Face au développement pennanent des technologies, la multiplicité des nuisances est telle qu’aujourd’hui il est difficile d’appréhender les retombées potentielles d’une pollution donnée. Malgré I’amélioration des procédés employés, I’industrie en général est une source non négligeable de pollution pour I’environnement. Pour leur part, les complexes sidérurgiques se caractérisent, sur le plan de la pollution atmosphérique, par un nombre conséquent d’émetteurs de polluants dont les plus importants sont constitués par des oxydes de fer ou de sulfures avec ou sans Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP). Les HAP présents dans I’atmosphère se trouvent préférentiellement adsorbés sur la matière particulaire (70 à90 7o), constituant ainsi des aérosols micrométriques susceptibles d’être inhalés et de se retrouver ainsi au niveau des alvéoles pulmonaires. Dans ce contexte, les spécialistes de la qualité de I’air ambiant se préoccupent depuis une vingtaine d’années de I’incidence de l’émission de ces aérosols sur I’environnement et la santédes personnes travaillant près des sources principales d’émission (hauts fourneaux, halle d’aciérie, agglomération des minerais). Pour entreprendre tout d’abord I’examen et I’analyse des particules minérales susceptibles d’adsorber des HAP, de nombreuses méthodes analytiques ont été développées (colorimétrie, résines échangeuses d’ions, chimie de luminescence, absorption atomique). Cependant, ces techniques présentent un désavantage majeur venant du fait que la particule étudiée est physiquement altérée (extraction, dissolution, réactions électrochimiques lors des opérations de lixiviation) induisant des changements chimiques conduisant à une information spectroscopique qui ne peut traduire correctement l’état solide initial.
Une étude plus approfondie des propriétés physico-chimiques s’avère ici impérative lorsqu’on aborde le problème des particules minérales (par exemple les oxydes de fer) sur lesquelles des HAP, comme le Benzo[a]pyrène (BtalP) peuvent être adsorbés. En effet, les conséquences toxiques ou carcinogènes des poussières inhalées par les travailleurs dépendent fortement des propriétés physiques et chimiques des particules individuelles :
* influence de la taille et de la morphologie des particules sur leur déposition et leur rétention dans le système respiratoire,
* rôle du support particulaire minéral dans la toxicité des HAP (Effet de synergie éventuelle entre les oxydes de fer et les HAP)’
* dégradation chimique et photochimique de ces composés lors de leur séjour dans I’atmosphère (interaction avec les polluants atmosphériques)
Les travaux de recherches que nous avons menés au L.S.M’C.L., en étroite collaboration avec le L.E.C.E.S. (Laboratoire d’Etudes et de Contrôles de I’Environnement Sidérurgique), le Laboratoire de Chimie du Solide Minéral (Nancy) er le C.E.R.E.S.T.E. (Centre de Recherche en Santé Travail -Ergonomie, Lille), visaient la caractérisation minérale et organique des empoussiérages complexes issus de différents secteurs sidérurgiques (halle d’aciérie, haut fourneau et agglomération de minerais) dans le contexte d’un contrat sur I’amélioration de la sécurité et I’hygiène du personnel des ateliers sidérurgiques par une étude sur la synergie des oxydes de fer et des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques. Ces travaux ont été financés par la Communauté Européenne du Charbon et de I’Acier et le groupe USINORSACILOR .
LE FER ET SES OXYDES
Le fer (du latin ferrum) et I’acier ont joué un rôle capital dans l’évolution des civilisations et des techniques. Synonyme de progrès, indissociable des plus grandes réalisations technologiques, le fer ne possède pas de véritables rivaux dans ses propres domaines d’application. Il est à I’origine de toutes les révolutions scientifiques et industrielles, au coeur de toutes les grandes découvertes qui ont marqué I’histoire de I’humanité : de la fabrication d’épées performantes dans I’Antiquité aux ouvrages d’art actuels. Il est difficile de dater avec précision les premiers pas de I’histoire du fer. Les premiers usages de ce métal remontent aux temps préhistoriques avec des fers météoritiques, contenant il est vrai des quantités de nickel importantes, de I’ordre de 8 7o, donc un matériau assez différent du fer au sens où nous I’entendons ici. Si les premiers fers ont été obtenus en tant que sous produits du bronze, la fabrication volontaire du fer est, de toute façon, très ancienne et connue dès I’origine de toute tradition écrite. Les livres de MoÏse précisent déjà que « Tubalca1n, descendant de Cain à la sixième génération, était habile à traiter les minerais et toutes sortes de fers ». Ces écrits qui datent de la sortie d’Egypte, soit 1600 av. J. C., prouvent que ce pays connaissait le fer depuis plus de 2000 ans avant notre ère. Il est difficile de dire avec certitude qui a décidé de produire du fer de façon volontaire et en quantité. Plusieurs recherches situent cet événement en Anatolie (nom souvent donné à I’Asie Mineure), où I’on a trouvé I’une des plus ancienne épée en acier. Ce sont surrour tes Hittites (Asie Mineure) qui I’utilisèrent au dépend des égyptiens. Il y a 2500 ans, la population riveraine du lac Victoria (Afrique Centrale) commença à réduire le minerai de fer (hématite sous forme d’une terre rougeâtre) dans des bas fourneaux (Van Noten et a1., 1988). Au début de l’époque romaine, la place du fer ne cesse de croître en devenant progressivement le matériau essentiel à la fabrication des armes, des instruments d’agriculture et des outils de toutes sortes. Produit principalement dans les provinces où I’on trouve le minerai en bonne quantité, particulièrement en Espagne, Gaule, Angleterre, Carinthie et sur les bords du Rhin, le fer génère des emplois qui se développent au rythme de la civilisation et de I’industrie.
En France, la fabrication de la fonte est apparue en Lorraine lors de la période 1300 à 1850. La présence de phosphore abaisse considérablement la température de fusion du métal et cette caractéristique explique sans doute la précocité de la production de la fonte dans cette région où le minerai local, la minette, contient du phosphore en quantité notable. Au milieu du XVIe siècle, la fonte coule dans les hauts fourneaux qui travaillent en continu. La production s’accroît de manière considérable, tout comme la productivité. Parallèlement, les coûts de production diminuent. Pendant des siècles, on n’avait employé comme combustible que le charbon de bois, amenant un déboisement progressif et inquiétant caf la fabrication du fer en demandait des quantités de plus en plus grandes. Les métallurgistes réussirent au XVIIIe siècle, grâce aux efforts de la famille Darby en Angleterre, à remplacer le charbon de bois par la houille dans les hauts fourneaux. Ce fut un progrès considérable qui ouvrit la voie au développement de la métallurgie du fer telle que nous la connaissons aujourd’hui. A la fin du XVIIIe siècle, avec les travaux de Lavoisier, Berman, Berthollet et Monge on comprendra le rôle exact du carbone et on établira la théorie de I’alliage fer-carbone. De là va naître la sidérurgie moderne. Ainsi, on voit successivement I’apparition des fours Bessemer (1856) puis Siemens Martin (1865) et Thomas (1877). Au début des années 1950, I’air sera remplacé par de I’oxygène pur dans les convertisseurs tels que nous les connaissons aujourd’hui.
Propriétés physico-chimiques du fer
Le fer est I’un des constituants principaux avec le nickel du noyau central terrestre. Il est présent à raison d’environ 5,6 7o en masse dans l’écorce terrestre, soit au 4è rang derrière I’oxygène, le silicium et I’aluminium. Les principaux composés inorganiques du fer sont les oxydes de fer Fe1-5O, Fe2O3, FerO+ auxquels nous allons nous intéresser par la suite. Cependant, une proportion notable de fer existe à l’état de sulfures, de carbonates, de sulfates, de silicates et de chlorides. Le fer joue un rôle biologique et physiologique important notamment comme transporteur d’oxygène et de gaz carbonique au niveau des cellules via I’hémoglobine. Il n’empêche que I’inhalation continuelle de poussières riches en fer ou en ses dérivés pourrait avoir des effets nocifs notamment au niveau des voies pulmonaires. D’après certains travaux épidémiologiques (Pham,1992 ; Mur, 1987), il semblerait que le fer, plus particulièrement sous forme d’oxyde, soit un paramètre important dans I’apparition de maladies et notamment de cancers bronchiques. Ceci reste à être confirmé. Dans un premier temps, nous rappellerons les caractéristiques physiques et chimiques du fer et celles de ses oxydes.
Propriétés phlsiques
Symbole : Fe
Numéro atomique : 56
Masse atomique : 55,85 g/mole
Valences : 0, II, UI, IV, les plus importantes étant les valences II et III
Point de fusion : 1539 « C
Point d’ébullition :2740 oC
Densité :7.87
Isotopes naturels : 54 (5,84Vo), 56 (9I,68Vo), 57 (2,17%o), 58 (0,3l%o)
Isotopes radioactifs : 52,53,55, 59, 60,6I,62.
Le fer est un métal gris argenté. Jusqu’à 910 oC, il est de structure cubique centrée (fer u, ra=I24 Â). n devient cubique à faces centrées (fer y, ra=!26 À) entre 910 ‘C et 1390 oC et redevient centré (fer ô) jusqu’à la fusion (1535 ‘C). Le système cubique à faces centrées est un système compact qui présente 4 directions de plan de densité atomique maximale ; il y a donc quatre directions de plans de glissement ce qui permet d’expliquer la bonne plasticité du fer y: très ductile et malléable, c’est à chaud que I’on forge le fer.
Le fer cr quant à lui est plus dur et donc plus fragile. Le fer est ferromagnétique jusqu’à 770 oC (point de Curie). Au delà, il devient paramagnétique.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1
A. Le fer et ses oxydes
I. Propriétés physico-chimiques du fer
I.1. Propriétés physiques
I.2. Propriétés chimiques
I.3. Propriétés physiologiques
I.4. Sources d’exposition
II. Les oxvdes de fer
U.i. L’oxyde de fer Fe1-5O (Wtstite)
II.2. L’oxyde de fer Fe2O3(Hématite)
II.3. L’oxyde de fer Fe3Oa (Magnétite)
B. Les méthodes de dosage et de caractérisation des différents degrés d’oxydation
du fer
I. Les techniques d’analyses par voie humide
I.l. La volumétrie
I.2.Lacolorimétrie
I.3. Autres méthodes chimiques
l.4.Lachimie de luminescence
I.5. La chromatographie en phase liquide
II. Les techniques d’analyses in situ des particules
II.1. La spectrométrie de Fluorescence X (XRF)
II.2. LaMicroscopie Electronique à Balayage (MEB)
II.3. La spectrométrie d’absorption atomique
ll.4.Laspectroscopie Raman
II.5. La spectroscopie des photoélectrons X
II.6. La diffraction des rayons X
II.7. Les mesures magnétiques
II.8. La spectrométrie Môssbauer
IL9. La spectrométrie de masse
C. Aspects théoriques sur I’interaction Laser-Matière
I. Les lasers
II. Interaction laser-matière
II.1. Les différentes géométries d’irradiation
II.2. Interaction laser-métal
III. Description de la création d’un plasma au dessus d’une surface
III.1. Description générale du phénomène
III.2. Bilan énergétique de l’interaction laser-matière
D. Photoionisation résonante
I. Photoionisation des atomes en phase gazeuse avec effet de résonance
I.1. Nomenclaturet description des schémas de base
II. Photoionisation des molécules organiques en phase gazeuse avec
effet de résonance
II.1. L’ionisation résonante àdeux ou trois photons
II.2. L’ionisation multiphotonique
III. Faisabilité de l’ionisation résonante par quelques exemples
d’applications
III.1. Discrimination isobarique
III.2. Analyses élémentaires
III.3. Application de I’ionisation résonante aux molécules
organiques
Bibliographie
Chapitre II
A. Les méthodes de caractérisation utilisées pour nos études
I. Les microsondes laser couplées à Ia spectrométrie de masse
I.1. La microsonde laser LAMMA 500
I.2.Laspectrométrie de masse à Transformée de Fourier
(FT/ICR/MS)
II. La chromatographie en phase gazeuse
II.1. Description générale de I’appareil
II.2. L’injecteur
II.3. La colonne
Il.4.Ledétecteur à ionisation de flamme (FID)
II.5. Echantillonnage
III. La diffraction des rayons X
I[.1. La méthode
III.2. Dépouillement d’un cliché Debye-Schelrer
IIL3. Echantillonnage
IV. L’analyse en Composantes Principales
V. La granulométrie laser
B. Les échantillons
I. Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP)
II. Les oxydes de fer
II.l. Synthèse des oxydes de fer à base de fer 54
II.2. Caractérisation des oxydes de fer à base de fer 54
II.3. Provenance des oxvdes de fer à base de fer 56
Bibliographie
Chapitre III
A. Méthodologie pour la détermination de la valence du fer
L Caractérisation physique des oxydes de fer purs
II. Répartition granulométrique et surface spécifique
III. Caractérisation des oxydes de fer purs par microsonde
laser LAMMA
1I.1. Choix de la longueur d’onde
III.2. Comparaison des rapports d’intensité expérimentaux
et théoriques des différentes raies du fer
III.3. Méthodologie pour la détermination de la valence du fer
III.4. Etudes sur I’ionisation lâser de I’oxyde de fer Fe1-60
III.5. Etude de I’effet de l’environnement chimique
III.6. Analyses des oxydes de fer à base de fer 54
B. Etude des mécanismes de formation des agrégats ionisés du fer
I. Formation de Fe2O+
II. Formation du dimère Fe2+
III. Formation de I’ion FeO+
C. Caractérisation de poussières industrielles
I. Méthodologiexpérimentale
I.1. Technique de prélèvement des échantillons de poussières
I.2. Analyse ponctuelle simultanée minérale et organique par
microsonde laser LAMMA
I.3. Analyse ponctuelle simultanée minérale et organique par
microsonde laser FT/ICR/MS
I.4. Analyse globale des phases organiques par chromatographie
en phase gazeuse GCÆID
II. Analyse de prélèvements dans I’environnement d’une aciérie
II.1. Identification de la nature minérale du support particulaire
IIrZ. Caractérisation des HAP adsorbés sur les poussières
industrielles
Conclusion générale
Télécharger le rapport complet