L’accroissement de la population, la raréfaction des ressources en eaux due aux changements climatiques, l’explosion des prix des denrées alimentaires sont autant de problèmes majeurs auxquelles est confrontée la République de Djibouti. Les sécheresses récurrentes de ces dernières années ont poussé les populations rurales du pays vers la ville-capitale Djibouti. Ces populations vulnérables augmentent la pression sociale déjà forte dans la banlieue périphérique de Djibouti, accroissant un peu plus la vulnérabilité de ces populations déjà si fortement éprouvées. Pour lutter contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire, le gouvernement djiboutien a décidé de développer l’agriculture afin de permettre aux populations rurales de subvenir à leurs besoins. C’est dans ce cadre que le gouvernement a mis en place un programme de multiplication de palmier dattier appuyé par les biotechnologies, au Centre d’Etudes et de Recherche de Djibouti (CERD). Ce programme consiste à faire une multiplication par embryogenèse somatique du palmier dattier, plante d’intérêt tant écologique qu’économique. Toutefois, en raison d’un climat aride (température moyenne journalière variant de 22°C à 40 °C, précipitation moyenne annuelle de 220 mm, évapotranspiration moyenne annuelle estimée à 2000 mm et absence d’eau de surface pérenne), la pratique de l’agriculture est très difficile à Djibouti, et le secteur agricole reste économiquement marginal (3,4 % du PIB). Les ressources potentielles en eau se concentrent uniquement dans les nappes profondes, rechargées à l’occasion par de rares pluies diluviennes. L’utilisation de façon non contrôlée de ces nappes a conduit à des problèmes de salinisation secondaire des sols, et par voie de conséquence à l’abandon de terres devenues incultes. Ce problème de salinisation constitue de plus en plus un frein à l’augmentation de la productivité agricole. Il est donc stratégique de pouvoir mieux gérer ces ressources en eau limitées, tout en assurant une culture optimale du palmier dattier. C’est pourquoi, il est important d’étudier l’alimentation hydrique du palmier dattier, dans le but de mettre en place une irrigation raisonnée et ainsi mieux maîtriser le risque de salinisation des sols cultivés de la plaine côtière de Djibouti. Pour mieux comprendre l’absorption d’eau et de nutriments par les palmiers et mieux gérer l’irrigation, nous devons savoir où les racines de palmiers sont actives. Cette connaissance de la zone d’absorption racinaire du palmier dattier est très importante pour la mise en place d’une gestion efficace des apports d’eau et de nutriments pour le palmier dattier.
Présentation générale de la République de Djibouti
Géographie
Entre 10°55′ et 12°45′ de latitude nord et 41°45′ et 43°25′ de longitude, la République de Djibouti se situe sur la corne de l’Afrique, entre la Somalie (au sud est), l’Ethiopie à l’ouest, l’Erythrée au nord et la mer rouge à l’est . D’une superficie de 23 200 Km2 , Djibouti est l’un des plus petits pays du continent africain. Djibouti possède une façade maritime de 314 km, allant de la mer Rouge à l’océan Indien, en passant par le détroit de Bab el Mandeb.
La géographie du pays est façonnée par l’activité géologique et sismique de la région. En effet, la République de Djibouti est située dans une région sismiquement active avec l’expansion des plaques continentales africaine et arabique. Ainsi, le volcanisme y est très actif avec des éruptions volcaniques qui recouvrent le territoire de roches effusives.
Le relief du territoire djiboutien est caractérisé par une chaine de montagne au nord culminant à 1700 mètres, par une vaste plaine sablonneuse au nord-est, par des dépressions séparées par des plateaux au sud et par une zone volcanique à l’ouest du Golfe de Tadjourah. La République de Djibouti se divise en 6 régions administratives : Djibouti, Arta, Dikhil, AliSabieh, Tadjourah et Obock .
En 2013, Djibouti comptait 872 932 habitants avec une densité de 35 hab. /km2. Plus de 58 % de la population se concentre dans la ville-capitale Djibouti, 70,6% vivent en milieu urbain et 15 % vit dans les zones rurales (Banque Mondiale, 2013). L’urbanisation galopante entraine une augmentation des bidonvilles à la périphérie de la ville de Djibouti. Le taux d’accroissement annuel de la population est de 2,8 %.
Climat
La République de Djibouti a un climat de type tropical aride. On distingue généralement deux saisons : une saison fraîche et une saison chaude. La saison fraîche dure d’octobre à avril avec des températures douces entre 22 et 30 °C. Durant cette période, le territoire Djiboutien est soumis aux alizés du nord-est qui ramènent un peu de fraicheur. De mai à septembre, c’est la saison chaude, avec des températures de 30 à 40 °C (dans certains endroits, ces températures peuvent monter à 50 °C). Au cours de cette période chaude, un vent de sable chaud et sec nommé Khamsin souffle pendant une cinquantaine de jours.
Le climat régional est principalement contrôlé par le déplacement saisonnier selon la direction nord-sud de la Zone Intertropical de Convergence, qui régule les différentes saisons (Camberlin et al., 1994). La distinction des saisons se fait non seulement à partir des températures, mais aussi de la position du front intertropical (Ferry et al., 1999). En 1982, la mission de Coopération Hydrogéologique Allemande (CHA) a défini 5 régions climatiques dans le pays (Bouh, 2006), selon l’analyse des précipitations . Les précipitations moyennes annuelles sont faibles (220 mm en moyenne) et varient de 50 mm au nord-est (la zone des plaines côtières) à 340 mm au centre-nord du pays . La pluviométrie dans cette région est due à la topographie, car celle-ci est montagneuse (on y trouve les monts Mabla et Goda). La pluviométrie est beaucoup moins élevée que celle observée dans d’autres régions de l’Afrique située à la même latitude, probablement à cause de la topographie locale et régionale (CHA, 1982, cité par Bouh, 2006). Il n’existe pas à proprement dit une saison de pluie à Djibouti, car les pluies sont reparties sur l’ensemble du territoire en fonction de l’altitude et de l’influence marine. Les pluies tombent de façon orageuse et erratique. Ces fortes intensités orageuses, combinées à une couverture pédologique peu développée et à l’absence de couvert végétal, entrainent un fort ruissellement, provoquant des inondations notamment dans la capitale Djibouti, qui a connu 4 inondations meurtrières en 20 ans (1989, 1994, 2004 et 2005). En 1994, dans la capitale, il est tombé plus de 360 mm en deux jours, de qui a provoqué d’énormes pertes humaines et des dégâts sur les infrastructures du pays.
L’évapotranspiration potentielle moyenne varie de 1700 mm/an sur la façade côtière (est) et à 2500 mm/an à l’intérieur des terres, dans les zones montagneuses de l’ouest . Selon le FAO, l’évapotranspiration moyenne est de 2000 mm/an (FAO, 2005). Cette forte évapotranspiration combinée à une faible pluviosité limite fortement toute culture pluviale.
Végétation
Malgré sa faible superficie et son aridité, Djibouti a une importante diversité floristique, qui reste cependant fragile et menacée. En 1991, Djibouti disposait de 2000 hectares de forêts principalement situés dans la région montagneuse du Day, dans la région de Randa, et de 68000 hectares de terres boisées (CNE, 1991, cité par MHUEAT, 2008). L’acacia est de loin la plante la plus abondante à Djibouti et constitue un élément important pour l’alimentation du cheptel (Audru et al., 1993). Elle est également utilisée pour le bois de chauffage, le bois de charbon, l’extraction de gomme, de résine et de médicaments dans la médecine traditionnelle. Un exemple emblématique est la dégradation de la forêt du Day, qui a perdu 88 % de ses genévriers (Juniperus) au cours des deux derniers siècles, dont 20 % en moins de 50 ans (CNE, 1991, cité par MHUEAT, 2008). Les fortes pressions exercées par l’homme sur l’environnement (déforestation) accélèrent la dégradation des sols (érosion hydrique et éolienne) (MHUE, 2013).
Ressources en eau
Hydrologie
Du fait des conditions climatiques difficiles (faibles précipitations, forte évaporation), les eaux de surface sont quasi inexistantes. Les seuls cours d’eau de surface sont des oueds à écoulement intermittent. Le système hydrographique de Djibouti se divise en deux réseaux :
➤ Le réseau drainé vers la mer rouge (45 %) est constitué par les plateaux sud du pays et les secteurs montagneux au nord et au sud du golfe de Tadjourah (FAO, 2005).
➤ Le réseau drainé vers les plaines de l’ouest du pays (55%) (FAO, 2005).
Selon la FAO, les ressources en eau renouvelables du pays s’élèvent à 300 millions m3 /an (FAO, 2005). Selon une étude du cycle hydrologique à Djibouti menée par la Coopération Hydrogéologique Allemande (CHA, 1982, cité par Bouh, 2006), la proportion d’évaporation serait de l’ordre de 83% . Ceci entraine une perte importante d’eau, autrement dit une forte quantité d’eau non disponible pour les plantes et pour la recharge des nappes souterraines.
Le ruissellement, estimé à 6 % des précipitations, représente un volume d’eau important qui est évacué vers la mer. On estime entre 8 à 12 millions de mètre cubes d’eau en moyenne l’eau évacuée par les oueds vers la mer (Jalludin et Razack, 2004). Dans ces conditions, l’infiltration efficace ne représente que 5 % des précipitations. Ces faibles infiltrations contribuent à la recharge des systèmes aquifères de Djibouti. Les eaux souterraines constituant la principale source d’alimentation en eau potable de Djibouti, de nombreuses études hydrogéologiques ont été menées sur ces systèmes aquifères. Plus de 98 % de l’approvisionnement en eau dépend des eaux souterraines des aquifères volcaniques et sédimentaires, dont la recharge est limitée en raison des caractéristiques hydrogéologiques du pays (ISERST, 1984-1992).
Jalludin et Razack (1999, cité par Gaba, 2009) ont identifié trois catégories d’aquifères :
➤ les aquifères à nappe inféro-flux : situées dans les couches perméables sous les oueds. Elles sont rechargées lors des crues des périodes pluvieuses, et elles alimentent les aquifères des formations volcaniques sous-jacentes à travers les couches perméables des basaltes (Bouh, 2006). Ces aquifères sont considérées comme les ressources les plus fiables, car facilement accessible et de qualité, adaptée à l’irrigation.
➤ Les aquifères continus : existant dans toute la partie ouest du pays et au sud entre la ville de Djibouti et Loyada (à la frontière de la Somalie). Ce sont des aquifères volcaniques.
➤ Les aquifères discontinus : aquifères des dépôts sédimentaires secondaires et des roches volcaniques anciennes.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1. Djibouti : Contraintes et enjeux
1.1 Présentation générale de la République de Djibouti
1.1.1 Géographie
1.1.2 Climat
1.1.3 Végétation
1.1.4 Ressources en eau
1.1.4.a Hydrologie
1.1.4.b Exploitation et vulnérabilité de la ressource en eau
1.1.5 Ressources en sol
1.1.6 Désertification et salinisation des sols
1.1.7 L’agriculture
1.1.8 Insécurité alimentaire et pauvreté
1.1.9 Le système oasien : moyen de lutte contre l’insécurité alimentaire
Chapitre 2. Le palmier dattier et les transferts hydriques dans le système sol-palmier-atmosphère
2.1 Le palmier dattier
2.1.1 Description systématique du palmier dattier
2.1.2 Description botanique
2.1.2.a L’appareil végétatif
2.1.3 L’appareil de reproduction
2.1.3.a Les spathes et les fleurs
2.1.3.b Le fruit
2.1.4 Répartition géographique
2.1.4.a Culture du palmier dans le monde
2.1.4.b Culture du palmier dattier à Djibouti
2.1.5 Les multiples intérêts du palmier dattier
2.1.5.a Intérêts socioculturels
2.1.5.b Intérêts économiques
2.1.5.c Lutte contre l’insécurité alimentaire
2.1.6 Ecologie du palmier dattier
2.1.6.a Climat et cycle végétatif
2.1.6.b Sol
2.1.6.c Besoins en eau et en éléments nutritifs du palmier dattier
2.2 Bilan hydrique : les transferts d’eau dans le système sol-palmier-atmosphère
2.2.1 L’évapotranspiration
2.2.1.a Evapotranspiration potentielle (ET0)
2.2.1.b Evapotranspiration maximale ETM
2.2.1.c Evapotranspiration réelle ETR
2.2.2 Evapotranspiration : évaporation et transpiration
2.2.2.a Méthode de mesure de l’évaporation
2.2.2.b Méthodes de mesure de la transpiration
2.2.2.c Partitionnement de l’évapotranspiration
Chapitre 3. Matériels et Méthodes
3.1 Site de l’étude
3.2 Caractérisation du sol de la palmeraie
3.2.1 Analyse granulométrique
3.2.2 Mesure de la masse
3.2.3 Propriétés hydrodynamiques : courbes de rétention en eau et de conductivité hydraulique
3.2.3.a Echantillonnage
3.2.3.b Protocole de mesure de la courbe de rétention
3.2.3.c Courbes de rétention
3.2.3.d Estimation de la conductivité hydraulique à saturation Ks
3.3 Analyse des eaux d’irrigation
3.3.1 Protocole analytique
3.4 Données climatiques
3.4.1.a Température
3.4.1.b Rayonnement solaire
3.4.1.c Humidité relative
3.4.1.d Vitesse du vent
3.4.1.e Précipitations
3.4.1.f Evapotranspiration potentielle (ET0)
3.5 Caractérisation du système racinaire du palmier dattier
3.6 Suivi de l’état hydrique du sol
3.6.1 Mesure de la teneur en eau volumique du sol par la sonde à neutrons
3.6.2 Mesure du potentiel de l’eau dans le sol par tensiométrie
3.6.3 Dispositif expérimental
3.6.3.a Installation des tubes d’accès de la sonde à neutrons
3.6.3.b Etalonnage de la sonde
3.6.3.c Installation des tensiomètres
3.7 Expérimentations
3.7.1 Expérience de drainage interne : caractérisation hydrodynamique du sol
3.7.2 Expérience en sol nu : caractérisation de l’évaporation
3.7.3 Expérience avec palmier dattier : caractérisation du puits racinaire
3.8 Modélisation
3.8.1 Présentation du modèle HYDRUS-1D
3.8.2 Ajustement des données hydrodynamiques avec RETC
3.8.2.a Ajustement des données expérimentales mesurées au laboratoire avec RETC
3.8.2.b Ajustement des données expérimentales mesurées in situ avec RETC
3.8.2.c Critères d’évaluation des ajustements
3.8.3 Modélisation de l’expérience de drainage interne
3.8.3.a Optimisation des paramètres hydrodynamiques du sol
3.8.3.b Définition du système et paramétrage du modèle
3.8.4 Modélisation de l’expérimentation en sol nu
3.8.4.a Définition du système et paramétrage du modèle
3.8.5 Modélisation de l’expérimentation avec palmier dattier
3.8.5.a Définition du système et paramétrage du modèle
3.8.6 Critère d’évaluation des simulations
Chapitre 4. Résultats et discussion
4.1 Caractérisation du système racinaire du palmier dattier
4.2 Expérience de drainage interne : caractérisation hydrodynamique du sol
4.2.1 Mesures expérimentales
4.2.1.a Période d’infiltration
4.2.1.b Période de redistribution
4.2.2 Modélisation
4.2.2.a Ajustement des données ɽ(h) avec RETC
4.2.2.b Résultats de la modélisation avec les paramètres des ajustements RETC
4.2.2.c Optimisation des paramètres
4.2.2.d Résultats de la modélisation avec les paramètres optimisés
4.2.3 Bilan hydrique
4.3 Expériences en sol nu : caractérisation de l’évaporation
4.3.1 Mesures expérimentales
4.3.1.a Période d’infiltration
4.3.1.b Période de redistribution
4.3.2 Modélisation
4.3.3 Bilan hydrique
4.4 Expérience avec le palmier dattier : caractérisation du puits racinaire
4.4.1 Mesures expérimentales
4.4.1.a Période d’infiltration
4.4.1.b Période de redistribution
4.4.2 Modélisation
4.4.3 Bilan hydrique
4.4.4 Rôle de la compensation racinaire
4.5 Discussion générale
Conclusion générale et perspectives
Bibliographie
Annexe