Étude de l’équation d’état des matériaux ablateurs des capsules du Laser Mégajoule

Depuis l’avènement de l’ère industrielle au milieu du XIXe siècle, l’humanité ne cesse d’accroître sa consommation en énergie, notamment d’origine électrique. En outre, le réchauffement climatique, lié en grande partie à l’utilisation d’énergies fossiles, rend aujourd’hui plus que jamais nécessaire de trouver une nouvelle source d’énergie à la fois propre et sûre. La fusion thermonucléaire contrôlée est une solution envisagée et fait l’objet de nombreux travaux de recherche à travers le monde.

La fusion thermonucléaire contrôlée 

L’objectif de la fusion thermonucléaire contrôlée est de recréer sur la Terre les réactions nucléaires se produisant à l’intérieur des étoiles. Pour cela, il faut amener un combustible composé d’éléments légers à fusionner. La réaction de fusion couramment envisagée fait intervenir le deutérium (D) et le tritium (T), deux isotopes de l’hydrogène. Cette réaction deutérium-tritium (D-T) donne naissance à un noyau d’hélium-4, qui possède une énergie de liaison élevée de 3,52 MeV, et à un neutron de 14,06 MeV. Reproduire des réactions de fusion auto-entretenues sur Terre est un challenge à la fois scientifique et technologique. Un plasma doit être formé et porté à des températures et des densités très élevées. Ces conditions doivent ensuite être maintenues pendant un temps suffisamment long pour obtenir un rendement important. Dans le cas où l’on considère que le mélange D-T produit des réactions de fusion à partir d’une température de 10 keV, la valeur de la densité ionique nion à atteindre, et le temps τ pendant lequel cette densité doit être maintenue sont définis par le critère de Lawson:  nion τ > 2×10¹⁴ s/cm³ (1.1)

Suivant ce critère, deux voies ont été envisagées pour créer un plasma dans ces conditions extrêmes : la première utilise un confinement magnétique, la seconde un confinement inertiel. Le confinement  magnétique maintient un plasma à des densités supérieures à 10¹⁴ ions par cm³ , pendant des temps de l’ordre de la seconde [2]. Dans cette thèse, nous allons nous intéresser plus particulièrement à la fusion par confinement inertiel, pour lequel le plasma est fortement comprimé jusqu’à des densités de 10²⁶ par cm³ durant un instant très court (≈ 50−100 ps).

Le confinement inertiel 

Les perspectives concernant l’utilisation d’un confinement inertiel ont commencé à voir le jour après l’invention du laser  dans les années 1960. Des équipes françaises, russes et américaines [3, 4, 5] ont alors eu l’idée d’utiliser des lasers de puissance pour obtenir les conditions expérimentales nécessaires à la création des réactions de fusion. En effet, ceux-ci permettent de délivrer une puissance importante sur un instant très court, et de la focaliser sur de petits volumes. Ils sont donc bien adaptés à la production des hautes densités d’énergies requises pour initier les réactions de fusion thermonucléaire. Les différents travaux de recherches menés jusqu’à présent dans cette voie ont conduit à la construction de deux installations laser de fortes énergies : le NIF  aux États-Unis et le LMJ  en France.

Le procédé conduisant à la fusion par confinement inertiel consiste à initier des réactions autoentretenues au coeur d’une capsule sphérique contenant le combustible deutérium-tritium. La capsule est accélérée en son centre de façon à porter le coeur du combustible à des densités et des températures suffisantes pour créer un point chaud central. Ce point chaud génère des particules alpha qui redéposent leur énergie dans le combustible adjacent et propagent les réactions de fusion thermonucléaire. Afin d’éviter une décompression du plasma qui diminuerait le rendement, le point chaud central est confiné par le reste du combustible plus dense et moins chaud.  En son centre, le point chaud de rayon Rh ne représente que quelques pourcents de la masse totale du combustible. Il possède une densité ρh et une température Th qui doivent satisfaire aux conditions d’allumage. En périphérie, le combustible est dense et froid, d’épaisseur Rc −Rh, de densité ρc > ρh et de température Tc < Th.

Les conditions d’allumage du point chaud nécessitent d’atteindre une température supérieure à 120 MK, et une densité surfacique ρhRh supérieure à 0,4 g/cm² [6]. Cette dernière condition contraint le volume de combustible à allumer et la densité à laquelle il doit être porté. Pour une quantité de combustible contenue dans une sphère de rayon 0,03 mm environ, on estime qu’il est nécessaire d’atteindre des densités supérieures à 100 g/cm³ . Il existe de la même façon une condition sur la vitesse d’implosion de la capsule. Lorsque celle-ci est trop faible, toute l’énergie apportée pour comprimer la capsule se dissipe trop rapidement pour former le point chaud. On estime que les vitesses d’implosion doivent être proches de 400 km/s.

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Table des matières

1 Introduction
2 Modélisation semi-empirique des équations d’état tabulées
2.1 Introduction
2.2 Structure de l’équation d’état
2.3 Contributions ioniques
2.3.1 Phase solide : le modèle de Debye
2.3.2 Température de fusion : la loi de Lindemann
2.3.3 Phase fluide : le modèle de Cowan
2.4 Contributions électroniques
2.4.1 Modèle de Thomas-Fermi
2.4.2 Cas des mélanges
2.4.3 Prise en compte des effets dus aux liaisons chimiques
2.5 Modifications de l’équation d’état
3 Simulations de dynamique moléculaire quantique
3.1 Introduction
3.2 La dynamique moléculaire
3.2.1 Généralités
3.2.2 Mise en oeuvre de la dynamique moléculaire
3.2.2.1 Algorithme d’intégration temporelle
3.2.2.2 Conditions aux limites périodiques
3.2.3 Calcul des propriétés physiques des systèmes simulés
3.2.3.1 Propriétés thermodynamiques
3.2.3.2 Propriétés structurales
3.3 La théorie de la fonctionnelle de la densité
3.3.1 Formulation exacte de la théorie de la fonctionnelle de la densité
3.3.2 Détermination de la fonctionnelle universelle de la densité
3.3.2.1 Formulation statistique de Thomas-Fermi
3.3.2.2 Formulation de Kohn-Sham
3.3.3 Approximations introduites pour la résolution des équations de Kohn-Sham
3.3.3.1 Choix d’une fonctionnelle d’échange et corrélation
3.3.3.2 Traitement des interactions électron-ion
3.3.3.3 Représentation numérique des fonctions d’ondes dans le formalisme PAW
4 Application de la QMD au calcul de la courbe froide et de l’Hugoniot
4.1 Introduction
4.2 Caractéristiques des simulations
4.2.1 Matériaux ablateurs
4.2.2 Conditions de calcul de la dynamique moléculaire quantique
4.2.3 Évolution des grandeurs thermodynamiques au cours de la simulation
4.3 L’isotherme à 300 K de l’ablateur CHO
4.3.1 Méthode de calcul
4.3.2 Comparaison avec les mesures expérimentales
4.3.3 Modélisations analytiques pour une utilisation dans les équations d’état tabulées
4.3.3.1 Équations d’état paramétriques
4.3.3.2 Comparaison avec les modèles analytiques utilisés dans les tables
d’équation d’état
4.3.4 Effet de l’oxygène sur l’isotherme à 300 K de l’ablateur CHO
4.4 L’Hugoniot principale de l’ablateur CHO
4.4.1 Méthode de calcul
4.4.2 Comparaison avec l’équation d’état tabulée
4.4.3 Modification de la contribution ionique dans le modèle QEOS
4.5 Analyse de l’ablateur CHOSi
5 Conclusion 

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