Etude de l’évolution des profils sociodémographiques, cliniques et évolutifs du Tétanos

Le tétanos est une toxi-infection d’inoculation non contagieuse, non immunisante due à un bacille à Gram positif tellurique, anaérobie strict, sporulé appelé Clostridium tetani ou bacille de Nicolaier. La bactérie est introduite dans l’organisme à l’occasion d’une effraction cutanée ou muqueuse [1]. Il s’agit d’une maladie grave et mortelle décrite depuis l’antiquité. Malgré l’existence d’un vaccin très efficace mis au point par Ramon depuis 1925, elle reste encore largement répandue dans le monde en particulier dans les pays en développement [2, 3]. Les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) faisaient état, en 2000, d’un million de cas par an dans le monde avec une létalité de 50% en moyenne, pouvant aller jusqu’à 70% dans certaines zones [4]. Le tétanos demeure un problème de santé publique dans certains pays en développement où il intéresse les sujets jeunes [5, 6, 7, 8, 9, 10, 11]. Au Sénégal, le programme élargi de vaccination mis en place par le Ministère de la Santé depuis 1981 a permis d’obtenir la certification de l’élimination du tétanos néonatal et maternel en 2012 [12, 13, 14]. Le tétanos de l’enfant et de l’adulte reste une cause fréquente d’hospitalisation en unité de soins intensifs à la clinique des maladies Infectieuses Ibrahima Diop Mar du CHNU de Fann, structure nationale de référence pour la prise en charge de cette maladie. Les problèmes majeurs posés par le tétanos sont ceux de sa prophylaxie et de son traitement qui nécessite entre autres des mesures de réanimation plutôt que son diagnostic qui est strictement clinique devant l’apparition d’un trismus associé ou non à des contractures généralisées paroxystiques [15]. L’évolution du tétanos reste marquée par une létalité élevée surtout en ce qui concerne le tétanos néonatal [16]. Son pronostic dépend de plusieurs facteurs cliniques dont l’appréciation est basée sur des classifications telles que la classification en stade de Mollaret (1957) et celle en score de la Conférence internationale de Dakar(1975) [17]. La littérature sur le tétanos est riche, aussi bien dans le Monde qu’au Sénégal où des dizaines de publications scientifiques ont été faites sur cette thématique. Cependant aucune étude n’a encore été menée dans le sens de déterminer la tendance évolutive des différentes caractéristiques du tétanos à la Clinique des maladies infectieuses de Dakar. C’est ce qui justifie la réalisation de cette étude qui se fixe pour objectif déterminer l’évolution des profils sociodémographiques, cliniques et évolutifs du tétanos au niveau de la Clinique des maladies infectieuses du CHNU de Fann de 2004 à 2012. De manière spécifique, il s’agira de :
❖ décrire les aspects sociodémographiques, cliniques et évolutifs des malades hospitalisés pour tétanos ;
❖ déterminer l’évolution du profil sociodémographique du tétanos ;
❖ déterminer l’évolution du profil cliniques du tétanos ;
❖ déterminer l’évolution du profil évolutif du tétanos.

HISTORIQUE

Le tétanos est une maladie connue depuis l’antiquité et déjà bien décrite par Hippocrate et Aretaeus. Les guerres napoléoniennes furent de grandes pourvoyeuses de tétanos [18]. En effet, c’est à la faveur des poussées brutales et très importantes du nombre de cas de tétanos chez les soldats blessés présentant des plaies occasionnées par des armes « blanches » et les projectiles d’armes à feu ou encore les éclats d’obus lors des grandes guerres des XIXème et XXème siècles, que certaines observations importantes ont pu être faites et qu’une partie des connaissances sur la maladie ont été établies [19]. Ainsi Larrey, médecin de l’armée napoléonienne, examine de très nombreux cas de tétanos. Il dresse un tableau clinique détaillé de cette maladie appelée «l’épouvante des blessés» [20]. Il faut attendre la fin du XIXème siècle pour que les recherches effectuées conduisent à d’importantes découvertes. La nature infectieuse de la maladie est établie par Carle et Rattoneen en 1884 à Turin, en démontrant que l’inoculation du pus d’une plaie tétanique à des animaux entraine le tétanos. En 1885, Nicolaïer, à Göttingen identifie l’agent responsable en reproduisant la maladie par inoculation de terre à divers animaux. Il isole dans les lésions locales, à côté d’autres germes, un germe particulier : un bacille long mais qu’il n’arrivera pas à cultiver [20]. Plus tard en 1886, Rosenbachfait fait la première observation correcte de cebacille qu’il décrit comme ayant la forme d’un poil et parfois d’une épingle ou d’un paquet d’épingles. Il pense que ces bactéries sont sporulées mais ne parvient pas à le démontrer [21].

En 1889, à Berlin, Kitasato réussit la culture du bacille dont il décrit les différents aspects morphologiques et en particulier les spores qui sont la forme de résistance. Le cycle complet du bacille est précisé en 1890 par Vaillard, Vincent et Veillon, alors que Knud obtient la toxine tétanique par filtration, permettant le développement des recherches sur l’immunisation antitoxinique. La même année, Behring et Kitasato constatent, chez des animaux ayant reçu de petites doses de cette toxine atténuée, l’apparition d’une anatoxine. En 1892, Roux réalise la séroprévention du tétanos par injections de sérums de chevaux immunisés. En 1895, Nocard démontre la disparition du tétanos chirurgical chez des chevaux inoculés avant l’intervention avec du sérum immun. En 1897, Marie démontre que la toxine agit sur le système nerveux central qu’elle atteint en remontant le long des nerfs moteurs. L’année suivante, Ehrlich décrit la tétanospasmine et la tétanolysine. En 1917, la vaccination antitétanique fut entreprise pour la première fois par H Valle et L Bazy qui injectent à 7 blessés de la toxine iodée [22]. En 1920 Glenny et Ramon démontrent indépendamment que la toxine, après traitement par le formol et la chaleur, peut être transformée en un composé inoffensif mais hautement antigénique. En 1923, Ramon met au point le moyen de contrôler l’antigénicité de cette anatoxine par réaction de floculation [20]. La vaccination anatoxinique est débutée par Ramon en 1925 chez les animaux et en 1926 chez l’homme [23].

En 1935 Cole et Spooner identifient deux facteurs pronostiques importants que sont l’incubation et l’invasion [24]. En 1948, Pillemer purifie la toxine tétanique et donne sa constitution chimique [25]. En 1955, le traitement des formes graves du tétanos fut débuté à l’hôpital Claude Bernard dans le service du Pr Mollaret [22]. En 1959, Van Heyningen découvre le récepteur spécifique de la toxine tétanique dans le système nerveux [22]. En 1975 lors de la quatrième Conférence internationale sur le tétanos à Dakar, il fut établi le score pronostic de Dakar [26].

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le tétanos est une maladie infectieuse grave, existant à l’échelle mondiale et dont l’agent causal, Clostridium tetani, est ubiquitaire. C’est un germe tellurique, très répandu dans l’environnement. La situation épidémiologique du tétanos connaît une forte disparité dans le monde. Dans les pays industrialisés, l’amélioration de l’hygiène, l’élévation du niveau socio-économique et sanitaire et surtout la vaccination systématique ont rendu le tétanos rare. A l’opposé des pays en développement où le tétanos est toujours un problème santé publique par sa grande fréquence et sa gravité aussi bien chez les adultes, les enfants et les nouveau-nés .

Morbidité

Situation dans le monde 

Les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) font état d’un million de cas par an dans le monde [27] avec un taux d’incidence annuel de 10 à 50 pour 100 000 habitants. Par ailleurs, la priorité de l’OMS concerne le tétanos néonatal et l’objectif était d’éradiquer cette forme de tétanos avant 2005 [27]. En 2006, les estimations faisaient état de 14 500 cas rapportés [28] Cette diminution notable de la morbidité a été possible grâce à la mise en œuvre de programmes de vaccination.

Dans les pays développés
En Europe de l’ouest, seuls le Portugal et l’Italie ont des incidences plus élevées (1,1 et 1,2/1000 000 habitants). En France, elle était de 0,5 par million d’habitants en 2003. Par contre les pays du Nord de l’Europe, ainsi que le Canada et les Etats-Unis ont des incidences inférieures comprises entre 0 et 0,3/1000 000 d’habitants [1].

Dans les pays en développement 

Les pays qui payent le plus lourd tribut du tétanos se trouvent en Afrique, dans le sous-continent Indien et en Asie [30]. En Amérique latine, la morbidité semble être moins élevée, de l’ordre 4,65 pour 100 000 habitants par an au Brésil [31]. En Asie, notamment en Inde, le taux de morbidité est proche de celui de l’Afrique (10 à 50 pour 100 000 habitants par an) [32]. En Afrique noire, la morbidité du tétanos varie selon les pays de 10 à 50 pour 100 000 habitants par an [11; 33]. Au Sénégal, le tétanos atteint 32,5 pour 100 000 habitants par an [34] avec une prévalence hospitalière de 5,3% et une morbidité proportionnelle de 43% au service des maladies infectieuses de Fann à Dakar [35].

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Table des matières

INTRODUCTION
I. HISTORIQUE
II. EPIDEMIOLOGIE
II.1 Morbidité
II.1.1 Situation dans le monde
II.1.2 Dans les pays développés
II.1.3 Dans les pays en développement
II.2 Mortalité
II.3 Répartition selon l’âge
II.4 Répartition selon le sexe
II.5 Fréquence saisonnière
III. AGENT PATHOGÈNE
III.1 PORTES D’ENTRÉE
III.1.1 Portes d’entrée tégumentaires
III.1.2 Porte d’entrée chirurgicale
III.1.3 Porte d’entrée intramusculaire
III.1.4 Porte d’entrée otogène
III.1.5 Portes d’entrée traditionnelles
III.1.5.1 Porte d’entrée ombilicale
III.1.5.2. Autres portes d’entrée traditionnelles
III.1.6 Porte d’entrée dentaire
III.1.7 Porte d’entrée inconnue
III.2 PHYSIOPATHOLOGIE
III.2.1 Action de la tétanospasmine sur le système nerveux central
III.2.2 Action de la tétanospasmine sur le système nerveux autonome
IV. ASPECTS CLINIQUES
IV.1 Type de description : Le tétanos aigu généralisé de l’adulte jeune non vacciné
IV.1.1 Incubation
IV.1.1 Début ou période d’invasion
IV.1.3 Période d’état
IV.1.3.1Signes cliniques
IV.1.3.1.1 Les contractures généralisées
IV.1.3.1.2 Les paroxysmes
IV.1.3.2 Paraclinique
IV.1.4 Évolution – pronostic
IV.1.4.1 Éléments de surveillance
IV.1.4.2 Modalités évolutives
IV.1.4.2.1 Le décès
IV.1.4.2.2 La guérison
IV.1.4.2.3 Les complications
IV.1.4.2.3.1. Complications respiratoires mécaniques
IV.1.4.2.3.2 Complications infectieuses
IV.1.4.2.3.3 Complications cardiovasculaires
IV.1.4.2.3.4 Complications métaboliques
IV.1.4.2.3.5 Maladies thromboemboliques
IV.1.4.2.3.6 Complications digestives
IV.1.4.2.3.7 Complications liées au terrain
IV.1.4.2.3.8 Complications neurologiques
IV.1.4.2.3.9 Complications iatrogènes
IV.1.4.2.3.10 Fractures vertébrales
IV.1.4.2.4 Les séquelles
IV.1.4.2.4.1 Rétractions musculotendineuses
IV.1.4.2.4.2 Paralysies périphériques
IV.1.4.2.4.3 Paraostéoarthropathies (POA) du tétanos
IV.1.4.3 Pronostic
IV.4.3.1 La classification en stade de MOLLARET
IV.1.4.3.2 Classification internationale par « score de Dakar »
IV.1.4.3.3 Score de PHILLIPS
IV.1.4.3.4 Pronostic adapté d’après Bleck
IV.2 Formes cliniques du tétanos
IV.2.1 Formes symptomatiques
IV.2.1.1 Tétanos fruste
IV.2.1.2 Tétanos hypertoxique de Roger
IV.2.2.1 Formes topographiques
IV.2.2.1 Tétanos localisé aux membres
IV.2.2.2 Les tétanos céphaliques
IV.2.3 Formes selon le terrain
IV.2.3.1 Tétanos du nouveau-né
IV.2.3.2 Tétanos du sujet âgé
IV.2.3.3 Tétanos puerpéral
V. TRAITEMENT
V.1 Traitement curatif
V.1.1 Traitement à visée étiologique
V.1.1.1 Traitement de la porte d’entrée
V.1.1.2 Traitement antibiotique
V.1.1.3 La sérothérapie
V.1.1.3.1 Le sérum antitétanique hétérologue
V.1.1.3.2 Le sérum antitétanique homologue ou gamma globuline antitétanique
V.1.2 Traitement à visée symptomatique
V.1.2.1 Isolement sensoriel des malades
V.1.2.2 Sédatifs
V.1.2.2.1 Les benzodiazépines
V.1.2.2.2 Les barbituriques
V.1.2.2.3 Les curares
V.1.2.2.4 Le baclofène
V.1.2.2.5 Le drantroléne (Dantrium*)
V.1.2.2.6 Les morphinomimétiques
V.1.2.3 Réanimation respiratoire
V.1.2.4 Maintien de l’équilibre hydro électrolytique et nutritionnel
V.1.2.5 Nursing
V.1.2.6 Prévention de la maladie thromboembolique
V.1.2.7 Kinésithérapie
V.1.2.8 Vitaminothérapie C
V.2 Traitement préventif
V.2.1 Prévention individuelle
V.2.1.1 Programme élargi de vaccination (PEV)
V.2.1.2 Prévention chez la femme enceinte
V.2.1.3 Prévention antitétanique après exposition
V.3 Prévention collective
CONCLUSION

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