Depuis toujours, l’homme a cherché à communiquer avec les siens. C’est ainsi que dès la fin du XVIIIe siècle et jusqu’à nos jours, se sont développés, avec l’ère industrielle, des systèmes de plus en plus complexes permettant d’établir des communications entre points de plus en plus éloignés d’une région, d’un pays puis de la planète, et même audelà. Parmi les premiers systèmes de télécommunication permettant de transmettre des informations sur des distances à l’échelle d’un pays, nous pouvons citer les télégraphes de Chappe, qui fonctionnaient — est-ce un signe? — par voie optique. Puis sont apparus, au cours du XIXe siècle, le télégraphe électrique puis le télégraphe sans fil. Au cours du XXe siècle, ces techniques se sont perfectionnées et les distances de transmission se sont accrues. Les transmissions par câble et hertziennes se sont alors largement développées, notamment avec l’arrivée des satellites de télécommunication. Peu après, l’idée de transmettre des informations via la propagation de lumière par fibres optiques apparaît. La transmission par fibres optiques a rapidement supplanté la transmission par câbles électriques, notamment en ce qui concerne les longues et très longues distances, à l’échelle d’un continent ou de la traversée d’un océan. Dans ce dernier cas, seule la transmission par satellite reste une alternative crédible à la transmission par fibres optiques. Les systèmes de transmission par fibres optiques ont donc accompagné la révolution numérique qui a commencé il y a quelques dizaines d’années. Le travail que nous avons effectué au cours de ces trois années et qui sera reporté dans ce mémoire porte précisément sur des études d’amélioration de ces systèmes de télécommunication, afin qu’ils puissent encore pour longtemps soutenir la croissance numérique.
Historique des télécommunications optiques
L’idée de transmettre des données, notamment numériques, sur de grandes distances en utilisant les fibres optiques date de 1966. Néanmoins, la réalisation pratique de fibres optiques à très faibles pertes n’a eu lieu que progressivement, partant d’une atténuation du signal optique de 1000 dB/km (atténuation d’un facteur 10100 sur 1 km) en 1960 puis de 20 dB/km en 1975 pour atteindre la valeur encore valable actuellement d’environ 0.2 dB/km en 1984. Grâce à leurs très faibles pertes en ligne, les fibres optiques sont très compétitives pour les transmissions longue distance par rapport à d’autres technologies possibles comme les câbles coaxiaux. C’est ainsi qu’au cours du temps, les performances des systèmes de transmission par fibres optiques, qui sont liées notamment à leur capacité, c’est-à-dire à la quantité d’information qu’ils peuvent transmettre par seconde, et à la distance maximale que les signaux optiques peuvent atteindre sans être régénérés par des systèmes électroniques, ont augmenté de manière exponentielle suivant une loi de Moore. La Figure 1 décrit l’évolution, de 1970 à 2003, de la performance des systèmes de transmission sur fibres optiques mesurée via leur produit capacité d’information transmise × distance de transmission [1]. On constate une multiplication par 10 tous les quatre ans de ce produit pour les systèmes optiques ! Cette croissance a été assurée grâce à différentes technologies clés que nous allons énumérer.
Les premiers systèmes de transmission optiques étaient constitués de fibres optiques comprenant plusieurs modes de propagation (fibres multimodes), dont les signaux optiques modulaient une porteuse de longueur d’onde proche de 800 nm à un débit compris entre 50 et 100 Mbit/s 1. Vient ensuite la mise au point de fibres monomodes et la conception de lasers à semi-conducteur émettant à 1300 nm, longueur d’onde à laquelle la distorsion du signal optique due à la dispersion chromatique des fibres optiques standard est la plus faible. Les systèmes ainsi conçus pouvaient transmettre des débits de l’ordre de 1 Gbit/s, mais les distances atteignables étaient limitées par l’atténuation des fibres, de l’ordre de 0.5 dB/km à cette longueur d’onde 2. Par conséquent, une fenêtre de transmission où les pertes sont plus faibles (à 0.2 dB/km) a ensuite été exploitée, autour de la longueur d’onde de 1550 nm, menant à des transmissions de capacité d’environ 2 Gbit/s 3,4. L’accumulation des distorsions que subit un signal optique se propageant dans une fibre standard à ces longueurs d’onde du fait de la dispersion chromatique est contournée grâce à la conception de fibres à dispersion décalée. Ces fibres ont une dispersion quasi nulle à ces longueurs d’onde. Ensuite, une période a été consacrée à l’étude de systèmes mettant en œuvre la technique de détection cohérente 4, qui permettait de retrouver grâce à une oscillateur local en réception l’intensité et la phase du signal optique et conduisait à des sensibilités de réception améliorées. Cette technique a par la suite été abandonnée au profit de systèmes utilisant une détection directe, mais elle est récemment revenue au goût du jour.
Une nouvelle génération de systèmes est alors apparue grâce aux amplificateurs à fibre dopée Erbium (EDFA pour Erbium Doped Fiber Amplifier) permettant une amplification du signal tout optique et remplaçant les répéteurs optoélectroniques alors employés 5. Ceux-ci ont permis la réalisation vers 1993 d’expériences de transmission à des débits de 10 Gbit/s sur des distances de 9000 km. Ces débits sont obtenus par modulation de l’intensité de la lumière autour d’une seule longueur d’onde porteuse. Nous parlerons alors de transmission mono-canal. Ensuite, la technologie dite du multiplexage en longueur d’onde (WDM pour Wavelength Division Multiplexing) qui consiste à coupler dans une même fibre optique un grand nombre de canaux modulés autour de plusieurs longueurs d’onde porteuses a vu le jour 6. Celle-ci est rendue possible grâce à la large bande passante des fibres optiques et EDFA autour de 1550 nm. Elle permet de démultiplier la capacité totale des systèmes en additionnant les capacités de chaque canal.
Le travail rapporté dans ce mémoire consiste en une étude poussée de la modulation à 40 Gbit/s, afin notamment de préparer la migration des systèmes déployés vers ce débit.
Comme nous l’avons évoqué, les systèmes WDM actuellement en service fonctionnent au débit de 10 Gbit/s par canal et suffisent encore pour convoyer tout le trafic numérique. Cependant, en raison de l’arrivée sur le marché de nouvelles technologies nécessitant plus de débit (accès haut-débit, TV numérique haute définition,…) et de nouveaux clients potentiels, en particulier issus des pays émergents, la demande en débit continuera à croître au cours des prochaines années. Pour éviter que les systèmes actuels n’arrivent à saturation, des moyens doivent être mis en oeuvre pour augmenter la capacité totale d’information que ces systèmes doivent pouvoir transporter sur des distances les plus grandes possibles.
• Augmentation du débit par canal
Grâce aux progrès de l’électronique, il est possible d’augmenter le débit de modulation des longueurs d’onde porteuses au-delà de 10 Gbit/s. Selon les protocoles actuellement utilisés (SDH,…) il est d’usage, lors de l’augmentation du débit, de le multiplier par un facteur 4. En conséquence, le débit succédant logiquement à 10 Gbit/s sera 40 Gbit/s. C’est le débit étudié dans ce travail. Les premiers composants à 40 Gbit/s commencent d’ailleurs à se vendre. Suivant le protocole Ethernet, de plus en plus utilisé dans les transmissions sur fibre optique, l’augmentation du débit doit être d’un facteur 10, ce qui implique que des études du débit de 100 Gbit/s sont aussi réalisées. L’étude de ces débits n’entre cependant pas dans le cadre de ce travail de thèse.
Cela dit, une telle augmentation de débit n’est pas suffisante pour induire systématiquement une augmentation de capacité des systèmes WDM. Il faut, pour cela, que l’augmentation du débit soit accompagnée d’une augmentation de la densité spectrale d’information du signal, c’est-à-dire de la quantité d’information transmise dans une bande spectrale donnée.
• Augmentation de la densité spectrale d’information du signal
Cela consiste à rapprocher, dans le domaine spectral, les canaux les uns des autres relativement au débit, pour transporter plus d’informations dans une même bande spectrale. Cette opération permet l’augmentation de la capacité d’un système, qu’elle soit accompagnée d’une augmentation du débit ou non.
• Augmentation de la bande passante des systèmes
Une autre possibilité pour augmenter la capacité d’un système est d’augmenter sa bande passante optique, notamment celle des amplificateurs. Mais cette technique est limitée fondamentalement par les pertes de la fibre optique même. Elle ne sera pas abordée dans ce mémoire.
Transport d’information par voie optique
L’idée de la transmission d’informations par fibre optique est d’utiliser la lumière pour transporter des informations numériques. Ces informations sont codées initialement sous la forme d’un signal électrique binaire qui évolue temporellement à une certaine
cadence, appelée fréquence d’information. La fréquence d’information d’un signal numérique binaire caractérise le nombre maximal de transitions entre ses deux états que peut observer le signal en une seconde. Elle est égale au débit binaire B, qui caractérise le nombre de bits transmis par ce signal en une seconde. Pour effectuer la conversion du signal électrique en signal optique, il suffit de moduler une onde porteuse optique à partir du signal électrique binaire comportant l’information numérique à transmettre. Cette modulation s’effectue selon un format de modulation choisi, c’est à dire selon une manière choisie pour coder optiquement l’information binaire en jouant sur l’amplitude et/ou la phase de l’onde porteuse. Un grand avantage de la porteuse optique par rapport à une porteuse radiofréquence est sa fréquence très élevée, de l’ordre de 190 THz, à comparer à celles des ondes radiofréquence qui n’excèdent pas les quelques GHz. Ainsi la fréquence d’information à laquelle est modulée une porteuse optique peut être naturellement beaucoup plus élevée que celle à laquelle peut être modulée une porteuse radio. La fréquence d’information d’une porteuse optique peut atteindre facilement plusieurs dizaines, voire dépasser la centaine de GHz.
|
Table des matières
INTRODUCTION
HISTORIQUE DES TELECOMMUNICATIONS OPTIQUES
ÉTAT DE L’ART AVANT LA THESE
CADRE DE LA THESE
PLAN DU MEMOIRE
BIBLIOGRAPHIE DE L’INTRODUCTION
CHAPITRE I. GENERALITES SUR LES TRANSMISSIONS OPTIQUES
I.A LES SYSTEMES DE TRANSMISSION OPTIQUE
I.A.1 PROPAGATION GUIDEE PAR FIBRE OPTIQUE
I.A.1.1 La fibre optique
I.A.1.2 Transport d’information par voie optique
I.A.2 DESCRIPTION DES SYSTEMES DE TRANSMISSION OPTIQUE
I.A.2.1 L’émetteur
I.A.2.2 Les tronçons de fibres optiques
I.A.2.3 Le récepteur
I.A.3 LE MULTIPLEXAGE EN LONGUEUR D’ONDE (WDM)
I.A.4 LES DIFFERENTS TYPES DE SYSTEMES DE TRANSMISSION OPTIQUE
I.A.4.1 Les systèmes longue distance terrestres
I.A.4.2 Les systèmes très longue distance sous-marins
I.A.4.3 Autres systèmes (plus courts)
I.B EFFETS DE PROPAGATION ET LIMITATIONS DES SYSTEMES DE TRANSMISSION OPTIQUE
I.B.1 LES EFFETS DE CROSSTALK
I.B.2 L’ACCUMULATION DU BRUIT D’ASE
I.B.3 EFFETS DE PROPAGATION LINEAIRES
I.B.3.1 L’atténuation de la fibre
I.B.3.2 La dispersion chromatique
I.B.3.3 La dispersion modale de polarisation
I.B.4 EFFETS DE PROPAGATION NON-LINEAIRES
I.B.4.1 L’effet Kerr optique
I.B.4.2 Le bruit de phase non-linéaire (NLPN)
I.B.4.3 Effets Raman et Brillouin
I.B.5 CONTRAINTES LIEES A L’AUGMENTATION DU DEBIT
I.B.5.1 Diminution de la tolérance au bruit
I.B.5.2 Diminution de la tolérance à la dispersion
I.B.5.3 Diminution de la tolérance à la PMD
I.B.5.4 Évolution de la tolérance aux effets non-linéaires
I.B.6 LA GESTION DE DISPERSION
I.B.7 RECAPITULATION
I.C MODES DE REPRESENTATION, GRANDEURS CARACTERISTIQUES ET CRITERES DE QUALITE D’UN SIGNAL OPTIQUE
I.C.1 MODES DE REPRESENTATION
I.C.1.1 Représentations directes
I.C.1.2 Représentation fréquentielle
I.C.2 GRANDEURS CARACTERISTIQUES
I.C.2.1 Rapport signal sur bruit optique (OSNR)
I.C.2.2 Puissance intégrée et phase non-linéaire
I.C.3 CRITERES DE QUALITE
I.C.3.1 Le taux d’erreurs binaire (BER)
I.C.3.2 Le Facteur Q
I.C.3.3 L’ Ouverture de l’œil et le facteur Q’
I.C.3.4 Sensibilité et pénalités
I.C.3.5 Le seuil non-linéaire
I.D FORMATS DE MODULATION
I.D.1 MODULATION OPTIQUE
I.D.1.1 Principe
I.D.1.2 Intérêt du choix du format de modulation
I.D.2 CODAGES EN INTENSITE (OOK)
I.D.2.1 Le format NRZ (Non Return-to-Zero)
I.D.2.2 Le format RZ (Return-to-Zero)
I.D.2.3 Le format CS-RZ (Carrier Suppressed Return-to-Zero)
I.D.2.4 Autres formats OOK
I.D.3 CODAGES DIFFERENTIELS EN PHASE (DPSK)
I.D.3.1 Codage en phase
I.D.3.2 Détection différentielle
I.D.3.3 Précodage logique
I.D.4 CODAGES DUOBINAIRES
I.D.4.1 Le format duobinaire (DB)
I.D.4.2 La transmission binaire à profil de phase contrôlé (PSBT)
I.D.4.3 Étude de la tolérance à la dispersion chromatique résiduelle des formats issus du codage duobinaire et du NRZ
I.D.4.4 Le codage par alternance de phase (Alternate-Mark Inversion, AMI)
I.E METHODES DE TRAVAIL
I.E.1 SIMULATIONS NUMERIQUES
I.E.1.1 Simulation de la propagation d’une onde lumineuse le long d’une fibre optique
I.E.1.2 Estimation de la qualité du signal
I.E.2 EXPERIENCES EN LABORATOIRE
I.E.2.1 La boucle à recirculation
I.E.2.2 Autres différences majeures par rapport à un système déployé
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 1
CHAPITRE II. AUGMENTATION PROGRESSIVE DE LA CAPACITE TOTALE DES SYSTEMES PAR SUBSTITUTION PROGRESSIVE DE CANAUX A 10 GBIT/S PAR DES CANAUX A 40 GBIT/S
II.A AUGMENTATION PROGRESSIVE DE LA CAPACITE TOTALE D’UN SYSTEME DE TRANSMISSION OPTIQUE
II.A.1 DESCRIPTION DES SYSTEMES EXISTANTS
II.A.2 CONTRAINTES LIEES A UNE AUGMENTATION PROGRESSIVE DE CAPACITE D’UN SYSTEME WDM
II.B DESCRIPTION DES FORMATS DE MODULATION ETROITS SPECTRALEMENT, COMPATIBLES AVEC LES
CONFIGURATIONS DWDM
II.B.1 LA PSBT (PHASE-SHAPED BINARY TRANSMISSION)
II.B.2 LA DQPSK (DIFFERENTIAL QUATERNARY PHASE-SHIFT KEYING)
II.B.2.1 Présentation
II.B.2.2 Génération et détection
II.B.2.3 Caractéristiques principales
II.C ÉTUDE DE LA TOLERANCE AUX EFFETS NON-LINEAIRES DE CES FORMATS DE MODULATION MODULES A 40 GBIT/S
DANS LES SYSTEMES WDM DITS « HYBRIDES 10-40 GBIT/S » ET DANS LES SYSTEMES « DWDM A 40 GBIT/S »
II.C.1 RESULTATS ISSUS DE SIMULATIONS NUMERIQUES
II.C.1.1 Paramètres de simulation
II.C.1.2 Résultats numériques avec le format PSBT
II.C.1.3 Résultats numériques avec le format DQPSK
II.C.1.4 Résultats numériques avec le format DPSK
II.C.2 RESULTATS EXPERIMENTAUX
II.C.2.1 Montage expérimental
II.C.2.2 Résultats expérimentaux avec le format RZ-DQPSK
II.C.2.3 Résultats avec la modulation PSBT
CONCLUSION DU CHAPITRE II
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE II
CHAPITRE III. ÉTUDE NUMERIQUE DES EFFETS NON-LINEAIRES PREDOMINANTS DANS LES SYSTEMES A 40 GBIT/S : LES EFFETS INTRA-CANAUX
III.A ÉTUDE DU DECOUPLAGE DES EFFETS INTRA-CANAUX
III.A.1 METHODE NUMERIQUE DE DECOUPLAGE
III.A.2 ÉTUDE DES DIFFERENTS EFFETS INTRA-CANAUX DANS LE CAS DU FORMAT RZ
III.A.2.1 Paramètres de simulation
III.A.2.2 Détermination de la longueur de séquence optimale
III.A.2.3 Influence de l’i-SPM et de l’i-XPM
III.A.2.4 Influence de l’i-FWM
III.A.2.5 Conclusion de cette étude
III.B ÉTUDE DE FORMATS DE MODULATION AVANCES SPECIFIQUEMENT CONÇUS POUR LEUR RESISTANCE AUX EFFETS
INTRA-CANAUX
III.B.1 UTILISATION DE LA SUR-MODULATION DE PHASE PERIODIQUE
III.B.1.1 Sur-modulation de phase carrée
III.B.1.2 Sur-modulation de phase sinusoïdale
III.B.2 UTILISATION DU CODAGE EN PHASE
III.B.3 UTILISATION DE LA TECHNIQUE D’ALTERNANCE DE POLARISATION
III.B.3.1 Format RZ à polarisation alternée (APol-RZ)
III.B.3.2 Format RZ-DPSK à polarisation alternée (APol-RZ-DPSK)
CONCLUSION DU CHAPITRE III
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE III
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet