Étude de la représentation géométrique de scènes 3D pour les services de visualisation

Ce mémoire concerne la réalité virtuelle à finalité graphique et ses applications sous la forme de services distribués en réseau : le principal enjeu consistant à faciliter la mise en relation des données avec les utilisateurs. Avant d’aborder la description des techniques mises en œuvre, décrivons les motivations qui nous ont amenés à relever le challenge.

Motivations

Cette section devrait nous assurer une compréhension naturelle et progressive de la problématique. Pour cela, il convient de définir dans un premier temps la notion de réalité virtuelle, les applications potentielles, puis de replacer cette technologie dans le contexte graphique et télécommunicant étroitement lié au sujet de ce mémoire, plus proche des préoccupations d’un opérateur de télécommunications.

La réalité virtuelle à finalité graphique

Définition
La réalité virtuelle représente aujourd’hui une technologie à part entière. Par le biais de la création d’environnements artificiels et de calculs informatiques, celle-ci permet à un utilisateur de vivre une expérience en trois dimensions. La clé de son succès réside essentiellement dans la sensation d’immersion qu’elle procure sans qu’aucun objet réel ne soit présent.

Les volontés des acteurs du domaine
Les acteurs de la réalité virtuelle cherchent soit à reproduire un réalisme confondant en générant un univers crédible d’un point de vue sensoriel, soit à nous faire approcher le merveilleux technologique d’un univers de science-fiction. En effet, dans notre vie réelle, nous (et les objets) ne saurions échapper aux lois élémentaires de la physique, tandis qu’un univers sensoriel synthétisé de toutes pièces supprime la notion de distance, d’échelle, de masse, et autorise l’ubiquité.

Une finalité graphique
Les ordinateurs graphiques actuels permettent de contempler et d’animer des images de scènes tridimensionnelles, éventuellement en relief. De tels systèmes s’adressent à notre système visuel, et la motivation de ce mémoire concerne uniquement cette finalité graphique sur un écran constituant dans ce contexte la fenêtre sur le monde virtuel. Pourtant, gardons à l’esprit que l’objectif final de la réalité virtuelle concerne l’ensemble de nos sens. Idéalement on devrait pouvoir toucher les objets, sentir des odeurs, ressentir les variations de température, etc… afin de ne plus se contenter de regarder une scène mais d’en faire partie (on parle aussi d’immersion). Le succès rencontré par les ordinateurs graphiques et les images de synthèse accompagne l’art de l’illusion, qui connaît un développement exponentiel depuis que nous savons reproduire, créer et manipuler des images. Cette croissance explique pourquoi les efforts sont principalement concentrés sur la création des images (l’infographie) depuis plusieurs années : c’est en effet le moyen le plus efficace pour créer l’illusion.

Comment créer un monde virtuel ?
Créer un monde virtuel nécessite de modéliser des scènes, ses objets et ses comportements physiques dans un premier temps, puis d’en assurer l’affichage à une cadence interactive. La majorité des objets sont opaques, l’illusion peut donc être créée en se limitant seulement à la modélisation de la peau des objets, on parle alors de représentation surfacique (voir section 1.6.2). Des couleurs, des matériaux, et des textures sont ajoutés aux objets afin de gagner en réalisme, et un éclairage complexe peut être simulé. L’augmentation des détails rend délicat la phase de modélisation, le stockage de la base de données et surtout le rendu des images. En effet, suivre simplement les modifications de position d’un observateur peut nécessiter un nombre trop important de calculs entre chaque image : il s’agit du problème de l’exploitation d’un modèle virtuel. L’ordinateur se révèle souvent beaucoup trop lent pour animer une scène au rythme du rafraîchissement d’écran souhaité. De ce fait, il va falloir développer des algorithmes de restriction, de modification, de simplification, de compression et d’amélioration sur les modèles afin de rendre une scène réellement attractive. Cet éventail de procédés fait justement l’objet du travail présenté dans ce mémoire.

Les applications potentielles

La réalité virtuelle permet la simulation, et touche de ce fait de très nombreux domaines. La liste suivante consigne quelques applications potentielles :
– les visites virtuelles : la simulation autorise la navigation à l’intérieur de sites existants et modélisés à partir de relevés géométriques et de photos prises sur le terrain. Des sites anciens peuvent également être virtuellement reconstruits à partir d’archives, de photos ou de toute autre information permettant le retour dans le temps. La réalité virtuelle peut ainsi jouer un rôle éducatif important dans ce contexte,
– la conception assistée par ordinateur : les professionnels de l’industrie et les architectes souhaitent travailler sur des modèles de plus en plus réalistes afin de gagner en clarté auprès de leurs interlocuteurs. Dans ce domaine, la réalité virtuelle évite bien souvent la construction onéreuse de maquettes miniatures,
– la cartographie : les données acquises par imagerie radar ou optique permettent de modéliser fidèlement des terrains dont la taille est souvent considérable. Un moteur de réalité virtuelle autorise ensuite la navigation à l’intérieur de telles scènes. La représentation des données joue alors un rôle crucial pour ces applications,
– les jeux : il s’agit d’un domaine très innovant en matière d’imagerie tridimensionnelle, les créateurs cherchant en permanence à plonger le joueur doté de pouvoirs extraordinaires dans un univers fantastique et captivant,
– le spatial : l’espace est un domaine privilégié pour la simulation en situation d’apesanteur ou de micropesanteur, les lois de la mécanique pouvant être adaptées à sa guise en réalité virtuelle,
– l’enseignement : un centre de documentation virtuel est accessible à toute heure, où le contenu peut être consigné d’une part dans des livres rapidement accessibles par de puissants outils de navigation, et d’autre part sous la forme de modèles tridimensionnels animés et interactifs. Il est en effet bien plus naturel de prendre en main un objet dont on veut comprendre le fonctionnement plutôt que de se contenter d’en consulter le plan ou les photos,
– le commerce électronique : de par son caractère très séduisant, la réalité virtuelle commence à prendre place dans des applications encore expérimentales de commerce électronique. Idéalement il serait possible de déambuler à l’intérieur de boutiques virtuelles, d’examiner et de visualiser le principe de fonctionnement d’un produit avant de prendre une décision d’achat,
– la simulation : une image de synthèse est élaborée afin d’imiter son référent : la réalité, qu’elle a pour mission de représenter. Elle permet d’accroître la précision des constatations en diminuant sensiblement les coûts. La réalité virtuelle permet ainsi d’essayer le réel, ce qui correspond assez bien au métier des ingénieurs, c’est à dire concevoir, prévoir et anticiper,
– la réalité augmentée : les images numériques peuvent se superposer à la vision naturelle. A titre d’exemple, cette technologie est cruciale pour un pilote d’engins de plus en plus rapides qui n’a plus le temps de glaner des informations sur son tableau de bord. On laisse ainsi mesurer des paramètres à la machine, qui sont ensuite projetés en surimpression sur un cockpit ou une visière,
– la médecine : les images jouent un rôle prépondérant et croissant lors des phases médicales : diagnostic, thérapie per et post-opératoire. Imaginons un corps humain virtuel associé à une modélisation géométrique, physique et physiologique. Ceci autoriserait la simulation d’interventions chirurgicales et doterait la chirurgie mini-invasive de moyens supplémentaires, pour laquelle l’enjeu consiste à permettre à un chirurgien spécialiste du domaine d’opérer un patient d’un autre pays. Le scénario suivant n’est pas irréaliste : le chirurgien pilote (à plus grande échelle pour être plus précis) des robots depuis un périphérique haptique à distance, tandis qu’il reçoit en retour une image virtuelle des organes réellement modifiés, acquise par un système d’imagerie volumique. L’atlas de ces organes est visualisé en fausses couleurs afin de mieux discerner les parties sensibles. L’immense avantage d’un simulateur réside dans sa capacité à reproduire à volonté des situations rarement rencontrées, les seules qui posent problème.

Les services télécommunicants

Nous ne nous étendrons pas sur la révolution promise par la société de l’information, mais nous pouvons toutefois affirmer que grâce aux télécommunications, la réalité virtuelle peut être maintenant distribuée à l’autre bout de la terre et de l’espace quasi instantanément, et être ainsi partagée entre plusieurs usagers. Toutes les applications précédemment citées peuvent être ainsi redéfinies sous la forme de services en réseau, mais la réalité virtuelle immersive ne correspond pas vraiment aux applications envisagées dans l’immédiat par l’entreprise. L’enjeu réside plutôt dans le développements d’interfaces homme-machine évoluées et surtout de services à forte valeur ajoutée. De telles applications mettent en œuvre la transmission de contenus interactifs et ciblent des services bien précis. La liste suivante consigne les applications télécommunicantes clairement envisagées :
– le télécommerce : identifié comme le service prioritaire. L’enjeu consiste à réaliser une présentation interactive de produits associée à une assistance en ligne comprenant des modes d’emploi visuels et interactifs, et les principes de fonctionnement. Toutefois, l’augmentation du trafic  lié à ce genre de service ne représente pas un enjeu suffisant pour un opérateur. Il s’agit bien plus de proposer des technologies exclusives liées aux outils serveur : la transmission progressive, la compression ou encore la visualisation, afin de fournir un service à forte valeur ajoutée,
– les applications culturelles : plus immersives, tout en possédant un lien étroit avec le télécommerce et les activités marchandes. La visite d’un village antique grec concrétise notamment ce genre de service. Après avoir consulté les avis de groupes d’utilisateurs potentiels, il s’avère crucial de développer au cœur de ces applications l’interactivité, la notion de groupes guidés, d’intérêt commun (autour de l’histoire d’un site reconstruit à titre d’exemple) et surtout de sites virtuels dynamiques car habités et maintenus par une communauté regroupant à la fois les utilisateurs et les créateurs de contenus. A titre d’exemple, un site antique grec virtuel s’avère bien plus attractif lorsqu’il se construit progressivement, avec l’avis des utilisateurs regroupés en une communauté régie suivant les lois de l’époque. L’étude consultative met en évidence le fait que la simple visualisation de scènes statiques, même dessinées avec soin, possède un intérêt limité. Il s’agit donc de renouveler la curiosité de l’utilisateur. Nous approchons ici la notion de communautés virtuelles, jugée suffisamment attractive pour constituer une famille de services à part entière,
– les communautés virtuelles : les salons de discussion en ligne (les chats) représentent à eux seuls 50% du volume des communications. L’intérêt pour l’entreprise est toutefois moindre pour ce type d’application puisque le contenu est ici entièrement créé par les utilisateurs. Il s’avère donc difficile de générer une valeur ajoutée à un service évoluant en permanence au gré des volontés d’une communauté virtuelle. Le portail constitue néanmoins un service à valeur ajoutée sous la forme d’une interface entre l’opérateur et la communauté. Un service de mise en correspondance de communautés virtuelles a été notamment expérimenté sous la forme d’une visualisation tridimensionnelle des connectés. En pratique un tel service s’avère difficile à mettre en œuvre : la navigation est malaisée, et l’ergonomie y joue un rôle primordial. Enfin, les besoins ne sont pas encore clairement identifiés en terme de centres d’intérêts. A l’inverse, le jeu définit plus clairement les contours d’un centre d’intérêt commun à un groupe de joueurs connectés,
– le jeu : par essence interactif, habité, dynamique et regroupant une communauté de joueurs évoluant dans une base de données de grande taille. Les jeux évolutifs en ligne connaissent aujourd’hui un succès considérable, favorisant ainsi la création de nouveaux besoins et donc de services à valeur ajoutée : réseaux haut débit, portails dédiés, etc… On constate en pratique que le jeu réunit toutes les conditions pour favoriser l’innovation en matière de services en ligne. Si l’entreprise consacre une partie de ses développements autour des activités ludiques ou marchandes précédemment évoquées, la communication de groupe pour le travail collaboratif présente toutefois les perspectives de développement et les défis les plus intéressants,
– le travail collaboratif : lié à l’entreprise, à la mondialisation de l’économie et à la communication de groupe. Il s’agit d’un secteur en évolution rapide, où la demande s’avère très prononcée de la part des entreprises qui perçoivent la réalité virtuelle (associée à la vidéo) comme un outil de travail entre des personnes ou des décideurs distants. Un service de travail collaboratif en ligne réunirait la téléconférence, le bureau virtuel et les maquettes en une même entité où pourrait avoir lieu les discussions en situation autour de projets divers : problèmes localisés, règles de fabrication, décisions, etc… Une application très demandée correspond à la télé-maintenance ou la réunion de crise, où l’enjeu consiste à concentrer en un délai très court les compétences d’experts distants capables de prendre les décisions adaptées (un expert est en général rare et coûteux, et son temps doit être optimisé). Les solutions proposées aujourd’hui en vidéoconférence pour l’entreprise correspondent à des services à très forte valeur ajoutée : réseaux à débit élevé et garanti, terminaux et applications spécialisés, etc… La 3D viendrait ici naturellement augmenter la qualité de tels services puisqu’elle autorise une mise en situation réaliste, l’animation, l’interactivité et une adaptativité sensiblement accrue (absence de commutation vidéo envisageable, ubiquité, multiplicité, ajout de métaphores visuelles pour la prise de parole, plusieurs points de vue simultanés sur la scène, changement d’échelle des maquettes virtuelles, etc…). Le télé-bureau virtuel est encore à l’état de maquettes de services, et donne matière à réflexion en matière d’interface homme-machine. Une application privilégiée et connexe concerne également l’accès à l’information de manière évoluée par le biais d’humanoïdes virtuels,
– les humanoïdes virtuels accompagnent la diffusion de l’information par une information visuelle, et permettent de développer un aspect conversationnel. Les clones [vhu] sont sérieusement envisagés pour des services très ciblés comme la lecture de courriers électroniques, les nouvelles distribuées en ligne, les forums de discussion ou les bornes interactives. Toutefois la technologie ne s’avère pas assez mature pour humaniser l’ordinateur. La dernière étude met en évidence le fait que la difficulté se situe plus au niveau de l’intelligence artificielle et de l’animation réaliste qu’au niveau du graphisme. En pratique l’animation s’avère aussi riche, voire plus, en terme de quantité d’information que le modèle graphique, et souvent plus délicate à modéliser. L’aspect synthèse / reconnaissance vocale pose également des défis non résolus à l’heure actuelle. Les premiers essais auprès d’utilisateurs font apparaître clairement l’aspect frustrant du décalage des technologies : un clone parfaitement photo-réaliste génère une attente inconsidérée en terme d’intelligence artificielle. Les humanoïdes virtuels sont donc destinés à des applications de service neutres, et l’on peut encore prédire un avenir radieux aux caméras interactives…

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Motivations
1.1.1 La réalité virtuelle à finalité graphique
1.1.2 Les applications potentielles
1.1.3 Les services télécommunicants
1.1.4 Positionnement de la thèse vis à vis des applications
1.2 Définition du problème
1.3 Travaux précédents
1.4 Positionnement des travaux
1.4.1 Simplification et approximation
1.4.2 Codage
1.4.3 Echelonnabilité du codage
1.4.4 Visualisation
1.5 Organisation du document
1.6 Préliminaires
1.6.1 Les scènes en réalité virtuelle
1.6.2 La représentation par maillages
Du monde réel au graphisme sur ordinateur
Acquisition et modélisation
Les maillages surfaciques
1.6.3 Transmission et rendu sur écran
2 Simplification et approximation
2.1 Introduction
2.2 Travaux précédents
2.2.1 Décimation
2.2.2 Raffinement par subdivision
2.2.3 Echantillonnage
2.2.4 Positionnement des travaux
2.3 Approximation
2.3.1 Principe général
2.3.2 Métrique basée volume
2.3.3 Optimisation en position
Variation élémentaire de volume
Interpolation
Evolution de surface
Gradient à pas adaptatif
2.3.4 Résultats
2.4 Simplification par fusion d’arêtes
2.4.1 Principe général
2.4.2 Simplification géométrique
2.4.3 Double queue de priorité
2.4.4 Pré-positionnement
2.4.5 Résultats
2.5 Discussion et perspectives
2.5.1 Minimisation de volume
2.5.2 Suppression de la redondance
3 Codage
3.1 Introduction
3.2 La compression des données
3.2.1 Compression sans perte
Supprimer la redondance
Repérer les plages de valeurs
3.2.2 Compression avec pertes
Réduire la précision
Redistribuer l’énergie
3.3 La notion d’échelonnabilité
3.3.1 Du point de vue d’un opérateur
3.3.2 Différents types de scalabilité
3.3.3 Les données 3D
Le multiplexage
Le raffinement continu
3.4 Travaux précédents
3.4.1 Les formats de données
3.4.2 Les industriels
3.4.3 Les consortiums
3.4.4 Compression de scènes tridimensionnelles
3.5 Codage de maillages triangulaires
3.5.1 Principe général
3.5.2 Encodage
Connectivité
Géométrie
3.5.3 Décodage
Connectivité
Géométrie
3.5.4 Résultats
Connectivité
Géométrie
3.6 Codage des textures
3.6.1 Représentation
3.6.2 Compression
3.6.3 Résultats
3.6.4 Une piste vers la visualisation locale adaptative
3.7 Discussion et perspectives
4 Visualisation
4.1 Introduction
4.1.1 Un budget polygones par image
4.1.2 Les critères de réalisme
4.2 Travaux précédents
4.2.1 Détection des silhouettes
4.2.2 Raffinement adaptatif
4.2.3 L’analyse multirésolution
4.2.4 La subdivision de surfaces
4.2.5 La simplification adaptative
4.2.6 La piste choisie
4.3 Raffinement adaptatif de maillages triangulaires
4.3.1 Principe général
4.3.2 Détection des régions d’intérêt
4.3.3 Subdivision hybride
4.3.4 Filtrage de la géométrie
4.3.5 Ajout de contraintes
4.3.6 Continuité du raffinement
4.3.7 Optimisation et robustesse
Détection des régions d’intérêt
Structure de données
4.3.8 Résultats
Comparaison avec la subdivision de Loop
Raffinement global
Raffinement dépendant du point de vue
Reconstruction de surfaces courbes par morceaux
Reconstruction en cours de décodage
4.4 Discussion et perspectives
5 Conclusion

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