Étude de la prise en charge de la lèpre infantile

La lèpre ou maladie de Hansen (1873) est une maladie infectieuse chronique, due au bacille de Hansen (Mycobactérium leprae) à tropisme cutanéo-muqueux et nerveux.

Aujourd’hui encore, malgré l’utilisation de la polychimiothérapie (PCT), on dénombre dans le monde 700 000 nouveaux cas de lèpre par an soit un nouveau cas par minute. Or, un malade sur dix est un enfant de moins de 15 ans. Ce qui porte à 70 000 le nombre d’enfants atteints chaque année (1). Cette maladie à incubation silencieuse pose chez l’enfant un problème de diagnostic et de prise en charge précoce. Malgré les efforts entrepris par le Ministère de la Santé et les différents organismes (OMS, AFRF…) Madagascar n’échappe pas à cette endémie et la prise en charge de cette pathologie chez l’enfant reste un problème de santé publique à part entière .

APPROCHE HISTORIQUE

Très tôt, la lèpre a été une des grandes maladies qui ont marqué l’histoire de l’humanité : « Nul fléau morbide n’a inspiré une pareille terreur et n’a laissé dans la vie politique et économique des peuples des traces aussi profondes » écrit Jeanselme dans son Monumental Traité (2). Les premières descriptions dateraient de 600 ans avant Jésus-Christ. La lèpre s’accompagne surtout d’un terrible retentissement psychologique et social, qui lui a conféré une importance historique et culturelle. Les invalidités engendrées par la lèpre ainsi que leur caractère « déshumanisant » ont souvent placé les lépreux dans une position d’exclus sociaux.

EN AFRIQUE

Sur l’origine et le développement du grand foyer de lèpre au sud du Sahara, on dispose seulement de quelques opinions qui sont plutôt des suppositions : la maladie selon Zambaco (3), aurait pu gagner ces régions à partir de l’Egypte ou selon Chaussinand (4), elle aurait suivi le cheminement inverse. Au XIXè siècle, lors de la pénétration européenne en Afrique noire, la lèpre est fréquemment signalée au Sénégal, au Soudan, ou en Guinée (3). Vers 1925, les dénombrements de cas sont modestes par rapport à ce qu’on connaîtra 40 ans plus tard :

Sénégal 1,34 cas pour 1000 habitants (1925)
Soudan 4,12 cas pour 1000 habitants (1925)
Haute Volta (actuel Burkina Faso) 2,5 cas pour 1000 habitants (1930) .

À MADAGASCAR

Comme dans le reste du monde, à Madagascar, la lèpre semble avoir toujours existé, et l’attitude de la société vis à vis des lépreux fut comme partout ailleurs, une attitude de crainte telle que les lépreux étaient relégués et isolés dans des villages dont ils n’avaient pas en principe le droit d’en sortir (5). En effet, la lèpre ou « habokana » est depuis longtemps bien connue des malgaches comme étant la manifestation sous forme de taches rougeâtres (hofa-Mena), tubercules, ulcérations, parfois chute des membres en griffes. On croyait qu’une alimentation exclusive de poissons prédisposait à la maladie qui aurait été introduite par les africains (6). On incrimine plutôt l’hérédité et la sorcellerie que la contagion. On dit que la maladie est congénitale (hatrany-am-bohoka). Sa prévention est magico religieuse, philosophique, avec nécessité de respecter les interdits (fady) .

Les premières mesures visant à organiser une politique antilépreuse à Madagascar datent de longtemps et reviennent aux diverses missions religieuses d’origine européenne. C’est ainsi qu’en 1862, le Docteur Davidson, un missionnaire anglais, créa le premier hôpital de l’île et s’occupa des lépreux. Quelques années après, c’est-à-dire entre 1900 et 1945 (fin de la IIè guerre) commença la phase administrative caractérisée par la prise en charge par l’administration de toutes les formations sanitaires destinées aux lépreux. Le Général Gallieni fut lui-même à l’origine de cette initiative et fit acheter Manakavaly par le gouvernement puis créa de nombreuses autres léproseries à travers l’île. Cependant, en 1932 un fait très important survint avec la création du service central de la lèpre que dirigèrent successivement les Docteurs Grimes, Touzin, Bonniol, puis Mathurin à partir de 1960. Le nombre de lépreux recensés ne cessa dès lors de croître.

➤ En 1932 Thiroux fixait ce chiffre à 6 000.
➤ En 1942, on atteignait 12 000 recensés.

La lutte devenant de plus en plus méthodique, le nombre de lépreux dépistés augmenta d’année en année et en 1966, on dénombrait à Madagascar 30 000 lépreux sur environ 6 millions d’habitants, soit une proportion de 5%. Ce pourcentage était sans doute en dessous de la réalité, mais déjà, l’on pouvait classer Madagascar parmi les pays à forte endémicité .

DIMENSIONS SOCIO-CULTURELLES DE LA MALADIE

EN AFRIQUE

Plusieurs travaux (12,13) soutiennent qu’il existe en Afrique noire deux représentations de la maladie puisqu’elle est perçue tantôt comme « d’origine naturelle » tantôt comme « d’origine magico religieuse » en relation avec la sorcellerie. Le plus souvent lorsque surviennent ces maladies, on incrimine le « mauvais sort » ou l’action de certaines puissances maléfiques intentionnellement manipulées par un tiers (ancêtre, ennemi, etc.). La lèpre fait partie de ces maladies considérées comme mystiques et surnaturelles, au même titre que des maladies dont les origines, les modes de transmission et les procédés thérapeutiques sont méconnus ou peu connus. Ces perceptions ont une incidence sociale et psychologique à la fois sur les lépreux mais également sur les non lépreux. Ainsi une enquête sociologique a été menée entre 1994 et 1995 auprès de sujets non lépreux à Yaoundé au Cameroun (14) : elle a montré que les trois quarts des personnes interrogées estimaient que l’on ne s’occupait pas suffisamment des lépreux. De plus, 65% ont déclaré avoir un sentiment de « compassion » à l’égard des lépreux. Cependant, lorsqu’on a interrogé les personnes pour savoir si elles « pouvaient partager le lit d’un lépreux », 67% ont répondu par la négative. D’autre part, 60,6% d’entre elles pensent que les lépreux devraient être enfermés dans les léproseries. Ainsi, ces divers sondages tendent à montrer que malgré un sentiment altruiste et humanitaire à l’égard des lépreux, la majorité des personnes interrogées préfèrent en règle générale maintenir une distance sociale avec eux. Par ailleurs, on peut penser que cette distance « souhaitée » résulte de l’influence d’autres facteurs. Ainsi, si pour certains la lèpre est d’origine héréditaire (18%), pour d’autres (7,6%) elle est liée au « mauvais sort » et aux croyances magico religieuses qui l’accompagnent. Cette étude sur le comportement de la population vis-à-vis des lépreux montre bien qu’il existe un dualisme selon que la personne interrogée est en contact direct ou non avec des lépreux. De même, si la plupart déclarent avoir un sentiment humanitaire envers les malades de la lèpre, il n’en reste pas moins que la majorité des personnes interrogées conservent une attitude de défiance voire même de rejet vis-à-vis des lépreux, dès lors qu’ils seraient en contact direct avec eux. Ainsi, en dépit d’attitudes « politiquement correctes » qui sembleraient montrer une acceptation des lépreux dans les mentalités, il existe de fait, un faible niveau d’intégration des lépreux par les non lépreux dans la société.

À MADAGASCAR

La lèpre ou (habokana) est bien connue des malgaches depuis longtemps. Elle demeure encore une maladie fortement marquée par un retentissement social et psychologique. Le comportement et l’action de la société rejettent le malade en le plaçant au rang de « paria.» Cette exclusion est d’ailleurs confirmée par de nombreux proverbes malgaches comme par exemple : « nourrir un enfant lépreux, c’est élever quelqu’un qui ne pourra pas être votre compagnon. » (Mitaiza boka manabe ny tsy azo ho namana) ou encore cet autre proverbe qui montre à quel point cette exclusion peut être radicale et définitive en affirmant que : « les lépreux sont deux fois malheureux : vivants ils ne partagent pas la maison de la famille, morts, ils ne partagent pas le tombeau. » (Ny boka indroa no mahantra : velomatsy iray trano, maty tsy iray fasana.) Ces proverbes, selon Eraste Mukenga (6) parce qu’ils font partie intégrante de la culture malgache et sont donc fortement ancrés dans les mentalités participent au maintien d’une vision négative et d’une attitude de rejet à l’égard des lépreux.

Dans une autre étude originale (15), l’anthropologue Rakotomalala Malanjaona note l’importance de jeux pratiqués par les enfants et qui font allusion à la lèpre et aux lépreux. Le jeu du « raboka » constitue une symbolisation de la situation défavorable susceptible d’atteindre le lépreux. La transmission de la maladie s’effectue par simple toucher d’autres joueurs. Le « toucheur » est considéré comme un lépreux atteint et l’on comprend aisément que les malades ne se disputent pas pour jouer ce rôle de poursuivant que l’on appelle boka « le lépreux.» Les jeux font ainsi ressortir les deux principaux éléments constitutifs de la conception de la lèpre en Imérina : c’est une maladie contagieuse qui est considérée comme honteuse. Ainsi cette recherche sur les jeux des enfants « qui jouent au lépreux » se situe en interface avec les aspects d’exclusion et de déshumanisation que comporte la lèpre, maladie sociale autant que pathologique.

Chez les sakalava du Nord-Ouest, la lèpre est évoquée par un monstre dévorant, un ogre appelé « kakà » qui surveille un territoire où se réfugient ceux qui pourraient être menacés. L’ogre traîne de force celui qui sort du cercle. La victime rentre dans un rituel d’imperfection, comme le lépreux qui va subir les souffrances de la maladie et l’exclusion du corps social auquel il appartient.

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Table des matières

INTRODUCTION
I – GÉNÉRALITÉS ET RAPPELS
I.1 – Approche historique
I.1.1 – En Afrique
I.1.2 – À Madagascar
I.1.3 – Quelques dates
I.2 – Dimensions socio-culturelles de la maladie
I.2.1 – En Afrique
I.2.2.- A Madagascar
I.3 – La lèpre dans le monde aujourd’hui : les chiffres parlent
I.3.1 – Données d’ensemble
I.3.2 – Situation de la lèpre à Madagascar
I.3.2.1 – Programme National d’Elimination de la Lèpre (PNEL)
I.3.2.2. – Principales stratégies 2003-2005
I.4 – Rappels sur la lèpre
I.4.1 – Définitions
I.4.2 – Épidémiologie générale
I.4.3.- Cas particulier : la lèpre des enfants
I.4.4 – Aspects cliniques : un polymorphisme déroutant
I.4.4.1 – Classification
I.4.4.2 – Diagnostic et examen clinique
I.4.4.3 – Réactions lépreuses
I.4.4.4 – Névrite lépreuse
I.4.4.5 – Diagnostic différentiel
I.4.5 – Traitement : efficacité, effets secondaires, espoirs
I.4.5.1 – Traitement antibactérien
I.4.5.2 – Traitement des états réactionnels et des névrites
I.4.5.3 – Traitement chirurgical des complications neurologiques
I.4.6 – Prévention des Invalidités et Réadaptation Physique (PIRP)
II – LÈPRE INFANTILE : EXPÉRIENCES DU CENTRE HANSENIEN D’AMBATOABO ENTRE 2000 ET 2002
II.1 – Intérêt de l’étude
II.2 – Cadre, Méthodologie et Matériels d’étude
II.2.1 – Cadre d’étude : Centre Hansénien d’Ambatoabo- Farafangana
II.2.1.1 – Situation géographique
II.2.1.2 – Historique
II.2.1.3 – Activités et organisations
II.2.1.4 – Prise en charge des enfants lépreux du centre
II.2.1.5 – Observations médicales de quelques formes cliniques
II.2.1.6 – Ressources humaines
II.2.1.7 – Infrastructures
II.2.2 – Méthodologie et matériels d’étude
II.2.2.1 – Collecte des données et matériels d’étude
II.2.2.2 – Recrutement des patients
II.2.2.3 – Sélection des patients
II.2.2.3.1 – Critères d’inclusion
II.2.2.3.2 – Critères d’exclusion
II.2.2.4 – Paramètres d’étude
II.2.2.5 – Questionnaire aux médecins
II.3 – Résultats
II.3.1 – Résultats du recrutement
II.3.2 – Caractéristiques épidémiocliniques de la population d’étude
II.3.3 – Résultats de l’évaluation des différents paramètres d’étude
II.3.3.1 – Classification des malades selon la forme clinique et les tranches d’âge
II.3.3.2 – Classification des malades selon les tranches d’âge et le sexe
II.3.3.3 – Classification des malades selon la source de contamination et la forme clinique
II.3.3.4 – Classification des malades selon la forme clinique et le district d’origine
II.3.3.5 – Classification des malades selon la forme clinique et le délai qui sépare le début de la maladie du dépistage
II.3.3.6 – Classification des malades selon le nombre de personnes par famille
II.3.3.7 – Classification des malades selon le degré d’invalidité, les tranches d’âge et la forme clinique
II.3.3.8 – Classification des malades selon l’atteinte neurologique, la forme clinique et les tranches d’âge
II.3.3.9 – Classification des malades selon le mode d’évolution, la forme clinique et les tranches d’âge
II.3.3.10 – Classification des malades selon la bacilloscopie, la forme clinique et les tranches d’âge
II.3.3.11 – Caractères de la lèpre chez les 99 enfants de l’étude
II.3.4 – Résultats de l’enquête auprès des médecins généralistes
III – COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
III.1 – Caractéristiques épidémiocliniques des enfants étudiés
III.1.1 – Formes cliniques, tranches d’âge et sexe
III.1.2 – Source de contamination et formes cliniques
III.1.3 – Formes cliniques et district d’origine
III.1.4 – Formes cliniques et délai qui sépare le début de la maladie du dépistage
III.1.5 – Nombre de personnes par famille
III.1.6 – Degré d’invalidité, tranches d’âge, formes cliniques
III.1.7 – Atteinte neurologique, tranches d’âge et formes cliniques
III.1.8 – Mode d’évolution, formes cliniques et tranches d’âge
III.1.9 – Bacilloscopie, formes cliniques et tranches d’âge
III.2 – Prise en charge des enfants
III.3 – Perception des médecins généralistes
Recommandations
CONCLUSION

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