Que l’on se situe dans l’enseignement général ou spécialisé, l’élève arrivant en classe n’est jamais vide de connaissances antérieures, il structure ses conceptions au fur et à mesure de sa vie et elles peuvent souvent influencer l’apprentissage des sciences (Driver et al. 1985). Pour cette raison, de nombreuses recherches en didactique des sciences physiques se sont centrées sur les conceptions initiales des élèves. La majorité a montré que les élèves ont des explications sur les phénomènes étudiés qui se sont construites à travers leurs expériences quotidiennes.
Par ailleurs, le cadre de la formation des enseignants des sciences physiques de l’Ecole Normale Supérieure nous a donné l’occasion de faire des stages en responsabilité au sein d’un C.E.G. Cela nous a permis d’être en contact avec nombreux élèves de niveau collège, puis de faire une enquête pour savoir ce que pensent les élèves à propos d’un certain phénomène physique. Nous en avons conclu que les élèves approchent le monde physique, formulent certaines conceptions qui sont peu différents des concepts, des modèles et des théories scientifiques et parfois en contradiction avec tout cela. Nous avons vu également que même après l’enseignement, la plupart des élèves ne maitrise pas tout à fait les concepts étudiés. Ils évoquent toujours leurs conceptions préexistantes.
REPERE THEORIQUE
CONCEPTS EN DIDACTIQUES
Tout d’abord, nous souhaitons préciser pourquoi l’on parle de conceptions et non de représentations dans notre travail de recherche. Le terme « représentation » était beaucoup utilisé dans les recherches en didactique des sciences. Et pourtant, il est importé de la psychologie, notamment sociale et génétique, ce qui explique sa diversité d’emploi. C’est en effet, la représentation était devenue « trop polysémique », « large » et « ambigu » (Clément, 1994, p.17) et pouvait mener à une confusion avec l’idée de représentation graphique d’objets.
Au XIXe siècle, le terme de représentation a été notablement développé par Serge Moscovici, chercheur en psychologie sociale, sous l’expression de « représentation sociale ». Giordan et De Vecchi (1987) pensent qu’il n’existe pas une seule représentation sociale, mais plutôt une multitude de points de vue et de positions différentes parmi les individus ; ces variations peuvent être suffisamment importantes pour devoir être prises en compte dans la construction individuelle de la connaissance. Puisque, le terme « représentation » est utilisé de plusieurs façons, Giordan, A. (1990) suggère de remplacer le terme de représentation par celui de conception, pour éviter les confusions inhérentes à l’utilisation d’un même concept par deux champs de savoir différents (didactique et psychologie sociale). Ce concept est surtout utilisé par les didacticiens de la deuxième génération. Selon eux, les conceptions que développent les élèves à propos du monde ou des phénomènes, procède de l’opinion ou bien de ce que G. Bachelard appelle le «sens commun », c’est-à-dire que ces conceptions entrent nécessairement en conflit avec la connaissance scientifique que l’école doit faire acquérir aux élèves. C’est pour cela que nous avons décidé d’utiliser dans notre recherche le terme « Conceptions », mais non pas de« représentation ».
CONCEPTIONS
Les élèves arrivant en classe ne sont pas vides de connaissances. Ils se sont construits de modèles de pensée fonctionnels depuis leur enfance. Ces modèles de pensée sont appelés « conceptions initiales », elles sont propres à chacun, et sont plus ou moins proches de la vérité. C’est grâce à elles que de nouveaux savoirs peuvent s’assimiler, elles s’élaborent en fonction de chaque situation nouvelle, et traitent toutes les informations nouvelles.
Alors, il est intéressant de regarder les mots dans la littérature pour rendre comptes les conceptions initiales des élèves. Giordan & De Vecchi (1990, p.74), parlaient de « choses existant dans la tête des élèves ». Par la suite, il s’agissait « d’idées des élèves » (ibid., p.77). Plus tard encore, les conceptions d’un individu n’ont plus été perçues comme un « produit », mais comme un processus d’une activité de construction mentale du réel (ibid.). Nous sommes donc passés des choses présentes dans la tête des élèves à des structures mentales, ce qui nous conduit à la définition actuelle du concept « conceptions ». Plusieurs didacticiens ont cherché à définir le terme « conceptions», nous relèverons ci-après quelques acceptions.
Acceptions
Selon Astolfi (1989), cité dans Roux (2013) « Tout apprentissage vient en effet interférer avec un « déjà-là » conceptuel, qui, même s’il est faux sur le plan scientifique, sert de système d’explication efficace et fonctionnel pour l’apprenant». D’après Artigue (1990), « La conception est un objet local, étroitement associé au savoir en jeu et aux différents problèmes dans la résolution desquels il intervient » De Vecchi et Giordan (2002), cité dans Cina (2011) définissent également la conception en trois propositions. D’abord« une conception, ce n’est pas ce qui émerge : c’est un modèle explicatif sous-jacent ». Elle est là pour expliquer différentes situations qui causent des problèmes à l’apprenant.
La deuxième définition qu’attribuent De Vecchi et Giordan (2002) à la conception est qu’elle est « une structure organisée simple et cohérente parfois erroné, mais elle est en rapport direct avec le niveau de connaissances de l’apprenant » (p.57). Ils apprécient que l’élève, pour expliquer un phénomène, mette sur pied un « modèle explicatif simple et logique à partir de ce qu’il connait de sa propre réalité » (ibid., p58.).
En troisième lieu, De Vecchi et Giordan (2002) prétendent qu’ « une conception est personnelle et elle peut évoluer » (p.62). Chaque individu possède une panoplie de conceptions qui lui permet d’expliquer le monde qui l’entoure.
Obstacle épistémologique
La notion d’obstacle épistémologique a été introduite par un philosophe français Gaston Bachelard en 1938, comme étant les « causes d’inerties » ou d’erreurs dans la construction du savoir. C’est ainsi que des « erreurs » d’élèves sont considérées comme des manifestations d’état du savoir, et non plus comme un manque de travail ou d’attention. D’après Astolfi (1997, p.37), l’obstacle désigne ce qui « dans l’esprit même fait obstacle ». Pour lui, il ne s’agit pas d’obstacles extérieurs ni des obstacles techniques mais de manière interne à l’acte de connaitre et à l’esprit même. Dans son ouvrage, Astolfi (1997) reprend les caractéristiques de l’obstacle présentées par Fabre (1995) dans son livre Bachelard éducateur.
❖ L’intériorité de l’obstacle
Les obstacles se trouvent dans notre pensée, dans nos mots, nos gestes quotidiens et même notre inconscient.
❖ La facilité de l’obstacle
L’obstacle peut être vu comme « une facilité que l’esprit s’octroie » (Astolfi, 1997, p.38). Il s’agit de la facilité que nous avons à expliquer les phénomènes de la vie ; ces explications « sont basées sur la tendance du cerveau à établir des régularités entre les évènements et situations » (ibid., p.40).
❖ La positivité de l’obstacle
Les obstacles ne sont pas forcément une difficulté mais plutôt une forme de connaissance. Il s’agit en fait de véritablement connaissances diverses déjà présentées dans nos esprits et qui nous empêchent « d’en construire de nouvelles» (ibid.).
❖ L’ambiguïté de l’obstacle
Le concept obstacle est ambigu car il possède deux dimensions : d’une part, il est un outil nécessaire de l’évolution de la connaissance et d’autre part, « une source potentielle d’erreurs » (ibid.).
Selon Bachelard (1938), pour que l’apprentissage puisse se faire, il est nécessaire que l’individu déconstruise ses schémas de pensée habituels, qui sont forcément très résistants, du fait de leur facilité et de leur ambiguïté. Nous pouvons relever plusieurs similitudes ou points communs entre la théorie de Bachelard (1938) pour les obstacles épistémologiques à celle de De Vecchi et Giordan (2002) sur les conceptions des élèves. Pour les deux, ce que possède l’élève (ses idées, ses conceptions) est déjà une forme de connaissance. De plus les obstacles et les conceptions sont des manières facilitées d’expliquer certains phénomènes.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : REPERE THEORIQUE
Chapitre I : CONCEPTS EN DIDACTIQUES
I. CONCEPTIONS
I.1. Acceptions
I.2.Obstacle épistémologique
I.3. Pourquoi s’intéresser aux conceptions des élèves ?
I.4. Des moyens pour faire évoluer les conceptions
I.4.1. Objectifs-obstacles
I.4.2. Faire avec pour aller contre (Giordan et De Vecchi, 1987)
I.4.3. Le conflit sociocognitif (Doise et Mugny, 1981)
II. DEMARCHE D’ENSEIGNEMENT TENANT COMPTE DES CONCEPTIONS
II.1. Comment faire émerger les conceptions des élèves ?
II.2. Limites et difficultés de l’utilisation des conceptions
Chapitre II : OPTIQUE
I. NATURE DE LA LUMIERE
II. QUELQUES NOTIONS A SAVOIR
II.1. Sources lumineuses
II.1.1. Sources primaires
II.1.2. Sources secondaires
II.2. Les couleurs de la lumière
II.2.1. Lumière blanche
II.2.2. Décomposition de la lumière blanche par un prisme
II.3. Diffusion de la lumière
II.3.1. Diffusion de la lumière par une surface
II.3.2. Diffusion de la lumière par particule
II.4. Récepteurs de lumière
II.5. Vision d’un objet
II.5.1. Condition de visibilité d’une source primaire ou objet lumineux
II.5.2. Condition de visibilité d’un objet diffusant
II.5.3. Le Champ de vision
II.6. Matériaux et lumière
II.6.1. Objet transparent
II.6.2. Objets opaques
II.6.3. Objets translucides
II.7. Propagation de la lumière
II.7.1. Modèle du rayon lumineux en optique géométrique
II.7.2. Faisceaux lumineux
II.8. Domaine de validité de l’optique géométrique
Deuxième partie : CONTEXTE GENERAL
I. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
II. METHODOLOGIE
II.1. Population cible
II.2. Echantillonnage
II.3. Démarche de travail
II.3.1. 1ère et 3ème Etapes : Recueil des conceptions des élèves avant et après l’E/A
II.3.2. 2ème Etape : Séances d’enseignement
III. PRESENTATION DES RESULTATS
III.1. Exploitation des questionnaires
III.2. Analyse des conceptions des élèves et interprétations
III.2.1. Analyses des réponses relatives à la révélation des conceptions
III.2.2. Analyse des réponses relatives au principe de la propagation de la lumière
III.3. Critères d’évolution des conceptions des élèves
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE et WEBOGRAPHIE
ANNEXES