Etude de la place du café dans les agricultures familiales

ETUDE DE LA PLACE DU CAFE DANS LES AGRICULTURES FAMILIALES

Historique du café au Kenya : une culture de rente structurante.

Malgré sa proximité avec l’Ethiopie (reconnu pour être la région d’origine du café), le café n’est cultivé au Kenya qu’à partir de 1893 avec l’arrivée des missionnaires et leur café (Bourbon) importé de l’île de la réunion était surnommée « French mission varietal » (Davids, 2001). Initialement, la production était contrôlée par un oligopole de grandes plantations anglaises et les enchères se trouvaient à Londres (Pendergrast, 1999). En 1933, le Kenya promulgua le “Coffee Act” et établit le Coffee Board of Kenya (CBK) avec un système d’enchères Kenyan (CBK). En 1934, le British Colonial Board à Londres, voulait diversifier son industrie, en lançant une forme de “local growers experiment” pour tester la capacité des Kenyans à gérer une petite plantation de café.

Cependant, le gouvernement promulgua le “Native Coffee Growers Act” régulant la production familiale. La taille de la plantation était limitée à 100 arbres sur moins de 0,25acre de terre, de même que la localisation des fermes devaient être établie loin des grandes plantations (Barnes, 1979). La culture restait cependant maitrisée par les blancs. En 1954, les Kenyans ne contrôlaient que 2000 ha (5000 acres) de caféières. Cela n’aurait pas été le cas sans la révolte du mouvement Mau Mau qui ébranla, de 1952 à 1956, le système colonial en place en vue d’obtenir l’indépendance du Kenya en 1963. Avec le plan Swynnerton en 1954 et l’indépendance, les Kenyans ont commencé à contrôler de plus en plus de café (Pendergrast, 1999) mais l’organisation de la filière à l’avantage des grands planteurs Kikuyus, restait contrôlée par l’Etat à travers le CBK. Avec le boom des industries du café, du thé et du tourisme, le premier président Jomo Kenyatta (1964-1978) investit dans l’éducation et les infrastructures. Plus que toute autre activité économique, le système « café », avec ses coopératives, a construit l’ensemble de la société et de l’État du Kenya. (Charlery de La Masselière et Mbataru, 2007).

Un système foncier formaté : la privatisation des terres

En raison de la prédominance de l’agriculture au sein de l’économie kenyane (population active agricole est de 73,4% en 2004), la terre et les droits fonciers sont au centre de l’agenda kenyan. Avant la colonisation, les terres étaient administrées selon un héritage familial patrilinéaire, de père en fils. Durant la période coloniale, le gouvernement a entrepris une réforme des lois coutumières, par l’intermédiaire de la privatisation et de l’individualisation, qui a permis à ce dernier d’allouer une petite partie des terres fertiles aux Kenyans tout en réservant la majeure partie aux colons (Nzioki, 2002). L’administration a contribué à territorialiser l’ethnicité par l’introduction de réserves ethniques et la délimitation d’un domaine foncier européen. Cet héritage s’est transmis jusqu’à aujourd’hui par l’habitude administrative du rattachement de tout citoyen à une région d’origine, rattachement en grande part fictif dans un contexte de migrations à l’échelle nationale. (Médard, 2008).

Leroy explique l’incompréhension de ces deux visions qui se sont rencontrés lors de la colonisation. « Lorsqu’on décolle de Roissy Charles-de-Gaulle pour rejoindre son poste en Afrique, on survole un espace dont l’organisation en damier, qu’il soit rural ou urbain, suggère une maîtrise de l’homme et une organisation spatiale poussée à un haut degré. Au terme du voyage, un autre paysage s’offre au voyageur, quasiment indéchiffrable pour un oeil inexpérimenté et qui a suggéré de ce fait l’image de la ‘table rase’: dès lors qu’on ne retrouvait pas cette organisation géométrique “ européenne ”, on constatait un ‘vide’ qu’on croyait devoir remplir par l’action organisatrice du colonisateur/développeur. Deux caractéristiques, entre autres, opposent ces représentations topo centriques aux représentations géométriques. D’une part, c’est le centre qui fait le cercle, donc c’est le topos au centre qui détermine l’extension et la nature des droits qui peuvent s’exercer sur cet espace créé en fonction et à partir du lieu (topos).

Dans la conception moderne, ce sont les limites (ou les frontières) qui déterminent les droits. [..] Pendant une vingtaine d’années, on a pu se satisfaire d’explications qui avaient la vertu de faire sentir des différences ‘de nature’ entre une représentation topologique qui remonte vraisemblablement au néolithique et la conception géométrique introduite par la colonisation et qui est le produit des voyages de découverte du XV° siècle et de ce qu’on appelle la révolution de l’espace des cosmographes qui a produit la géographie moderne. Elle est aussi le produit et la condition de fonctionnement du capitalisme fondé sur l’échange généralisé et la ‘marchandisation’ de l’ensemble des facteurs qui entrent dans un procès de production. Ce malentendu, lourd de conséquences, n’a été que très lentement levé car bien des intérêts, économiques, financiers, politiques se conjuguaient pour maintenir la confusion. » (Le Roy., 1998).

Le titre foncier est présenté comme une sécurité. Pourtant, son introduction a contribué à déstabilisé les formes de régulation antérieures avec la création les nouvelles règles d’accès à la terre. « En 2008, dans un contexte urbain, un pas a été franchi avec la prise de conscience de cet obstacle légal : certains gangs se sont efforcés d’extorquer le titre foncier en plus de la propriété. Sécurisation n’est donc pas forcément synonyme de privatisation, si ce n’est qu’aujourd’hui le titre foncier est devenu la panacée. » (Médard, 2008). Les régions qui ont fait l’objet d’un processus de privatisation légale de la terre se trouvent surtout dans les régions les plus fertiles, dans les hautes terres du quart sud-ouest du pays. « Les zones où il est possible d’obtenir un titre entrent, pour schématiser, dans deux catégories : là où l’immatriculation des terres a été introduite depuis plus de trente ans ; là où les grandes exploitations sont conservées en bloc » (Médard, 2008).

Dans ces régions qui possèdent des registres fonciers, s’il est en théorie possible d’obtenir un titre, en pratique, les résidents n’y ont pas accès en raison du coût élevé de la procédure (Annexe 6). Suite à l’introduction de la production destinée à l’exportation, des pressions sur les ressources naturelles se sont fait ressentir. La privatisation et l’individualisation de la gestion foncière ont éveillé plusieurs conflits qui ont engendré de nouveaux débats sur la répartition des terres. 14 Le café et « l’africanisation des terres » après l’indépendance. Le développement de la culture du café initialement dicté par les besoins de l’administration coloniale a dû faire face aux révoltes du mouvement Mau Mau pour l’indépendance du Kenya. Après l’échec du plan ALDEV3 de 1945, dès 1954, le plan Swynnerton a constitué une réponse privilégiant la petite bourgeoisie terrienne qui bénéficiera plus tard de « l’africanisation des terres blanches et des grands domaines dans les années 60» (Kandi). Les arguments avancés dans le rapport de Swynnerton, et qui ont depuis lors guidé la recherche de « l’individualisation » de la tenure de la terre au Kenya, sont :

• Garantie de la Tenure : La « fierté de la propriété » individuelle est fréquemment considérée comme devant donner aux fermiers des incitations d’investir dans leurs possessions. La tenure « communale » est souvent, elle, considérée décourageante dans la planification à long terme et l’investissement foncier. Le titre encouragerait les fermiers de recourir à des fertilisants, creuser des puits et procéder à des travaux d’irrigation sans peur de ce que la terre puisse être réattribuée à d’autres fermiers.

• Facilitation du crédit : Les titres fonciers donneraient aux paysans quelque chose à hypothéquer en nantissement d’emprunt.

• Réduction des différends : La possession de titres contractuels réduirait de coûteux litiges, particulièrement sur les terres densément colonisées.

• Possibilité d’entreprise personnelle. Des titres facilement transférables permettraient aux fermiers, riches ou plus ambitieux, d’acheter ou d’acquérir autrement de la terre aux voisins moins fortunés ou moins travailleurs, maximisant ainsi la productivité totale d’un domaine. Kandi mentionne dans « Aspects sociaux, Politiques et Equité de la terre » que le plan censé créer une classe stable de propriétaires exploitants relativement aisés annula complètement tout souci de répartition équitable des ressources. Il souligne également que le plan Swynnerton énonce – une claire application de la théorie économique évolutionniste des années 50 de la « modernisation » – dans cet extrait : « Par le passé, la politique du gouvernement a été de maintenir le système tribal de la tenure de telle sorte que le peuple avait des morceaux de terre et pour protéger les Africains d‘emprunter de l’argent contre garantie sur cette terre …

A l’avenir, si ces recommandations sont acceptées, la précédente politique du gouvernement sera inversée et les Africains capables, énergiques et riches pourront acquérir plus de terre et les mauvais ou pauvres fermiers moins, créant une classe de possédants et une classe de dépossédés. C’est une étape normale dans l’évolution du pays. » (Swynnerton, 1954).

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Table des matières

RESUME
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
PARTIE 1 : L’ENVIRONNEMENT DU SECTEUR CAFE AU KENYA
1.LE DEVELOPPEMENT DU CAFE DANS LA REGION DU MONT KENYA
1.1. Historique du café au Kenya : une culture de rente structurante
1.2. La crise sociale du café kényan : l’empreinte de la colonisation.
1.2.1. Un système foncier formaté : la privatisation des terres
1.2.2. Le café et « l’africanisation des terres » après l’indépendance
1.2.3. Place du café dans l’économie nationale avant la libéralisation.
1.3. Crise internationale du café : répercussion sur l’économie nationale.
1.3.1. Les cycles économiques de la production du café
1.3.2. Fin de la régulation internationale : risque de crise.
1.3.3. La filière kenyane restée figée face à la libéralisation
1.3.4. Des bénéfices trop faibles pour les producteurs kenyans
2.LE FONCTIONNEMENT DE LA FILIERE CAFE KENYANE
2.1. De la cerise au café vert
2.1.1. Le caféier : l’arabica
2.1.2. Le calendrier et les pratiques culturales.
2.1.3. La transformation
2.1.4. La qualité d’un café
2.2. Les acteurs d’une filière structurée mais désorganisée
2.2.1. Le contrôle du Coffee Board of Kenya
2.2.2. Le mouvement coopératif : le cas du café
2.2.3. Les usines de déparchage : Millers
2.2.4. La commercialisation
2.2.5. L’export : le transport
2.2.6. Les consommateurs
2.2.7. Les services
2.2.8. Un cadre légal en évolution
2.2.9. Des initiatives privées d’autoréglementation de la qualité : la certification
2.3. Les nouvelles contraintes de cette filière
2.3.1. L’urbanisation rapide
2.3.2. Une filière lait structurée et dynamique
3.LE MONT KENYA : DES ZONES AGRO ECOLOGIQUE FERTILES
3.1. La menace du CBD
3.2. Un morcellement des terres.
3.3. Une zone agro-écologique qui s’épuise.
PARTIE 2 : ETUDE DE LA PLACE DU CAFE DANS LES AGRICULTURES FAMILIALES
1.COMPARAISON DES 3 ZONES ETUDIEES
2.METHODOLOGIE SUIVIE
2.1. L’échantillonnage
2.1.1. Premier temps : entretiens raisonnés et semi-directifs
2.1.2. Deuxième temps : entretiens quantitatifs et directifs
2.2. Triangulation et analyses des données
2.3. Restitutions
2.4. Les limites de la méthodologie
2.4.1. Visite des producteurs via une coopérative
2.4.2. Entretiens sur l’exploitation
2.4.3. L’échantillonnage non représentatif
3.LA STRUCTURE DES EXPLOITATIONS FAMILIALES
3.1. Les unités de consommation
3.1.1. Le réseau social
3.1.2. La répartition des activités agricoles au sein de la famille.
3.1.3. Les besoins de base : l’alimentation et l’habitation
3.1.4. De l’usufruit des caféiers à la gestion de l’exploitation héritée.
3.2. Les unités de productions
3.2.1. Les facteurs limitants de la production de café selon les producteurs
3.2.2. Les pratiques concernant le café selon les 3 zones
4.DONNEES RECUEILLIES SUR LA PLACE DU CAFE AU SEIN DES EXPLOITATIONS
4.1. Bilan économique : comparaison des 3 zones étudiées.
4.2. L’importance du café dans les revenus monétaires
4.3. Le café : une production multifonctions
4.4. La gestion des petites unités de production4
4.4.1. L’association du café, une gestion de la fertilité
4.4.2. La diversification, une gestion du risque
4.4.3. L’association de l’élevage et l’agroforesterie
4.5. Eléments des stratégies différenciées mises en place
4.5.1. Les stratégies selon les opportunités de marché
4.5.2. Les stratégies pluriactives selon l’âge
4.5.3. Profils des résultats statistiques
SYNOPSIS 2
PARTIE 3 : QUEL AVENIR POUR LE CAFE DANS LES EAF DU MONT KENYA ?
1.LES CONSEQUENCES DES CRISES DU CAFE AU KENY
2.L’AGROFORESTERIE, UNE REPONSE A CE CONTEXTE EN CRISE ?
3.LES TRAJECTOIRES DES EXPLOITATIONS
4.L’EFFET REGIONAL SUR LES SCENARIOS D’EVOLUTION
4.1. Face à des coûts de production peu compétitifs
4.2. Face au marché d’une production consommée et transformée localement
4.3. Face à l’urbanisation, un complexe attractif
4.3.1. La modernisation de l’agriculture mais par quelle voie ?
4.3.2. L’intensification, chimique ou biologique
4.3.3. Des opportunités formelles ou informelles ?
4.4. Migrations, une redistribution des terres.
4.5. Une professionnalisation de l’agriculture, mais une déscolarisation aussi.
5.LEVIERS D’ACTION ET POTENTIALITE DE DEVELOPPEMENT
5.1. Une gestion raisonnée des intrants en système agroforestier
5.2. Une réorganisation des acteurs de la filière café kenyane
5.2.1. Une collaboration des acteurs pour une production durable
5.2.2. Réduction des intermédiaires : transparence et augmentation des revenus du producteur.
5.3. Politiques économiques et sociales liées au café
5.3.1. Promouvoir la qualité, l’avantage concurrentiel du Kenya.
5.3.2. Maîtriser la création de valeur ajoutée.
5.3.3. Vers une libéralisation complète ?
5.4. L’éthique des affaires
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ANNEXES

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