les risques d’immunogénicité dépendent à la fois du produit et du patient et sont à prendre en compte lors de la demande d’AMM (12). Les questions d’immunogénicité ont également été abordées dans une étude reprenant les données des essais cliniques notamment dans les maladies rhumatismales, le psoriasis et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin soumis à la FDA (Food and Drug Administration) ou à l’EMA (13), qui concluent à une similarité entre les biosimilaires et le princeps.
La toxicité des anticorps monoclonaux peut s’expliquer par leur capacité à interagir avec le système immunitaire. Parmi les effets indésirables les plus fréquents, nous retrouvons les réactions liées à la perfusion qui apparaissent généralement de 30 minutes à 2h après le début de la perfusion, pouvant aller jusqu’à 72h après la perfusion (14). Elles surviennent généralement lors des premières injections. Les mécanismes d’action de ces réactions sont peu connus. Nous distinguons tout de même, les réactions immédiates régies par les IgE, dites allergiques, des réactions immédiates de relargage cytokinique, dites nonallergiques (15). Leur distinction est fondamentale pour une éventuelle réintroduction ; dans le cas des réactions impliquant des IgE, elle est contreindiquée, et possible dans le cas des syndromes de relargage cytokinique (14). Les récents progrès sur la compréhension des réactions d’hypersensibilité ont fait évoluer la classification de Coombs et Gell, de 1975 (16) qui classée les hypersensibilités en quatre grands types : type I – hypersensibilité immédiate médiée par les IgE, type II – hypersensibilité liée aux IgM et IgG, type III – hypersensibilité par complexes immuns et type IV – hypersensibilité retardée médiée par les lymphocytes T. En 2003, Johansson a notamment revu la nomenclature des allergies distinguant les hypersensibilités non-allergiques des allergiques et parmi les allergiques celles médiées par les IgE et celles nonmédiées par les IgE (17). Une étude récente plus spécifique sur les réactions d’hypersensibilités aux anticorps monoclonaux décrit des réactions de type I, des relargages cytokiniques, des réactions mixtes et des réactions retardées (18). Parmi les réactions d’hypersensibilité retardée, les maladies sériques sont également décrites (19). La symptomatologie même des réactions ne permet pas de différencier ces différents types d’allergie. Cependant l’étiologie et le diagnostic sont fondamentaux pour prévoir une éventuelle réintroduction du traitement.
La pharmacovigilance
La pharmacovigilance, préoccupation mondiale, est la résultante de plusieurs scandales sanitaires, principalement au cours du XX° siècle. Notamment la tragédie du thalidomide dans les années 60 (20), enregistrant plus de 10 000 malformations chez des nouveau-nés de mère traitées par cette molécule ; conduisant à l’amendement de la loi Kefauver-Harris « Federal food, drug and cosmetic art » signé en 1962 aux Etats-Unis, obligeant les fabricants de médicaments à prouver l’efficacité et la sécurité de leur molécule avant commercialisation, notamment chez la femme enceinte (21). L’année suivante en 1963, l’organisation mondiale de la santé (OMS) créa les centres nationaux de pharmacovigilance, dans 10 pays ; en France, la Direction Générale de la Santé proclamera les premiers centres de pharmacovigilance en 1973 (22). Des décrets se suivirent pour légiférer sur la pharmacovigilance en France, notamment celui du 24 mai 1984 rendant obligatoire la déclaration des effets indésirables par les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (23). Le décret du 13 mars 1995 étend cette obligation aux pharmaciens (24). L’histoire récente du Médiator® (25) rappelle la nécessité de surveillance des médicaments après leur commercialisation, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) a été créée en 2012, suite à ce drame, pour renforcer la sécurité sanitaire (26). L’objectif de la pharmacovigilance est la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits mentionnés aux articles L.5121-1 et R.5121-150 du Code de la Santé Publique .
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Table des matières
1 INTRODUCTION
2 LISTE DES TABLEAUX AVEC LEUR NUMEROTATION
3 LISTE DES FIGURES AVEC LEUR NUMEROTATION
4 LISTE DES ABREVIATIONS
5 MEMOIRE DE THESE
5.1 Introduction
5.1.1 Le princeps – Mabthera®
5.1.2 Les biosimilaires – Truxima® et Rixathon®
5.1.3 Médicaments biologiques et réactions immunitaires
5.1.4 La pharmacovigilance
5.2 Méthodes et recherches
5.2.1 Aspects réglementaires
5.3 Résultats
5.3.1 Notifications des cas graves d’hypersensibilité
5.3.2 Populations des cas graves d’hypersensibilité selon les périodes
5.3.3 Caractéristiques des cas graves d’hypersensibilité selon les périodes
5.3.4 Caractéristiques des cas graves d’hypersensibilité selon le médicament – 2017 à 2020
5.3.5 Notifications des cas de décès sous RTX
5.3.6 Populations des cas de décès sous RTX selon les périodes
5.3.7 Caractéristiques des cas de décès sous RTX selon les périodes
5.3.8 Caractéristiques des cas de décès sous RTX selon le médicament – 2017 à 2020
5.3.9 Codage dans la BNPV – Cas décès
5.4 Discussion
5.4.1 Evolution de la pharmacovigilance de 1998 à 2020
5.4.2 Les biais de pharmacovigilance
5.4.3 Populations comparables des cas graves d’hypersensibilité selon les périodes
5.4.4 Réactions graves d’hypersensibilité comparables selon les périodes
5.4.5 De 2017 à 2020 : Mabthera®, biosimilaires et données manquantes
5.4.6 Décès sous RTX : populations et réactions quelques différences
5.5 Conclusion
CONCLUSION
6 BIBLIOGRAPHIE
7 ANNEXES