Etude de l’intrication dans l’effet Hall quantique fractionnaire

La découverte et la compréhension des différentes phases de la matière est l’un des objectifs principaux de la physique. Jusqu’au début des années 1980, la théorie de Landau des transitions de phases entendait classifier les différentes phases de la matière et les transitions entre celles-ci à l’aide de paramètres d’ordre locaux [1, 2]. Une telle transition de phase, qui correspond généralement à l’annulation d’un paramètre d’ordre, est le plus souvent accompagnée par une modification de la symétrie du système. Cependant, à la découverte de l’effet Hall quantique entier en 1980 [3] et fractionnaire en 1982 [4], cette théorie se révéla insuffisante pour décrire toutes les phases. Ces deux effets se produisent lorsqu’un gaz d’électrons, confiné à deux dimensions, est soumis à un fort champ magnétique. En faisant varier le champ magnétique, la résistance transverse, aussi appelée résistance de Hall, des échantillons présente des plateaux alors que la résistance longitudinale s’annule. Sur chaque plateau, la résistance de Hall a une valeur quantifiée donnée par un multiple entier ou une fraction du quantum de résistance. Sur chacun des plateaux, les électrons sont dans un état isolant complétement différent de l’isolant trivial, obtenu dans la limite atomique et qui possède une résistance longitudinale non nulle. Cependant, il n’est pas possible de les distinguer par des mesures locales. Il est en revanche possible de les caractériser en utilisant des nombres quantiques topologiques : il s’agit de propriétés globales du système qui sont, à ce titre, insensibles à des perturbations localisées. Un exemple de nombre quantique topologique est le nombre de modes de bord des états d’effet Hall quantique entier (EHQE) : ce nombre permet de distinguer les différentes phases mais ne peut pas être modifié ou mesuré en utilisant une perturbation locale. Des expériences de transport permettent en revanche de le mesurer.

Les phases topologiques sont des phases gappées dont certaines propriétés physiques sont reliées à des invariants topologiques. La dégénérescence de leur état fondamental peut varier avec le genre de la surface et leurs excitations de basse énergie peuvent être fractionnées, leur charge étant alors une fraction de la charge électrique et leur statistique étant anyonique. Récemment, de nouvelles phases topologiques, invariantes par renversement du temps, furent prédites et mesurées aussi bien à deux et à trois dimensions [5,6]. Par ailleurs, toutes les phases topologiques sans interaction ont été classifiées selon leur propriété d’invariance suivant la symétrie par renversement du temps, la conjugaison de charge et la parité [7–9]. Ces deux développements ont entrainé un regain d’intérêt pour l’étude des phases topologiques. Dans le cas des phases topologiques qui peuvent s’expliquer grâce à la physique à un corps, la définition précédente est réalisée trivialement : la dégénérescence de l’état fondamental ne change pas avec le genre de la surface et leurs excitations ne sont pas fractionnaires. En revanche, les phases topologiques en interaction présentent ce genre de phénomène : un exemple simple de systèmes dans lequel cette physique apparaît est le code torique de Kitaev [10].

Les effets Hall quantiques 

Effet Hall classique

En 1879, E. H. Hall a découvert qu’en présence d’un champ magnétique le courant électrique circulait dans une direction perpendiculaire au champ électrique [28]. Inversement, le passage du courant induit une tension perpendiculaire à la direction du courant. Le schéma de cette mesure est exposé dans la figure 1.1. Cet effet est désormais appelé l’effet Hall classique. Découvert avant l’électron, il fut la première preuve que les courants électriques dans les métaux sont généralement la conséquence du mouvement de particules de charge négative. L’effet Hall classique a aussi permis de montrer que, dans certains matériaux, il était plus pertinent de considérer que le courant électrique était dû aux déplacements de “trous” de charge positive plutôt qu’à celui des électrons.

Autres systèmes pour le FQH

Alors que l’effet Hall quantique n’a pour le moment été observé que pour des électrons dans des semi-conducteurs à haute mobilité et dans le graphène [57, 58], l’apparition de «gaps» dans l’énergie et donc d’états incompressibles est liée à l’effet combiné des interactions répulsives et de la structure des niveaux de Landau ; elle n’est pas une conséquence de la nature fermionique des électrons. Ainsi, il doit être possible de l’observer pour des bosons. Dans cette partie, je vais introduire deux systèmes dans lesquelles l’effet Hall quantique doit se manifester pour des gaz de bosons ultra-froids. Dans les systèmes de matière condensée, les expérimentateurs ont accès exclusivement aux propriétés de transport, la réalisation de l’effet Hall quantique pour des systèmes d’atomes froids devrait permettre d’accéder à d’autres propriétés de l’état fondamental comme certaines fonctions de corrélations.

Gaz de Bosons en rotations

Dans ce paragraphe, je vais montrer qu’un gaz bidimensionnel de bosons en rotation est décrit dans certaines conditions par le même Hamiltonien qu’un système fermionique à effet Hall quantique fractionnaire. Depuis une dizaine d’années, il est devenu possible de piéger un grand nombre d’atomes bosoniques et de les mettre en rotation [59,60]. On peut en particulier créer des condensats de Bose-Einstein en rotation. Quand la vitesse de rotation est faible, ils se comportent comme des fluides irrotationnels. Quand la vitesse de rotation est suffisamment grande, des vortex se créent et forment le réseau triangulaire d’Abrikosov. Par des arguments de fonte du réseau, il est prédit théoriquement que de nouvelles phases quantiques identiques à celle de l’EHQF doivent apparaître [61–63].

Bien qu’il semble possible de réaliser théoriquement l’effet Hall quantique dans un gaz de bosons en rotation, cela n’a pas encore été réalisé expérimentalement. Une des difficultés principales vient du fait qu’il faut que la fréquence du piège soit égale à la vitesse de rotation du gaz. Cela entraine l’annulation du potentiel de confinement. Ainsi, le mouvement des atomes n’est plus contraint et ils vont être perdus pour l’expérience. Une des autres difficultés est liée à la symétrie cylindrique que doit posséder le potentiel de piégeage pour compenser la force centrifuge. Un tel potentiel est très difficile à réaliser. Les réalisations expérimentales de ce genre de piège sont toujours un peu anisotrope, ce qui entraine une perte d’atomes. Un certain nombre de propositions utilisant non pas un gaz en rotation mais des champs de jauge artificiels, créés par des lasers positionnés de manière adéquate, ont été suggérées afin d’éviter ces difficultés. Cependant à l’heure actuelle, l’effet Hall quantique n’a toujours pas été observé pour un gaz de bosons.

Méthodes d’investigations numériques

À cause des difficultés inhérentes à l’EHQF, son étude repose principalement sur l’utilisation de l’outil numérique. Les méthodes de théorie des champs ou les fonctions d’onde modèles ne sont en aucun cas capables de prédire si le système sera incompressible pour un facteur de remplissage donné. Ainsi, on utilise la diagonalisation exacte du Hamiltonien du système qui nous donne accès aux énergies et aux vecteurs propres.

Le principe de la diagonalisation exacte est relativement simple : on génère tous les éléments de l’espace de Hilbert, correspondants au nombre de particules et au nombre de quanta de flux que l’on souhaite ; puis on calcule les éléments de matrices du Hamiltonien entre tous les états de l’espace de Hilbert et enfin on utilise un algorithme de diagonalisation, en général l’algorithme de Lánczos, qui nous donne les valeurs propres de basse énergie et les vecteurs propres associés. Ce procédé requiert donc le stockage d’une matrice carrée qui a pour dimension celle de l’espace de Hilbert.

Ainsi, sauf pour des petits systèmes, cette matrice ne peut être stockée ni dans les disques durs ni dans la mémoire RAM. Pour contourner ce problème, on utilise les symétries (en particulier celle suivant Lz quand on considère l’effet Hall sur la sphère) afin de diagonaliser le Hamiltonien par bloc. Ainsi, dans l’exemple précédent, le sous-espace le plus gros qui correspond à Lz = 0, a une dimension égale à 8512 ce qui est déjà plus facilement stockable. Mais bien que les symétries nous permettent de diminuer la taille des matrices à diagonaliser, cette diminution ne croit pas exponentiellement contrairement à la dimension de l’espace de Hilbert et ainsi, à partir d’un certaine taille, les sous-espaces eux-mêmes deviennent trop gros. Alors, on utilise une autre technique qui consiste à ne pas stocker les éléments de matrices du Hamiltonien mais à les recalculer à chaque fois que l’on en a besoin. Mais, on se heurte alors au deuxième facteur limitant : la vitesse de calcul des processeurs. En effet, la diagonalisation exacte demande alors un nombre d’opérations assez considérable, qui peuvent ne pas être effectuées en un temps réaliste si la taille du système est trop importante. Au final, ces deux limitations nous amènent à considérer de petits systèmes comportant au maximum quelques dizaines de particules.

La question qui se pose alors est celle de l’identification des phases et de leur persistance à la limite thermodynamique. La méthode naturelle est de comparer les états fondamentaux obtenus par diagonalisation exacte aux fonctions modèles proposées pour décrire l’EHQF au même facteur de remplissage. Celles-ci peuvent être obtenues en diagonalisant les Hamiltoniens modèles ou en utilisant leur formule analytique que l’on peut, dans certains cas, décomposer sur la base des monômes [66, 67]. Par le passé cette comparaison s’est faite essentiellement par le calcul de recouvrement : | hΨmodel |Ψexacti |² . Cependant, cette quantité ne peut que décroître  la limite thermodynamique et repose sur une comparaison spatiale des deux fonctions d’onde sans prendre en compte les propriétés des excitations, comme leurs statistiques, inhérentes à la phase considérée. Ainsi, il y a des exemples de fonctions d’onde possédant un recouvrement important en taille finie mais dont les propriétés sont très différentes. C’est en particulier le cas de l’état Gaffnian, introduit dans la référence [68], et de l’état de Jain à ν = 2/5 qui décrivent remarquablement bien l’état fondamental et possèdent un grand recouvrement (> 95% pour 12 électrons) [68,69] alors que le premier est censé posséder des excitations sans gap et le second des excitations gappées. Cela montre le besoin de développer de nouveaux outils permettant la caractérisation des différentes phases reposant sur des propriétés universelles plutôt que sur une simple différence spatiale.

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Table des matières

Introduction générale
1 Les effets Hall quantiques
1 Effet Hall classique
2 Effet Hall quantique entier
2.1 Observation expérimentale
2.2 Niveau de Landau
2.2.1 Autres géometries
2.3 Explication de l’effet Hall quantique entier
2.4 Nombre de Chern et mode de bord
3 Effet Hall quantique fractionnaire
3.1 Observation expérimentale
3.2 Position et difficulté du problème
3.3 Pseudopotentiels de Haldane
3.4 Fonction d’onde de Laughlin
3.4.1 Excitations de l’état de Laughlin
3.5 Autres fonctions modèles
3.5.1 Construction des fermions composites
3.5.2 Fonction d’onde de Moore-Read et de Read-Rezayi
3.6 Autres systèmes pour le FQH
3.6.1 Gaz de Bosons en rotations
3.6.2 Atomes froids dans un réseau optique
3.7 Méthodes d’investigations numériques
2 Spectroscopie d’intrication pour l’effet Hall quantique
1 Entropie d’intrication
1.1 Loi de l’aire
1.2 Entropie d’intrication topologique
2 Spectre d’intrication
2.1 Spectre d’intrication orbitale pour l’effet Hall quantique
2.1.1 Spectre d’intrication orbitale appliqué aux états modèles
2.1.2 Extrapolation du spectre à la limite thermodynamique
2.1.3 Spectre d’intrication orbitale appliqué aux états exacts
2.1.4 Gap d’intrication : limite conforme
2.1.5 Structure hiérarchique dans le spectre d’intrication orbitale
2.1.6 Limites du spectre d’intrication orbitale
3 Spectre d’intrication par particule et spectre d’intrication géométrique
1 Spectre d’intrication par particule
1.1 Cas des fonctions modèles sur la sphère
1.2 Propriétés des valeurs et vecteurs propres du PES
1.3 Spectre d’intrication par particule pour les états de Jain
1.4 Spectre d’intrication par particule sur le tore
2 Application du spectre d’intrication par particule : caractérisation des phases de bosons dans un réseau optique
2.1 Le modèle
2.2 États de Laughlin
2.3 Spectre d’intrication par particule : au-delà de l’effet Hall quantique
2.4 État de Moore-Read
2.5 Conclusion
3 Spectre d’intrication géométrique
3.1 Définition du spectre d’intrication géométrique
3.2 Relation entre les spectres d’intrications par particule et géométrique
3.3 Application à ν = 1
3.4 Spectre d’intrication géométrique pour l’état de Laughlin à ν = 1/3
3.5 Spectre d’intrication géométrique pour les états conjugués particule-trou
3.6 Conclusion
4 Isolant de Chern fractionnaire
1 Un exemple d’isolant de Chern : le modèle de Haldane
2 Isolant de Chern fractionnaire
2.1 Modèle avec interaction et projection dans la bande non triviale
2.2 Isolant de Chern fractionnaire avec C = 1
2.2.1 Résultats énergétiques pour ν = 1/2
2.2.2 Spectre d’intrication par particule
2.3 Isolant de Chern fractionnaire avec C > 1
2.3.1 Un exemple de modèle avec C = p
2.3.2 Fonction d’onde d’effet Hall avec symétrie SU(C)
2.3.3 Résultats énergétiques
2.3.4 Vers l’identification des différentes phases grâce aux spectres d’intrication par particule
Conclusion

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