Etude de l’impact des procédés de fabrication des machines électriques sur les propriétés des noyaux magnétiques

Au cours des dernières années, les défis sociétaux et environnementaux, notamment dans le cadre de la transition énergétique, se sont traduits par une forte demande dans le domaine de l’accroissement de l’efficacité énergétique des machines électriques. Si bien que ces besoins grandissants ont, en 2008 puis en 2014, donné lieu à la création de la norme IEC 60034-30-1 [1] qui spécifie différentes classes énergétiques pour les rendements des machines électriques allant de la classe IE1 (efficacité standard) à la classe IE4 (efficacité dite Super Premium). On parle même de l’arrivée d’une classe d’efficacité encore plus grande, dite IE5 [2]. De plus, les instances mondiales imposent aux fabricants de machines électriques de respecter ces classes. Actuellement, celle en vigueur aux Etats-Unis et en Europe est la classe IE3, toutefois, à partir de juillet 2023, l’Union Européenne imposera le niveau IE4 pour les moteurs dont la puissance est comprise entre 75 kW et 200 kW [3]. Notons enfin que, plus les puissances mises en jeu sont importantes, plus les classes évoquées imposent des rendements importants. Dans ce contexte, les industriels doivent impérativement améliorer le rendement de leurs machines, et, de fait, la réduction des pertes devient nécessairement est un point clé.

Les différentes catégories de matériaux magnétiques 

Les matériaux diamagnétiques et paramagnétiques
Les matériaux diamagnétiques (eau, plomb, cuivre…) et paramagnétiques (lithium, aluminium, …) ont des susceptibilités magnétiques ? très faibles (|?| < 10⁻³ ) qui sont respectivement négatives et positives. D’un point de vue magnétique, on assimile le comportement de ces matériaux à celui de l’air.

Les matériaux ferromagnétiques
Les matériaux ferromagnétiques sont ceux qui présentent un intérêt pour la conversion d’énergie, notamment dans les machines électriques. Ces matériaux possédant des susceptibilités magnétiques ? significatives (? ≫ 1), ils permettent de canaliser et d’amplifier efficacement l’induction magnétique qui est nécessaire pour assurer une conversion d’énergie à forte densité. La structuration en domaines magnétiques et le comportement de ces matériaux sont développés dans les parties suivantes.

Structure d’un matériau ferromagnétique sans champ magnétique extérieur 

Structure en domaines magnétiques
Un matériau ferromagnétique est subdivisé en ce qu’on appelle des domaines magnétiques ou domaines de Weiss[19], Figure I- 2 – (a). Un domaine magnétique est une région, de l’ordre de quelques micromètres à quelques centaines de micromètres, dans laquelle tous les moments magnétiques des atomes sont alignés entre eux. Chacun de ces domaines possède donc une aimantation locale non nulle. Dans les aciers électriques classiques, ces domaines sont séparés par des parois de Bloch ou parois de domaines, Figure I- 2 – (b). Ce sont des zones de quelques centaines à quelques milliers d’Angström (10-10 m) dans lesquelles l’orientation de l’aimantation bascule d’un domaine à l’autre.

La structure en domaines au sein des matériaux ferromagnétiques doux conduit à une aimantation nulle à l’échelle macroscopique. Cette structure est le résultat d’un équilibre énergétique complexe faisant intervenir trois composantes majeures dont le détail est développé dans [15]. Premièrement, l’énergie d’échange caractérise les interactions entre les atomes magnétiques du matériau et favorise leur alignement, observé au sein d’un domaine magnétique. L’énergie d’anisotropie est liée à la structure cristallographique du matériau. Cette dernière est composée d’axes cristallographiques selon lesquels l’aimantation est favorisée (directions de facile aimantation). L’énergie d’anisotropie favorise l’alignement des moments magnétiques selon ces axes. Enfin, l’énergie magnétostatique tend à désaligner les moments magnétiques entre eux afin d’obtenir, d’un point de vue macroscopique, l’induction la plus faible possible dans l’espace. Ce dernier point justifie le fait que, généralement, deux morceaux de fer ne s’attirent pas entre eux.

Sites d’ancrage
La structure cristallographique du matériau présente des défauts comme la présence de lacunes, de dislocations, de joints de grains ou encore de précipités [21]. Ces défauts ont un effet sur les propriétés magnétiques du matériau. De même, ce dernier peut présenter des impuretés (présence de carbures, nitrures, etc…). D’un point de vue magnétique, ces défauts et ces impuretés sont considérés comme des sites d’ancrage qui vont venir perturber le processus d’aimantation du matériau décrit dans la suite.

Comportement d’un matériau ferromagnétique sous un champ magnétique extérieur

Evolution de la structure en domaines : courbe de première aimantation 

L’application d’un champ magnétique extérieur modifie la structure en domaines du matériau. Si on considère un matériau ferromagnétique à l’état initial désaimanté auquel on applique un champ magnétique croissant, ses domaines magnétiques vont tendre à s’orienter selon la direction du champ, Figure I- 3. Plus l’intensité du champ magnétique sera grande et plus les domaines dont la direction de facile aimantation est proche de celle du champ extérieur vont gagner en volume. A très fort champ, une rotation des moments magnétiques suivant la direction du champ appliqué est observée. Ainsi, lorsque tous les moments magnétiques du matériau sont parallèles à ce dernier, le matériau atteint son état de saturation magnétique. Dans ce cas, son aimantation, sa polarisation et son induction atteignent leurs valeurs maximales dites « à saturation » et respectivement notées Ms , Js et Bs . Un matériau comportant un nombre fini d’atomes, ces grandeurs à saturation représentent des valeurs intrinsèques du matériau et ne dépendent que de sa composition chimique.

Courbe normale et courbe anhystérétique

La courbe de première aimantation d’un matériau ferromagnétique s’obtient donc à partir d’un état particulier dans lequel le matériau est désaimanté (induction rémanente et champ coercitif nuls). Toutefois, deux aspects nécessitent d’être mis en lumière. Premièrement, pour caractériser la courbe de première aimantation d’un matériau, il faut systématiquement le désaimanter. Deuxièmement, dans les dispositifs de conversion de l’énergie, les matériaux ferromagnétiques doux fonctionnent, généralement, sur le cycle d’hystérésis et non pas à l’état désaimanté. On introduit alors les notions de courbe normale d’aimantation et de courbe anhystérétique. La première est définie à partir des extremums (Hmax, Bmax) de plusieurs cycles d’hystérésis centrés au point (H=0, B=0) et d’amplitude croissante. Cette courbe est, en pratique, très proche de la courbe première aimantation. Quant à la courbe anhystérétique, celle-ci caractérise le comportement du matériau ferromagnétique si son processus d’aimantation s’opérait sans dissipation d’énergie (absence de cycle d’hystérésis). En pratique, cette courbe peut être correctement estimée en appliquant un champ d’excitation saturant magnétiquement le matériau avant d’être amorti autour d’une valeur de polarisation moyenne Hi, i ∈ ⟦1 ; n⟧, où n correspond au nombre de points de la courbe anhystérétique obtenus pour n champs de polarisation, de coordonnées (Hi ; B(Hi)). On constate cependant, Figure I- 6, que la courbe anhystérétique et la courbe de première aimantation sont différentes, notamment à basse induction, où on retrouve un point d’inflexion dans le cas de la courbe de première aimantation (assimilable à la courbe normale) tandis que celui-ci n’est pas présent sur la courbe anhystérétique. Elles sont toutefois confondues pour les hautes inductions et plus particulièrement à saturation. Dans le cadre des caractérisations magnétiques effectuées durant cette thèse, on travaillera avec les courbes normales d’aimantation. Toutefois, comme on l’abordera par la suite, les modèles analytiques de la loi de comportement magnétique B(H) sont généralement des modèles anhystérétiques.

Classification des aciers électriques magnétiques doux 

Les aciers pour applications électrotechniques, aussi appelés aciers électriques, sont pour la plupart des alliages fer-silicium qui peuvent contenir jusqu’à 3,2 % de silicium. Selon l’application visée, on peut distinguer deux familles : les aciers électriques à grains orientés (GO) et ceux à grains non orientés (NO).

– Dans le cas des aciers GO, le processus de fabrication de la tôle met en œuvre des opérations thermomécaniques complexes [22] visant à conférer une perméabilité relative importante et des pertes Fer faibles suivant une direction préférentielle qui, en pratique, est confondue avec la direction de laminage (notée DL). En contrepartie, la perméabilité magnétique du matériau devient fortement anisotrope dans le plan de la tôle et de valeur beaucoup plus faible pour les directions autres que la direction DL: selon la qualité de l’acier, un rapport 10 à 20 entre les perméabilités extrêmes peut être observé aux inductions de travail habituelles [23]. Ces tôles sont majoritairement utilisées pour les transformateurs et plus rarement pour certaines machines électriques (secteurs d’alternateurs de fortes puissances).
– Les tôles à grains non orientés (NO), auxquelles on s’intéresse ici, sont majoritairement utilisées dans les machines électriques tournantes. Si leur perméabilité est plus faible selon la direction DL que celle des tôles GO, elles ont l’avantage de présenter des propriétés magnétiques relativement isotropes dans le plan de la tôle. En pratique on peut tout de même observer une anisotropie entre les directions DL et DT (direction transverse à la direction DL) pouvant atteindre 20% sur les pertes Fer [24] mais cette différence entre les perméabilités selon les directions DL et DT reste bien moins importante que pour les tôles GO. Cela explique leur très large utilisation pour les machines électriques : les circuits magnétiques étant de forme circulaire, le flux dans la culasse est appliqué selon toutes les directions, d’où l’intérêt d’utiliser des tôles les plus isotropes possibles.

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Table des matières

Introduction générale
CHAPITRE 1
Introduction du chapitre 1
I. 1 – Notions générales sur les matériaux
I. 1-A) Introduction au magnétisme
I. 1-A.1) Notions magnétiques élémentaires
I. 1-A.2) Les différentes catégories de matériaux magnétiques
I. 1-A.3) Structure d’un matériau ferromagnétique sans champ magnétique extérieur
I. 1-A.4) Comportement d’un matériau ferromagnétique sous un champ magnétique extérieur
I. 1-A.5) Classification des aciers électriques magnétiques doux
I. 1-B) Les pertes Fer
I. 1-B.1) Signification physique des pertes Fer
I. 1-B.2) Séparation des pertes fer : modèle de Bertotti
I. 1-B.3) Hypothèses et limitations du modèle
I. 1-C) Introduction aux propriétés mécaniques des matériaux
I. 1-C.1) Loi de comportement mécanique : courbe de traction nominale
I. 1-C.2) Contrainte de Von Mises
I. 1-C.3) Dureté d’un matériau
I. 2 – Etat de l’art sur la modélisation et la caractérisation magnétique et multi-physique des matériaux magnétiques
I. 2-A) Caractérisation et modélisation magnétique
I. 2-A.1) Caractérisation des propriétés magnétiques
I. 2-A.2) Modélisation de la loi de comportement B(H) d’un matériau ferromagnétique
I. 2-A.3) Les modèles de calcul des pertes Fer
I. 2-B) Caractérisation et modélisation multi-physique
I. 2-B.1) Effet des contraintes élastiques sur les propriétés magnétiques
I. 2-B.1-1) Contrainte élastique uniaxiale
1. II-B.1-2) Contrainte élastique multiaxiale
I. 2-B.2) Magnétostriction d’un matériau ferromagnétique
I. 2-B.3) Modélisation des effets des contraintes élastiques sur les propriétés magnétiques
I. 2-B.4) Effets des contraintes mécaniques dans le domaine plastique
I. 2-B.5) Modélisation de l’effet de la déformation plastique sur les propriétés magnétiques
I. 2-B.6) Effet des contraintes thermiques sur les propriétés magnétiques
I. 3 – Notions sur les performances des machines électriques
I. 3-A) Rendement et point de fonctionnement d’une machine électrique : lien avec les propriétés magnétiques
I. 3-B) Bilan de puissance et problématique de la mesure
Synthèse du chapitre 1
CHAPITRE 2
Introduction du chapitre 2
II. 0 – Objectifs de la thèse
II. 1 – Présentation de la chaîne de fabrication JEUMONT Electric
II. 1-A) Vue globale de la chaîne de fabrication JEUMONT Electric
II. 1-B) Du fabricant de tôles au fabricant de machines électriques
II. 1-C) Procédé d’isolation des tôles : l’isolation Alkophos
II. 1-D) Procédé de découpe
II. 1-E) Procédé d’empilage et de pressage
II. 1-F) Procédé de maintien du circuit magnétique
II. 1-G) Essai d’aimantation
II. 1-H) Procédé de frettage
II. 1-I) Procédé de bobinage
II. 1-J) Procédé d’imprégnation
II. 2 – Etat de l’art de l’effet des procédés de fabrications sur les propriétés des circuits magnétiques et sur les performances des machines électriques
II. 2-A) Effet du procédé de découpe
II. 2-A.1) Effet de la découpe mécanique
II. 2-A.2) Effet de la découpe laser
II. 2-A.3) Effet des découpes par jet d’eau abrasif et par électroérosion
II. 2-A.4) Comparaison entre les différentes méthodes de découpe
II. 2-B) Effet des procédés d’assemblage
II. 2-B.1) Effet du procédé de compactage
II. 2-B.2) Effet des procédés de maintien
II. 2-B.3) Effet du procédé de frettage
II. 2-C) Effet de l’imprégnation
II. 2-D) Effet du recuit
II. 2-E) Effet global d’une chaîne de fabrication des circuits magnétiques de machine électriques sur leurs performances
II. 2-F) Problématique de superposition de l’effet des procédés sur les performances des machines électriques
II. 3 – Choix des procédés à étudier et de la démarche adoptée
II. 3-A) Identification des procédés à étudier
II. 3-B) Besoins industriel et intérêts scientifiques
II. 3-C) Démarche de la thèse
Synthèse du chapitre 2
CHAPITRE 3
Introduction du chapitre 3
III. 1 – Etude de l’effet du compactage : développement des maquettes expérimentales dédiées
III. 1-A) Rappel du procédé de compactage JEUMONT Electric
III. 1-B) Maquette expérimentale : objectifs et cahier des charges
III. 1-C) Conception de la version initiale de la maquette du procédé
III. 1-C.1) Choix de la géométrie du circuit magnétique
III. 1-C.2) Géométrie de la maquette
III. 1-C.3) Conception et spécifications de la maquette
III. 1-C.4) Validation de la maquette
III. 1-C.5) Protocole expérimental
III. 1-C.6) Résultats expérimentaux et analyses
III. 1-C.7) Analyse et amélioration de la maquette
III. 2 – Version finale de la maquette et du dispositif de tests
III. 2-A) Présentation de l’essai de métrologie
III. 2-B) Nouvelles mesures et résultats avec la version finale de la maquette
III. 2-C) Décomposition des pertes Fer
III. 2-D) Effet avec intercalaires
III. 2-E) Effet du compactage sur des tôles de plus faible épaisseur
III. 3 – Des résultats expérimentaux aux modèles
III. 3-A) Analyse et objectifs
III. 3-B) Contribution de chaque contrainte
III. 3-C) Identification des modèles magnéto-mécaniques
III. 3-C.1) Identification du modèle de loi comportement magnéto-mécanique dans le cas 1 – Modèle de Jiles-Sablik
III. 3-C.2) Identification du modèle magnéto-mécanique de pertes Fer – cas 1
III. 3-C.3) Identification du modèle de loi comportement magnéto-mécanique dans le cas 2
III. 3-C.4) Identification du modèle magnéto-mécanique de pertes Fer – cas 2
III. 3-D) Détermination de la contrainte équivalente dans les cas 1 et 2
III. 3-E) Simulations magnétiques sous Code_Carmel
III. 3-E.1) Configurations de référence – Répartition homogène de la contrainte
III. 3-E.2) Configurations avec contrainte inhomogène (présence d’intercalaires)
Synthèse du chapitre 3
Conclusion générale

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