Un des enjeux importants en nanophotonique est le contrôle des photons — émission, propagation et détection — dans de petits volumes de l’ordre de quelques λ³ afin de réaliser de nouveaux composants très compacts. Les applications de ce contrôle couvrent des domaines très variés allant des interconnexions optiques à la réalisation d’expériences d’électrodynamique quantique à l’état solide, en passant par la conception de nouvelles sources de lumière aux fonctionnalités originales, sources de photons uniques ou lasers sans seuil par exemple. Depuis les articles fondateurs de la fin des années 80 [Yab87, Joh87, Yab91], le domaine des cristaux photoniques est sorti du cadre du contrôle de l’émission spontanée pour se diversifier aux problématiques de la propagation et de la détection. C’est ainsi que les structures à base de cristaux photoniques, au sens large du terme, constituent aujourd’hui les briques élémentaires d’un véritable « mécano » pour la lumière.
Cependant, les règles du jeu ne sont pas encore totalement maîtrisées. Pour y parvenir, il est nécessaire de bien comprendre l’interaction de la lumière avec des matériaux structurés à une échelle légèrement plus petite que la longueur d’onde. Bien que pouvant être calculées numériquement puisqu’elles sont entièrement contenues dans les équations de Maxwell, ces interactions n’en sont pas moins difficiles à interpréter en termes de quantités physiques simples. Ce n’est pourtant qu’au prix d’une telle interprétation qu’il sera possible de contrôler le flot de la lumière à l’échelle de la longueur d’onde. Autrement dit de maîtriser la conception et la réalisation de nouveaux composants pour l’optique et l’optoélectronique.
Au cours de cette thèse, nous nous sommes intéressés à des structures à base de cristaux photoniques bidimensionnels gravés dans un empilement de couches minces, structures qui peuvent être utilisées aussi bien en optique guidée qu’en optique en espace libre. Nous avons réalisé trois études différentes autour de la problématique de la compréhension des interactions de la lumière avec ces structures : une étude théorique et numérique de la propagation de la lumière dans des guides à cristaux photoniques, une étude d’optiques diffractives blazées sur une large plage spectrale et une étude du confinement de la lumière dans des microcavités à cristaux photoniques. Ces études sont rapportées dans le manuscrit sous forme de trois parties largement indépendantes.
Les équations de Maxwell étant exactes pour des matériaux linéaires, leur résolution à l’aide de méthodes numériques rigoureuses a toujours joué un rôle très important dans tous les domaines de l’électromagnétisme. Le domaine de la nanophotonique, apparu grâce au développement des nanotechnologies et dont l’objectif est le contrôle de la lumière à l’échelle de la longueur d’onde, n’échappe pas à cette règle. Les besoins en calcul numérique y sont même accrus car le coût de fabrication d’un objet structuré à l’échelle de la centaine de nanomètres reste très élevé. Ainsi, pour concevoir un composant photonique, mieux vaut avoir recours au calcul numérique plutôt qu’à la fabrication de multiples échantillons. Pour autant, le calcul numérique ne constitue pas une solution de facilité. Il s’agit en effet de calculer la diffraction par des structures tridimensionnelles de géométrie complexe composées de matériaux présentant de forts contrastes d’indices — donc loin du régime perturbatif — et faisant coexister des éléments de grande et de petite tailles par rapport à la longueur d’onde. Une résolution numérique rigoureuse des équations de Maxwell — sans approximation — est donc nécessaire.
Un large choix de méthodes s’offre à celui qui cherche à résoudre numériquement les équations de Maxwell. Un critère de choix intéressant consiste à considérer le caractère « physique » de la méthode de calcul. Ainsi, des méthodes de type différences finies ou éléments finis qui reposent sur une discrétisation tridimensionnelle de l’espace se réduisent bien souvent à une boîte noire numérique.
Les méthodes modales, du fait de l’intégration analytique des équations de Maxwell dans une direction de l’espace, possèdent au contraire une signification physique forte. En effet, elles reposent sur le calcul des échanges d’énergie aux interfaces entre tous les modes — propagatifs et radiatifs — se propageant dans la structure. Dans de nombreuses situations, peu de modes (souvent les quelques premiers modes propagatifs ou faiblement évanescents) participent réellement au transport de l’énergie. En identifiant ces modes, le calcul numérique permet une compréhension fine de phénomènes physiques observés expérimentalement ou prédits numériquement. Cette compréhension constitue le premier pas indispensable vers une ingénierie de ces phénomènes (leur optimisation ou au contraire leur suppression) ou leur extension à des situations différentes.
La méthode numérique utilisée dans ce travail est une extension au calcul de structures non-périodiques de la méthode modale de Fourier, dite aussi Rigorous Coupled Wave Analysis (RCWA) [Gay85] ou méthode différentielle [Pop00], bien connue et très utilisée pour le calcul de la diffraction par des objets périodiques. La méthode numérique originale qui résulte de cette généralisation a été développée à l’Institut d’Optique au début des années 2000 [Lal00b, Sil01]. Elle permet de calculer de manière stable et efficace une grande variété de structures. Dans ce travail, nous avons appliqué cette méthode à des structures à base de cristaux photoniques bidimensionnels gravés dans des empilements de couches minces. Ces structures suscitent un fort intérêt en optique intégrée mais leur modélisation s’avère difficile, notamment à cause des pertes par diffraction hors du plan des couches. Nous verrons que l’utilisation de la méthode modale de Fourier généralisée permet de calculer ces pertes avec précision.
Il existe de nombreuses méthodes numériques permettant de résoudre les équations de Maxwell. Ces méthodes peuvent être classées suivant différents critères, comme le domaine dans lequel elles opèrent, temporel ou fréquentiel, ou encore le nombre de dimensions de l’espace qu’elles discrétisent. Par exemple, la méthode FDTD (Finite Difference Time Domain), une des méthodes numériques les plus répandues, opère dans le domaine temporel en discrétisant les trois directions de l’espace.
La méthode numérique utilisée dans ce travail est une méthode modale fréquentielle utilisant une discrétisation bidimensionnelle (2D) suivie d’une intégration analytique dans la troisième direction. Elle consiste en une généralisation de la méthode modale de Fourier au calcul de structures non-périodiques. Cette méthode numérique originale a été développée à l’Institut d’Optique au début des années 2000 [Lal00b, Sil01] et fait encore actuellement l’objet de développements [Hug05b, Lec05].
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Table des matières
Introduction
1 Présentation de la méthode numérique utilisée
1.1 La méthode modale de Fourier
1.1.1 Problème de la diffraction par un réseau
1.1.2 Calcul des modes : problème aux valeurs propres
1.1.3 Echanges d’énergie entre les modes aux interfaces
1.1.4 Bilan
1.2 Généralisation de la méthode modale de Fourier
1.2.1 Le problème des conditions d’ondes sortantes
1.2.2 Les Perfectly Matched Layers par l’exemple
1.3 Conclusion
2 Règles de troncature pour la modélisation des discontinuités
2.1 Introduction
2.2 Solution of Maxwell’s equations by the Galerkin method
2.2.1 Presentation of the Galerkin method
2.2.2 Intuitive argument for the truncation process
2.2.3 Eigenvalue problem for the translation invariant structure
2.3 Numerical example for Hermite-Gauss functions
2.4 Conclusion
3 Etude numérique du mode fondamental des guides à cristaux photoniques
3.1 Calcul des pertes de propagation
3.1.1 Problème physique à résoudre
3.1.2 Etat de l’art des méthodes numériques déjà utilisées
3.1.3 Approche originale développée
3.1.4 Validation des résultats numériques obtenus
3.2 Modèle Fabry-Perot de la résonance transverse
3.2.1 Géométrie considérée
3.2.2 Modèle Fabry-Perot et courbe de dispersion
3.2.3 Expression analytique de l’atténuation
3.2.4 Interprétation physique du spectre d’atténuation
3.2.5 Discussion des limites du modèle
3.3 Calcul de la durée de vie
3.3.1 Relation entre l’atténuation et la durée de vie
3.3.2 Durée de vie des modes des guides à cristaux photoniques
3.3.3 Bilan
3.4 Calcul de la réflectivité modale
3.4.1 Problème physique à résoudre
3.4.2 Utilisation de la méthode modale de Fourier généralisée
3.4.3 Etude de la convergence du calcul
3.5 Conclusion
Conclusion
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