Caractères généraux des streptocoques
Les streptocoques sont des cocci à Gram positif groupés en paire ou en chaînettes, de longueur variable, catalase négative, aéro-anaérobies facultatifs, à métabolisme fermentaire.
Taxonomie
Leur position taxonomique a évolué depuis la dernière édition du Bergey’s Manual de 1996 dans laquelle hardie décrivait le genre Streptococcus. Les techniques de biologie moléculaire ont permis à Schleifer et Kilpper-Balz ( 93 ) de proposer l’éclatement du genre Streptococcus en genres Streptococcus, Enterococcus et Lactococcus. Les espèces commensales ou pathogènes rencontrées chez l’homme ou l’animal se retrouvent dans les premiers genres.
Identification
Les Streptocoques autres que S. pyogenes, S. agalactiae, entérocoques et streptocoques du groupe D comportent une diversité d’espèces pathogènes chez l’homme et chez l’animal. Ces différentes espèces ne peuvent pas être reconnues sur leur sérogroupe, car un même sérogroupe peut être retrouvé dans des espèces différentes, ni sur leur caractère hémolytique , car une même espèce peut avoir des propriétés hémolytiques variables. Les progrès de la biologie moléculaire ont permis de comparer le matériel génétique des bactéries et de ne pas les classer sur une similitude phénotypique.
Une homologie de séquence d’ADN supérieure ou égale à 70 % est requise pour définir une espèce. En pratique, l’identification d’une espèce repose sur l’étude d’un ensemble de caractères morphologiques, culturaux, antigéniques et biochimiques.
Caractères morphologiques
Ce sont des cocci à Gram positif, en chaînettes plus ou moins longues . Un halo clair entourant les cocci et correspondant à une capsule peut être observé chez Streptococcus pneumoniae.
Caractères culturaux
Les caractéristiques de la croissance orientent le diagnostic : aéroanaérobies facultatifs, ils ne possèdent ni catalase, ni cytochrome oxydase. Leurs exigences de culture sont complexes ( vitamines, acides aminés, bases puriques et pyrimidiques ). Le milieu de choix est la gélose au sang et l’optimum thermique est 37 °C. La culture à des températures d’incubation inférieure ou supérieure permet la différenciation avec les genres Lactococcus et Enterococcus. La présence de CO2 ou l’atmosphère anaérobie sont pour certaines espèces indispensables à la primoculture. La tolérance aux concentrations salines élevées est caractéristique du genre Enterococcus, dont les espèces sont par ailleurs moins exigeantes. L’aspect des colonies sur gélose au sang est un critère important dans l’identification : leur taille est petite ; leur action sur les hématies peut être de trois types :
– destruction totale des globules rouges : hémolyse bêta
– transformation de l’hémoglobine en méthémoglobine se traduisant par un halo de verdissement caractérisant l’hémolyse de type alpha ;
– pas de modification des hématies : hémolyse gamma .
Les streptocoques donnant ces deux derniers types d’hémolyse sont appelés streptocoques viridans.
Caractères antigéniques
La classification sérologique de Lancefield permet la reconnaissance des groupes A à H et L à U. L’antigène spécifique est le polyoside C, sauf pour les groupes D et N ( acide teichoique ). La subdivision en types de certaines espèces est basée sur la spécificité de la protéine M. La recherche a un intérêt épidémiologique et physiopathologique.
La spécificité des polysaccharides capsulaires permet le typage sérologique de S. agalactiae et S. pneumoniae. La recherche de ces polysaccharides à l’aide d’antisérums spécifiques peut être une aide au diagnostic ( recherche d’antigènes solubles ).
Sensibilité aux antibiotiques
Les streptocoques et entérocoques présentent une résistance naturelle aux polymixines et à l’acide nalidixique. L’adjonction de ces antibiotiques aux milieux de culture permet de les rendre sélectifs et favorise l’isolement de ces germes à partir des prélèvements plurimicrobiens. Les streptocoques et entérocoques sont d’autre part naturellement résistants aux aminoglycosides en raison d’une absence de mécanisme de transport. Cette résistance est de bas niveau. Par contre, l’association d’un aminoglycoside à un antibiotique actif sur la paroi est synergique.
Des résistances acquises peuvent apparaître chez les streptocoques et entérocoques. Elles concernent la plupart des familles d’antibiotiques. Cette résistance acquise est le fait de mutation chromosomique ou de l’acquisition de matériel génétique.
Caractères de Streptococcus pyogenes
Historique
Dès la fin du siècle dernier, les streptocoques étaient reconnus responsables d’érysipèle, d’infections de plaies et d’infections puerpérales. En 1884, Rosenbach créait l’appellation de Streptococcus pyogenes. S. pyogenes, streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, représente le type même de bactérie pathogène chez l’homme. Il est responsable d’infections diverses et de gravité variable ( 109 ). Cette diversité clinique et évolutive exprime la multiplicité des facteurs de virulence sécrétés par la bactérie. S pyogenes est également responsable de deux pathologies non suppuratives : glomérulonéphrite aiguë et surtout rhumatisme articulaire aigu ( RAA ). Bien que depuis l’avènement de la pénicilline , les infections streptococciques aient beaucoup perdu de leur gravité et de leur fréquence dans les pays industrialisés, des cas de RAA et d’infections graves à S. pyogenes étaient réapparus depuis la fin des années 1980, aussi bien aux Etats Unis qu ‘en Europe .
La bactérie
S. pyogenes se différencie des autres streptocoques par les caractères biochimiques et antigéniques du polysaccharide de sa paroi qui est un dimère de rhamnose et N-acétyl-glucosamine. Un grand nombre de constituants somatiques et de produits extracellulaires rendent compte de la virulence de la bactérie.
Constituants somatiques
– La protéine M est le principal facteur de virulence : les bactéries riches en protéine M résistent à la phagocytose et se multiplient rapidement dans le sang. Les variations antigéniques de cette protéine sont à l’origine des sérotypes : plus de 80 sérotypes ont ainsi été reconnus. Des études récentes ont permis de préciser la structure et les fonctions de cette protéine .
Produits extracellulaires
S. pyogenes synthétise un grand nombre de toxines extracellulaires ( 111 ). Parmi celles-ci, la streptolysine O, La désoxyribonucléase B et la hyaluronidase induisent la production d’anticorps qui permettent un diagnostic d’infection récente à S. pyogenes.
S. pyogenes produit deux hémolysines qui sont des toxines cytolytiques : les streptolysines O et S. La streptolysine O fait partie de la famille des cytolysines labiles en présence d’oxygène ( d’où le « O » ), produites par les bactéries à Gram positif comme le pneumocoque, certaines clostridies et Listeria monocytogenes. Cette toxine lyse les membranes cellulaires des érythrocytes, mais aussi d’une grande variété de cellules de mammifères dont les polynucléaires et les plaquettes. Le cholestérol des membranes cellulaires représente le site de fixation de la toxine.
La streptolysine S est produite par le streptocoque en présence de sérum ( d’où le « S » ). Comme la précédente, cette toxine lyse une grande variété de membranes cellulaires y compris celles des protoplastes bactériens (contrairement à la streptolysine O ). Elle n’est pas labile en présence d’oxygène et est responsable de l’hémolyse observée sur gélose au sang. La streptolysine S n’est pas immunogène. La majorité des souches produit les deux hémolysines, rarement une seule, voire aucune ( 111 ). D’autres produits extracellulaires pourraient faciliter l’invasivité de S. pyogenes. Les plus importantes sont les désoxyribonucléases A, B, C et D, la hyaluronidase et la streptokinase.
Identification microbiologique ou caractères morphologiques
S. pyogenes présente la morphologie classique des streptocoques : cocci à Gram positif, groupés en chaînettes plus ou moins longues. Il cultive en 24 heures sur gélose au sang à 5 %, en donnant des colonies opaques de 2 mm de diamètre, entourées d’une zone d’hémolyse complète ( bêta ) et large ( 2 à 4 fois la taille de la colonie ). Certaines propriétés culturales et métaboliques permettent son identification ; la sensibilité à la bacitracine ( disque à 0,04 U ), la résistance à l’optochine, la résistance au cotrimoxazole observée sur gélose trypticase soja au sang de mouton, l’absence de culture en milieu salé, l’absence d’hydrolyse de l’esculine, la positivité de l’hydrolyse de la L-pyrrolidinyl-bêtanaphtylamide sont caractéristiques de cette espèce. L’appartenance au sérogroupe A de Lancefield est un élément essentiel de l’identification de S. pyogenes. L’agglutination de particules de latex recouvertes d’anticorps spécifiques du polyoside A permet de déterminer le sérogroupe à partir des cultures ou directement à partir d’un prélèvement pharyngé. Comme caractères culturaux, le streptocoque A présente des exigences nutritives complexes. Son isolement se pratique sur gélose au sang de cheval ou de mouton et les colonies de streptocoque A sont entourées d’une grande zone d’hémolyse totale de type bêta. Toutefois, l’appellation « streptocoque hémolytique » ne peut être considérée comme synonyme de groupe A.
Epidémiologie
Le principal réservoir de S. pyogenes est nasal et pharyngé. Cette bactérie est retrouvée dans la gorge à l’état de simple portage chez 15 à 25 % des enfants, moins fréquemment chez l’adulte ( 15 ). La peau saine ne représente pas un réservoir important de S. pyogenes. ; par contre, le germe peut être retrouvé au niveau de dermatoses ( 71 ). Une autre source est anale ou vaginale ( 110 ). L’environnement ( habits, literie, etc. ) pourrait également représenter un réservoir potentiel mais dont le rôle épidémiologique reste mineur. La transmission du streptocoque est le plus souvent interhumaine directe, favorisée par la promiscuité, ce qui explique la survenue d’épidémies dans des collectivités d’enfants ou de militaires. Une transmission digestive a pu être responsable d’épidémies d’angines streptococciques d’origine alimentaire ( 22 ). La transmission aérienne par pollution de l’air ambiant a été responsable d’infections nosocomiales, de plaies chirurgicales, telle une épidémie où le réservoir de streptocoque était représenté par des lésions psoriasiques du cuir chevelu d’une personne transitant dans la salle d’opération .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I- Caractères généraux des streptocoques
II- Taxonomie
III- Identification
III-1- Caractères morphologiques
III-2- Caractères culturaux
III-3- Caractères antigéniques
III-4- Caractères biochimiques
IV- Sensibilité aux antibiotiques
V- Caractères de Streptococcus pyogenes
V-1- Historique
V-2- La bactérie
V‐2‐1‐ Constituants somatiques
V‐2‐2‐ Produits extracellulaires
V-2-3- Identification microbiologique ou caractères morphologiques
VI- Epidémiologie
VII- Manifestations cliniques
VIII‐ Rappel sur les antibiotiques
VIII-1- Définition d’un antibiotique
VIII-2- Classification des antibiotiques testés
VIII-2-1- Les bêta-lactamines
VIII-2-2- Les macrolides
VIII-2-3- Les kétolides
VIII-2-4- Les lincosamides
VIII-2-5- Les fluoroquinolones
VIII-2-6- Les cyclines
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
Cadre de l’étude
Matériel et réactifs
II-1- Matériel utilisé pour les prélèvements
II-2- Matériel utilisé pour l’isolement
II-3- Matériel pour l’identification
II-4- Matériel pour l’antibiogramme
II-5- Matériel pour la conservation des souches
II-6- Préparation des milieux de culture
Méthodes
III-1- Modalités de prélèvements
III-2- Technique de l’examen bactériologique
III-2-1- Examen macroscopique
III‐2‐2‐ Examen microscopique
III-2-3- Isolement
III-2-4- Identification
III-2-4-1- Test au latex ( Pastorex Strep )
III‐2‐4‐2‐ Identification biochimique
III‐2‐5‐ Détermination de la sensibilité aux antibiotiques
III-2-5-1- Antibiogramme standard par la méthode des disques
III‐2‐5‐2‐ Détermination des CMIs par E‐test
III‐2‐5‐3‐ Antibiotiques testés
III254 Lecture et interprétation
III-2-6- Conservation des souches bactériennes streptocoque du groupe A
III-2-7- Evaluation de la qualité des milieux liquides préparés
TROISIEME PARTIE : RESULTATS
I‐ Répartition des différents prélèvements
II‐ Résultats des prélèvements en fonction de la culture
III- Résultats de la sensibilité des souches de Streptococcus pyogenes
III-1- Sensibilité à la télithromycine
III-2- Sensibilité à la lévofloxacine
III-3- Sensibilité aux autres molécules
III-3-1- Sensibilité à la pénicilline G
III‐3‐2‐ Sensibilité à la tétracycline
III‐3‐3‐ Sensibilité à l’érythromycine
III-3-4- Sensibilité à la clindamycine
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION
I- Souches étudiées
II- Méthode de diffusion en milieu gélosé
III- Sensibilité générale des souches aux antibiotiques
III-1- Sensibilité aux kétolides (télithromycine )
III-2- Sensibilité aux fluoroquinolones ( lévofloxacine )
III-3- Sensibilité autres molécules
III-3-1- Sensibilité aux bêta-lactamines ( pénicilline G )
III-3-2- Sensibilité aux cyclines ( tétracycline )
III-3-3- Sensibilité aux macrolides ( érythromycine )
III-3-4- Sensibilité aux lincosamides ( clindamycine )
III-4- Comparaison de l’activité des molécules testées
III-5- Prise en charge des infections respiratoires et ostéo-articulaires
III-5-1- Aspects curatifs
III-5-2- Aspects préventifs
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE