Le laboratoire Immunologie-Immunopathologie-Immunothérapie (i3, www.i3-immuno.fr) est un laboratoire d’immunologie, dirigé par le Pr David Klatzmann, dont les compétences de recherche concernent la vaccinologie, les processus de tolérance immunitaire et l’étude des pathologies autoimmunes et auto inflammatoires. Nous sommes par conséquent un laboratoire mêlant recherche fondamentale en biologie, recherche clinique et compétences en analyse de données. Depuis quelques années, i3 s’attache à analyser les pathologies auto-immunes et autoinflammatoires au travers de nombreux essais cliniques visant soit à comprendre ces pathologies d’un point de vue moléculaire soit de les traiter via un protocole mis en place par i3 et consistant à l’injection à faibles doses de la molécule d’interleukine-2 (IL-2).
– Le projet Transimmunom regroupe un consortium de laboratoire au sein d’un Laboratoire d’Excellence (LabEx) avec pour objectif la caractérisation moléculaire de 15 pathologies auto-immunes et/ou auto inflammatoires. Historiquement, le projet est né de l’expertise du laboratoire dans l’analyse des processus inflammatoires, auto immuns et de la description de ces maladies comme appartenant à un continuum de pathologies partageant des composantes auto-immunes et auto-inflammatoires de manière plus ou moins importantes (McGonagle and McDermott, 2006). La caractérisation moléculaire se fait par l’analyse systématique du génome par la cartographie des polymorphismes nucléotidiques – du transcriptome, en utilisant les dernières innovations en matière de séquençage haut-débit – du répertoire des LT, là aussi grâce au séquençage haut-débit – du cytome, l’étude des caractéristiques cellulaires, par l’utilisation de treize panels de marqueurs de cellules, fournissant des informations sur plus de cinquante populations cellulaires – du microbiome en utilisant les techniques de méta-génomique – et enfin toutes les données clinicobiologiques liées aux patients.
– Le laboratoire conduit six essais cliniques portant sur un total de quinze pathologies associées au système immunitaire. Les patients inclus sont tous traités avec de l’IL-2 à faible dose dont l’efficacité fut rapportée en 2011 par notre laboratoire dans un essai clinique portant sur des patients atteints de vascularites induites par le virus de l’hépatite C (Saadoun et al., 2011). Conjointement, une équipe américaine montrait les effets bénéfiques de cette molécule dans des cas de patient atteints de la maladie dite graft-versus-host (GVH, (Koreth et al., 2011).
C’est notamment dans ces essais que l’intérêt du laboratoire pour la variabilité inter-individuelle a émergé. Au cours d’un essai clinique portant sur patients atteints de diabète de type-1 et traités à l’IL-2 faible dose (Rosenzwajg et al., 2015), nous avons constaté que les augmentations des lymphocyte T régulateurs (LTreg) étaient très différentes d’un patient à l’autre permettant de séparées les patients considérés comme fortement répondeurs et les autres non répondeurs. Il est alors fortement envisagé que les études à venir, effectuées sur des cohortes plus importantes, fournissent le même type de résultat. L’importance de ces variations dans le développement de molécules médicamenteuses est encore de nos jour un challenge (Thakkar et al., 2016; Verbeeck et al., 2016). Elle participe au mouvement de la dernière décennie qui tend vers la médecine personnalisée (Ginsburg and Willard, 2009). Chaque individu est unique et répond de manière unique à un traitement donné. Trouver au sein d’une cohorte de patients les sous-groupes fonctionnellement similaires apparaît aujourd’hui fondamentale, d’autant que nous avons en notre possession un ensemble d’instruments et de méthodes qui permettent de traquer ces variations, de la génomique à la phénomique.
LA VARIABILITÉ EN BIOLOGIE
On peut définir la variabilité comme la dispersion (énergétique, spatiale, structurelle…) d’objets les uns par rapport aux autres. Cette dispersion peut se représenter comme une évaluation des distances qui séparent ces objets deux à deux. Cette dispersion est généralement mise en évidence par l’étude de la variation d’une mesure qui caractérise l’objet d’intérêt (intensité énergétique, position dans l’espace, taille…). Plus cette dispersion est grande, plus on considérera que les objets sont différents eux aussi. Cette dispersion prend tout son sens en biologie lorsqu’on compare des objets structurellement ou fonctionnellement proches. En comparant deux êtres humains de même sexe, nous constatons qu’il existe d’innombrables différences, la taille, le poids, la pilosité et la pigmentation de la peau, la forme des oreilles, la couleur des yeux, etc. sans que cela ne change quoi que ce soit à l’organisme dans son ensemble. Quels que soient sa taille ou son poids, un individu est, et restera, un être humain avec l’ensemble des attributs inhérents à son espèce. On peut donc voir la variabilité en biologie comme la variation de paramètres biologiques autour de valeurs moyennes de l’organisme étudié, sans s’éloigner de manière extrême de ces valeurs moyennes. L’organisme n’est évidemment pas invariant dans le temps, les paramètres qui le définissent bougent au cours de l’évolution. La variabilité est mesurable à toutes les échelles de l’organisme, du génome à l’individu et, sous l’apparente stabilité des micro- et macrostructures de l’organisme, se cache l’inexorable jeu du hasard. Nous pouvons considérer que les structures sont stables quel que soit le niveau biologique que l’on observe ; rien ne ressemble plus à un brin d’acide désoxyribonucléique (ADN) qu’un autre brin d’ADN, un foie qu’un autre foie, une main qu’une autre main alors même qu’à y regarder de plus près, il n’existe pas deux mains identiques. La fonction rend la forme générale de l’objet constante (téléonomie, (Monod, 1971; Pittendrigh, 1958); le hasard en modifie sensiblement les contours. Ainsi, nous nous retrouvons avec une série de mains, identiques dans les grandes lignes, mêmes nombres d’os, de doigts, mêmes insertions des tendons, et si la taille de la main, par exemple, peut grandement différer d’un individu à l’autre, la fonction reste la même.
ORIGINES ET RÔLE
ORIGINES
Dans le domaine des sciences biologiques, la variabilité a deux grandes origines : l’une biologique, l’autre technique. Une mesure biologique peut être modélisée comme une combinaison linéaire d’informations telles que :
Équation 1:
? = ?? + ??
Où ? et ? sont respectivement le signal d’origine biologique et le signal d’origine technique, ? et ? étant les coefficients représentant la part de ces deux types d’information dans la mesure ?. Bien évidemment, cela n’est pas aussi simple. En effet, ? et ? peuvent être eux-mêmes décomposés en un sous-ensemble de signaux provenant de tel ou tel système biologique ou de telle ou telle étape du protocole de mesure de la donnée ?. Ainsi, ? peut contenir l’information sur la relation d’un gène avec une voie de signalisation ou son interaction avec un autre gène. C’est par ailleurs l’idée sous-jacente de certains outils d’analyse du signal dont nous verrons, dans cette thèse, deux exemples avec l’analyse en composantes indépendantes (ACI, (Chiappetta et al., 2004) et l’analyse en composantes de variance principales (PVCA, (Boedigheimer et al., 2008). La science développe en permanence de nouvelles technologies qui améliorent considérablement la qualité de la mesure. Couplées aux stratégies d’analyse qui s’appuient sur les méthodes de nettoyage des données, il est raisonnable de penser que le bruit technique est maintenant bien contenu pour ces technologies (voir Figure 1 pour une explication des deux grandes catégories de variabilité technique).
PVCA permet de mesurer la part de variance expliquée par chaque facteur pour un échantillon donné. Nous n’enregistrons que trop rarement les informations liées à ces différents facteurs, et quand cela est le cas, la communauté ne partage ces informations que dans de trop rares occasions. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le niveau d’information fourni pour un jeu de données de transcriptome sur un des sites de dépôt de données publiques, comme Gene Expression Omnibus (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/geo), dépôt rendu obligatoire par les journaux scientifiques pour permettre le contrôle et la pérennité des données. De mon expérience il ressort qu’un jeu de données sur ce type de site contient, bien souvent, seulement trois niveaux d’information par étude. Vous saurez quel est l’objet biologique analysé (Organe, cellules triées…). On y trouve obligatoirement la plate forme technologique qui a permis de produire les données. Enfin on y trouve un résumé du protocole technique consistant généralement à l’énoncé du kit utilisé pour chaque étape. Mais qui peut raisonnablement penser que chaque étude se passe sans modifications, même mineures, du protocole fournit par le fabriquant du kit ? De la même manière, il est rare qu’une seule et même personne soit toujours responsable de la même étape du protocole ou encore que le kit servant à l’étape soit lui aussi toujours le même. Or c’est bien dans ces détails que le diable de la variabilité technique se cache.
UN MOYEN DE CRÉER DE LA DIVERSITÉ
Imaginons un système biologique parfaitement immuable de génération en génération. Que se passe-t-il quand des changements environnementaux importants s’exercent sur le système ? La marge de manœuvre du système est contrainte par la structure intrinsèque du système. Cette rigidité ne pourrait en aucun cas faire face à des perturbations extérieures telles que nous pouvons les imaginer dans la nature (prédations, infections…). L’hypothèse est alors que la diversité permet de proposer un ensemble de réponses pour réagir à des phénomènes extérieurs. Cela implique que le système, dont nous apprécions l’absence de diversité, évolue dans un système plus vaste qui lui fluctue. Imaginons maintenant que notre système immuable prospère dans un système tout aussi immuable que lui, alors il n’y aurait pas nécessité pour lui d’augmenter le champ des possibles. Il faut alors considérer la variabilité comme une conséquence de la pression évolutive naturelle, une propriété qui aurait émergé pour devenir un outil de plus pour l’évolution.
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Table des matières
INTRODUCTION
CONTEXTE GÉNÉRAL
LA VARIABILITÉ EN BIOLOGIE
ORIGINES ET RÔLE
Origines
Un moyen de créer de la diversité
Le système immunitaire
VARIABILITÉ INTER-INDIVIDUELLE
De l’évolution à la médecine personnalisée
Variabilité inter-individuelle et réponse
APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES
LE TRANSCRIPTOME
ORIGINES DES DONNÉES
LPS
Tolérance fœto-maternelle
Lymphocytes T régulateurs et IL-2
MÉTHODES D’ANALYSE CLASSIQUES
Les données
Analyse des données
LES INDICES DE DIVERSITÉ
Mesures d’entropie et vraie diversité
Application au transcriptome : un cas bibliographique
Spécificité et coefficient de variation
TRAITEMENT DES DONNÉES
DIVERSITÉ
RÉSULTATS
DISCUSSION
SPÉCIALISATION
RÉSULTATS
DISCUSSION
AUTRES APPLICATIONS
DONNÉES APPARIÉES
CLASSER LES TRANSCRITS
DISCUSSION GÉNÉRALE
CONCLUSION
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