Etude de la spéciation du Pu(IV) dans une phase organique monoamide

La détermination de la spéciation, i.e. la distribution des espèces chimiques présentes dans un système [1], revêt un rôle majeur en chimie. Si elle est essentielle dans certains domaines comme en chimie clinique ou en (éco)toxicologie où elle détermine les interactions, la toxicité, la mobilité… de certains éléments, elle n’en demeure pas moins importante dans les autres lorsqu’une compréhension des processus chimiques mis en œuvre à l’échelle moléculaire est requise. Dans le cas des métaux en solution, on cherchera à caractériser les espèces chimiques en présence (degré rédox, stœchiométrie et structure des complexes) puis évaluer leurs proportions. Toutefois, la détermination des espèces chimiques présentes peut s’avérer assez délicate. En effet, si l’emploi de techniques de séparation (de type chromatographie) et/ou de techniques spectroscopiques peuvent permettre l’identification de plusieurs espèces distinctes, il est parfois difficile de les caractériser avec précision.

L’étude de la spéciation des actinides en solution revêt une importance particulière à la fois pour la compréhension et l’amélioration des procédés de séparation pour le cycle du combustible nucléaire ainsi que pour les problèmes de diffusion et toxicité dans l’environnement. Toutefois, leur caractère radioactif associé à la complexité de leur chimie (nombreux degrés d’oxydation accessibles, haut nombre de coordination…) fait de l’étude de la spéciation des actinides un véritable challenge. La quantité de données expérimentales accessibles reste limitée et l’interprétation de ces dernières n’est pas toujours aisée. Cela est dû à la possible présence de plusieurs espèces, ainsi qu’à la complexité et à la flexibilité de la sphère de coordination du cation. C’est pourquoi le recours à la modélisation moléculaire peut s’avérer une aide déterminante pour progresser sur ces problématiques. En ce qui concerne la modélisation moléculaire, on pourra distinguer les approches statiques et dynamiques. Dans le premier cas, le système est étudié par des méthodes de chimie quantique dans son minimum d’énergie. Dans le second, on fait évoluer le système selon les équations classiques du mouvement sur une surface de potentiel soit classique soit quantique. On parlera de dynamique moléculaire classique ou de dynamique moléculaire ab initio. Les calculs de chimie quantique statiques permettent de calculer les géométries d’équilibre de complexes et de calculer des grandeurs thermodynamiques associées à leur formation. Toutefois, étant donné qu’ils nécessitent de connaitre à priori la structure moléculaire des espèces considérées, ces calculs ne permettent pas directement de déterminer la spéciation d’un actinide. Seule une comparaison à des données expérimentales permettra de relier la structure et les grandeurs calculées à des données relatives au problème de chimie étudié. Les simulations de dynamique moléculaire permettent quant à elles de faire évoluer le système dans le temps à une température donnée et donnent accès, en principe, à une description statistique de l’ensemble des géométries accessibles par le système. Elles présentent ainsi l’avantage de donner des informations représentatives de la solution à une température donnée sans avoir à supposer de configuration particulière.

Etude de la spéciation du Pu(IV) dans une phase organique monoamide

Le travail présenté dans cette partie s’inscrit dans le cadre général du retraitement des combustibles nucléaires usés. L’objectif du retraitement est de séparer les radioéléments les plus abondants dans le combustible usé (l’uranium et le plutonium) afin d’une part, de les recycler, et d’autre part de réduire le volume et l’activité des déchets. La séparation de ces éléments est réalisée par des extractions liquide-liquide successives après dissolution du combustible usé dans une solution aqueuse fortement acide (HNO3). Les éléments d’intérêt sont ensuite extraits et séparés grâce à l’emploi d’un ligand en phase organique permettant l’extraction sélective puis la séparation de l’uranium et du plutonium. En France, cette séparation est aujourd’hui réalisée par le procédé PUREX (acronyme de Plutonium Uranium Refining by EXtraction), qui utilise le tributylphosphate (TBP, cf Figure 1a) comme extractant. Ce procédé a été mis en place il y a plusieurs décennies, et, dans l’optique d’un cycle du combustible futur, il est souhaitable de le faire évoluer. Considérés comme une famille d’extractants alternatifs, les N,Ndialkylamides (ou monoamides) ont connu un regain d’intérêt depuis les années 80 .

Outre ses bonnes capacités d’extraction, cette famille présente l’intérêt particulier d’avoir une sélectivité U(VI) / Pu(IV) ajustable, dépendante des chaînes alkyles portées par la fonction amide. Un des objectifs de ce travail est de comprendre l’origine de cette dépendance afin de rationaliser le design de ces extractants et obtenir les performances souhaitées pour un procédé du futur.

Dans cette partie, afin de rationaliser les différences d’extraction du plutonium(IV) entre ces deux extractants, nous chercherons à caractériser les espèces formées dans la phase organique après extraction, puis à déterminer la spéciation dans cette phase. Dans ce but, l’état des connaissances sur ces systèmes et les méthodes qui seront utilisées dans cette partie seront d’abord présentées. Puis l’étude thermodynamique par chimie quantique et la comparaison des résultats obtenus aux données expérimentales seront exposées. Enfin, l’étude spectroscopique conduite dans ce travail sera développée en deux temps. Après avoir décrit l’analyse des données EXAFS par couplage à des calculs de chimie quantique, nous présenterons la caractérisation expérimentale de la spéciation de ce système que nous avons envisagé suite aux premiers résultats issus du couplage EXAFS / calculs de chimie quantique.

Extraction d’eau et d’acide nitrique

Les extractants de la famille des N,N-dialkylamides sont connus pour extraire de l’acide nitrique et de l’eau en phase organique. L’extraction d’acide en phase organique par DEHBA et DEHiBA a notamment été étudiée par Condamines et al. [5, 20] ainsi que Prabhu et al. [9]. Les résultats issus du travail de thèse de N.

On note que les deux dialkylamides extraient une quantité similaire d’acide en phase organique. DEHBA semble extraire légèrement plus d’acide que DEHiBA, mais la différence reste faible (< 10%). Dans son travail de thèse [21], G. Ferru a étudié l’extraction d’eau et d’acide en phase organique par le DEHiBA et deux autres extractants proches : le DEHDMBA et DEHPA . L’extraction d’eau, quant à elle, présente une courbe en forme de cloche avec un maximum situé vers [HNO3]aq = 3 mol.L-1. Malgré une petite variation en fonction de la structure du monoamide, l’évolution de l’extraction d’eau en fonction de la concentration en acide dans la phase aqueuse est assez similaire et les quantités extraites sont du même ordre de grandeur pour chaque dialkyamide. G. Ferru [21] a aussi étudié la variation de l’extraction d’eau et d’acide en fonction de la concentration en DEHiBA en phase organique . L’extraction d’eau et d’acide augmente de manière significative avec la concentration en ligand. On retiendra que la concentration en ligand est un paramètre sensible de l’extraction de ces espèces en phase organique.

Spéciation de l’U(VI) et du Pu(IV) en phase organique

Il a été établi sans grande ambiguïté que, pour des acidités en phase aqueuse modérées, l’uranium(VI) est extrait dans la phase organique monoamide sous la forme UO2(NO3)2L2 [5, 14, 17, 23]. De plus, les différences d’extraction observées sur l’uranium entre les différents dialkylamides étudiés sont relativement faibles. C’est pourquoi, dans cette étude, nous nous concentrerons sur le cas du plutonium pour lequel les différences de comportement sont importantes et encore mal comprises.

Méthode des pentes

La stœchiométrie des complexes extraits est le plus souvent estimée par la méthode des pentes. Cette méthode consiste à tracer le logarithme du coefficient de distribution du métal en fonction du logarithme de la concentration en ligand libre dans la phase organique. La pente donne le nombre de ligands impliqués dans la complexation. Dans ces expériences, l’abscisse reporte la concentration en ligand libre. Comme les dialkylamides extraient de l’eau mais surtout de l’acide nitrique en phase organique, la concentration en ligand totale est corrigée de la concentration en ligand associé pour obtenir la concentration en ligand libre. Cette correction est réalisée à partir de modèles de spéciation du système {ligand / HNO3 /H2O} et les résultats obtenus dépendent sensiblement du modèle pris en compte. Dans son travail de thèse, F. Rodrigues a appliqué cette méthode à l’extraction de Pu(IV) avec DEHBA et DEHiBA.

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Table des matières

Introduction générale
I Etude de la spéciation du Pu(IV) dans une phase organique monoamide
1 Introduction
2 Propriétés extractantes des N,N-dialkylamides : état de l’art
2.1 Extraction d’eau et d’acide nitrique
2.2 Extraction de Pu(IV) et U(VI)
2.3 Spéciation de l’U(VI) et du Pu(IV) en phase organique
2.3.1 Méthode des pentes
2.3.2 Spectrométrie ESI-MS
2.3.3 Spectroscopie UV-visible
2.4 Thermodynamique d’extraction de Pu(IV)
2.5 Bilan
3 Méthodes
3.1 Calculs de chimie quantique
3.1.1 Méthodes de calcul
3.1.2 Ligands modèles
3.1.3 Calcul de grandeurs thermodynamiques
3.2 EXAFS
3.2.1 Introduction
3.2.2 Analyse par ajustement du spectre
3.2.3 Apport de la chimie quantique
3.2.4 Apport de la dynamique moléculaire
4 Etude thermodynamique par chimie quantique
4.1 Équilibres de complexation
4.2 Extraction de Pu(NO3)4L2 : comparaison des données expérimentales et calculées
5 Etude spectroscopique
5.1 Influence de la structure du dialkylamide sur la spéciation du Pu(IV) en phase organique
5.1.1 Résultats expérimentaux
5.1.2 Simulation des spectres EXAFS à partir de calculs DFT
5.2 Dépendance de la spéciation aux conditions expérimentales
5.2.1 Influence de la concentration en acide nitrique dans la phase aqueuse
5.2.2 Influence de la concentration en extractant
5.2.3 Influence de l’eau
5.2.4 Modification de l’équilibre des espèces en phase organique
6 Conclusion et perspectives
II Champs de force pour les AnIV
1 Introduction
2 Champs de force : présentation
2.1 Description des potentiels analytiques pour la dynamique moléculaire classique
2.1.1 Interactions liées
2.1.2 Répulsion et dispersion
2.1.3 Électrostatique
2.1.4 Polarisabilité
2.1.5 Termes spécifiques
2.2 Paramétrage des champs de force
2.2.1 Paramétrage à partir de données expérimentales
2.2.2 Paramétrage à partir de données de chimie quantique
2.3 Champ de force pour les actinides : état de l’art
2.4 Approche retenue
2.5 Modèle d’eau
3 Paramétrage des champs de force AnIV-H2O
3.1 Méthode de paramétrage
3.2 Paramètres obtenus pour la série des AnIV
4 Evaluation du champ de force : Hydratation des AnIV par dynamique moléculaire
4.1 Paramètres des simulations
4.2 Résultats de la dynamique moléculaire
4.3 Sensibilité de la dynamique moléculaire au champ de force
4.3.1 Méthodologie
4.3.2 Résultats
4.4 Bilan
5 Discussion du potentiel et de la méthode de paramétrage
5.1 Interaction AnIV- H2O
5.1.1 Effets à N-corps dans le potentiel AnIV- H2O
5.1.2 Difficultés rencontrées et limites de l’approche de paramétrage
5.1.3 Perspectives
5.2 Effets de coopération 1ère / 2ème sphère de solvatation
5.2.1 Introduction
5.2.2 Méthodes d’évaluation
5.2.3 Paramétrage du modèle de coopération actuel du champ de force TCPE
5.2.4 Amélioration de la correction
6 Conclusion et perspectives
Conclusion générale

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