La richesse archéologique de l’ile de Téviec, Morbihan, France a été révélée par Félix Gaillard en 1883 ; le site est depuis devenu célèbre à la suite des campagnes de fouilles de la famille Péquart de 1928 à 1930 et a fait l’objet d’études approfondies par de nombreux auteurs. On peut citer, de manière non exhaustive :
Péquart (1928, 1929, 1937),
-Caillard (1976),
Vallois (1977),
Rozoy (1978),
Spitery (1983),
Schulting (2001),
Marchand (2003),
Vizier (2007),
Villotte (2008),
Bosset(2009).
Ces analyses scientifiques très documentées ont peu abordé la paléopathologie non traumatique des restes humains, hormis l’étude de Dastugue et de Lumley (1976), puis Dastugue (1979).
La dysplasie de hanche
Définition
La dysplasie de hanche se définit comme un défaut du développement architectural de la hanche lors de la croissance. Ce trouble induit une articulation défectueuse entre l’acetabulum et la tête du fémur. Celle-ci est génératrice de troubles multiples Le terme de dysplasie de hanche pose un problème de définition ; en effet, dans la littérature anglosaxonne, la dysplasie englobe toutes les déformations engendrées par un trouble de développement et les déformations les plus importantes comme la luxation congénitale de hanche, la subluxation, les dystrophies, les séquelles d’épiphysiolyse. En France, la définition est plus restrictive. Elle est utilisée pour des anomalies morphologiques coxo-fémorales mais où la tête fémorale n’est pas déplacée. La conséquence principale sera donc à plus ou moins long terme une usure anormale du cartilage de glissement coxo fémorale et une arthrose.
Le terme de dysplasie concerne donc l’ensemble des anomalies morphologiques et d’architecture du fémur et du cotyle.
Deux éléments principaux semblent intervenir dans la physiopathologie du contexte dysplasique (Ficat, 1976):
-L’augmentation de l’angle cervico-diaphysaire, dite en valgus, potentialisée par l’augmentation de l’antéversion qui entraine une hyperpression externe.
-L’insuffisance de l’acetabulum soit trop court, soit trop oblique.
L’association de ces deux désordres sur un cotyle cartilagineux en croissance va entrainer une contrainte d’appui anormale. On constate fréquemment que c’est l’insuffisance du cotyle qui est le facteur déterminant. En fait, pendant longtemps, le terme de dysplasie a été appliqué aux anomalies radiologiques du cotyle et du fémur. La composante fémorale qu’il s’agisse de l’augmentation de l’angle cervico trochantérien ou de l’hyper antéversion du col est pour beaucoup contestable. A la suite de plusieurs publications Geiser (1977), Seringe (1984), Mladenov (2002) une définition plus restrictive des dysplasies semble devoir être proposé réservant ce terme à la déformation de l’acétabulum court et oblique.
Classification des dysplasies
Elle comprendrait :
– Une dysplasie acétabulaire primitive (et génétique) sans rapport avec une luxation congénitale de hanche et sans risque évolutif vers une luxation. Elle serait une variante de la normale et correspondrait à un morphotype constitutionnel avec un cotyle court.
– Une dysplasie secondaire conséquence d’une subluxation, voire d’une luxation réversible. Elle en représenterait la cicatrice.
– La dysplasie résiduelle. Elle est celle qui persiste après un traitement même bien conduit. Elle a probablement une part primitive. Elle est hors de notre sujet au mésolithique.
Revue de la littérature
La dysplasie de hanche et sa forme majeure la luxation congénitale de hanche sont peu représentées dans la littérature archéologique ce qui contraste avec leur fréquence dans la population (Le Damany, 1929), (Sutter, 1972), (Scottet, 2006) .
Les articles de paléopathologie sont peu nombreux et n’ont pas fait souvent l’objet de descriptions précises. On peut en faisant la bibliographie le comprendre en identifiant probablement trois raisons :
– Un diagnostic incertain, dans la mesure où dans le premier tiers du XXième siècle certaine pathologie de hanche était mal individualisée,
– Une publication où la pathologie n’est pas le sujet principal ; elle est simplement relatée.
– Un cas fortuit qui ne permet guère un article de fond. L’éventuelle publication est faite dans des revues de faible diffusion, difficilement accessibles avec le recul du temps.
Population préhistorique
La plus ancienne description correspond probablement à l’australopithèque robustus Swartkrans SK 50 daté de 1,7 millions d’année BC (Spitery, 1983, Broom, 1949, Brain, 1974) Ce spécimen montre une luxation de hanche appuyée dans un néo-cotyle au-dessus du paléo-cotyle. Il est évidemment difficile de différencier une luxation traumatique non réduite d’une luxation congénitale à proprement parler. L’hypothèse d’un recollage trompeur des fragments reste ouverte (Robinson, 1972). Le néanderthalien de la Chapelle aux saint a une ovalisation de l’acetabulum avec un bord supérieur peu rétentif. L’hypothèse d’une subluxation congénitale a été envisagée (Dastugue et de Lumley, 1976a). Ces deux auteurs citent par ailleurs la nécropole de Téviec où deux sujets auraient des cotyles ovalisés ainsi qu’une augmentation de l’angle de déclinaison des cols fémoraux. On peut rappeler la description précise d’Hippocrate (traduit par Littré édition 1932) dans son traité des articulations. Whitney (1884) rapporte une luxation congénitale sur un précolombien d’Amérique du Nord. Smith Elliot et Wood Jones (1907) décrivent 5 squelettes provenant de Nubie (Egypte). Manouvrier (1909) rapporte un cas de luxation retrouvée dans le dolmen de Barbehère (Gironde). Dans le cadre de la discussion de la société d’anthropologie Raymond commente un cas néolithique sans plus de précision qui ne paraît pas avoir été publié. Le cas rapporté sur la représentation artistique « de la reine de Pount » par Slomann (1927) dans le panthéon égyptien est contesté médicalement par Vassam (1956). Un cas de subluxation bilatérale chez une femme de 18/20 ans à Baume de Montclus, Gard (France), site mésolithique, est décrit par Dastugue (1979). Il a été analysé par M. Escalon de Fonton et l’étude publiée dans le mémoire de H.V. Vallois (1977) : « Du côté droit, l’acetabulum est nettement évasé vers le haut et son diamètre vertical atteint 51 mm alors que le diamètre de la tête fémorale est de 45 mm. Cette discordance signe le décentrement…Les deux articulations ont subi un début d’altération consécutive à l’anomalie mécanique congénitale » Moodie (1923) rapporte le cas ancien d’un péruvien ayant un cotyle déformé. Pales (1930) signale dans sa thèse un cas de luxation néolithique de hanche droite provenant de la collection Prunières n° 153 du muséum. En fait, l’examen critique de cette pièce, sans le cotyle, montre une déformation dite « en tampon de wagon » qui correspond probablement à une séquelle de nécrose ou de fracture en coxa valga. Sans le cotyle, on ne peut raisonnablement l’attribuer à une luxation.
|
Table des matières
Introduction
1. Projet d’étude
1.1 Matériel d’étude
1.2 Question scientifique posée
1. 3 But recherché
2. La dysplasie de hanche
2.1 Définition
2.2 Classification
3. Revue de la littérature
3.1 Population préhistorique
3.2 Population médiévale
4. Anatomie
4.1 Généralités
4.2 L’os iliaque
4.2.1 La cavité cotyloide
4.2.2 Le trou ischio-pubien
4.2. 3 Le rebord de la cavité
4.2.4 Le pubis
4.2.5 L’ischion
4.3 L’extrémité supérieure du fémur
4.3.1 La tête du fémur
4.3.2 Le grand trochanter
4.3.3 Le petit trochanter
4.3.4 Les lignes inter-trochantériennes
4.4 Le col du fémur
4.4.1 L’orientation
4.4.2 Les caractères discrets
4.5 L’articulation coxo-fémorale
4.5.1 La capsule
4.52 Le bourrelet
4.5.3 La synoviale
4.5.4 Le ligament rond
5. La hanche en croissance
5.1 Le développement du cotyle
5.1.1 L’ossification
5.1.2 L’angle C d’abaissement du toit du cotyle
5.1.3 L’angle C.E. de couverture externe
5.1.4 La croissance du fond du cotyle
5.1.5 L’épaisseur de l’arrière-fond
5.1.6 L’évolution de l’antéversion
5.2 La croissance du fémur
5.2.1 Les structures de croissance
5.2.2 La synergie fémoro-cotyloidienne
5.2.3 Chronologie des cartilages de croissance
5.2.4 Evolution de la croissance du fémur
5.3 Mensuration anatomique du cotyle
6. Coxométrie
6.1 Le plan frontal
6.1.1 L’angle de couverture latéral
6.1.2 L’angle de couverture médial
6.1.3 L’angle cervico-diaphysaire
6.1.4 L’angle du toit acétabulaire
6.1.5 Le cintre cervico obturateur
6.1.6 La distance médiale
6.1.7 L’angle d’inclinaison de l’acétabulum
6.2 Le plan sagittal
6.2.1 L’angle de couverture antérieure
6.2.2 L’angle de couverture postérieure
6.3 Le plan transversal
6.3.1 L’angle d’antéversion du fémur
6.3.2 L’angle d’antéversion du cotyle
7. Anatomie fonctionnelle
7-1 la croissance de la hanche
7-2 l’équilibre statique
7-3 le comportement de surface
7-4 la mécanique articulaire
8. Téviec, station mésolithique
8.1 Rappel géographique
8.2 Rappel historique
9. Etude de la collection Téviec
9.1 Méthodologie
9.1.1 Le fémur
9.1.2 Le cotyle
9.1.2.1 L’ovalisation du cotyle
9.1.2.2 La longueur du toit
9.1.2.3 La profondeur du cotyle
9.2 Analyse
9.2.1 Sujet
9.2.2 Sujet
9.2.3 Sujet
9.2.4 Sujet
9.2.5 Sujet
9.2.6 Sujet
9.2.7 Sujet
9.2.8 Sujet
9.2.9 Sujet
9.2.10 sujet
9.2.11 sujet
9.2.12 sujet
9.2.13 sujet
9.2.14 sujet
9.3 Collection Hoëdic (comparatif)
10. Discussion
11. Conclusion
12. Références