En France, le procédé PUREX (Plutonium and Uranium Refining by Extraction), est utilisé dans l’usine de traitement-recyclage des combustibles nucléaires usés de La Hague, sous la tutelle de l’exploitant Orano. Ce procédé prend place depuis l’étape de dissolution du combustible dans l’acide nitrique jusqu’à l’étape de séparation concentration . Les objectifs principaux de ce procédé sont d’obtenir un rendement le plus élevé possible de récupération du plutonium et de l’uranium présents dans les combustibles usés, afin de les purifier et de les réutiliser (par exemple pour le plutonium sous la forme de combustibles Mox – Mixed Oxide). Un second objectif consiste à conditionner sous forme compactée les différents déchets dans l’intention d’un stockage sécurisé limitant les effets néfastes pour l’environnement .
Ce procédé nécessite l’utilisation d’acide nitrique à différentes concentrations, pouvant aller jusqu’à l’azéotrope (14,8 mol L-1 – 68,2% m), et différentes températures, depuis l’ambiante jusqu’à l’ébullition [1]. Le pouvoir très oxydant de tels milieux leur confère un pouvoir corrosif potentiellement important vis-à-vis des matériaux constitutifs des installations industrielles. C’est pourquoi, il est important de porter une vigilance particulière concernant le choix de ces matériaux. Ce choix s’oriente naturellement vers des matériaux passivables pour leur bonne résistance à la corrosion vis-à-vis de l’acide nitrique du fait de la formation à la surface des matériaux, d’une couche passive protectrice. Ces matériaux, qui sont alors passifs dans les conditions d’utilisation, sont les suivants :
❖ Le zirconium, utilisé pour des installations telles que le dissolveur de combustibles usés et les évaporateurs-concentrateurs d’acide nitrique, ces équipements étant les plus critiques en termes de corrosion.
❖ Les aciers inoxydables austénitiques à très basse teneur en carbone (C ≤ 0,02%) utilisés pour la majorité des équipements (type Z2 CN 18.10 (304L), Z2 CN 25.20 (Uranus 65) et ZN CND 17.13 (316 L)).
❖ Un acier inoxydable enrichi en silicium (Si = 3,5 %m), utilisé sur certaines installations de l’usine de la Hague [2]. Cet acier présente l’avantage, sur les aciers austénitiques classiques, de ne pas subir de corrosion intergranulaire en milieu acide nitrique chaud et concentré en présence d’ions oxydants.
De nombreuses études ont été réalisées sur les processus de corrosion des aciers inoxydables en milieu acide nitrique, notamment pilotés par les réactions de réduction de HNO3 [3-10]. Ainsi, les mécanismes de corrosion et notamment de réduction du milieu nitrique qui est de nature autocatalytique sont relativement bien connus. Cependant, dans certaines étapes du procédé, il est possible que les produits de corrosion de l’acier (fer, nickel, chrome) s’accumulent dans le milieu acide nitrique (principalement sous forme Fe(III), Ni(II), Cr(III)). Il a été montré expérimentalement que la présence de certains de ces éléments (le Fe(III) en particulier) peut augmenter la vitesse de corrosion des aciers, principalement lié à l’accélération de la cinétique de réduction du milieu nitrique [6]. Cependant l’impact exact du Fe(III) sur les processus de corrosion et notamment de réduction n’est pas connu. Par cohérence avec l’historique des études de corrosion des aciers en milieu acide nitrique, le système d’étude pris pour référence est l’acier riche en Si dans HNO3 4 mol L-1 à 40 °C.
Équilibres chimiques associés au milieu nitrique concentré
L’acide nitrique, de formule brute HNO3 et de masse molaire MHNO3 = 63,02 g mol⁻¹, est connu pour être un oxydant puissant, pouvant donc réagir avec des réducteurs. Cela peut conduire à une dissociation de la molécule et/ou générer d’autres espèces azotées en solution ou en phase gaz.
Considérant toutes les espèces potentiellement présentes en milieu HNO3 concentré, on peut facilement imaginer qu’un nombre conséquent d’équilibres chimiques existe au sein de la solution. Plus d’une quarantaine d’équilibres ont été répertoriés dans la littérature, que ce soit en phase gazeuse, liquide, ou les deux phases simultanément [13]. Ainsi, un diagramme de Latimer a été établi en ne prenant en compte que les équilibres des espèces considérées comme majoritaires [14]. Les nombres indiqués à côté de chaque ligne représentent les potentiels standard par rapport à l’électrode standard à hydrogène (ESH) des couples considérés, à 25 °C dans l’eau.
Équilibres des oxydes d’azote (NOX)
De nombreuses espèces azotées sont présentes en solution acide nitrique concentrée. Il est donc nécessaire de prendre en compte le fait que chacun de ces composés (NO, NO2, N2O3, N2O4, N2O5 et HNO3) intervient dans un ou plusieurs équilibres lors de l’étape d’absorption des NOX (lorsque les espèces en phase gazeuse pénètrent en phase liquide). Ces équilibres peuvent être présents en phase gazeuse, en phase liquide ou être mixtes, impliquant des espèces en phase liquide et gazeuse. Une étude détaillée sur le sujet a été rédigé par Schwartz et White .
Tout d’abord, on peut observer que le comportement n’est pas le même suivant la taille de l’électrode, démontrant le changement de régime de diffusion. En effet, pour les électrodes de tailles plus importantes, les vagues d’oxydation et de réduction sont observées. En revanche, pour les électrodes de plus petites tailles, un palier de courant est observé. Cela veut dire qu’un régime stationnaire est atteint. Ainsi, les petites électrodes se comportent comme une électrode plane en rotation. Plus l’électrode est petite, plus son comportement se rapproche de celui d’une électrode tournante à grande vitesse. On observe également que plus l’électrode est petite, plus la densité de courant obtenue est élevée [38].
On peut conclure de cette partie que selon les conditions étudiées, le mécanisme de
réduction du milieu nitrique, sur matériau inerte, peut soit être hétérogène (mécanisme de Vetter), soit homogène (mécanisme de Schmid). De plus, ces mécanismes impliquent des espèces électroactives différentes. Dans le cas du mécanisme hétérogène, NO2 (espèce azotée de valence + IV) jouerait un rôle important sur la densité de courant. En revanche, concernant le mécanisme homogène, ce serait une espèce azotée de valence + III qui aurait un rôle important (NO+ ou HNO2). Cependant d’autres espèces sont impliquées dans les deux mécanismes présentés ici. En solution, on retrouve HNO3 (dissocié et non-dissocié) et l’acide nitreux HNO2, ce dernier systématiquement en tant que produit. Pour ce qui est des espèces gazeuses, la bibliographie cite principalement des espèces NOx (NO et NO2), qui sont ellesmêmes en équilibre entre la phase gaz et la phase liquide.
Étude de la réaction de réduction du milieu nitrique sur acier inoxydable
Actuellement, il n’existe pas d’étude de la réaction de réduction du milieu nitrique sur l’acier riche en Si. L’ensemble des travaux porte essentiellement sur l’acier 304L. Dans leurs travaux sur l’étude du mécanisme de réduction du milieu nitrique (8 mol L-1 ) sur acier inoxydable, Razygraev et al. [39] ont fait l’hypothèse que les cycles autocatalytiques homogène et hétérogène ne diffèrent que par le lieu de la régénération de l’espèce électroactive, NO2 selon Vetter et NO2- selon Schmid. Pour différencier expérimentalement les deux mécanismes, ils ont modifié les conditions d’agitation à l’aide d’une électrode tournante. Si la réaction observée est hétérogène, la vitesse de la réaction cathodique est alors indépendante de la vitesse de rotation de l’électrode, tandis que si la réaction est homogène, la vitesse de la réaction cathodique est dépendante de la vitesse de rotation de l’électrode.
ls ont alors étudié la réaction cathodique de l’acide nitrique à ébullition sur des aciers inoxydables, sur du chrome et sur des alliages de chrome / nickel et chrome / fer. En se basant sur les changements de courant de polarisation lors de la période de refroidissement de l’acide nitrique à ébullition, ils ont ainsi pu estimer les contributions relatives des mécanismes hétérogène et homogène de réduction du milieu nitrique sur la vitesse globale de la réaction cathodique [39]. Cette estimation a permis de conclure que l’augmentation initiale de la vitesse du processus cathodique à des potentiels élevés correspond à un mécanisme de réduction hétérogène de HNO3. De plus, la vitesse du processus est indépendante de la vitesse de rotation de l’électrode, confirmant la nature hétérogène du mécanisme. Ils observent cependant que pour des potentiels plus cathodiques, le mécanisme de réduction homogène de HNO3 prédomine, confirmant la coexistence des deux mécanismes.
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Table des matières
Table des matières
Table des symboles
Table des figures
Introduction
Chapitre 1 – État de l’art
I. Équilibres chimiques associés au milieu nitrique concentré
I.1. La dissociation de HNO3
I.2. Auto-ionisation de HNO3
I.3. Équilibres des oxydes d’azote (NOX)
I.3.1. Les équilibres présents en phase gaz
I.3.2. Les équilibres mixtes
I.3.3. Les équilibres en phase liquide
II. Mécanismes de réduction électrochimique de l’acide nitrique
II.1. Étude de la réaction de réduction du milieu nitrique sur matériau inerte
II.2. Étude de la réaction de réduction du milieu nitrique sur acier inoxydable
III. Les ions ferreux et/ou ferriques en milieu nitrique concentré
III.1. Étude thermodynamique
III.2. Étude cinétique du couple Fe(III)/Fe(II) en milieu acide nitrique
III.3. Influence du fer sur le comportement en corrosion des aciers inoxydables
III.3.1. Généralités sur l’acier inoxydable enrichi en Si
III.3.2. Impact du Fe(III) sur la corrosion
Chapitre 2 – Description des différentes conditions expérimentales
I. Acier enrichi au Si
II. Essais électrochimiques
II.1. Cellule électrochimique à trois électrodes
II.2. Protocole d’activation de l’électrode d’or
II.3. Disque d’acier inoxydable enrichi en Si
III. Essais d’immersions
IV. Conditions d’utilisation des techniques de caractérisation utilisées
IV.1. Techniques électrochimiques
IV.2. Spectrométrie de masse
IV.3. Micro-spectroscopie Raman
IV.4. Mesures par spectroscopie de photoélectrons induits par rayons X (XPS)
V. Choix de la gamme de concentrations étudiée en Fe(III)
Chapitre 3 – Étude de la corrosion de l’acier inoxydable enrichi en Si dans HNO3 4 mol L-1 en présence de Fe(III)
I. Influence de [Fe(III)] sur les signaux électrochimiques sur acier inoxydable riche en Si
I.1. Suivi de potentiel de la solution et du potentiel de corrosion
I.2. Influence du Fe(III) sur les courbes j-E obtenues pas voltammétries linéaires
II. Essais d’immersion couplés aux analyses XPS
III. Analyses XPS des éprouvettes en acier inoxydable riche en Si
Chapitre 4 – Étude des équilibres chimiques suite à l’ajout de Fe(III) en solution
I. Calculs thermodynamiques
I.1. Principe des calculs
I.2. Résultats
II. Mise en évidence expérimentale
II.1. Étude du potentiel d’équilibre en solution
II.2. Étude par µ-spectroscopie Raman du milieu
Chapitre 5 – Rôle du Fe(III) sur les mécanismes de réduction en milieu HNO3 sur électrode d’or
I. Rôle du Fe(III) sur les mécanismes de réduction en milieu HNO3
I.1. Influence du Fe(III) sur les mécanismes de réduction de HNO3 sur électrode statique d’or
I.1.1. Mise en évidence de la nature de l’influence du Fe(III) sur les mécanismes de réduction en milieu HNO3
I.1.2. Influence de la concentration en Fe(III) sur les mécanismes de réduction de HNO3
I.2. Influence du Fe(III) sur le mécanisme de réduction de HNO3 sur électrode à disque tournant en or
I.2.1. Intérêt d’utiliser une électrode à disque tournant
I.2.2. Influence de la vitesse de rotation sur les courbes j-E en milieu HNO3 4 mol L-1 et en présence de Fe(III)
I.2.3. Détermination de paramètres cinétiques caractéristiques du Fe(III) en milieu nitrique
I.2.3.1. Détermination du coefficient de diffusion du Fe(III) en milieu HNO3 4 mol L-1 à 25 °C
I.2.3.2. Détermination de la constante de vitesse standard, k0 , caractéristique de la réduction de Fe(III) en Fe(II)
II. Détermination de l’étape du mécanisme influencée par le Fe(III)
II.1. Réduction de HNO3 seul sur électrode d’or
II.1.1. Conditions d’activation du cycle autocatalytique
II.1.2. Mécanisme de réduction
II.2. Rôle du Fe(III) sur le mécanisme de réduction de HNO3 sur matériau inerte
III. Mise en relation des résultats expérimentaux avec la modélisation
III.1. Modélisation des courbes stationnaires
III.2. Modélisation des impédances
Chapitre 6 – Étude du mécanisme autocatalytique de réduction de HNO3 sur acier inoxydable enrichi en Si en présence de Fe(III) en solution
Conclusion
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