Les alcoxyamines insaturées sont des structures intéressantes. Outre une insaturation, elles possèdent deux hétéroatomes : un atome d’azote et un atome d’oxygène liés entre eux par une liaison covalente simple. De par leur structure, les alcoxyamines insaturées permettent d’accéder à différents types d’hétérocycles, saturés ou insaturés, mono- ou bishétéroatomiques, et à des composés acycliques par formation d’une liaison carbone–azote ou d’une liaison carbone–oxygène intramoléculaire.
Sous la dénomination « alcoxyamines insaturées », il faut distinguer deux catégories de composés : les éthers insaturés d’hydroxylamines de formule générale 1.B1 et les amines insaturées N-hydroxylées ou N-alcoxylées de formule générale 1.B2 .
Les composés utilisés par la suite dans cette thèse étant tous des alcoxyamines du type de 1.B1, nous limiterons notre étude bibliographique à l’étude de la réactivité de ces composés. Nous nous concentrerons sur les réactions faisant intervenir à la fois l’insaturation (double liaison, allène ou triple liaison) et le motif alcoxyamine et conservant les deux hétéroatomes d’azote et d’oxygène dans la molécule finale.
Cyclisations électrophiles d’éthers insaturés d’hydroxylamines
De par leur structure, les alcoxyamines insaturées se prêtent particulièrement bien aux cyclisations induites par des espèces électrophiles. En effet, à l’aide d’espèces électrophiles telles que des sources d’halogène électrophile ou des acides de Lewis, il est possible d’activer l’insaturation présente dans les alcoxyamines pour permettre l’attaque nucléophile de l’atome d’azote ou de l’atome d’oxygène sur celle-ci. Dans le cas des alcoxyamines insaturées 1.B1, c’est l’atome d’azote qui est impliqué dans la cyclisation conduisant à un hétérocycle par création d’une liaison carbone-azote. Ces réactions seront présentées selon la nature de l’insaturation présente dans le substrat.
Cyclisations électrophiles d’alcoxyamines O-alcénylées
Réactions d’halocyclisation
Le groupe de Studer a réalisé une étude générale de l’halocyclisation des éthers homoallyliques d’hydroxylamine . Lors de cette étude, les auteurs ont observé que le traitement de l’alcoxyamine non protégée 1.B3 en présence de différents agents d’halogénation électrophiles (t-BuOCl, NBS, NIS) ne permettait pas d’isoler les isoxazolidines attendues 1.B5 (X = Cl, Br, I) mais les 2-isoxazolines correspondantes 1.B4 résultant de l’oxydation in situ des isoxazolidines 1.B5 intermédiairement formées (Schéma 3). Cette étape d’oxydation, plus rapide que l’étape de cyclisation, met en jeu l’halogénation de l’amine libre 1.B5, donnant lieu à l’isoxazolidine N-halogénée 1.B6, suivie d’une élimination de HX.
Il est possible d’éviter cette réaction d’oxydation en travaillant avec des alcoxyamines O-homoallyliques N-protégées. Les auteurs sont parvenus à obtenir différentes isoxazolidines halométhylées 1.B8 avec des bons rendements et de bonnes diastéréosélectivités, en faveur des composés de configuration cis, en réalisant l’halocyclisation des N-sulfonyl et des N-acétyl alcoxyamines 1.B7 avec NaOCl, NBS, NIS ou I2 .
Le groupe de Moryiama et Togo a mis au point des conditions de bromocyclisation 5-exo d’éthers homoallyliques de N-sulfonylhydroxylamines, à l’aide de bromure de potassium et d’oxone, permettant de libérer in situ des ions bromonium, sans générer de déchets organiques. Dans ces conditions, les N-tosyl-O alcényloxyamines 1.B9 ont été transformées en isoxazolidines bromométhylées 1.B10 avec de très bons rendements et de bonnes diastéréosélectivités, indépendamment de la position des substituants placés sur l’insaturation .
Il est intéressant de signaler que la bromoamination d’alcoxyamines O-allyliques permet également d’accéder à des isoxazolidines selon un processus de cyclisation 5-endo. L’équipe de Czekelius a montré que le traitement des N-tosylalcoxyamines 1.B11 par le N-bromoacétamide (NBA) conduisait aux isoxazolidines 1.B12 contenant un atome de brome fixé sur l’hétérocycle (Schéma 6). Les isoxazolidines 1.B12 ont été isolées avec d’excellentes diastéréosélectivités liées au passage par l’état de transition 1.ET1 permettant de minimiser les interactions stériques. Il faut noter que la présence de substituants aromatiques attracteurs ou de certains groupements alkyles en position terminale de l’alcène peuvent conduire à l’inhibition totale de la réaction. La bromoamination peut permettre d’accéder à des composés bicycliques intéressants de type 1.B14.
Les groupes de Moriyama et Togo et de Czekelius ont mené des études mécanistiques pour tenter de comprendre le fonctionnement de la réaction de bromocyclisation des alcoxyamines O-alcénylées. Deux hypothèses ont été proposées pour expliquer la formation des hétérocycles obtenus (Schéma 7). Selon la première hypothèse, le bromonium généré dans le milieu réactionnel réagirait directement avec la double liaison pour former l’intermédiaire ponté 1.B16, puis une attaque nucléophile de l’azote permettrait d’obtenir l’isoxazolidine. Selon la deuxième hypothèse, l’atome d’azote attaquerait le bromonium pour donner l’espèce -bromée 1.B17, qui évoluerait spontanément vers l’intermédiaire 1.B18 puis vers la formation de l’isoxazolidine. Si les expériences de bromoamination compétitives réalisées par le groupe de Moriyama et Togo semblent confirmer la première hypothèse, les études RMN entreprises par Czekelius sont davantage en faveur de la deuxième hypothèse. Ces résultats suggèrent que les deux mécanismes proposés sont plausibles et pourraient être, soit dépendants du substrat, soit en compétition lors des réactions de bromocyclisation.
Les réactions d’haloamination des O-alcényloxyamines permettent d’obtenir une diversité de 2-isoxazolines halométhylées ou d’isoxazolidines halogénées selon la longueur de la chaîne insaturée. Signalons que, de manière similaire, des réactions de sélénocyclisation permettent de préparer des composés analogues dans lesquels l’halogène est remplacé par un atome de sélénium.
Réactions de sélénocyclisation
Le groupe de Studer a montré que l’utilisation du bromure de phénylsélénium permettait de réaliser la sélénocyclisation 5-exo d’alcoxyamines O-homoallyliques. Comme lors des réactions d’halocyclisation (cf. Schémas 2 et 3), l’alcoxyamine insaturée non protégée 1.B3 a conduit à la 2-isoxazoline sélénométhylée 1.B19 tandis que les alcoxyamines protégées 1.B7 (P = SO2Ph ou Ac) ont conduit aux isoxazolidines sélénométhylées attendues 1.B22 avec de bons rendements et de bonnes diastéréosélectivités en faveur des composés cis (Schéma 8).
La préparation d’isoxazolidines par sélénoamination 5-endo à partir d’éthers allyliques d’hydroxylamines a été développée par l’équipe de Tiecco (Schéma 9). La cyclisation des alcoxyamines 1.B23 a fourni les isoxazolidines séléniées 1.B24 avec de bons rendements et possédant une relation trans entre les groupes SePh et R résultant de l’ouverture anti de l’ion ponté séléniranium 1.B25. La même relation stéréochimique trans a été observée entre les groupements SePh et Ph au sein des isoxazolidines 1.B27 et 1.B29 issues respectivement des alcoxyamines 1.B26 et 1.B28 substituées par un groupement méthyle en position allylique. En revanche, dans le cas de ces deux substrats, le contrôle de la stéréochimie relative entre les groupements SePh et Me dépend de la nature du groupement protecteur de l’atome d’azote. Lorsque l’azote est N-alkylé (1.B26), aucun contrôle n’est observé (rd = 1:1) alors que l’alcoxyamine N-acétylée 1.B28 conduit majoritairement au stéréoisomère 1.B29 de configuration trans/trans avec une sélectivité de 8:1.
La réaction de sélénocyclisation d’alcoxyamines alcénylées vient en complément des réactions d’halocyclisation et donne accès à de nouvelles isoxazolines et isoxazolidines. Dans ces réactions, un inconvénient majeur est l’utilisation de quantités stœchiométriques de réactifs électrophiles (réactif d’halogénation ou de sélénation). Des cyclisations électrophiles d’alcoxyamines insaturées ont été développées dans des conditions catalytiques, en ayant recourt à des espèces acides ou métalliques.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Bibliographie : Etude de la réactivité des alcoxyamines insaturées
I. Introduction
II. Cyclisations électrophiles d’éthers insaturés d’hydroxylamines
II.1. Cyclisations électrophiles d’alcoxyamines O-alcénylées
II.1.1. Réactions d’halocyclisation
II.1.2. Réactions de sélénocyclisation
II.1.3. Cyclisation électrophile catalysée par un complexe de fer(III)
II.2. Cyclisations électrophiles d’alcoxyamines O-allénylées
II.2.1. Cyclisation catalysée par des complexes d’or(I)
II.2.2. Cyclisation à l’aide d’autres acides de Lewis ou de Brønsted
II.3. Cyclisations électrophiles d’alcoxyamines O-alcynylées
II.3.1. Réactions d’iodocyclisation et de sélénocyclisation
II.3.2. Cyclisations catalysées par des complexes d’or, d’argent ou de cuivre
III. Cyclisations par des métaux de transition
III.1. Carboamination catalysée par des complexes de palladium(0)
III.2. Carboxyamination catalysée par des complexes de palladium(II)
III.3. Mécanisme des réactions de carbo- et carboxyamination
III.4. Amination oxydante catalysée par des complexes de palladium(II)
III.5. Oxyamination catalysée par des complexes de cuivre(II)
IV. Autres réactions de cyclisation et réarrangements d’alcoxyamines
insaturées
IV.1. Cyclisation par addition conjuguée
IV.2. Cyclisation par ozonolyse
IV.3. Cyclisation par l’intermédiaire d’espèces radicalaires
IV.4. Réarrangements [2,3]-sigmatropiques
V. Conclusion
Chapitre 2 : Oxyamination d’alcoxyamines insaturées catalysée par des complexes de rhodium(III)
I. Rappels bibliographiques : Activation C–H catalysée par des complexes de
rhodium(III)
I.1. Activation de liaisons Csp2–H
I.1.1. Formation de liaisons C–C
I.1.2. Formation de liaisons C–Y
I.2. Activation de liaisons Csp3–H
I.2.1. Activation de liaisons C–H allyliques
I.2.2. Activation de liaisons C–H benzyliques
I.2.3. Activation de liaisons Csp3–H non activées
II. Objectif du projet
II.1. Tests préliminaires
II.2. Rappels bibliographiques sur les réactions d’oxyamination cyclisantes de
composés alcénylés
II.2.1. Oxyamination cyclisante à partir d’amines alcénylées
II.2.2. Oxyamination cyclisante à partir d’alcools alcénylés
II.2.3. Oxyamination intramoléculaire à partir d’alcoxyamines
III. Synthèse d’éthers insaturés d’alcoxyamines
III.1. Stratégie générale
III.2. Synthèse d’alcoxyamines insaturées contenant des substituants
aliphatiques
III.2.1. Synthèse d’O-bis-homoallyloxyamines insaturées N-tosylées possédant
une double liaison monosubstituée
III.2.2. Synthèse d’O-bis-homoallyloxyamines insaturées N-tosylées possédant
une double liaison di- ou trisubstituée
III.2.3. Synthèse d’O-5-hexényloxyamines insaturées N-tosylées
III.2.4. Synthèse d’O-bis-homoallyloxyamines N-protégées
III.3. Synthèse d’alcoxyamines insaturées contenant des substituants possédant
des hétéroatomes
III.3.1. Synthèse d’alcoxyamines bis-homoallyliques insaturées contenant un
acétonide
III.3.2. Synthèse d’alcoxyamines bis-homoallyliques insaturées contenant un
alcool ou un éther silylé
III.3.3. Synthèse d’alcoxyamines bis-homoallyliques insaturées contenant une
amine protégée
IV. Optimisation des conditions réactionnelles
V. Champ d’application et limites
V.1. Influence de la nature des substituants
V.2. Influence de la substitution de la double liaison
V.3. Formation de tétrahydropyranes
V.4. Influence du groupement protecteur de l’azote
V.5. Coupure du groupement tosyle
V.6. Valorisation de la méthode : accès à des dérivés bicycliques
VI. Etude du mécanisme
VI.1. Hypothèses
VI.2. Eléments pour appuyer les hypothèses mécanistiques
VI.3. Proposition de mécanisme
VII. Conclusion
Chapitre 3 : Agrandissements de pyrrolidines 2-iodométhylées
I. Introduction
II. Résultats préliminaires
II.1. Iodocyclisation d’O-bis-homoallyloxyamines
II.2. Fluoration d’oxazinanes iodométhylés
III. Rappel bibliographiques sur l’agrandissement de pyrrolidines
III.1. Agrandissement de pyrrolidines sous contrôle thermodynamique
III.1.1. Cas des pyrrolidines 2-halométhylées
III.1.2. Agrandissement de prolinols
III.2. Agrandissement de pyrrolidines sous contrôle cinétique
III.2.1. A partir de pyrrolidines 2-halogénées
III.2.2. A partir de prolinols
IV. Comparaison avec notre résultat préliminaire
V. Résultats et discussion
V.1. Passage par un aziridinium
V.2. Agrandissement de pyrrolidines en deux temps
V.3. Champ d’application
V.3.1. Variation du nucléophile
V.3.2. Cas des énolates et alcoolates de sodium
V.3.3. Cas particulier d’AgBF4
VI. Conclusion
Conclusion générale
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