La nature est gouvernée par un ensemble de quatre forces fondamentales : la gravitation, l’électromagnétisme, l’interaction faible et l’interaction forte. Ces trois dernières forces se manifestent à petite échelle comme des interactions entre particules élémentaires, dont la description est donnée par le modèle standard. En 2012, les collaborations ATLAS et CMS observent indépendamment une nouvelle particule de masse d’environ 125 GeV produite lors des collisions de protons. Les collisions sont fournies par le collisionneur LHC à une énergie dans le centre de masse de √s = 8 TeV jamais égalée auparavant. Cette observation marque une consécration pour la physique des particules, aussi bien sur le plan théorique que sur le plan expérimental. D’un point de vue théorique, parce que la découverte est interprétée comme la production d’une particule élémentaire du modèle standard appelée le boson de Higgs, dont l’existence a été postulée dans les années 1960 par les théoriciens Brout, Englert et Higgs pour expliquer l’origine de la masse des bosons de jauge. D’un point de vue expérimental, parce que cette observation témoigne du niveau d’excellence atteint par les expériences du LHC, étant donnée l’extrême rareté des collisions de protons produisant des bosons de Higgs et la grande difficulté à les détecter.
Actuellement, les activités autour du boson de Higgs se concentrent sur l’étude de ses propriétés afin de déterminer leur degré de compatibilité avec celles prédites par le modèle standard. L’étude réalisée dans cette thèse s’inscrit dans cette perspective, en se focalisant sur l’étude du couplage du boson de Higgs avec le quark top. Le quark top, fermion le plus lourd du modèle standard, interagit plus fortement avec le boson de Higgs que tout autre fermion. Cette caractéristique intrigue les phycisiens et semble indiquer que le quark top joue un rôle prédominant à très hautes échelles d’énergie, supérieures au TeV. L’observation de l’interaction du quark top avec le boson de Higgs pourrait faire intervenir des phénomènes qui ne sont pas prédits par le modèle standard, potentiellement observables au LHC. Pour étudier cette interaction, les collisions de protons produisant une paire de quarks top/antitop en association avec un boson de Higgs (dits événements ttH), qui font intervenir un couplage entre boson de Higgs et quark top, sont analysées par les expériences ATLAS et CMS.
Le modèle standard et le processus ttH au LHC
Le modèle standard
Le modèle standard de la physique des particules est une théorie quantique des champs qui décrit les interactions électromagnétiques, faibles et fortes entre les particules élémentaires.
Le modèle contient également les bosons de jauge, de spin 1, qui véhiculent les interactions fondamentales :
• le photon γ pour la force électromagnétique ;
• les bosons Z, W+ et W− pour la force faible ;
• les huit gluons g pour la force forte.
Enfin, le modèle standard contient le boson de Higgs, de spin 0, dont le champ est responsable de la génération des masses des particules. Les interactions du modèle standard découlent d’une symétrie de groupe de la forme SU(3) × SU(2) × U(1), où SU(3) est le groupe de symétrie lié à l’interaction forte et SU(2)×U(1) le groupe de symétrie lié à l’interaction électrofaible. La symétrie SU(2)×U(1) est brisée par le champ de Higgs, générant ainsi la masse des particules élémentaires. Le formalisme de la théorie repose sur un lagrangien qui encode les interactions des champs de particules. Celui-ci peut s’exprimer en une somme de deux lagrangiens : le premier décrit l’interaction forte et le second l’interaction électrofaible .
L’interaction forte
La chromodynamique quantique (QCD) est la théorie quantique des champs de l’interaction forte. Elle se manifeste entre particules colorées, à savoir les quarks et les gluons. Elle est basée sur le groupe de symétrie locale SU(3) de couleur, qui est une composante du groupe de symétrie du modèle standard SU(3) × SU(2) × U(1).
Symétrie et brisure électrofaible
L’interaction électrofaible du modèle standard décrit l’interaction électromagnétique, médiée par les photons, et l’interaction faible, médiée par les bosons Z et W (W+ et W−). Contrairement aux gluons et aux photons, les bosons Z et W sont massifs. Expérimentalement, leur masse est de mZ = 91.1876 ± 0.0021 GeV et mW = 80.387 ± 0.016 GeV respectivement [1]. Comme toutes les particules élémentaires massives, les bosons Z et W acquièrent une masse en interagissant avec le champ de Higgs, dont la valeur moyenne dans le vide v est non nulle (v = 246 GeV). Le photon et les gluons restent sans masse car ils n’interagissent pas directement avec le champ de Higgs, sachant que celui-ci n’est ni chargé électriquement ni coloré. Lorsque le champ de Higgs acquiert une valeur moyenne dans le vide, il brise la symétrie SU(2) × U(1) sur laquelle repose l’interaction électrofaible. Avant cette brisure de symétrie, le lagrangien électrofaible peut s’écrire comme une somme de quatre termes :
LEW = Lg + Lf + LH + Ly.
Les limites du modèle standard
Pendant les 30 dernières années les expériences de physique des particules ont testé le modèle standard aussi bien en collisions leptoniques qu’en collisions hadroniques. Le succès du modèle standard provient de sa capacité à prédire les observations réalisées jusqu’à présent. Il reste cependant de nombreuses questions ouvertes qui laissent à penser que le modèle standard n’est pas complet:
• le grand nombre de paramètres (18) de la théorie qui doivent être déterminés par des mesures ;
• la génération de la masse des neutrinos, dont les masses sont très faibles comparées à celles des autres fermions ;
• la théorie n’est pas en mesure d’expliquer certaines symétries comme celle qui entraîne la conservation du nombre baryonique ;
• le modèle standard ne propose aucune explication plausible concernant les observations cosmologiques, à savoir l’origine de la matière noire, de l’énergie sombre ou la prédominance de la matière sur l’antimatière ;
• la théorie n’explique pas l’existence d’exactement 3 générations pour les quarks et les leptons ;
• le modèle standard n’explique pas la gravitation.
Production de paire de quark top
Depuis sa découverte en 1995 par les deux expériences CDF et D0 au Tevatron, le quark top fait l’objet d’intenses études [3]. Il appartient avec le quark b à la troisième génération de quarks, et c’est la particule la plus lourde du modèle standard. Sa masse est de 173.34 ± 0.76 GeV [4]. Le quark top est donc le fermion qui interagit le plus fortement avec le boson de Higgs. Son couplage de Yukawa est proche de 1, bien au dessus de ceux des autres fermions. Pour cette raison, le quark top joue un rôle particulier dans de nombreuses théories qui proposent de résoudre les limitations du modèle standard. Les mesures précises des productions de quarks top à haute énergie sont utilisées pour tester le modèle standard. Le quark top possède un temps de vie plus court que le temps typique d’hadronisation, sa largeur Γ = 1.41 ± 0.17 GeV [5] étant supérieur à l’échelle de l’interaction forte ΛQCD ∼ 0.2 GeV. Il se désintègre donc avant de former un hadron, contrairement aux autres quarks produits dans les collisions de haute énergie.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Le modèle standard et le processus ttH au LHC
1.1 Le modèle standard
1.1.1 L’interaction forte
1.1.2 Symétrie et brisure électrofaible
1.1.3 Les limites du modèle standard
1.2 Production de paire de quark top
1.3 Le boson de Higgs
1.3.1 Production au LHC
1.3.2 Modes de désintégration
1.4 De la théorie à la génération d’événements
2 Le context expérimental : le LHC et le détecteur ATLAS
2.1 Le collisionneur LHC et ses performances au Run 2
2.2 Le détecteur ATLAS
2.2.1 Le Détecteur Interne
2.2.2 Calorimètre
2.2.3 Spectromètre à muon
2.2.4 Système de déclenchement et d’acquisition
3 La reconstruction des objets et la simulation
3.1 Trace
3.2 Vertex primaire
3.3 Candidat électron
3.4 Candidat muon
3.5 Jet
3.6 Grand jet
3.7 Simulation du détecteur
4 Etiquetage des jets de quark beauté
4.1 Introduction
4.2 Les algorithmes d’étiquetage des jets de b
4.2.1 L’algorithme IPxD et les paramètres d’impact des traces
4.2.2 L’algorithme JetFitter
4.2.3 L’algorithme SV1
4.2.4 Le classifieur MV2
4.2.5 Candidat b
4.3 Etude de la sélection des traces de JF à haute impulsion
4.4 Investigation de nouvelles variables de JetFitter
4.4.1 Variables angulaires de JetFitter
4.4.2 Masse SV de JetFitter
4.4.3 Amélioration apportée par les nouvelles variables
4.5 Etude de l’entraînement de l’arbre de décision MV2
4.5.1 Redéfinition de l’échantillon d’entraînement du BDT MV2
4.5.2 Optimisation du nouvel entraînement du BDT MV2
4.5.3 Conclusion
5 Recherche du processus ttH de haute impulsion dans le canal bb
CONCLUSION