Présentation de la taxidermie
Historique et valeurs culturelles
Le mot taxidermie vient du grec taxis, qui signifie «ordre, arrangement» et derma, «peau». Il s’agit de «l’art de rendre aux animaux, dépouillés de leurs viscères et de leur chair, l’apparence de la vie, en ne conservant que la peau qui recouvre ces organes, de manière à faire figurer ces animaux sous leurs formes naturelles dans les Musées zoologiques.» En ce sens, il désigne tout le processus de naturalisation des animaux vertébrés, du dépouillage, jusqu’au montage de la peau. La taxidermie en tant que technique de conservation existe depuis le XVIème siècle en Europe, notamment grâce à l’émergence des premiers montages de spécimens et des cabinets de curiosités. Ces cabinets servent à conserver et à exposer des collections d’objets d’histoire naturelle et ethnographiques, collectés lors de voyages par leurs riches propriétaires. Le but de ces collections est surtout d’émerveiller les spectateurs grâce à leur rareté et parfois leur étrangeté. En effet, il n’est pas rare de trouver des cornes de licorne, des sirènes et autres objets mythologiques dans ces cabinets.
À partir du XVIIème siècle, la notion de collection prend un caractère beaucoup plus scientifique avec la mise en place d’une classification du vivant. L’utilisation systématique de la nomenclature binominale va largement aider à répertorier, nommer et hiérarchiser les espèces vivantes. Les naturalistes prennent part à des expéditions à travers le monde, afin d’inventorier, d’examiner et de décrire les spécimens.
Ces derniers sont récoltés et envoyés en Europe, dans le but de constituer des collections d’histoire naturelle. Afin d’assurer la conservation des spécimens, les scientifiques vont chercher activement des techniques pour assurer la pérennité des peaux et de leur montage, ce qui va grandement contribuer au développement de la taxidermie. Les collections d’histoire naturelle deviennent ainsi sujets d’étude et de description.
À la fin du XIXème siècle, les dioramas sont mis en place dans les musées. Il s’agit de mettre en scène les spécimens naturalisés dans des reconstitutions tridimensionnelles de leur environnement naturel.
Cette forme de présentation est principalement réservée à l’exposition et donc à la diffusion des connaissances scientifiques auprès du public.
À partir du XXème siècle, la quantité de peaux accumulées dans les réserves des musées d’histoire naturelle devient tellement importante, que leur montage devient de moins en moins systématique. La plupart des spécimens sont simplement mis en peau* pour la recherche scientifique ou conservés tels quels dans des tiroirs ou des caisses.
Traitements de préservation des spécimen
Dépouillage: Cette étape a pour but de retirer la peau du corps de l’animal. Pour les petits mammifères, une incision est effectuée sur la peau de la pointe du sternum jusqu’à l’anus, ainsi que sur toute la longueur de la plante des pieds. Chez les grands mammifères, elle est pratiquée de la pointe du menton à l’extrémité de la queue, puis de la pointe des pieds jusqu’à rejoindre la ligne médiane en angle droit. La peau est ensuite décollée du corps.
Les membres postérieurs sont désarticulés au niveau de la hanche et les membres antérieurs, au niveau de l’épaule. Les chairs sont enlevées des os. Ces derniers peuvent être conservés attachés à la peau ou retirés. Il est tout de même recommandé de les enlever18, car il est difficile de les dégraisser entièrement. Un tannage aurait pour effet de fixer sur les os les graisses qui risqueraient d’imprégner la peau à long terme.
Dégraissage: Il s’agit d’enlever les tissus graisseux de la peau en raclant le côté chair avec un scalpel, un grattoir ou un couteau. Cela permet également d’amincir la peau. Il s’agit d’une étape délicate, car il y a des risques de perforer la peau ou de la déchirer. La peau peut être saupoudrée de plâtre, de cendres ou de sciures pour éviter que la graisse ne glisse sur le poil et y laisse des taches. La peau est ensuite elle-même dégraissée par bains successifs. Une peau correctement dégraissée rendra les traitements tannants plus efficaces.
Préservation des peaux:
Séchage : La peau est simplement séchée à l’air, de préférence exposée au soleil, jusqu’à ce qu’elle soit entièrement déshydratée. Parfois, des poudres absorbantes sont ajoutées pour accélérer la déshydratation. Il s’agit de l’une des plus anciennes méthodes de préservation des peaux. L’inconvénient est qu’un séchage trop lent provoque le développement de bactéries qui cause la putréfaction de la peau. Le séchage de la peau est réversible, car celle-ci peut être réhydratée par reverdissage.
Néanmoins le processus de décomposition est réamorcé, ce qui provoque la chute des poils. Afin de rendre la matière imputrescible, la peau peut être fixée préalablement avec une solution d’acide, de sublimé corrosif (HgCl2) ou de sels.
Salage : Le salage peut s’effectuer à sec en appliquant uniformément du chlorure de sodium sur le côté chair de la peau fraîchement dépouillée. Le sel va naturellement s’humidifier en absorbant l’eau liée présente dans la peau. Les bactéries, n’ayant plus d’eau à disposition pour se développer, vont stopper leur activité. Cela sous-entend que dès que la peau est réhydratée l’activité reprend.
Reverdissage: Il consiste à réhydrater progressivement une peau conservée par séchage ou par salage en l’immergeant dans l’eau, afin de lui redonner de la souplesse. Dans le but d’éviter un début de putréfaction, il est recommandé d’ajouter un bactéricide au bain.
Picklage: Il s’agit de plonger la peau dans un bain aqueux auquel ont été ajoutés du chlorure de sodium et de l’acide sulfurique ou chlorhydrique. Le pH de ce bain acide est environ de 2. Cette étape a pour objectif de fixer par liaisons hydrogène* des molécules d’eau aux groupes polaires du collagène, afin de faire gonfler la peau, de favoriser la fixation des agents tannants et d’assurer leur pénétration uniforme sur toute la surface de la peau. Le gonflement de la peau va également aider à la désépaissir mécaniquement.
Le phénomène de gonflement s’initie lorsque le pH de la peau s’éloigne du point isoélectrique qui est d’environ 5. Le point d’équilibre ionique, appelé point isoélectrique est défini comme le pH d’une solution auquel la charge nette d’une protéine est nulle. Le collagène est amphotère. Il comprend à la fois des groupements acides et des groupements basiques. En milieu neutre, ces groupements se compensent.
Pour le tanneur, il s’agit d’une valeur importante. Elle définit le pH au-dessus duquel la peau peut fixer des composés cationiques et le pH au-dessous duquel elle fixe des composés anioniques. Le point isoélectrique du collagène va être modifié en fonction du tannage utilisé. Il varie entre 4.7 et 8.
Tannage: Le principe du tannage est d’établir des liaisons covalentes entre les agents tannants et la matière organique, pour assurer une stabilité physique, biologique et chimique à la peau.
Neutralisation: La peau est mise dans un bain de neutralisation aqueux de chlorure de sodium et d’un composé basique tel que le bicarbonate de sodium. Elle atteint un pH de 4.7 à 8, selon le traitement.
Étapes de finition: La peau est nourrie au moyen d’huiles, pour lui donner de la souplesse. Aujourd’hui, des huiles synthétiques sont utilisées, mais avant des graisses végétales étaient employées. Après cette opération, la peau est souvent mise dans un tonneau contenant des sciures de bois afin de l’assouplir et de dégraisser et donner de la brillance à la fourrure. Pour achever le dégraissage, le tanneur peut ajouter des solvants à la sciure de bois.
Montage: Une fois la peau préparée, celle-ci peut être conservée telle quelle ou être montée.
Précautions à prendre lors des manipulations de spécimens d’histoire naturelle
Comme nous l’avons vu précédemment, les spécimens conservés dans les musées d’histoire naturelle peuvent être traités avec un préservatif à base d’arsenic. D’ailleurs, nous savons que huit des peaux sélectionnées pour l’étude ont été enduites de savon arsenical .
L’arsenic est un agent chimique dangereux, qui peut être très toxique pour l’Homme. Il est donc important de se protéger en portant des équipements de protection individuelle (EPI), lors du transport, de l’examen et des prises photographiques des spécimens, mais également durant les prises d’échantillons pour les analyses.
L’équipement de protection individuelle est constitué de gants en nitrile ou PVC, d’un masque à poussière FFP3 et d’une combinaison intégrale en Tyvek®. Lors de la manipulation des échantillons, il faudra également mettre des gants en nitrile ou en PVC et nettoyer les outils avec de l’éthanol après chaque utilisation.
Identification des traitements de préservation
Méthode par spectrométrie de fluorescence X (FRX)
Des analyses FRX ont été réalisées sur les 17 peaux sélectionnées pour l’étude. Ces analyses ont été effectuées avec l’analyseur de fluorescence X portable disponible à la Haute École Arc. En plus d’être un moyen d’analyse facilement disponible dans notre cas et rapide, il est également non destructif et non invasif, puisqu’il ne nécessite pas de prise d’échantillons sur les spécimens.
L’objectif des analyses était de détecter certains éléments présents dans les traitements de préservation généralement utilisés en taxidermie, afin de déterminer quels traitements ont été réalisés sur chaque peau du corpus étudié. Ainsi, la détection d’aluminium (Al) indique que les peaux ont été traitées à l’alun, le chrome (Cr) est détecté lorsqu’elles ont été tannées au chrome et l’arsenic (As) suggère que le savon arsenical a été appliqué comme substance préservatrice sur les spécimens. Dans notre cas, les analyses effectuées sont qualitatives.
Nous allons donc identifier la présence ou l’absence d’un élément, mais nous n’allons pas déterminer la quantité.
La détection s’est effectuée côté chair, entre les deux membres antérieurs de chaque spécimen.
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Table des matières
Introduction
1 Présentation du contexte de conservation
1.1 Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel (MHNN)
1.2 Collections
2 Présentation de la taxidermie
2.1 Historique et valeurs culturelles
2.2 Traitements de préservation des spécimens
2.2.1 Dépouillage
2.2.2 Dégraissage
2.2.3 Préservation des peaux
2.2.4 Reverdissage
2.2.5 Picklage
2.2.6 Tannage
2.2.7 Neutralisation
2.2.8 Étapes de finition
2.2.9 Montage
2.3 Précautions à prendre lors des manipulations de spécimens d’histoire naturelle
3 Présentation du corpus d’étude
3.1 Critères de choix des spécimens
3.2 Identification et constat d’état des 17 spécimens
3.3 Identification des traitements de préservation
3.3.1 Méthode par spectrométrie de fluorescence X (FRX)
3.3.2 Méthode par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflexion totale atténuée (IRTF-RTA)
3.3.3 Résultats
3.3.4 Interprétation
4 Pronostic
4.1 Identification des processus de dégradation par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflexion totale atténuée (IRTF-RTA)
4.1.1 Méthode
4.1.2 Résultats
4.1.3 Interprétation
4.2 Détermination du pH de la peau avec un pH-mètre
4.2.1 Méthode
4.2.2 Résultats et interprétation
4.3 Identification des causes de dégradation non fonctionnelles des peaux
5 Évaluation des stades de dégradations des peaux
5.1 Test de grattage
5.1.1 Méthode
5.1.2 Résultats
5.2 Détermination de la température de rétraction des fibres avec la méthode Micro Hot Table (MHT)
5.2.1 Méthode
5.2.2 Résultats et interprétation
5.3 Corrélation des données
5.4 Rappel des recommandations de conservation
Synthèse et discussion
Conclusion
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