Cause des agressions chez les primates
Les primatologues identifient les causes des agressivités entre singes comme la nourriture, le sexe et le pouvoir. Bref, l’individu agresse autrui pour défendre et promouvoir ses propres intérêts. Mais c’est une explication trop rationaliste, car souvent les singes s’agressent par jeu, sans qu’on puisse penser qu’ils en escomptent un avantage autre que le plaisir de l’agression en elle-même (Martine, 2005). Chez les chimpanzés l’agressivité se voit surtout lors de la compétition pour la nourriture, pour défendre le territoire et pour avoir un partenaire sexuel. Dans, les zoos, ils se volent mutuellement la nourriture, mais les agressions entre les individus, tout en restant fréquentes, sont moins violentes que dans la nature, où beaucoup de singes portent des traces de blessures infligées par leurs congénères (Martine, 2005). Les primatologues conçoivent les comportements agressifs chez les singes comme un moyen normal pour négocier sa place dans le groupe plutôt que comme un instinct fondamentalement antisocial. Ce sont des caractères communs à la vie sociale des primates (Ray, 1999).
Ecologie, organisation sociale, et comportements
Selon Sussman en 1972, Lemur catta est une espèce diurne, semi-terrestre qui se déplace les 20% de son temps au sol (Sauther, 2002). Son régime alimentaire est très varié et change selon l’habitat et les saisons. Il se compose essentiellement de fruits, de feuilles, de bourgeons, de fleurs et d’invertébrés. Les espèces végétales qui constituent les principales ressources des makis varient aussi selon les régions où ils habitent. Les makis se reproduisent une fois par an, avec un petit par portée et rarement deux. Ils s’accouplent entre mi avril et mi juin. C’est une espèce exogame et polyandre (exogamie = le fait de choisir son partenaire hors du groupe ; polyandrie = le fait pour une femelle d’avoir plusieurs partenaires mâles). Ils donnent naissance dès début septembre jusqu’ en fin novembre. Ainsi la période de gestation dure normalement entre 135 et 145 jours (Rasamimanana, 2004). La sex-ratio est en faveur des femelles en général. La période d’allaitement va dès la naissance jusqu’à la période de sevrage, c’est à dire de septembre à mars. L’espérance de vie des makis est d’environ 20 ans en captivité. Ils ont comme prédateurs terrestres et arboricoles les serpents du genre Boa, le fosa ou Cryptoprocta ferox et le civet indien, Viverricula indica (jaboady), les chiens et chats domestiques (Sauther, 2002). Les prédateurs aériens sont généralement des rapaces des genres Polyboroides radiatus et Buteo brachypterus (Goodman et al., 1993 ; Sauther, 1989 ; Ratsirarson, 1985). Leur organisation sociale est très complexe. Ils vivent dans des groupes de taille moyenne entre 9 à 22 individus (Budnitz et Dainis, 1975), constitué de plusieurs mâles et de plusieurs femelles. La hiérarchie intra sexuelle des individus au sein d’un groupe est bien définie, ainsi que la dominance des femelles sur les mâles surtout lors de la copulation et durant les activités alimentaires. Selon Jolly en 1998, typiquement, les groupes contiennent plus d’une lignée maternelle et quelques lignées sont dominantes sur les autres. Les mères sont les principaux individus qui s’occupent des enfants. Les femelles restent dans leur groupe natal durant toutes leur vie, alors que la plupart des mâles à maturité quittent leur groupe et migrent et peuvent encore se disperser plusieurs fois durant leur vie (Koyama et Nakamichi, 1996). Les individus se communiquent au moyen des cris et des odeurs produites par les glandes brachiales et ano-génitales (Jolly, 2004 ; Razafimahatratra, 2008). Jolly et al. (1993) considère Lemur catta comme une espèce territoriale, car à Berenty, les groupes défendent agressivement l’aire centrale de leur domaine vital. Contrairement à Berenty, Sauther (1993) cité par Rasamimanana en 2004, ne classe pas l’espèce comme territoriale à Beza Mahafaly, à des centaines de km au Nord-Ouest de Berenty, car les domaines vitaux des groupes se chevauchent avec des aires centrales intensivement défendues et exploitées par un groupe pour une saison et ensuite utilisées par d’autres groupes pour une autre
Rappel de la problématique
Chez Lemur catta, la vie en groupe est organisée de façon complexe par la hiérarchisation intra sexuelle des individus membres du groupe (Rasamimanana, 1999). Ainsi la dominance des femelles envers les mâles est un cas unique chez les primates diurnes. Ce qui confère un rôle important aux femelles au sein du groupe (Jolly, 1966) entre autres la prise en main des soins à apporter au petit depuis sa naissance jusqu’au stade même de subadulte : c’est l’investissement maternel pour la survie de la progéniture. Elles les toilettent, les lèchent, les protègent contre les agressions des autres individus du groupe. Elles les rattrapent quand ils tombent ou les protègent des prédateurs. Elles les cherchent lorsque ces derniers s’égarent pendant les déplacements. Bref, elles semblent ne jamais agresser leurs petits (Gould, 2006). Pourtant lors de nos travaux sur terrain dans la Réserve de Berenty, des femelles de certains groupes ont été vues gifler leur propre progéniture avant la période d’accouplement. Telle situation a semblé avoir lieu plutôt dans des groupes qui vivent dans la périphérie de la forêt aux alentours des endroits touristiques, habitats que nous jugeons comme pauvres en ressources alimentaires, que dans ceux vivant dans la forêt galerie. Cela nous amène à poser la question de recherche suivante: dans quelles mesures les facteurs socio écologiques du milieu de vie des lémuriens vivant en groupe, influent- ils sur le comportement des mères envers leurs petits ? Trois hypothèses sont avancées pour répondre à cette problématique.
Végétation
Si le climat influe dans une certaine mesure sur la formation végétale typique de la région, la rivière Mandrare adoucit ce facteur climatologique et permet la subsistance d’une forêt galerie qui, autrefois longeait la rivière sous forme de bande continue. La Réserve privée de Berenty est le vestige de cette forêt galerie. En s’éloignant de la rivière, on assiste à une dégradation progressive de la stratification en allant de la forêt galerie à canopée fermée, en passant par la forêt de transition à canopée ouverte et se terminant par la forêt épineuse. Ces trois principaux types de végétations se répartissent différemment dans deux grandes sections de la réserve qui sont appelées respectivement, du Nord au Sud, la forêt d’ANKOBA et la forêt de MALAZA. Cette dernière a une surface d’environ 200 ha et est divisée en 4 zones, selon leur type de végétation : Au Nord la Forêt galerie s’étend le long de la rivière Mandrare. Elle est dominée par les grands arbres de tamariniers (Tamarindus indica). La canopée est fermée et la végétation stratifiée :
La strate supérieure est formée par des arbres supérieurs à 12 m de haut et est composée essentiellement de Tamarindus indica, Celtis philippensis, Celtis bifida, Acacia rovumae, Quisivianthe papinae, Crataeva excelsa.
La strate intermédiaire dont les arbres ont une hauteur entre 5m et 12m, est composée par Rinorea greveana, Enterospermum sp.
La strate inférieure avec des arbustes de 1 à 5 m de haut couvert de lianes : Secamone discolor, Bythneria sp, Azima tetracantha, Cordia caffra.
Le sous bois a des plantes inférieures à 1m de haut et est formé par Croton sp, et la plupart des plantes du sous bois appartiennent aux familles des Acanthaceae et des Commelinaceae (Felantsoa, 2002).
Au sud, la Forêt épineuse qui est aussi stratifiée est constituée principalement d’espèces succulentes, épineuses et dominées par les familles de Didiereaceae et Euphorbiaceae (Pride, 2003). Entre les deux se trouve la Forêt de broussailles qui est une transition; qui renferment surtout des arbustes et des broussailles avec quelques tamariniers plus ou moins isolés. En fin, la zone aménagée se trouve dans une partie de la frontière Ouest de MALAZA. La zone aménagée est non stratifiée et possède une végétation formée essentiellement de plantes ornementales comme Azadirachta indica, Eucalyptus sp, Cassia sp, Bougainvillae spectabilis, Cordia sinensis et d’espèces indigènes comme Didierea trolii, Euphorbia sp. La plupart des plantes dans cette zone aménagée sont des espèces introduites (Pride, 2003 ; Andrianome, 2007).
Caractéristiques et composition des groupes
Après avoir tiré au sort les 2 groupes à étudier, les groupes G3 et YF en sont sortis (Tab.III). Le groupe G3 est reconnaissable par son domaine vital aux environs du restaurant, à l’ouest de la réserve, et par le nombre d’individus qui le composent et lequel est de 9 dont 2 femelles allaitantes, 2 femelles non allaitantes, 3 adultes mâles, une juvénile femelle et un juvénile mâle. Les individus marqueurs du groupe sont une femelle du nom de Rafotsy dont l’étoile frontale a l’allure d’un triangle isocèle, un mâle nommé « Kataract » dont la rétine de l’œil droit possède une fine couche blanche et un autre mâle du nom de « Tata » dont l’oreille gauche est déchirée. Le groupe YF se rencontre le plus souvent dans les parages de la cafétéria, au nord de la réserve et se compose de 10 individus dont trois femelles allaitantes, une femelle non allaitante, trois adultes mâles, deux juvéniles dont un mâle et une femelle et un petit de 3 mois. Les individus marqueurs de ce groupe sont « Paoma », une femelle allaitante borgne de l’œil droit, une femelle « Bold » qui vient de mettre bas en Janvier 2011 et un mâle « Tôkalah » aux yeux couleur rouge foncé. Selon ce tableau III les deux groupes ont à peu prés la même physionomie, le même nombre de femelles adultes, d’adultes males et de juvéniles des deux sexes, le bébé de 3 mois du groupe YF constitue une des différences. Le nombre de femelles allaitantes, trois dans YF contre deux dans G3 est la deuxième différence entre les deux. Mais comme ils ont la même physionomie, on peut avancer qu’ils sont comparables.
AGRESSIONS MATERNELLES EN FONCTION DU TEMPS ET DES ACTIVITES
Le tableau XI ci-dessous démontre que les agressions maternelles ont surtout lieu durant les repos (16 fois) ensuite durant les déplacements (11 fois), l’allaitement et l’autotoilettage (8 fois). Et selon la plage horaire, elles ont lieu surtout entre 9h et à 14h durant les trois premières activités. Comme l’allaitement est l’activité où la mère et son petit sont les plus proches, accolés même, l’une de l’autre, cela favorise les occasions d’agressions maternelles. Les petits d’un groupe sont catégorisés en petits de moins de 6 mois et en juvéniles de plus de 6 mois. Ils tètent durant différents laps de temps.
|
Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES FIGURES
LISTE DE TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES
LISTE DES ACRONYMES
GLOSSAIRE
RESUME
ABSTRACT
FAMINTINANA
INTRODUCTION
Partie I-ETAT DES CONNAISSANCES
I-1 Généralités sur les makis et sur les comportements agonistiques chez les primates
I-1-1 Définitions
I-1-2 Cause des agressions chez les primates
I-1-3 Agressions maternelles chez quelques primates
I-1-4 Caractéristiques de Lemur catta
I-1-5 Comportements agonistiques chez les makis
I-2 Problématiques et hypothèses
I-2-1 Rappel de la problématique
I-2-2 Construction des hypothèses
I-2-3 Paramètres de vérification des hypothèses
I-2-4 Finalités de la recherche
I-3 Le site d’étude
I-3-1 Situation géographique et statut de la Réserve
I-3-2 Climat et sol
I –3-3 Végétation
I-3-4 Faune
Partie II MATERIELS ET METHODES
II-1 Matériels
II 1- 1- Matériel biologique: Lemur catta.
II 1- 2- Matériels de terrains
a) Paire de jumelles
b) Une montre numérique avec chronomètre
c) Appareil photographique
d) Carte de la Réserve
II-2 Méthodes
II-2-1 Période de suivi et durée d’observation
II-2-2 Méthode d’identification des groupes étudiés et des individus observés
II-2-3 Méthode de collecte de données
II-2-4 Méthodes de traitement des données et d’analyse statistique
Partie III- RESULTATS
III-1 Groupes étudiés et leurs territoires
III-1-1 Caractéristiques et composition des groupes
III-1-2 Territoire des deux groupes
III.2. Activités journalières des deux troupes
III-3 Alimentation des deux troupes
III-3-1 Liste total des espèces végétales consommées
III-3-2 Régime alimentaire des deux troupes
III-3-3 Principales espèces consommées par les deux troupes
III-4 Cas de comportement agonistique chez les makis
III- 5 Agressions maternelles en fonction du temps et des activités
III-6. Durée de la tétée selon la classe d’âge et le mois d’observation
III-7. Agression maternelle durant l’allaitement
III-8. Alimentation des juvéniles au cours de la période de suivi
III-9. Niveaux des agressions maternelles lors du sevrage
III-10. Agression maternelle et richesse des habitats
III-11 Agression maternelle selon le temps d’alimentation des mères
III-12. Rangs hiérarchiques et agressions maternelles
III-12-.1 Détermination des rangs hiérarchiques des femelles dans les 2 groupes
III-12-2 Agressivité maternelle et rangs hiérarchiques
III-13. Agression maternelle et les autres facteurs socio ecologiques qui influencent la vie des Lemur catta
III-13-1 Influence de la confrontation sur les agressivités maternelles
III-13-2 Agression maternelle selon les espèces confrontées
Partie IV : DISCUSSIONS
VI-1 Occurrence des agressions maternelles chez les primates
IV-2 Facteurs influençant la variation des agressions maternelles chez les primates
IV-3 Différents niveaux d’agressions maternelles durant le sevrage
IV-4 Agression maternelle et richesses des habitats
IV-5 Agressivité maternelle et rangs hiérarchiques
IV-6 Limites de ce travail
IV-7 Recommandations
IV-7-1 En primatologie
IV-7-2 En conservation et aménagement forestier
IV-7-3 En aménagements éco-touristiques
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet