Le secteur du bâtiment représente en France 43% de la consommation d’énergie finale en 2008 [CHIFF 09]. Ce secteur est responsable de l’émission de 387 Mt de CO2 en plus de nombreux autres polluants. Une réduction de la consommation énergétique globale en France ne peut se faire sans un travail important sur le secteur du bâtiment. Plusieurs solutions sont disponibles pour réduire et/ou maîtriser la consommation énergétique des bâtiments en France.
Les analyses de cycle de vie ont montré l’importance de la phase d’utilisation dans le bilan énergétique d’un bâtiment par rapport aux phases de constructions et de fin de vie ([POLS 96]). Pour maîtriser la consommation énergétique du bâtiment pendant cette phase, une méthode consiste à agir sur son enveloppe lors de sa construction ou de sa rénovation [TROC 09]. C’est l’objectif principal des réglementations thermiques qui visent à fixer un seuil maximum de besoins annuels en énergie primaire de 50 kWh/m² modulable en fonction du type de bâtiment et de sa localisation [RT 2012], ou de labels comme la construction passive.
Mais, la consommation d’énergie pendant la phase d’utilisation du bâtiment peut aussi être réduite grâce à la mise en place de stratégies de gestion énergétique. Le travail de thèse se situe dans ce contexte : minimiser ou maîtriser la consommation énergétique des bâtiments en phase d’utilisation et améliorer le confort des occupants grâce à des stratégies de gestion énergétique appropriées. Les bâtiments, qui sont de plus en plus isolés, sont sensibles aux variations climatiques et aux comportements des occupants. Pour réagir à ces changements en assurant un confort satisfaisant, ils ont besoin d’un dispositif de régulation très réactif. D’autre part, une partie importante du parc de bâtiments est chauffé à l’électricité, ce qui induit un problème de gestion de la pointe électrique en France entre 17 h et 21 h en hiver [POIG 10].
MODÉLISATION THERMO-AÉRAULIQUE DU BÂTIMENT
Modélisation thermique dynamique du bâtiment
Rapide revue des différentes méthodes de modélisation thermique
Comme expliqué lors de l’introduction de ce chapitre, on recherche un modèle thermique dynamique du bâtiment précis mais suffisamment rapide pour limiter les durées d’optimisation. Il existe de nombreux logiciels de modélisation thermique dynamique du bâtiment. Parmi les plus utilisés, on peut retenir TRNSYS [ASCH 09] ou Energy Plus [ENER 11], qui permettent des modélisations thermiques multizones en utilisant des fonctions de transfert pour représenter les parois. Le logiciel Pléïades+COMFIE permet également la modélisation thermique des bâtiments multizones. Il utilise en plus une réduction modale du modèle pour réduire les temps de simulation. Les résultats de ces trois logiciels sont semblables comme le montre [BRUN 09]. Il est également possible d’utiliser des méthodes d’identification paramétrique pour obtenir des modèles simples du bâtiment de second ordre comme par exemple [MALI 10]. Ces modèles réduits peuvent être également intéressants dans le cadre de la régulation énergétique du bâtiment, notamment la méthode « time-scaled ». Il existe enfin des modèles du premier ordre, parmi eux on retiendra principalement les modèles réglementaires TH-C-E et TH-C-E-x. Ce sont les modèles les plus simples, mais ils ne sont pas adaptés à un suivi dynamique précis du bâtiment. Afin de garantir une bonne prise en compte de toutes les dynamiques longues et courtes du bâtiment, les modèles ayant plusieurs constantes de temps sont retenus (trois ou plus). Pléïades+COMFIE permet la réduction des modèles et donc des simulations rapides même sur des bâtiments multizones. De plus, il est possible de faire varier l’ordre de réduction du modèle. Dix constantes de temps sont gardées de base, ce nombre peut être diminué pour accélérer les optimisations ou augmenter pour en améliorer la précision. La modélisation thermique dynamique du bâtiment retenue est donc celle de ce modèle, il est maintenant présenté plus en détail.
La modélisation thermique dynamique par Pléïades+COMFIE
Le modèle thermique du bâtiment est divisé en zones de températures homogènes. Pour chacune de ces zones, chaque mur est également divisé en mailles suffisamment fines pour avoir une température homogène.
Modélisation des transferts aérauliques dans le bâtiment
Le modèle de bâtiment décrit dans la seconde partie permet de prendre en compte de nombreux systèmes, leurs apports, qui sont exprimés en termes de puissance en W, sont intégrés dans le vecteur des sollicitations U. Parmi ces systèmes, la commande des ouvertures –c’est-à-dire les apports par ventilation naturelle- est particulièrement intéressante, car elle permet d’améliorer le confort en période estivale sans faire appel à des systèmes dits actifs comme la climatisation. La modélisation des transferts aérauliques est étudiée dans cette partie. Dans un premier temps un bref rappel des différentes options de modélisation est effectué. Ensuite, nous expliquons comment Maxime Trocmé [TROC 09] a intégré un modèle multizone de transfert aéraulique dans le modèle réduit de simulation thermique dynamique.
Les différents modèles de transfert aéraulique dans le bâtiment
Modéliser les transferts aérauliques, c’est s’intéresser à deux systèmes différents :
➤ les ouvertures entre pièces ou vers l’extérieur qui sont modélisées grâce à la loi de Bernoulli qui caractérise les écoulements,
➤ le bâtiment dans son ensemble, avec la loi de conservation de la masse qui permet d’effectuer les calculs d’échanges de masse entre les pièces et avec l’extérieur.
Il existe principalement quatre types de modélisation pour les ouvertures :
➤ les modèles mono-zones
➤ les modèles multizones
➤ l’approche zonale
➤ la CFD
De nombreux modèles mono-zones sont décris dans le livre issu du programme ALTENER de la Commission Européenne [ALLA 98]. Ces modèles considèrent le bâtiment comme une seule zone où la température, la pression, les concentrations des polluants sont les mêmes partout dans bâtiment. Ils permettent d’étudier le confort thermique uniquement de façon globale, et sont donc particulièrement intéressants dans le cadre de calculs réglementaires. Pour étudier plus précisément le confort thermique et les échanges entre pièces d’un bâtiment, les modèles multizones tels que COMIS [FEUS 05], CONTAM [WALT 06] et ESP-r [HENS 91] sont intéressants. Le bâtiment est alors modélisé comme un ensemble de nœuds qui représentent chacun une zone, elles sont reliées entre elles par les connexions aérauliques. Les calculs sont résolus en appliquant la loi de conservation de la masse dans le bâtiment avec une pression unique imposée à chaque nœud. Ainsi le débit d’air entrant dans une zone est égal au débit d’air sortant de la zone. Plusieurs études ont permis de valider ces modèles en comparant les résultats à des mesures expérimentales [PERS 03]. Dans les modèles multizones, on suppose l’homogénéité des caractéristiques du fluide, c’està-dire que des données comme la température et la pression sont supposées identiques en tout point de la zone. Or les caractéristiques de l’air ne sont pas forcément les mêmes en tout point, tout particulièrement dans les très grandes pièces. Un des objectifs de l’approche zonale est donc de mieux caractériser le confort thermique à l’intérieur d’une zone. Pour cela, la zone est découpée en un ensemble de volumes qui ont chacun des caractéristiques homogènes (température, pression, etc.). Une approche similaire aux modèles multizones est alors appliquée sur chaque volume, en réalisant un bilan massique et énergétique et en étudiant les transferts entre ces volumes [MUSY 01]. Enfin les codes de champs ou CFD (Computational Fluid Dynamics) modélisent les mouvements d’air à une échelle plus fine. Les équations de Navier-Stokes sont résolues sur un maillage fin du fluide par la méthode des éléments finis ou des volumes finis. En plus des équations de conservation de la masse et de l’énergie, l’équation de conservation de la quantité de mouvement est également prise en compte dans cette approche [MORA 03]. Cette méthode de modélisation nécessite la connaissance de conditions aux limites généralement difficiles à établir. Les temps de résolution du calcul sont très longs, surtout pour des objets de la taille d’un bâtiment.
La régulation d’un bâtiment est souvent issue d’une optimisation, il faut alors avoir des modèles rapides à exécuter en plus d’être précis. Dans ce contexte les calculs par CFD sont beaucoup trop longs et complexes pour être retenus. Le modèle thermique dynamique du bâtiment présenté précédemment ne prend en compte qu’une seule température par zone thermique, le modèle zonal n’est donc pas adapté. Cette méthode serait plus pertinente pour l’étude de grands volumes avec une stratification de la température à l’intérieur du volume. Il reste les modèles multizones et monozones, ce dernier ne permet pas d’effectuer une étude suffisamment précise des échanges d’air à l’intérieur du bâtiment. Ce sont donc les modèles multizones qui ont été développés dans le modèle thermique dynamique du bâtiment par Maxime Trocmé [TROC 09].
Modélisation « multizones » des échanges aérauliques [TROC 09]
La modélisation des échanges aérauliques dans un cadre multizone est réalisée à partir de certaines hypothèses. Outre la conservation de la masse à l’intérieur de chaque zone, la température et la pression sont considérées uniformes dans la zone. La température, fournie par la simulation thermique, est une donnée d’entrée du problème aéraulique, elle est considérée constante pendant tout le pas de temps. La pression est la donnée inconnue qui est calculée en premier lieu, elle varie de façon hydrostatique par rapport à une pression de référence propre à chaque zone. Enfin on considère que l’air est un fluide incompressible et que les écoulements entre les zones sont permanents. Un modèle multizone des échanges aérauliques peut prendre en compte plusieurs types d’ouvertures : grandes ouvertures (portes, fenêtres) avec plusieurs flux d’air, ouvertures de taille moyenne (petites fenêtres) avec un seul flux d’air et enfin les petites ouvertures caractérisant les infiltrations.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I PRÉSENTATION DES DIFFÉRENTS MODÈLES UTILISÉS
1. INTRODUCTION
2. MODÉLISATION THERMO-AÉRAULIQUE DU BÂTIMENT
2.1. MODÉLISATION THERMIQUE DYNAMIQUE DU BÂTIMENT
2.2. MODÉLISATION DES TRANSFERTS AÉRAULIQUES DANS LE BÂTIMENT
3. MODÉLISATION DU CLIMAT
4. MODÉLISATION DE L’OCCUPATION
4.1. LES APPORTS INTERNES
4.2. CONFORT THERMIQUE DES HABITANTS
5. MODÉLISATION DES SYSTÈMES DU BÂTIMENT
6. RAPPEL DES DÉVELOPPEMENTS DU CHAPITRE
CHAPITRE II RÉGULATION ET COMMANDE OPTIMALE
1. LA RÉGULATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS
2. ALGORITHMES D’OPTIMISATION POUR LA MISE EN PLACE D’UNE RÉGULATION PRÉDICTIVE
2.1. INTRODUCTION
2.2. LES RÉGULATIONS SANS MODÈLES DU BÂTIMENT
2.3. DÉFINITION DU PROBLÈME SUIVANT LE MODÈLE THERMIQUE
2.4. LES ALGORITHMES D’OPTIMISATION CONTINUE
2.5. LES ALGORITHMES D’OPTIMISATION COMBINATOIRE
3. LA PROGRAMMATION DYNAMIQUE APPLIQUÉE À LA GESTION ENERGÉTIQUE DU BÂTIMENT
3.1. DÉFINITION DE LA VARIABLE D’ÉTAT
3.2. RELATION ENTRE L’ÉNERGIE E ET LA COMMANDE UTILISÉE
3.3. SENS TEMPOREL DE LA PROGRAMMATION DYNAMIQUE
4. RAPPEL DES DÉVELOPPEMENTS DU CHAPITRE
CHAPITRE III STRATÉGIES DE GESTION ÉNERGÉTIQUE D’UN BÂTIMENT PENDANT UNE PÉRIODE HIVERNALE
1. CADRE DE L’ÉTUDE
1.1. CALCUL DE LA COMMANDE DE CHAUFFAGE
1.2. PRÉSENTATION DU BÂTIMENT ÉTUDIÉ
1.3. PARAMÈTRES DE L’OPTIMISATION
2. VALIDATION SUR UN CAS DE RÉFÉRENCE MONOZONE
2.1. RÉSUMÉ DES PARAMÈTRES D’OPTIMISATION
2.2. RÉSULTATS POUR UNE SEMAINE D’OPTIMISATION PAR LA PROGRAMMATION DYNAMIQUE
2.3. COMPARAISON AVEC UNE RÉGULATION CLASSIQUE
2.4. DISCUSSIONS SUR LES RÉSULTATS OBTENUS
2.5. CONCLUSION
3. EFFACEMENT DE LA CONSOMMATION D’ÉLECTRICITÉ PENDANT LA PÉRIODE DE POINTE
3.1. LA POINTE DE CONSOMMATION ÉLECTRIQUE EN FRANCE
3.2. PARAMÉTRAGE DE L’OPTIMISATION
3.3. RÉSULTATS D’OPTIMISATION POUR UNE SEMAINE
3.4. ENCHAÎNEMENT D’OPTIMISATIONS D’UNE JOURNÉE
3.5. RÉGULATION SUR UNE PÉRIODE LONGUE DE 3 MOIS EFFACEMENT DE LA CONSOMMATION D’ÉLECTRICITÉ SELON LES ÉMISSIONS DE CO2
4. OPTIMISATION SUR UN MODÈLE THERMIQUE BIZONE
4.1. MODÈLE THERMIQUE ET PARAMÈTRES D’OPTIMISATION
4.2. RÉSULTATS D’OPTIMISATION
4.3. COMPARAISON AUX RÉSULTATS D’UNE OPTIMISATION SUR UN MODÈLE THERMIQUE MONOZONE
5. INFLUENCE DE L’INERTIE ET DU NIVEAU D’ISOLATION
5.1. INFLUENCE DE L’INERTIE
5.2. INFLUENCE DE L’ISOLATION DU BÂTIMENT
6. RAPPEL DES DÉVELOPPEMENTS DU CHAPITRE
CONCLUSION
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