Etude des candidoses vulvo-vaginales et oro-pharyngées en milieu hospitalier

Les candidoses, dues aux levures du genre Candida, sont les infections opportunistes les plus fréquentes et représentent désormais plus de 80% des infections à levures [15]. Parmi les candidoses, l’infection par Candida albicans, commensal des muqueuses digestive et génitale, est la plus commune et représente plus de 60% des levures isolées chez l’homme [98]. L’épidémiologie des candidoses a fortement évolué au cours des dernières décennies. L’arrivée du VIH-Sida, de nouvelles pratiques médicales telles que les greffes d’organes et la chimiothérapie, des antibiotiques à larges spectres et l’utilisation des pilules contraceptives ont largement contribué à l’émergence de ces infections. Ces dernières peuvent se présenter sous plusieurs formes, en particulier les candidoses oro-pharyngées et vulvo-vaginales qui constituent les localisations les plus fréquentes. La candidose vulvo-vaginale est un motif fréquent de consultation en gynécologie pouvant affecter 8,8% à 63% des femmes symptomatiques [55,48]. Il est estimé que 75% des femmes feront au moins un épisode de vaginite à Candida au cours de leur vie. Parmi elles, 40 à 50% souffriront de plus d’un épisode et que 5 à 8% développeront une candidose vulvo-vaginale récurrente (CVVR) caractérisée par la survenue d’au moins quatre épisodes prouvés pendant une année [77, 105]. Au niveau buccal, certains facteurs tels que la présence de plaques, un régime riche en hydrates de carbone, l’utilisation de prothèses dentaires dont l’absence de soins favorise la formation de biofilms, prédisposent à la prolifération de Candida [4]. Par ailleurs, le diagnostic de la candidose buccale est très important car elle peut être la première manifestation de l’infection à VIH [29]. Malheureusement, elle est sous diagnostiquée dans nos pays surtout en l’absence de symptômes patents.

En Afrique, les quelques études réalisées font état d’une prévalence des candidoses bucco-pharyngées de l’ordre de 40% [35,75] et des candidoses vulvo-vaginales variant de 26% à 43% [5, 11, 50, 61]. Au Sénégal, nous sommes confrontés à l’insuffisance voir l’absence de données scientifiques décrivant ces infections, ainsi que les espèces isolées. Cependant, les rares études menées sur les candidoses uro-génitales à C. albicans montrent une fréquence de 18% entre 2004 et 2008 à Dakar [35, 75]. C’est pour cette raison que nous nous sommes proposés de réaliser cette étude sur les candidoses oro-pharyngées et vulvo-vaginales au laboratoire de Parasitologie du Centre Hospitalier National Universitaire (CHNU) de Fann et de l’Hôpital Régional de Thiès, afin d’actualiser les données épidémiologiques, cliniques et biologiques sur les candidoses.

RAPPELS SUR LES CANDIDOSES

Définition

Les candidoses sont des infections cosmopolites dues à des champignons levuriformes appartenant au genre Candida dont l’espèce Candida albicans est la plus fréquente et est responsable de la plupart des manifestations pathologiques chez l’homme. Elles sont plus courantes chez les patients présentant un terrain d’immunodépression tels que le diabète, les hémopathies, les cancers, les greffes d’organes ou le VIH Sida [20]. Le rôle pathogène de candida peut s’exercer [7]:
– Soit sur le plan cutanéo-muqueux déterminant des candidoses superficielles qui sont fréquentes et bénignes
– Soit sur le plan viscéral donnant ainsi des candidoses profondes septicémiques notamment plus rares mais graves.

Historique

Plusieurs périodes jalonnent l’histoire des connaissances sur les candidoses :
– Hippocrate, le père de la médecine au IV ème siècle avant Jésus-Christ, décrivit les lésions buccales caractéristiques « le muguet » et leur association à une altération de l’état général.
– En 1849, Wilkinson a décrit le rôle du Candida dans certaines vaginites.
– En 1853, Robier est le premier à utiliser le nom d’espèce albicans : Oidium albicans. Puis pendant longtemps, Monilia albicans est utilisée pour caractériser le champignon et Monoliase pour parler de la maladie.
– En 1923, Berkhout propose le nom de genre Candida en remplacement de celui de Monoliase.
– A partir de 1940, avec l’arrivée des antibiotiques à larges spectres, de la réanimation médicale, des cathéters et les progrès de la chirurgie, leurs fréquences augmentent considérablement.
– Avec l’utilisation de la pilule contraceptive depuis 1964, le nombre de cas de candidoses vaginales a triplé en une quinzaine d’années.

Aujourd’hui, il existe plus de 200 espèces de Candida dont la plus récente, a été isolée il y’a 35 ans à partir des sécrétions vaginales de patientes africaines : il s’agit de Candida africana .

Epidémiologie

Agents pathogènes 

Classification
Les espèces du genre Candida appartiennent au phylum des Deuteromycotina, à la classe des Ascomycètes, à l’ordre des Saccharomycètes, à la famille des Candidaceae et au genre des Candida [38, 112]. Il existe aujourd’hui 248 espèces différentes de Candida et certaines de ces espèces sont principalement pathogènes chez l’homme :
– Candida albicans
– Candida tropicalis
– Candida krusei
– Candida guilliermondii
– Candida parapsilosis
– Candida kefyr
– Candida dubliniensis
– Candida famata
– Candida lipolytica
– Candida norvegensis
– Candida lutsaniae
– Candida africana .

Morphologie et mode de reproduction 

Les Candida se présentent comme de petites levures rondes, cylindriques ou ovalaires de 3 à 15 microns, non capsulées, non pigmentées, et souvent accompagnées de filaments mycéliens ou pseudo-mycéliens. Ces levures se reproduisent de façon asexuée par bourgeonnements multilatéraux d’une cellule mère (le blastospore) [57], formant ainsi des colonies blanches crémeuses. Mais depuis la découverte du Mating Type Lotus (MTL) et des conditions nécessaires à la reproduction de C. albicans, a été établi un cycle parasexuel (reproduction et réduction du génome sans méiose) comme possible modèle de reproduction sexuée de C. albicans [12, 56] Certains paramètres tels que le pH, la température ou encore la richesse du milieu de culture influencent l’aspect morphologique que peut prendre Candida [31]. Ainsi, trois aspects morphologiques peuvent être rencontrés:(figure 1)
-La forme blastospore, ronde ou ovalaire, mesurant de 2 à 4 µm avec parfois un bourgeon de formation.
-La forme pseudo-mycélium, mesurant de 500 à 600 µm de longueur et de 3 à 5 µm de largeur, composée d’un assemblage de cellules mises bout à bout pouvant simuler un filament mycélien [106, 107]. Chaque compartiment cellulaire est identique en longueur, contient la même quantité de matériel génétique, mais diffère du précédent en quantité de cytoplasme et de ces constituants [9].
-La forme mycélium vrai, champignon filamenteux, où la conversion d’une levure en filament mycélien passe par l’intermédiaire d’une structure appelée le tube germinatif. Elle se rencontre chez les espèces C. albicans, C. tropicalis et C.dubliniensis. Cette forme favorise l’invasion des tissus et des organes de l’hôte [47].

Forme de résistance
Sous certaines conditions environnementales extrêmes en termes de milieu et de température, et seulement chez C. albicans et C. dubliniensis, peuvent apparaitre sur les filaments mycéliens, de grosses spores, rondes ou ovales, à paroi épaisse, de 6 à 12 micromètre de diamètre : ce sont des chlamydospores. Elles sont multiples chez C. albicans et unique chez C. dubliniensis. Elles sont considérées comme des formes de résistance de la levure [12].

Habitat

Plusieurs espèces de Candida ont été retrouvées notamment sur les fruits et les légumes (Candida tropicalis, Candida larasei), d’autres dans les produits laitiers (Candida pseudo-tropicalis) mais Candida albicans n’a été isolé que rarement chez une espèce autre qu’humaine. Le tractus digestif de l’homme est le principal réservoir de Candida et il semble y avoir une prévalence croissante d’amont en aval : 35% au niveau de l’oropharynx, 50% au niveau du jéjunum, 60% dans l’iléon et 70% dans le colon [28]. Les Candida se retrouvent aussi comme saprophytes de la muqueuse bronchique. Dans le vagin ils sont présents chez 15% des femmes non enceintes et chez 30% des femmes enceintes durant les derniers mois de la grossesse. Au niveau de la peau, sont retrouvées de nombreuses espèces de Candida à l’exception de C. albicans qui n’y est présent que dans les cas pathologiques. Dans l’urine et dans le sang, les Candida ne sont retrouvés que dans les cas pathologiques.

Mode de contamination

Il faut distinguer:
– La voie endogène principalement: la porte d’entrée est digestive ou génitale
– La voie exogène plus rarement incriminée:
● Chez le nouveau-né: la contamination est consécutive à une vaginite candidosique de la mère (contamination materno-fœtale)
● Chez l’adulte: elle est liée à la présence de matériels étrangers tels que les cathéters, prothèses.

Facteurs favorisants

Facteurs intrinsèques 

Facteurs physiologiques
– L’âge: les nouveau-nés et les personnes âgées sont à risque.
– Les modifications hormonales: chez la femme enceinte, en particulier au troisième trimestre de la grossesse, la fréquence de la candidose vaginale est plus élevée.

Facteurs locaux
– Macération, humidité, transpiration
– Microlésions: attrition des tissus
– Brûlures
– Toilettes intimes trop fréquentes
– Dépigmentation artificielle par les dermocorticoïdes
– Hyperacidité: buccale, vaginale
– Hyposialie: Diminution du flux salivaire provoque [30, 32]:
● Une baisse de l’action « lavante » due au débit diminué, un faible flux salivaire interférant moins avec l’adhésion des levures.
● Une diminution de l’activité antifongique de la salive par une diminution des constituants à disposition comme le lysozyme et la lactoperoxydase.
● Une réduction de pH de la bouche, cette acidification du milieu buccal est favorable à la croissance des Candida.

L’hyposialie peut être causée par des maladies auto-immunes telles que le syndrome de Gougerot- Sjögren ou le lupus érythémateux, par des dysfonctions hormonales telles qu’un diabète non contrôlé ou une dysfonction thyroïdienne ou encore par des atteintes neurologiques telles que la maladie de Parkinson ou la dépression [36].L’involution sénile des glandes salivaires provoque également une baisse du flux [74].

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Table des matières

INTRODUCTION
I. DEFINITION
II. HISTORIQUE
III. EPIDEMIOLOGIE
III.1.AGENTS PATHOGENES
III.1.1. Classification
III.1.2. Morphologie et mode de reproduction
III.1.3. Habitat
III.2.MODE DE CONTAMINATION
III.3.FACTEURS FAVORISANTS
III.3.1. Facteurs intrinsèques
III.3.1.1. Facteurs physiologiques
III.3.1.2. Facteurs locaux
III.3.1.3. Facteurs nutritionnels
III.3.1.4. Terrain ou maladie sous-jacente
III.3.2. Facteurs extrinsèques
III.4.REPARTITION GEOGRAPHIQUE
IV. CLINIQUE
IV.1. PHYSIOPATHOLOGIE
IV.2. FORMES CLINIQUES
IV.2.1. Les candidoses superficielles
IV.2.1.1. Les candidoses cutanées et unguéales
IV.2.1.2. Les candidoses des muqueuses
IV.2.2. Les candidoses profondes
IV.2.2.1. Les candidoses viscérales
IV.2.2.2. Les candidoses septicémiques
IV.2.3. Manifestations allergiques
V. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
V.1. LES PRELEVEMENTS
V.2. DIAGNOSTIC MYCOLOGIQUE
V.2.1. Examen direct
V.2.2. Culture
V.2.2.1. Ensemencement
V.2.2.2. Incubation
V.2.2.3. Identification
V.2.2.3.1. Test de blastèse
V.2.2.3.2. Recherche de chlamydospores
V.2.2.3.3. Test d’identification rapide
V.2.2.3.4. Réduction des sels de tetrazolium
V.2.2.3.5. Auxannogramme
V.2.2.3.6. Zymogramme ou test de fermentation
V.2.3. Interprétation
V.3. DIAGNOSTIC IMMUNOLOGIQUE
V.4. DIAGNOSTIC MOLECULAIRE
V.5. DETERMINATION DE LA SENSIBILITE DES ANTIFONGIQUES
VI. TRAITEMENT
VI.1. PRINCIPES
VI.2. MOYENS THERAPEUTIQUES
VI.2.1. Les antifongiques locaux
VI.2.2. Les antifongiques généraux
VII. INDICATIONS
VII.1. CANDIDOSES SUPERFICIELLES
VII.2. CANDIDOSES PROFONDES
VIII. PREVENTION
CONCLUSION

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