La découverte des antibiotiques a permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du 20ème siècle. Cependant, leur utilisation massive et répétée a conduit à l’apparition de bactéries résistantes à ces médicaments. L’augmentation et la dissémination de la résistance aux antibiotiques chez les bacilles à Gram négatif, particulièrement Klebsiella pneumoniae, représente un problème majeur de santé publique. Les infections nosocomiales causées par ces bactéries multirésistantes conduisent à l’augmentation des coûts des soins, à des hospitalisations prolongées, à des échecs thérapeutiques et à un taux élevé de morbidité et de mortalité (185). K. pneumoniae est un pathogène opportuniste fréquemment impliqué dans des infections sévères notamment des infections urinaires, de pneumonies et de bactériémies (20). De nombreuses épidémies nosocomiales causées par cette bactérie ont été décrites, notamment chez les personnes ayant un système immunitaire affaibli, comme les diabétiques et les alcooliques. Elle peut se propager rapidement entre les patients hospitalisés surtout dans des unités de soins intensifs adultes ou pédiatriques (131).
K. pneumoniae est l’espèce d’entérobactérie qui a démontré ses particularités d’acquisition de plasmide exprimant des β-lactamases à spectre étendu (BLSE) dont la dissémination fut amorcée par l’utilisation massive de céphalosporines à large spectre en milieu hospitalier. Aujourd’hui ces enzymes sont détectés chez d’autres espèces d’entérobactéries (41).
Au début des années 1980, la première BLSE plasmidique, dérivant de la pénicillinase SHV-1, fut identifiée en Allemagne dans une souche de K. pneumoniae. Jusqu’à la fin des années 1990, les BLSE étaient principalement identifiées dans des souches de K. pneumoniae en milieu hospitalier. Ces BLSE dérivaient des pénicillinases à spectre restreint TEM et SHV. Depuis 1995, les BLSE de type CTX M en particulier le gène CTX-M-15 ont émmergé de chez les entérobactéries. Dès lors, la situation épidémiologique a complètement changé dans le monde (41). En Algérie, la première détection d’une souche de K.pneumoniae produisant le gène CTXM-15 était en 2005 à l’hôpital de Bejaia .
Etude de l’espèce Klebsiella pneumoniae
Taxonomie
Le genre Klebsiella a été nommé par Trevisan en 1887 pour honorer Klebs Edwin, un microbiologiste Allemand du 19ème siècle. L’espèce type est Klebsiella pneumoniae, connue autre fois sous le nom de pneumobacille de Friedlander. Ce dernier avait décrit cette bactérie dans les poumons d’un patient décédé d’une pneumonie (81). Le genre Klebsiella appartient à la tribu des Klebsielleae, la famille des Enterbacteriaceae, l’ordre Enterobacteriales, la classe Gamma Proteobacieria, le phylum Proteobacteria, et le domaine des Bacteria (30) .
La position taxonomique du genre Klebsiella est discutée car de nouvelles espèces ont été incluses dans ce genre sur des arguments phénotypiques sans réévaluation globale de la position taxonomique du genre parmi les entérobactéries, ni des différences d’espèces entre elles (80). L’analyse de séquences de gènes universels 16S rARN et rpoB (gène codant la sous-unité b de l’ARN polymérase) a amené à proposer un remembrement en deux genres distincts et des modifications de nomenclature avec la création du genre Raoultella (71). La validité de ce genre a été récemment confirmée par analyse de la séquence des gènes tuf et atpD (155). Le genre Raoultella comporte trois espèces, R. ornithinolytica, R. terrigena et R. planticola (9,71). Cette dernière espèce regroupe l’ensemble des souches précédemment décrites dans l’espèce K. trevisanii .
Les anciennes espèces taxonomiques K. rhinoscleromatis et K. ozaenae sont des sous-espèces de K. pneumoniae et l’analyse Multi-locus Sequence Typing (MLST) montrent qu’elles représentent des clones au sein de l’espèce K. pneumoniae (32). Actuellement, le genre Klebsiella comporte deux espèces principales: K. oxytoca et K. pneumoniae subdivisée en 3 sous-espèces : Klebsiella pneumoniae subsp.pneumoniae, Klebsiella pneumoniae subsp. rhinoscleromatis, Klebsiella pneumoniae subsp. ozaenae (71). Enfin, s’ajoutent K. granulomatis agent de la donovanose, ainsi qu’un taxon récemment individualisé qui est la K. variicola .
Biotope
K. pneumoniae subsp. pneumoniae est une espèce isolée dans l’environnement à partir d’échantillons de sol, d’eaux de surface, d’eaux usées, de végétaux (119), et de muqueuses des mammifères, en particulier de la flore fécale (9,31). Chez l’homme, cette espèce végète sur la peau, les muqueuses, les voies respiratoires supérieures et elle est isolée des selles chez 30 % des individus. Pour ce qui est des infections nosocomiales, le tube digestif des patients hospitalisés et les mains du personnel sont les deux sources principales (94). Les deux sous-espèces K. pneumoniae subsp. ozaenae et K. pneumoniae subsp. rhinoscleromatis n’ont été isolées qu’en situation pathogène de l’arbre respiratoire de l’homme .
Caractères bactériologiques
Caractères morphologiques
Les Klebsiella sont des bacilles à Gram négatif de 0.5 µm sur 3 µm environ, à extrémités arrondies, se présentant de manière isolée, groupés en diplobacilles ou en courtes chaînettes souvent enrobés dans la même capsule. Cette bactérie se distingue par son immobilité constante, elle est asporogène, capsulée mais cette dernière peut être absente chez 5% des souches .
Caractères culturaux
K.pneumoniae se développe en aéro-anaérobiose. Sur les milieux classiques d’isolement pour entérobactéries ( Drigalski, Hektoen, Mac Conkey, EMB) après une incubation de 18 à 24 h à 30 ou à 37 °C, les colonies sont d’un diamètre de 3 à 4 mm, lisses, lactose positives, bombées, brillantes, muqueuses, parfois filantes à l’anse de platine (121),(81) . En milieu liquide (bouillon nutritif, eau peptonée), la culture est rapide (quelques heures) à 30° et 37 °C pour K. pneumoniae avec parfois dépôt muqueux et collerette visqueuse en surface. À la différence des autres espèces de Klebsiella, plus de 90% des souches de K. pneumoniae croissent à 44 °C en bouillon lactosé bilié vert brillant et plus de 80% en fermentant le lactose avec production de gaz .
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Table des matières
Introduction
Partie1 : Revue de la littérature
Chapitre I. Etude de l’espèce Klebsiella pneumoniae
1-Taxonomie
2-Biotope
3-Caractères bactériologiques
3.1-Caractères morphologiques
3.2-Caractères culturaux
3.3-Caractères biochimiques
3.4- Caractères antigéniques
4- Facteurs de pathogénicité de K. pneumoniae
4.1- Antigènes de surface
4.2- Adhésines
4.3- Sidérophores
4.4- Ilot de pathogénicité
4.5- Elément d’intégration et de conjugaison
5-Pouvoir pathogène
6- K. pneumoniae et épidémies hospitalières
7- Méthodes de typage
Chapitre II. Résistance de K .pneumoniae aux antibiotiques
1-Types de résistance aux antibiotiques
1.1-Résistance naturelle
1.2-Résistance acquise
2- Supports génétiques de la résistance
2.1-Les plasmides
2.2-Les séquences d’insertion
2.3-Les éléments transposables
2.4- Les intégrons
3- Bêta-lactamines et K. pneumoniae
3.1-Mode d’action
3.2-Mécanismes de résistance
3.3-Phénotypes de résistance
3.4-Bêta-lactamases
3.5- Les β-lactamases à spectre étendu (BLSE)
3.5-1- Définition des BLSE
3.5-2- Types des BLSE
3.5.3- Epidémiologie des BLSE
3.6-Les Carbapénèmases
4- Aminosides et K. pneumoniae
4.1- Mode d’action
4.2-Mécanismes de résistance
4.2.1-Altération de la cible
4.2.2-Modification enzymatique de l’antibiotique
4.2.3-Piégeage de l’antibiotique
4.2.4-Imperméabilité ou exportation de l’antibiotique
4.3- Phénotypes de résistance aux aminosides
5-Quinolones et K. pneumoniae
5.1-Mode d’action
5.2-Mécanismes de résistance
5.3-Phénotypes de résistance aux quinolones
Partie 2 : Matériel et Méthodes
1-Cadre et Objectifs de l’étude
3-Isolement et identification des souches
3.1- API 20E (BioMérieux, Meylan, France)
3.2-Spectromètre MALDI-TOF (Microflex)
3.2.1- Nettoyage de la cible (plaque métallique)
3.2.2- Préparation de la matrice
3.2.3- Dépôt des échantillons
3.2.4- Insertion de la cible et lancement du spectromètre de masse
3.2.5- Lecture et interprétation des résultats
4-Détermination de la sensibilité aux antibiotiques
5-Détermination des concentrations minimales inhibitrices (CMIs) par E.test
6-Recherche phénotypique de la production des BLSE
6.1-Milieu chromogène ESBL (Biomérieux)
6.2-Test de synergie
7-Recherche moléculaire des β -lactamases
7.1-L’extraction de l’ADN
7.2-PCR standard
7.2.1 Electrophorèse sur gel d’agarose
7.3-PCR en temps réel
7.4-Séquençage
7.4.1-Analyse des séquences ADN
8-Recherche moléculaire de la résistance associée
8.1-Résistance aux aminosides
8.2-Résistance aux quinolones
9- Conjugaison et transfert de la résistance
10. Typage moléculaire des souches : Multi-locus sequence typing (MLST)
Partie 3 : Résultats et discussion
Résultats
1-Identification et origine des souches de K. pneumoniae isolées
1.1-Distribution des souches de K. pneumoniae dans les différents produits pathologiques
1.2- Répartition des patients infectés par l’espèce K. pneumoniae selon le sexe
1.3- Répartition des patients infectés par l’espèce K. pneumoniae selon l’âge
1.4-Distribution des souches de K. pneumoniae dans les différents services d’hospitalisation
2-Biotypage
2.1-Biotypage des souches de K.pneumoniae selon les profils numériques en API 20E
2.2-Biotypage des souches de K. pneumoniae par MALDI-TOF
3- Sensibilité aux antibiotiques
4- Les Phénotypes de résistance de K.pneumoniae aux antibiotiques
4.1- Phénotypes de résistance aux β-lactamines
4.2- Phénotypes de résistance aux aminosides
4.3- Phénotypes de résistance aux quinolones
5- Recherche phénotypique des BLSE
5.1- Gélose ESBL (biomérieux)
5.2- Test de synergie
6-Profils phénotypiques des souches de K.pneumoniae productrices de BLSE (KpBLSE)
6.1- Distribution des souches KpBLSE dans les différents services d’hospitalisation
6.2- Distribution des souches KpBLSE dans les différents produits pathologiques
6.3- Corésistance des souches KpBLSE aux antibiotiques
6.4-Détermination des Concentration minimales inhibitrices (CMIs) des souches KpBLSE
7-Profil moléculaire de la résistance aux β-lactamines des souches KpBLSE
7.1- PCR Standard
7.2- PCR en temps réel
7.3- Séquençage et analyse des séquences des gènes qui codent pour les BLSE
7.4-Arbres phylogénétiques
8-Recherche moléculaire de la résistance croisée
8.1-Résistance aux aminosides
8.1.1- Les enzymes modificatrices des aminosides
8.1.2- Les 16S ARNr methyltransphérases
8.2- Résistance aux quinolones
9- Conjugaison bactérienne
10-Génotypage par Multi-locus sequence typing MLST
Discussion
Partie 4 : Conclusion