Etude de la toxicité subchronique du déoxynivalénol (DON)

Etude de la toxicité subchronique du déoxynivalénol (DON)

Généralités sur les mycotoxines

Lors de la croissance des végétaux et de leur stockage, les aliments peuvent être un substrat pour le développement de moisissures qui, souvent sous certaines conditions d’humidité, peuvent produire des mycotoxines. Les mycotoxines sont des métabolites secondaires produits par une grande variété de moisissures, principalement les genres Fusarium spp, Aspergillus spp ou Penicillium spp, se développant sur différents types d’aliments bruts (céréales, oléoprotéagineux, fruits, noix, amandes, grains, fourrages) (Bennett et Klich, 2003; Glenn, 2007). Et dans des situations écologiques très diverses. Du fait de leur transfert dans la chaîne alimentaire végétale et animale, elles peuvent se retrouver dans l’alimentation humaine.

De plus, les mycotoxines sont des composés très stables durant le stockage, mais également au cours des traitements de transformation. Elles sont thermostables et ne sont pas détruites par les procédés technologiques de préparation des aliments comme la cuisson et la stérilisation. Les mycotoxines restent donc présentes dans l’aliment «fini», même après la disparition des moisissures (Cast, 2003). Elles sont retrouvées dans les céréales du petit déjeuner (Molinié et al., 2005 ; Ibáñez- Vea et al., 2011), dans les pâtes (Raiola et al., 2012), dans le café (Tozlovanu & Pfohl-Leszkowicz, 2010). L’ochratoxine A (OTA) est retrouvée dans une large gamme de produits alimentaires (céréales, vin, café, cacao, épices, fruits secs) (Battacone et al., 2010; Ozden et al., 2012). De part leur grande stabilité thermique, les mycotoxines constituent un danger pour la santé de l’Homme et des animaux. Elles constituent un groupe de substances toxiques présentant notamment des activités mutagènes, cancérogènes, tératogènes, immunotoxinogènes, et de perturbateurs endocriniens (Peraica, 1999; Castegnaro & Pfohl-Leszkowicz, 2002).

Elles affectent les animaux d’élevage consommant les aliments bruts contaminés. Leur capacité à se lier aux protéines plasmatiques et leur lipophilie en font des toxiques capables de persister dans l’organisme. Des similitudes ont été observées entre la néphropathie porcines et aviaire en Bulgarie et la néphropathie endémique des Balkans (Stoev, 2008 ; Stoev et al., 2010). Certaines mycotoxines comme l’ochratoxine A (OTA) et la fumonisine B1 (FB1) semblent être impliquées dans l’intoxication (Stoev et al., 2011). La zéaralénone (ZEA) se trouve aussi fréquemment dans de nombreux produits alimentaires et perturbe la reproduction des porcs entre autre. La ZEA et ses métabolites peuvent agir en tant que perturbateurs endocriniens en altérant la production d’hormones (Frizell et al., 2011). La ZEA et ses dérivés modifient plusieurs paramètres de la réponse cellulaire humorale et immunitaire chez le porc (Marin et al., 2011).

mycotoxines se retrouvent assez souvent en co-contamination et provoquent de graves problèmes de santé publique et économique. La présence simultanée de fumonisine B1 (FB1) et d’aflatoxine B1 (AFB1) conduit à une augmentation du cancer hépatique dû au fait de l’effet promoteur de la FB1, vis-à-vis de l’effet initiateur de l’AFB1 ainsi qu’au fait que la FB1 par son action d’initiateur rend les cellules hépatiques plus sensibles (Gelderblom et al., 2008). Les mycotoxines, et en particulier celles qui sont cancérogènes, devraient être exclues des aliments. La législation sur les mycotoxines se met progressivement en place, mais tous les pays n’en sont pas au même stade, car la fixation de doses maximales et la mise en place d’une législation dépendent de plusieurs facteurs à la fois scientifiques et socio-économiques.

Dans l’Union Européenne, le règlement 2006/1881/CE fixe les teneurs maximales pour certaines mycotoxines dans les denrées alimentaires pour l’alimentation humaine. En ce qui concerne les aliments pour animaux, la directive 2002/32/CE modifiée fixe les teneurs maximales uniquement pour l’aflatoxine B1. Pour les autres mycotoxines, des teneurs maximales sont simplement recommandées, mais pas encore imposées. Actuellement, aucune législation ne prend en compte le risque de co-contaminations. La mise en place de mesures de prévention (bonnes pratiques agricoles incluant le choix des variétés, le suivi tout au long de la chaîne alimentaire…), peut parfois se révéler insuffisante, d’où le besoin de trouver des moyens de désactivation après les traitements technologiques. Différentes procédures de décontamination ont été explorées (physiques, chimiques et biologiques). Si les effets in vitro de certaines mycotoxines sont bien documentés, leur efficacité in vivo en tant que contaminant alimentaire n’est pas toujours aussi claire. Plusieurs explications peuvent être avancées. Le faible nombre d’études et leur disparité (composition, durée d’administration, paramètres mesurés…) peut expliquer les discordances concernant leurs toxicité. Par ailleurs, depuis la fabrication de l’aliment jusqu’à leur absorption intestinale, les mycotoxines sont soumises à une myriade d’événements qui peuvent réduire leur activité. Des études toxicocinétique sont également nécessaires pour connaître le devenir de ces toxines dans l’organisme, et ainsi comprendre leurs effets.

Les mycotoxines sont des substances toxiques sécrétées par des champignons microscopiques ou moisissures telles que les genres Aspergillus, Penicillium ou Fusarium. Ce sont des composés de faibles poids moléculaires non volatils à température ambiante. Il existe environ entre 200.000 et 300.000 espèces de moisissures, et entre 300 et 400 mycotoxines (Bhatnagar et al., 2002; Mattsson, 2007). Parmi ces mycotoxines, certaines ont attiré une attention particulière, c’est-à-dire que leur quantité dans les aliments est réglementée en fonction de leur prévalence élevée dans les matières premières (céréales, fruits, boissons, café, produits d’origine animale) ou que leur toxicité est élevée chez les humains et les animaux (Maresca et Fantini, 2010). Les mycotoxines considérées comme les plus importantes du point de vue agro-alimentaire et sanitaire sont les aflatoxines (AF), principalement AFB1; les ochratoxines, surtout l’ochratoxine A (OTA); les trichothécènes tels que la toxine T-2 et le déoxynivalénol (DON); les fumonisines, comme FB1; la patuline (PAT) et la zéaralénone (ZEN) (Osweiler, 2000; Pineiro, 2003; Bryden, 2007). En effet, l’intoxication par ces toxines à des doses élevées entraîne une cytotoxicité générale liée habituellement à l’inhibition de la synthèse de macromolécules (Creppy, 2002; Calvert et al., 2005; Bouaziz et al., 2006). À des faibles doses, la cytotoxicité est en lien avec des altérations subtiles des fonctions des tissus et organes, telles que les couches épithéliales de l’intestin, du foie et des reins, mais aussi les systèmes nerveux, reproducteur et immunitaire (Smith et al., 1995; Peraica et al., 1999; Bondy et Pestka, 2000; Bennett et Klich, 2003; Campbell et al., 2004; Fung et Clark, 2004; Bouhet et Oswald, 2005; Fuchs et Peraica, 2005; Rocha et al., 2005; Richard, 2007; Zinedine et al., 2007).

Mycotoxicoses

Semblable à d’autres trichothécènes, l’effet toxique principal de DON est l’inhibition de la synthèse des protéines (Shephard, 2011). L’ingestion d’aliments fortement contaminés par des animaux peut entraîner des symptômes gastro-intestinaux tels que vomissements aiguës (vomissements), anorexie et une diarrhée sanglante. Les effets les plus fréquents de l’exposition alimentaire à long terme des animaux au DON sont la suppression du gain de poids, l’anorexie et l’efficacité nutritionnelle modifiée. Les effets aigus du DON chez les humains sont semblables à ceux des animaux. Le DON a été impliqué dans un certain nombre d’incidents d’intoxication humaine en Asie. Il n’y a aucune preuve expérimentale ou épidémiologique pour des propriétés mutagènes et / ou cancérigènes du DON. Le DON a été examiné par l’Agence Internationale pour la Recherche sur le Cancer (CIRC) comme inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’homme (Groupe 3) (IARC, 1993). La consommation de produits contaminés par des trichothécènes peut provoquer, chez l’homme et l’animal, des maladies appelées mycotoxicoses, suite à une toxicité aiguë ou chronique des mycotoxines.

Chez l’homme, la mycotoxicose la plus connue associée à l’ingestion de céréales contaminées par Fusarium spp. a été rapportée dans les années 1940, où des cas graves d’aleucie toxique alimentaire ont provoqué le décès de 10% de la population du district d’Orenburg. Cette pathologie est caractérisée par des diarrhées et des vomissements dans les premiers stades puis s’accompagne de leucopénies sévères, d’angine ulcéronécrotique, de septicémie et d’aplasie médullaire. Des années plus tard, ce phénomène a été attribué principalement à la consommation des champignons Fusarium poae et sporotrichoioïdes, qui produisent un autre trichothécène, la toxine T- 2 (Leonov, 1977). Plus récemment, plusieurs cas de mycotoxicoses chez l’homme et des animaux d’élevage ont été attribués à la consommation de céréales contaminées par du DON au Japon (Morooka et al., 1972). En Inde, le DON a également été mis en cause en tant qu’agent étiologique dans des intoxications chez des habitants de la vallée du Kashmir ayant consommé du pain fabriqué à partir de blé moisi (Bhat et al., 1989). Les symptômes de la maladie incluaient des nausées, des douleurs gastriques, des vomissements et des irritations au niveau de la gorge. Enfin, chez les animaux, les mycotoxicoses associées au DON sont principalement décrites chez le porc, les autres animaux étant beaucoup moins sensibles à son ingestion. Les principaux symptômes sont liés à un refus alimentaire et à des vomissements.

Parmi les cas signalés, certains éleveurs australiens ont constaté un refus alimentaire chez des porcelets, une diminution de consommation alimentaire des porcs plus âgés ainsi qu’une apparition de vulves rouges et oedémateuses chez plusieurs truies de 30-50 kg. Les recherches effectuées sur l’aliment ont révélé la présence de zéaralènone (ZEA) et de DON dans les céréales, concluant à une double intoxication des animaux, la ZEA provoquant les symptômes d’oestrogénisme et le DON le refus de l’aliment (Moore et al., 1985). Durant l’été 1986 en Argentine, des porcs nourris avec plus de 40% de blé, après une saison froide et humide, ont présenté un refus alimentaire sévère associé à une chute de croissance des animaux. Les analyses ont démontré la présence de nombreuses souches de Fusarium et de niveaux de contamination variable de DON (1-20 ppm) dans le blé et l’aliment. Une reproduction expérimentale a démontré le rôle du DON dans le refus de l’aliment, entraînant également une congestion de la muqueuse de l’estomac et de l’intestin grêle, une dégénérescence hydropique des hépatocytes et une vacuolisation des cellules du tubule contourné distal (Marpegan et al., 1988).

En ce qui concerne la sécurité humaine, le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine (CSAH) a établi une dose journalière admissible (DJA) temporaire de 1μg/kg de poids corporel (pc) par jour sur la base d’un sans effet indésirable observé (NOAEL) de 100μg/kg de poids corporel par jour pour une diminution du gain de poids corporel rapportée dans une étude d’alimentation de 2 ans chez la souris (SCF, 2002). Cette dose journalière tolérable (TDI) était en conformité avec la dose journalière tolérable maximale provisoire (DJMTP) rapportée par le comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) en 2001 (JECFA, 2001). En 2010, le JECFA a étendu cette DJMTP au groupe de DON et ses dérivés acétylés 3-Ac-DON et 15-Ac-DON. En raison du manque d’information, DON-3-Glc n’a pas été inclus dans le groupe DJMTP. Le Comité a également tiré un groupe dose aiguë de référence (DAR) pour le DON et ses dérivés acétylés de 8 μg/kg de poids corporel en utilisant la limite inférieure la plus basse sur la dose de référence pour une réponse de 10% (BMDL10) de 0,21 mg/kg de poids corporel par jour pour les vomissements chez les porcs (JECFA, 2010).

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Table des matières

Résumé
Liste des abréviations
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction
Chapitre 1 : revue bibliographique
1. Généralités sur les mycotoxines
I.1. Caractérisation des mycotoxines
I.2. Aflatoxines
I.3. Les mycotoxines de Fusarium
I.3.1. Trichothécènes
2. Déoxynivalénol (vomitoxine – DON)
2.1 . Dérivés du DON
2.2. Distribution
2.3. Propriétés physico-chimiques
3. Mycotoxicoses
3.1 Toxicologie expérimentale
3.2. Toxicocinétique et résidus du DON
3.2.1. Toxicocinétique
3.2.1.1. Absorption
3.2.1.2. Distribution plasmatique et tissulaire
3.2.1.3. Voies métaboliques du DON
3.2.1.4. Élimination des métabolites du DON
3.2.2. Résidus
4. Toxicité générale
4.1. Carcinogénicité et génotoxicité
4.2. Reproduction
4.3. Flore intestinale
4.4. Immunotoxicité
4.4.1. Effets paradoxaux du DON sur les fonctions immunitaires
4.4.2. Cas particulier des IgA b
4.5. Mécanismes moléculaires
Chapitre 2 : matériels et méthodes
Partie expérimentale
1. MATERIEL UTILISE
1.1. Animaux et leur entretien
1.2. Produits et réactifs
2. Etude de la toxicité subchronique du déoxynivalénol (DON)
2.1. Evaluation de la toxicité aiguë
2.1.1. Détermination de la DL 50
a- Chez les souris mâles
b- Chez les souris femelles
c- Observation clinique
2.2. Toxicité subchronique du DON
3. Protocole expérimental
3.1. Première phase
3.1.1. Suivi et observation de la toxicité subchronique
3.2. Deuxième phase
3.2.1 Prélèvement sanguin
3.2.1.1. Dosage des paramètres hématologiques et biochimiques
4. Dosage des paramètres biochimiques
4.1. Dosage de l’urée : (Méthode de Berthelot 1960) (Kit CHRONOLAB)
4.2. Dosage de la créatinine (Kit SPINREACT)
4.3. Dosage de l’acide urique : (Kit CHRONOLAB)
4.4. Dosage des protéines totales : (Kits CHRONOLAB)
4.5. Dosage du cholestérol total : Méthode de Fasce [1982] (kit SPINREACT)
4.6. Dosage des triglycérides (TG):
5. Prélèvement d’organes de souris
5.1 Etude histologique
5.1.1. Traitement des échantillons
5.1.1.1. Fixation
5.1.1.2. Déshydratation
5.1.1.3. Clarification
5.1.1.4. Inclusion
5.1.1.5. Coupes
5.1.1.6 Etalement sur lames
5.1.1.7. Déparaffinage
5.1.1.8. Réhydratation
5.1.1.9. Coloration
Etude statistique
1-Analyse statistique
2- Modélisation et simulation numérique
2.1 Logiciels de programmation
Chapitre 3 : résultats
1. Etude toxicologique
1.1. Consommation moyenne journalière de l’aliment par souris
1.2. Consommation quotidienne de la solution de DON par les souris
1.3. Dose moyenne journalière de déoxynivalénol consommée par souris
1.4. Croissance pondérale
1.5. Taux de mortalité et les transformations morphologiques et comportementales
1.6. Effet du DON sur le poids absolu des différents organes
1.7. Effet du DON sur le poids relatif des différents organes
2. Etude histologique
2.1- Effet du DON sur la structure histologique des reins
2.2- Effet du DON sur la structure histologique du foie
2.3- Effet du DON sur la structure histologique du cerveau
3. Effet du DON sur les paramètres hématologiques
3.1. Nombre des globules rouges (GR)
3.2. Nombre de globules blancs (GB)
3.3. Nombre de plaquettes (PL)
4. Effet du DON sur les paramètres biochimiques sériques
4.1. Teneur en albumine
4.2. Teneur en cholestérol total
4.3. Teneur en urée
4.4. Teneur en créatinine
4.5. Teneur en acide urique
4.6. Teneur en transaminases TGO
4.7. Teneur en transaminases TGP
5. Modélisation et simulation numérique
5.1. Principaux contributeurs à la DJA de 1 μg/kg de poids corporel par jour
5.2. Contribution des dérivés du DON à l’exposition totale
5.3. Les niveaux d’exposition de DON dans les différents groupes de population
Chapitre 4 : Discussion
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Résumé

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