Ce travail entre dans le cadre d’un ensemble de recherches systématiques, menées par un groupe de chercheurs au sein du Département Science des Matériaux et Métallurgie de l’Ecole Supérieure Polytechnique d’Antananarivo, pour la connaissance et la valorisation des matières premières, notamment les matières premières minérales disponibles à Madagascar.
En effet, nous pensons que pour fonder l’utilisation rationnelle de ces matériaux, il est important de disposer d’une solide base de connaissance scientifique et technique sur eux. Les gisements, les réserves ainsi que les caractéristiques physico-chimiques et minéralogiques des différents échantillons de ces gisements nous intéressent de façon particulière.
Nombreux sont les domaines d’activités artisanales ou industrielles qui font appel à l’utilisation de la chaleur dans les divers processus de cuisson, de fusion ou de traitement thermique auxquels elles sont impliquées. La production de la chaleur se réalise dans des foyers ou des fours. Ceux-ci sont donc constamment soumis aux actions continues et répétées de températures de service très élevées. Aussi leur construction et/ou réparation nécessitent elles des matériaux capables de résister aux sollicitations surtout thermiques, mais parfois chimiques et mécaniques également. L’ensemble de tels matériaux constitue la famille des réfractaires.
FABRICATIONS ARTISANALES
Cette catégorie comprend des opérateurs qui exercent à leur compte, seuls ou avec l’aide des membres de leur famille, parfois de quelques compagnons. Ils fabriquent des produits destinés à satisfaire les besoins propres ou à rapporter un certain revenu. Les travaux sont exécutés presque manuellement, ou rarement avec très peu de machines.
Trois exemples sont rapportés : des briqueteries traditionnelles, une fabrication de chaux et une fonderie artisanale.
Briqueteries traditionnelles
Ce que nous entendons ici par briquetier traditionnel, c’est le fabricant de briques de construction ou de tuiles en terre cuite, qui réalise sa production de façon artisanale, sans intervention de machine.
a- Localisation zonale et géographique
Les briqueteries artisanales abondent dans les environs d’Antananarivo, les sites de prédilection se trouvant à Ambohimangakely, Ilafy, Sabotsy Namehana, Ambohitrimanjaka, et d’autres encore à Itaosy, Ampitatafika, Ambohijanaka. D’ailleurs, ANDRIANARIMANANA Jean Claude [4] rapporte que depuis que Jean LABORDE l’a initiée à Mantasoa vers 1837, l’exploitation des argiles maraîchères pour la production de briques est devenue une activité courante sur les Hautes Terres Centrales. A présent, la zone d’expansion s’étend grosso modo dans le triangle Andilamena-TsiroanomandidyAmbalavao. A l’intérieur de cette zone, on peut encore délimiter une aire de grande densité. En effet, entre Anjozorobe au nord et Fianarantsoa au sud, Miarinarivo à l’ouest et Manjakandriana à l’est, on rencontre presque toujours plusieurs piles de briques en bordure des routes. Les briquetiers traditionnels assurent l’approvisionnement de la quasi-totalité des petites et moyennes constructions dans cette région.
Pour le reste du pays, il existe des briqueteries dans les régions côtières, mais les artisans connaissent deux types de problèmes. D’abord, ils ont des problèmes de cuisson car le bois est le seul combustible utilisé, alors que les forêts y sont en voie de raréfaction. Ensuite, les argiles de certaines régions ne sont pas d’une qualité propre à la production classique et directe de briques, mais nécessitent des études et expérimentations approfondies avant d’être utilisées.
Caractéristiques générales
Dans le cadre de cette enquête, nous avons interviewé deux personnes de connaissance qui oeuvrent dans les environs d’Itaosy Antananarivo. De ce fait, le présent rapport tient surtout de causeries amicales. Mais à en juger des observations directes, on comprend aisément que les propos de nos interlocuteurs ne sont pas à l’écart de la pure vérité des choses.
– Selon leurs déclarations, la saison de fabrication des briques commence chaque année vers le mois de juin, période où la pluie a longtemps cessé de tomber et les marais finissent de se dessécher. Elle prend fin vers le mois de novembre, lorsque les premières pluies estivales commencent à tomber de nouveau. La production de briques ne constitue donc pour eux qu’une activité saisonnière. Pour le reste de l’année, les briquetiers s’adonnent à d’autres occupations telles que les cultures potagères, le petit commerce et même le marché ambulant.
– Nos amis ont appris le métier depuis le bas âge, en accompagnant leurs parents à la besogne. En général, la pratique se transmet de génération en génération, mais selon le même rituel. Il s’agit d’une « formation sur le tas » dont le terrain constitue l’unique école. Ce qui explique le manque d’application et d’amélioration.
– Une dernière caractéristique c’est que l’activité leur rapporte parfois un complément de revenu rapide, mais qui reste tributaire de la situation économique des ménages. En effet, leur production n’a pas d’acquéreur régulier et demeure toujours sujette à des fluctuations très capricieuses des prix. A l’heure où nous avons effectué l’enquête, l’un de nos amis disposait encore d’un reliquat de quelques quarante mille briques de l’année précédente. Au moment de les écouler, il tomba victime d’une chute brutale du prix de vente, et préféra attendre une meilleure opportunité. Ce qui n’était pas le cas de son compagnon qui se trouvait obligé de vendre à regret, ayant été à court de ressources.
Technologie de fabrication
Matières premières
Les artisans briquetiers ne différencient que deux types de matières argileuses : les argiles des marais ou rizières qu’ils appellent « tany manga » d’une part, et les terres alluvionnaires récentes des berges qu’ils appellent « dilatra » d’autre part. Cette différentiation se répercute également dans les produits finis. Ceux-ci se divisent en « briques d’argile » et « briques de rivière » selon que la matière première provienne des marais, respectivement des berges.
A ces matières argileuses qui sont généralement trop grasses soit à cause du taux d’humidité très élevé, soit du fait de leur composition, on s’habitue à ajouter comme dégraissant, de la terre latéritique de surface ou tout simplement de la latérite apportée de la terre ferme qu’on appelle « lohatany ». Le dosage est très classique: 1/3 latérite et 2/3 argile. Il s’agit d’un dosage volumétrique qui reste presque constant quels que soient le type de la matière plastique argileuse et celui du dégraissant.
Fabrication des briques
La matière ainsi dosée est soumise à un gâchage très hâtif, et façonnée dans un moule en bois dont les gabarits en centimètres peuvent être de 24 x 12 x 12 pour Ambohitrimanjaka et 22 x 11 x 10 ou 22 x 11 x 9 pour la plupart des autres sites de production. Le séchage se fait directement au soleil, à l’air libre, sur une surface mal préparée. Il peut durer une semaine, quelquefois jusqu’à trois semaines, en fonction de l’ensoleillement et du souffle du vent.
L’examen attentif des briques du reliquat présent a permis de découvrir beaucoup d’anomalies : briques déformées, fissurées, excessivement blanches, de couleurs différentes dans une même série, etc. Questionnés sur ces sujets, nos interlocuteurs ont répondu de la façon la plus naturelle, que la plupart des défauts apparaissent déjà à l’issue du séchage et qu’il est pratiquement impossible de les éviter. Ces anomalies précoces peuvent pourtant être expliquées par le défaut de planéité de l’aire d’étalement et par le coup de soleil de séchage.
Four et cuisson
La production artisanale de briques n’utilise pas de four à proprement parler. D’habitude, les briquetiers se déplacent d’un site à l’autre et construisent un four à chaque cuisson, tout près du gisement d’argile et de l’aire de préparation. Les fours artisanaux sont construits à la volée, avec les mêmes briques à cuire, en même temps que l’on procède à l’enfournement et à la mise à feu. On essaie d’empiler les briques en laissant entre elles des espaces pour l’alimentation en combustibles, l’entrée d’air et l’échappement des gaz de combustion. Les parois latérales verticales du tas sont laissées en découvert. Seul le sommet pyramidal est recouvert de mottes de terre humide, probablement pour retenir un peu de la chaleur de cuisson.
On utilise alternativement ou en combinaison trois types de combustibles : le bois de chauffe, la tourbe et la balle de riz. La construction du four, la conduite du feu et la durée de la cuisson varient suivant le combustible utilisé. Il en est de même de la qualité des produits finis.
Les anomalies fréquemment observées sur les briques peuvent trouver explication partiellement, sinon principalement dans l’imperfection de la cuisson due à la technologie discutée précédemment. En effet, ni la quantité, ni la répartition du combustible ne répondent généralement pas d’un calcul approprié. Le manque d’isolation du « four» ne permet non plus de conserver adéquatement la chaleur de combustion ni d’élever la température aux valeurs requises. D’ailleurs, aucune mesure de température n’est effectuée durant la cuisson.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
◈ Chapitre Premier : IDENTIFICATION DU PROBLEME
◈ Deuxième Chapitre : PRODUITS REFRACTAIRES ET PISES
◈ Troisième Chapitre : MATIERES PREMIERES DES PRODUITS
◈ Quatrième Chapitre : GISEMENTS LOCAUX DES MATIERES PREMIERES
◈ Cinquième Chapitre : TECHNIQUES DE FABRICATION
◈ Sixième Chapitre : COLLECTE ET ETUDES DES MATIERES PREMIERES
◈ Septième Chapitre : CALCULS DE BASE DES PISES
◈ Huitième Chapitre : FABRICATION DE PISES
◈ Neuvième Chapitre : ETUDES DES PRODUITS FINIS
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES
ANNEXES