Il est admis aujourd’hui que le dioxyde de carbone joue un rôle prépondérant dans l’effet de serre. Les émissions de CO2 proviennent schématiquement de deux niveaux : sources de pollution diffuse (transports, chauffage domestique …) et sources de pollution concentrée (industries). La demande en énergie va continuer de croître dans les prochaines décennies avec l’émergence des pays en voie de développement. L’Agence Internationale de l’Energie estime que la consommation mondiale d’énergie devrait augmenter de 70% entre 2000 et 2030. Les énergies renouvelables, à elles seules, ne pourront procurer, du moins à moyen terme, les besoins énergétiques indispensables au monde. Les combustibles fossiles devraient répondre à 90% de ces besoins en 2030. Les émissions de CO2 anthropogéniques devraient passer de 23 milliards de tonnes en 2000 à 38 milliards de tonnes en 2030. En l’absence de mesures visant à limiter les émissions de CO2, la concentration de ce gaz dans l’atmosphère pourrait doubler à l’horizon 2100 (Figure 1).
Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut limiter ces émissions. L’efficacité thermique des industries et des bâtiments doit être améliorée pour réduire leur consommation énergétique. Mais, étant donné l’urgence de la situation, il faudra aussi capter le CO2 avant son émission vers l’atmosphère pour le stocker à long terme dans des réservoirs souterrains. Une façon de valoriser le CO2 capté est de l’injecter dans des réservoirs d’hydrocarbures en fin de vie pour en augmenter la production. En termes de productivité, Nsakala et al. (2004) rapportent que l’injection de CO2 est deux à trois fois plus efficace que l’injection de vapeur. En effet le CO2 se dissout dans le pétrole en le faisant gonfler et diminuant sa viscosité. Le pétrole s’écoule alors plus rapidement vers le puits de production.
Les efforts doivent se concentrer sur les industries, qui sont les plus grands émetteurs de CO2. Les centrales thermiques alimentées au gaz naturel et au charbon constituent la principale cible car elles émettent à elles seules 40% des émissions mondiales de dioxyde de carbone d’origine anthropogénique. La part croissante du charbon au détriment du gaz naturel comme combustible impliquera que le secteur électrique émettra de plus en plus de CO2. L’accroissement des rendements thermiques va dans une certaine mesure collaborer à la diminution des rejets de CO2 pour chaque kilowattheure produit. Mais il est nécessaire de concevoir, dans le même temps, des procédés permettant de réduire de façon significative les émissions de ce gaz à effet de serre.
D’un point de vue captage du CO2, le procédé de référence dans le domaine de la postcombustion reste indubitablement le lavage des fumées par absorption chimique, réalisé en faisant appel à un solvant liquide du type amine (monoéthanolamine (MEA), méthyldiéthanolamine (MDEA)…). Cependant, à la différence du traitement du gaz naturel pour lequel cette opération permet d’éliminer simultanément les composés indésirables pour le transport en gazoduc (CO2 et H2S principalement), l’application de ce procédé à la récupération du dioxyde de carbone d’une fumée conduit à un coût prohibitif. Les travaux récents conduisent à un coût de captage de l’ordre de 60 $/tonne CO2 (Jensen et al., 2005), considéré comme trop élevé. Traduit en termes énergétiques, le lavage aux amines demande 4 milliards de Joules par tonne de CO2 récupérée, dépensés principalement lors de la régénération du solvant (Bolland et Mathieu, 1998).
D’autres voies que l’absorption chimique ne doivent pas être négligées. L’oxy-combustion ne s’applique pas directement au captage du CO2 mais permet d’en faciliter la récupération. Le combustible est directement brulé avec l’oxygène préalablement séparé de l’air. Cela permet d’augmenter la concentration du CO2 dans les des fumées, augmentant l’efficacité du captage. Etant la grande concentration du CO2 dans les fumées, un procédé frigorifique est indiqué pour liquéfier le CO2 afin de séparer ce composé des autres constituants gazeux (azote, argon, oxygène…). La température minimale du procédé de captage est limitée par le point triple du CO2 au-delà duquel ce constituant risque de se solidifier.
Les cycles de référence
Les centrales « Cycle Combiné au Gaz Naturel » (NGCC)
Une centrale du type NGCC combine deux cycles thermodynamiques (Figure 2):
• Un cycle de Joule avec une turbine à combustion (TAC) qui comprend un compresseur, une chambre de combustion (CC) et une turbine.
• Un cycle de Hirn avec une chaudière de récupération de la chaleur (Heat Recovery Steam Generator HRSG) et une turbine à vapeur (TAV) .
Le rendement d’une TAC se situe aux alentours de 35-40% en se basant sur le Pouvoir Calorifique Inférieur du combustible (PCI). Ce terme représente l’énergie libérée sous forme de chaleur lors de la combustion en omettant la chaleur dégagée par la condensation de l’eau. Le Pouvoir Calorifique Supérieur (PCS) représente, quant à lui, l’énergie libérée sous forme de chaleur lors de la combustion en tenant compte de la chaleur dégagée par la condensation de l’eau. En sortant de la TAC, les fumées sont encore à haute température. Une grande partie de l’énergie initiale se situe donc dans ces fumées. Le cycle vapeur utilise la chaleur résiduelle des fumées pour produire de la puissance supplémentaire. Ces fumées entrent dans une chaudière (HRSG) où elles cèdent leur chaleur utile dans différents échangeurs : économiseurs, évaporateurs et surchauffeurs. Les économiseurs sont des échangeurs utilisant de la chaleur basse qualité pour préchauffer l’eau liquide pressurisée. Les évaporateurs produisent de la vapeur à différents niveaux de pression. Les surchauffeurs surchauffent la vapeur avant la turbine à vapeur.
Les centrales au charbon pulvérisé (CP)
Le fonctionnement d’une centrale électrique à charbon pulvérisé (Figure 6) s’appuie sur le cycle de Hirn présenté précédemment (Figure 5). Dans un premier temps le charbon est broyé en fines particules qui sont injectées à travers une série de brûleurs dans la chaudière. Les fumées vont transférer, dans un premier temps, leur chaleur par rayonnement à des tubes où de la vapeur d’eau est produite. Puis elles vont traverser une série d’échangeurs permettant de surchauffer la vapeur et de préchauffer l’eau entrant dans le circuit. La vapeur produite dans la chaudière est détendue dans une série de turbines à vapeur délivrant la puissance électrique utile. En sortie de chaudière, les fumées subissent une série de purifications pour respecter les normes en vigueur avant d’être rejetées vers l’atmosphère. Les fumées sont ainsi traitées en post-combustion à travers un procédé limitant le rejet de NOx (Selective Catalytic Reduction SCR), un dépoussiéreur électrostatique (ElectroStatic Precipitator ESP), un procédé de désulfurisation (DeSOx). Des procédés d’absorption du mercure ou du CO2 peuvent aussi être ajoutés.
La vapeur produite peut avoir différents niveaux de pression et de température. Les limitations proviennent des contraintes mécaniques au niveau des matériaux utilisés. Les centrales sont classées suivant le niveau maximal de la pression du cycle vapeur. Une centrale est dite sous-critique si cette valeur n’excède pas 22,12 MPa et supercritique au-delà. Les anciennes centrales au charbon étaient du type sous-critique, avec des températures de surchauffe de 840 K. Des progrès ont été réalisés sur la résistance mécanique et thermique des échangeurs gaz-vapeur d’eau. Les cycles dits supercritiques admettent des pressions de 28,5 MPa avec des températures de surchauffes limitées à 900 K. Des études sont en cours sur les centrales ultra-supercritiques avec des pressions allant jusqu’à 34,3 MPa et des températures de resurchauffe de 1033 K (Viswanathan et al., 2003).
Les centrales au charbon sous-critiques ont un rendement moyen de 33% (PCI) alors qu’une centrale supercritique peut atteindre des rendements supérieurs à 40% (PCI). Jordal et al. (2004) rapportent que des centrales supercritiques construites entre 1997 et 2002 ont des rendements compris entre 42,6 et 49,7% (PCI) sans captage du CO2. Ces mêmes auteurs prévoient que les rendements nets dépasseront 50% (PCI) après 2010 avec l’amélioration des matériaux permettant des niveaux de pression et de température plus importants.
Les centrales alimentées en charbon peuvent être du type « chaudière à lit fluidisé circulant ». Le charbon n’est plus pulvérisé mais est brûlé dans un lit de particules solides maintenu en suspension par un courant d’air. La température de combustion est plus basse que dans une centrale CP, de l’ordre de 1120 K, limitant ainsi la formation des NOx. De plus le soufre contenu dans le charbon est fixé par combinaison avec du calcaire ajouté. Des combustibles de basse qualité peuvent être utilisés. Du fait d’une température des fumées plus basse, ce type de centrale est moins exigeant au niveau des matériaux des échangeurs qu’une centrale CP (Claverie et al., 2000). Il sera donc plus facile d’utiliser un cycle vapeur avancé. Cependant Bozzuto et al. (2001) rapporte que la faible puissance développée par ce type de centrale (entre 20 et 400 MW) n’est pas suffisante pour l’utilisation d’un cycle supercritique.
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art
1.1 Les cycles de référence
1.1.1 Les centrales « Cycle Combiné au Gaz Naturel » (NGCC)
1.1.2 Les centrales au charbon pulvérisé (CP)
1.1.3 Les centrales à cycle combiné et gazéification intégrée (IGCC)
1.2 Revue de différents procédés de captage
1.2.1 Captage du CO2 en post-combustion
1.2.1.1 Principe
1.2.1.2 L’absorption chimique
1.2.1.2.1 Les solvants chimiques
1.2.1.2.2 Cinétique de la réaction d’absorption
1.2.1.2.3 Solubilité du CO2 dans les solutions aqueuses d’amines
1.2.1.3 Procédé de séparation du CO2 par absorption chimique
1.2.1.4 Les procédés d’absorption chimique commerciaux
1.2.1.5 Dimensions du procédé de captage
1.2.1.6 Impact sur le rendement
1.2.1.7 Axes de progrès
1.2.2 Captage du CO2 grâce à l’oxy-combustion
1.2.2.1 Principe
1.2.2.2 Le procédé de captage du CO2
1.2.2.3 Impact sur le rendement
1.2.2.3.1 Cas de la centrale NGCC
1.2.2.3.2 Cas de la centrale CP
1.2.2.4 Modifications des installations
1.2.2.4.1 Cas de la centrale NGCC
1.2.2.4.2 Cas de la centrale CP
1.2.2.5 Axes de progrès
1.2.3 Captage du CO2 en pré-combustion
1.2.3.1 Principe
1.2.3.2 Reformage du gaz naturel
1.2.3.3 La centrale NGCC avec reformage du gaz naturel
1.2.3.4 Procédé de captage du CO2
1.2.3.5 Impact sur le rendement
1.2.3.6 Axes de progrès
1.3 Caractéristiques du flux de CO2
1.4 Conclusions
2 Captage par absorption chimique
2.1 Objectif de l’étude
2.2 Développement d’un nouveau solvant
2.2.1 Choix de l’amine
2.2.1.1 Description de l’appareillage
2.2.1.2 Etalonnage des capteurs de pression et de température
2.2.1.2.1 Capteur de pression
2.2.1.2.2 Capteur de température
2.2.1.3 Principe des mesures
2.2.1.4 Résultats expérimentaux
2.2.1.4.1 Essais de reproductibilité
2.2.1.4.2 Comparaison des différentes amines
2.2.1.5 Conclusion
2.2.2 Le système MDEA-TETA-H2O-CO2
2.2.2.1 Description du montage expérimental
2.2.2.2 Etalonnage des capteurs de pression et de température
2.2.2.2.1 Capteur de pression de la cellule
2.2.2.2.2 Capteur de température de la cellule
2.2.2.3 Détermination de l’hydrodynamique de la cellule
2.2.2.4 Validation de l’appareillage
2.2.2.5 Dénomination des différents solvants étudiés
2.2.2.6 Tests de répétabilité et de reproductibilité
2.2.2.7 Résultats expérimentaux pour le flux d’absorption
2.2.2.7.1 Influence de la pression partielle du CO2
2.2.2.7.2 Influence de la température
2.2.2.7.3 Comparaison des différents solvants
2.2.2.7.4 Influence de la présence d’azote
2.2.2.8 Détermination de la cinétique de réaction entre le CO2 et la TETA
2.2.2.8.1 Hypothèse sur le chemin réactionnel
2.2.2.8.2 Le code de calcul
2.2.2.8.3 Résultats de la modélisation
2.2.2.9 La solubilité du CO2
2.3 Intégration du procédé de captage dans les centrales NGCC et CP
2.3.1 Description de l’outil de simulation de procédés Aspen Plus
2.3.2 Description des centrales de référence
2.3.2.1 La centrale NGCC
2.3.2.2 La centrale CP
2.3.3 Description du procédé de captage
2.3.4 Disponibilité de la vapeur d’eau BP
2.3.5 Modèles thermodynamiques
2.3.5.1 Solution aqueuse de MEA
2.3.5.2 Solution aqueuse de MDEA
2.3.5.3 Solution aqueuse de MDEA-TETA
2.3.5.3.1 Le système réactionnel
2.3.5.3.2 La fonction objectif
2.3.5.3.3 Résultats
2.3.6 Caractéristiques des fumées
2.4 Résultats des simulations
2.4.1 Optimisation du procédé de captage
2.4.1.1 Colonne d’absorption
2.4.1.1.1 Compression des fumées
2.4.1.1.2 Nombre d’étages théoriques de la colonne d’absorption
2.4.1.2 Colonne de régénération
2.4.1.2.1 Pression de la colonne de régénération
2.4.1.2.2 Nombre d’étages théoriques de la colonne de régénération
2.4.2 Influence de la concentration en amine et du taux de charge pauvre
2.4.2.1 MEA
2.4.2.2 MDEA
2.4.2.3 MDEA + TETA
2.4.3 Compression des fumées et du flux de CO2
2.4.4 Impact sur le rendement
2.4.4.1 Cas de la centrale NGCC
2.4.4.2 Cas de la centrale CP
2.5 Conclusions
3 L’oxy-combustion dédiée au captage du CO2
3.1 Modélisation des procédés
3.1.1 Modifications des centrales de référence
3.1.1.1 Conversion de la centrale NGCC
3.1.1.2 Conversion de la centrale CP
3.1.2 L’unité de séparation de l’air
3.1.3 Le procédé de captage du CO2
3.1.3.1 Principe
3.1.3.2 Description
3.1.3.3 Modèle thermodynamique
3.2 Résultats des simulations
3.2.1 Influence de la consommation spécifique de l’ASU
3.2.2 Composition des fumées avant captage du CO2
3.2.3 Optimisation du procédé de captage du CO2
3.2.3.1 Analyse du fonctionnement du procédé
3.2.3.2 Détermination du point de fonctionnement du procédé
3.2.3.3 Performances du procédé de captage
3.2.4 Performances globales des cycles O2/CO2
3.2.4.1 Cas de la centrale NGCC
3.2.4.2 Cas de la centrale CP
3.3 Conclusions
Conclusion
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