Problématique des systèmes de télécommunications sans fil dans les transports publics urbains
Avec le développement de l’électronique, de l’informatique et des télécommunications, les besoins en transmission dans les transports publics se sont multipliés dans le but d’augmenter la sécurité des déplacements, d’optimiser l’usage des infrastructures existantes en augmentant la fréquence des trains, de réduire les coûts de fonctionnement et de maintenance et ainsi de réduire l’impact des transports sur l’environnement. Aux besoins de transmissions liés à l’exploitation et à la maintenance des trains et des voies, s’ajoutent également les besoins d’information et de services à destination des agents et des clients à tout moment. Il est aujourd’hui communément admis que ces services rendent les transports publics plus attractifs, favorisent les usages multimodaux et augmentent le sentiment de sécurité des clients des transports publics [Berbineau90], [Berbineau06], [Berbineau07]. Les systèmes de transports guidés urbains sont des systèmes très complexes composés de très nombreux sous-systèmes dédiés, alloués à des tâches spécifiques, qui coopèrent et interagissent afin de satisfaire à des exigences globales (contrôle-commande, exploitation, maintenance, supervision . . . ) visant à offrir un système de transport de qualité. Ainsi, les échanges d’information entre ces différents sous-systèmes ne cessent d’augmenter en particulier avec la généralisation des aides à la conduite, des systèmes semi-automatiques ou complètement automatiques sans conducteur. Trois principales classes d’application peuvent être identifiées [Berbineau10] :
– les communications sans fil entre les véhicules et l’infrastructure (radio sol-train pour le contrôle-commande des circulations, alerte d’urgence des usagers, diffusion d’informations, télé diagnostic, information pour la maintenance, vidéosurveillance de l’intérieur des métros retransmise vers un centre de contrôle, priorité aux feux de signalisation) ;
– les communications entre véhicules (radar anti-collision, accostage automatique de rame de métro, dépannage à la volée . . . ) ;
– les communications intra véhicules (réseaux de communication embarqués, assistance à la conduite, objets mobiles communicants embarqués pour les agents . . . ).
Chaque entité fonctionnelle du système de transport global ou chaque application demande des échanges d’information plus ou moins fréquents et plus ou moins consommateurs en termes de ressources spectrales. Pour ce faire, de nombreux systèmes de télécommunications sont déployés le long des voies ou routes et en embarqués afin de satisfaire tous les besoins de communication. Deux grandes familles d’applications existent :
– celles liées au contrôle-commande des circulations qui est une application de sécurité qui doit répondre à des exigences de sécurité, aussi appelées CBTC (Communication Based Train Control) ;
– celles dédiées aux applications ne faisant pas intervenir directement la sécurité : information voyageurs, maintenance, vidéosurveillance : CCTV (Closed-Circuit TeleVision) . . .
La notion de sécurité fait appel à la notion de probabilité d’erreur ou de défaillance de la fonction. À titre d’exemple une application SIL 4 (application à niveau d’intégrité de sécurité) requiert le plus haut niveau d’intégrité de sécurité, à savoir une probabilité de défaillance sur demande (PFD – Probability of Failure on Demand) comprise entre : 10−5 et 10−4. Toutes ces applications de télécommunications sans fil doivent en général répondre à des besoins et des exigences exprimés par un client en termes d’indicateurs de performance clef ou KPI (Key Performance Indicators) qu’il pourra mesurer. Les applications de télécommunications qui mettent en jeu la sécurité sont exigeantes en termes de robustesse et de disponibilité mais la quantité d’information échangée est plutôt faible. Dans le cas des métros ou des tramways, on considère qu’elle est en général inférieure à 100 kbits/s. La qualité de service est souvent mesurée en termes de taux d’erreurs par paquet transmis qui, pour des applications de contrôle-commande, ne doit pas dépasser 10−3 , valeur pour laquelle différents protocoles de retransmission sont mis en place afin de garantir le niveau de sécurité de la transmission au sens ferroviaire du terme (SIL 4 notamment). Les applications ne faisant pas intervenir la sécurité requièrent beaucoup plus de débit. Les besoins en termes de débit dépendent des exigences de l’opérateur de transport et peuvent aller jusqu’à plusieurs centaines de Mbits/s. Les taux d’erreurs paquet exigés sont de l’ordre de 10−3. Il est fréquent que ces applications partagent un même médium de communication.
Les systèmes de communication par radio
La radio est le moyen de communication qui se prête le mieux aux communications à moyenne ou longue distance entre le sol et les trains. De façon générale en milieu ferroviaire, les gammes d’ondes les plus employées jusqu’à récemment à travers le monde sont les ondes VHF (Very High Frequency) dans la bande 70-88 MHz ou dans la bande 155-220 MHz et les ondes UHF (Ultra High Frequency) dans la bande 420-470 MHz. Le spectre VHF-UHF est aujourd’hui très occupé, la tendance est donc à monter dans le spectre de fréquences pour élargir le nombre de canaux disponibles. La radio a connu un essor considérable notamment en France avec le développement des équipements de radio sol-train à 450 MHz (réseaux radio UIC – Union Internationale des Chemins de fer) pour les communications vocales de services, puis avec le développement d’une transmission de données pour des applications de télé-contrôle et de télé-maintenance des équipements de trains (à partir de 1988 sur la ligne Paris-Rennes et 1989 pour le TGV Atlantique). D’importants travaux ont été menés au niveau européen pour le nouveau système de contrôlecommande ERTMS (European Rail Traffic Management System) dont les niveaux de fonctionnalités de niveau 2 et 3 reposent sur l’utilisation d’un système de radio numérique EIRENE (European Integrated Railway Radio Enhanced Network ) dans la bande des 900 MHz dérivé du standard grand public de radiotéléphonie cellulaire, le GSM phase 2+ [ERT]. On constate aujourd’hui que le développement des communications sans fil et des réseaux locaux sans fil de type WLAN (Wireless Local Area Network) IEEE802.11a/b/g pour le grand public, conduit les opérateurs de transports guidés à s’appuyer sur les potentialités offertes par ces systèmes peu coûteux afin de répondre à l’accroissement de leurs besoins en télécommunications. Les modes d’exploitation et de conduite d’un métro sans conducteur reposent aujourd’hui sur des systèmes de transmissions sans fil à base de modems WIFI sur lesquels des couches protocolaires spécifiques ont été développées ainsi qu’une ingénierie radio adaptée. C’est le cas du métro de New-York, de la Ligne 1 de la RATP, du Métro de Malaga, du Métro de Marmaray, Pékin, Shanghai . . . Dans la partie suivante, nous présentons sans donner d’informations sensibles, le système de communication sans fil développé par ALSTOM-TIS dans le cadre de leur projet « Urbalis ».
RaPSor
Le laboratoire XLIM-SIC de l’Université de Poitiers a développé un outil basé sur des méthodes à rayons permettant de modéliser la propagation. Nous allons présenter en détail cet outil, sur lequel s’appuie ce travail de thèse. RaPSor (Ray Propagation Simulator) est un logiciel de simulation de la propagation de rayons dans des environnements modélisés en 3D, développé au laboratoire XLIM-SIC de l’Université de Poitiers. Il offre ainsi la possibilité d’être rattaché à différentes couches physiques liées à diverses applications (radio, optique, acoustique . . . ). Il a été développé en langage de programmation Java afin de permettre une portabilité, une extensibilité et une modularité de l’outil. L’application peut alors fonctionner sous différentes architectures et systèmes tels que Unix, Linux, Windows et MacOs. RaPSor est rattaché à la Rich Client Platform (RCP) Netbeans. Dans sa version radio, RaPSor est associé au formalisme de l’Optique Géométrique et de la Théorie Uniforme de la Diffraction pour le calcul du champ électromagnétique. À titre d’exemple, pour une liaison émetteur/récepteur donnée, le logiciel calcule et caractérise l’ensemble des trajets existants. Il est alors possible de calculer la réponse impulsionnelle du canal de propagation. Il est également possible de connaître son évolution avec le déplacement de l’émetteur et/ou du récepteur, permettant ainsi de faire de la caractérisation de canal radio-mobile. L’un des avantages du logiciel est son extensibilité qui permet par exemple d’ajouter des primitives géométriques, des algorithmes de simulation, des traitements des données de sortie ou encore d’autres types d’antennes. Une telle plateforme dispense le programmeur du développement d’outils et méthodes usuels utilisés pour écrire une application. Ainsi, les opérations telles que la gestion des fichiers et des fenêtres, la gestion des menus et des barres d’outils . . . sont gérées par la plateforme, entrainant une facilité d’utilisation et un gain de temps de programmation pour l’utilisateur. Chacun de ces outils et méthodes est intégré dans la plateforme sous forme de module, aussi appelé « plugin », permettant ainsi de ne sélectionner que celui nécessaire et également d’en ajouter. Différents modules ont déjà été développés permettant par exemple la prise en compte de la diffusion sur les surfaces rugueuses [Cocheril06], ou bien l’hybridation des méthodes rigoureuses telles que la FDTD [Reynaud06]. La figure 1.6 présente le synoptique de RaPSor incluant les entrées/sorties et les différentes fonctions du logiciel que nous allons détailler dans cette partie. En entrée du logiciel, il est important d’avoir une description détaillée de l’environnement, les faces que constituent cet environnement, les positions des émetteur(s) et récepteur(s), le type d’antennes utilisées, la fréquence de travail ou encore le nombre maximum d’interactions autorisées. Le formalisme de l’Optique Géométrique et de la Théorie Uniforme de la Diffraction sur lequel se fonde l’outil permet alors de déterminer l’ensemble des trajets possibles : le trajet direct et l’ensemble des trajets réfléchis, transmis et diffractés ainsi que leurs combinaisons. Le calcul du champ est également réalisé à l’aide de ce formalisme.
Modélisation géométrique de l’environnement tunnel
La technique de facettisation s’appuie sur l’utilisation de surfaces planes, déjà implémentée dans le noyau de RaPSor. La méthode que nous souhaitons développer nécessite une représentation analytique des surfaces courbes. En effet, la simulation de la propagation des ondes radioélectriques en environnement tunnel est très différente du cas outdoor ou indoor, pour lequel RaPSor a été développé. Une des grandes différences concerne la géométrie de l’environnement. Alors que dans les environnements « classiques » on ne trouve que des surfaces planes et des arêtes droites, la géométrie des tunnels peut être beaucoup plus variée avec des sections transversales circulaires ou des sections longitudinales courbes. Il est alors indispensable d’ajouter de nouveaux éléments géométriques dans RaPSor. L’instance « Primitive » est une interface générale qui permet d’ajouter n’importe quel type de géométrie. Quatre types de tunnels sont traités : le tunnel rectangulaire rectiligne, le tunnel circulaire rectiligne, le tunnel rectangulaire courbe et le tunnel circulaire courbe, comme illustré figure 3.26. Le module développé (appelé par la suite « plugin ») permet également l’ajout d’un sol et/ou d’un plafond en plus de ces géométries de base. Il est aussi possible de concaténer différentes sections longitudinales (de même section transversale). Ainsi, la « classe Tunnel » est définie par une forme générale (rectangulaire ou circulaire), une position et une direction de départ, des paramètres électriques (εr, σ) et enfin la liste des sections. Deux classes sont alors définies, le « tunnel rectangulaire » et le « tunnel circulaire ». Chacune d’elles possède deux types de section longitudinale, rectiligne ou circulaire. Une section est constituée d’une ou plusieurs primitives qui constituent sa géométrie. Les plafond et sol de toutes les sections ainsi que les murs du tunnel rectangulaire rectiligne sont constitués de Face, classe déjà définie dans RaPSor. Les murs du tunnel rectangulaire courbe sont constitués de parties de cylindres verticaux. Le tunnel circulaire rectiligne est constitué d’un cylindre horizontal. Enfin, le tunnel circulaire courbe est constitué d’un tore. Nous verrons dans la suite les détails des calculs d’intersection entre un rayon et ces différentes surfaces, qui représente un élément important.
|
Table des matières
Introduction
1 Les besoins en télécommunications sans fil pour le ferroviaire et les outils pour le déploiement
1.1 Introduction
1.2 Problématique des systèmes de télécommunications sans fil dans les transports publics urbains
1.3 Les systèmes existants dans le monde pour des applications métros et tramways
1.3.1 Introduction
1.3.2 Les systèmes de communication ponctuelle ou par balises
1.3.3 Les systèmes de communication continue par couplage magnétique
1.3.4 Les systèmes de communication par radio
1.3.5 Système « Urbalis » développé par ALSTOM-TIS
1.4 Les types de tunnels et d’environnements rencontrés
1.5 Les besoins des industriels pour le déploiement
1.6 Modélisation de la propagation libre en tunnel
1.6.1 Introduction
1.6.2 Les travaux existants sur la propagation libre en tunnel
1.6.3 Les outils disponibles pour modéliser la propagation libre en tunnel
1.6.3.1 Les outils statistiques empiriques
1.6.3.2 Les outils basés sur des méthodes à rayons
1.6.3.2.1 WinProp
1.6.3.2.2 RaPSor
1.7 Conclusion
2 Modélisation de la propagation des ondes radioélectriques en tunnel
2.1 Introduction
2.2 Formalisme électromagnétique
2.2.1 Propriétés électriques du milieu de propagation
2.2.2 Équations de Maxwell
2.2.3 Équation de propagation d’ondes
2.3 Les méthodes rigoureuses
2.3.1 Solutions analytiques
2.3.1.1 Méthode de séparation des variables
2.3.1.2 Fonctions de Green
2.3.2 Solutions numériques
2.3.2.1 Méthodes temporelles
2.3.2.1.1 Méthode des différences finies
2.3.2.1.2 TLM
2.3.2.2 Méthodes fréquentielles
2.3.2.2.1 Méthode des Moments
2.3.2.2.2 Méthode des éléments finis
2.3.3 Outils de modélisation numérique
2.3.3.1 CST – Microwave Studio R
2.3.3.2 Feko R
2.3.3.3 HFSS
2.3.4 Bilan
2.4 La théorie modale
2.4.1 Solution en tunnel rectangulaire
2.4.1.1 Formalisme
2.4.1.2 Problème d’excitation de la source
2.4.1.2.1 Cas d’une antenne d’émission quelconque
2.4.1.2.2 Cas d’un dipôle
2.4.2 Solution en tunnel circulaire
2.5 Les méthodes asymptotiques
2.5.1 Formalisme de l’Optique Géométrique et de ses extensions
2.5.1.1 Solution asymptotique de l’OG
2.5.1.2 Modélisation de la propagation
2.5.1.3 Expressions des champs réfléchi, transmis et diffracté
2.5.2 Les techniques de recherche des trajets
2.5.2.1 Le tracé de rayons
2.5.2.2 Le lancer de rayons
2.6 Les méthodes à rayons existantes développées pour les tunnels quelconques
2.6.1 Méthode de Wang
2.6.2 Méthode de Didascalou
2.6.2.1 Détermination du nombre de rayons « multiples »
2.6.2.2 Calcul du facteur de pondération
2.6.2.3 Prérequis de la méthode
2.7 Conclusion
3 Conception d’un modèle de propagation en tunnel quelconque
3.1 Introduction
3.2 Technique de facettisation
3.2.1 Présentation
3.2.2 Tracé de rayons
3.2.2.1 Mise en œuvre
3.2.2.2 Influence des paramètres de simulation
3.2.2.2.1 Influence du nombre de réflexions
3.2.2.2.2 Influence des paramètres électriques des surfaces
3.2.2.3 Résultats
3.2.3 Lancer de rayons
3.2.3.1 Mise en œuvre
3.2.3.1.1 Émission
3.2.3.1.2 Réception : méthode d’IMR
3.2.3.2 Influence du nombre de rayons lancés
3.2.3.3 Résultats
3.2.3.4 Amélioration de la méthode de facettisation : interpolation des normales
3.2.4 Bilan
3.3 Solution analytique proposée
3.3.1 Modélisation géométrique de l’environnement tunnel
3.3.2 Recherche des trajets
3.3.2.1 Traitement des intersections rayon/surface courbe
3.3.2.1.1 Intersection rayon/cylindre
3.3.2.1.2 Intersection rayon/tore
3.3.2.2 Optimisation des trajet
3.3.2.2.1 Principes généraux des techniques d’optimisation
3.3.2.2.2 Adaptation à la minimisation de la distance d’un trajet
3.3.2.2.3 Réception
3.3.3 Calcul du champ électrique
3.4 Conclusion
4 Analyse comparative des résultats
4.1 Introduction
4.2 Scénario 1 : tunnel rectangulaire rectiligne
4.2.1 Configuration de simulations
4.2.2 Comparaison avec la théorie modale
4.2.3 Résultats de simulations par lancer de rayons
4.2.3.1 Simulations avec la méthode non optimisée
4.2.3.2 Simulations avec la méthode optimisée
4.2.4 Évaluation de la méthode d’optimisation
4.2.4.1 Analyse globale : étude statistique des résultats
4.2.4.2 Analyse complémentaire : directions de départ
4.3 Scénario 2 : tunnel circulaire rectiligne
4.3.1 Comparaison des techniques avec l’outil WinProp
4.3.2 Comparaison avec une méthode de lancer de faisceaux (Wang)
4.3.3 Comparaison avec des mesures
4.3.3.1 Conditions de mesures
4.3.3.2 Résultats de mesures
4.3.3.3 Comparaison et analyse des résultats
4.3.3.3.1 Procédure d’analyse des résultats
4.3.3.3.2 Analyse globale
4.3.3.3.3 Analyse par zones
4.3.4 Conclusion
4.4 Scénario 3 : tunnels courbes
4.4.1 Procédure de mesures
4.4.2 Scénario 3.1 : tunnel rectangulaire courbe
4.4.2.1 Configuration de mesures
4.4.2.2 Résultats
4.4.2.3 Analyse des résultats
4.4.2.4 Influence du rayon de courbure
4.4.3 Scénario 3.2 : tunnel circulaire courbe
4.4.3.1 Configuration de mesures
4.4.3.2 Résultats
4.4.3.3 Analyse des résultats
4.4.3.4 Influence du rayon de courbure
4.4.4 Conclusion
4.5 Conclusion
Conclusion Générale et perspectives
Liste de publications
Bibliographie
Télécharger le rapport complet