Le changement climatique, bien qu’étant un phénomène naturel, constitue l’une des problématiques d’actualité mondiale. Les activités anthropiques accentuent ce phénomène, dont la déforestation tropicale qui est responsable de près de 20% des émissions totales de carbone par an (GIEC, 2007). Parmi les mesures d’atténuation internationales proposées pour limiter ce mécanisme, la Réduction des Emissions liées à la Déforestation et à la Dégradation de la forêt (REDD) a été adoptée à Madagascar par l’intermédiaire de cinq projets pilotes avec un objectif de réduction d’émission de près de 45 millions de tonnes de CO2 équivalent de GES (Busson et al., 2009).
Sur les 4 pools de carbone qui peuvent constituer des réservoirs de carbones à savoir la biomasse aérienne, la biomasse souterraine, la matière organique morte constituée par le bois mort et la litière, et la matière organique du sol (GIEC, 2006), c’est sur la biomasse que les études et les actions des différents projets ont été le plus axées au cours de ces années. Pourtant, la matière organique du sol constitue l’un des réservoirs de carbone les plus considérables, puisqu’entre 50 et 60% du carbone total du système se trouve à la surface du sol ou dans le sol (Robert et FAO, 2002). Le stock de carbone organique du sol (COS) est ainsi non négligeable mais l’importante variabilité intersite et intrasite et l’insuffisance des données disponibles, entraîne une forte incertitude quant à son estimation aux échelles globales (Arrouays et al., 2003).
Différents facteurs déterminant ce stock tels que les latitudes, le mode d’usage des terres, l’âge des peuplements, les types de sol, la profondeur, (Houghton et Goodale, 2004 ; Razafimahatratra, 2006 ; Razakamanarivo, 2009 ; Rakotonarivo, 2010) s’ajoutent en outre à cette variabilité et ont été scrutés pour mieux comprendre le dynamique de ce stock. La déforestation lors des différents changements d’utilisation des terres constitue indéniablement une perte de source de matière organique pour le sol, d’où l’intérêt d’étudier son effet probable sur le dynamique du COS même. Tenir compte des diverses variations des facteurs climatiques lors de l’étude du COS serait par ailleurs d’autant plus intéressant vu que les dynamiques des matières organiques du sol (MOS) sont déterminées par le climat, le type de sol et le mode d’usage (Feller et Beare, 1997).
Les projets pilotes REDD à Madagascar
5 projets pilotes REDD existaient à Madagascar : « Makira », « Corridor Ankeniheny Zahamena » (CAZ), « Corridor Fandriana Vondrozo » (COFAV), « Programme Holistique de Conservation des Forêts » (PHCF) et « REDD-FORECA » (FOrêts engagées comme REservoirs de C) Ces projets sont gérés par différents promoteurs : Conservation Internationale (CI), Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), Coopération Suisse, Good Planet ; Wildlife Conservation Society (WCS) et World Wild Fund for nature (WWF) . La majorité de ces projets est mise en place dans des Aires Protégées et est liée à des processus de transferts de gestion de ressources naturelles renouvelables pour une durée moyenne de 30ans. Dans le cas de Makira, CAZ et COFAV, les objectifs principaux sont de générer des revenus pour la communauté rurale, de conserver la biodiversité par la génération et de vendre des unités de C. Pour le cas de PHCF et de REDD FORECA, les buts étaient plutôt d’ordre méthodologique, par l’amélioration et les tests d’outils et de méthodes dans l’objectif final de contribuer à la définition de la politique du REDD à Madagascar. Par ailleurs, la réalisation d’un bilan C pertinent mesurant le stock généré grâce à l’existence du projet appelé « stock additionnel » constitue l’un des défis sous-jacents à ces projets.
Toutefois, il a été constaté que pour des raisons conservatives ou « conservatively excluded », le COS a été rarement retenu en faveur de la biomasse aérienne, car considéré comme potentiellement destructif de l’écosystème. (Busson et al, 2009; CI, 2011; CI, 2013 ; GIZ, 2011). Pour combler ce manque de données, mener une étude sur le COS dans ces zones REDD en ayant recours à des méthodes non destructives telles que la modélisation semble très intéressante. En outre, ces projets-pilotes regroupent plusieurs sites de différentes superficies comprenant divers types de forêts, dans des conditions climatiques variées, autant de paramètres qui orientent sur le choix des sites d’études.
Projection climatique à Madagascar
Dans l’ensemble, à Madagascar le climat est de type tropical avec des variations régionales. La température moyenne annuelle, varie entre 23°C à 27°C avec une amplitude thermique moyenne annuelle passant d’environ 3°C au Nord à 7,5°C dans les régions sèches du Sud-Ouest. Quant aux précipitations, la quantité annuelle diminue d’Est en Ouest et du Nord au Sud : d’où un climat semi-désertique à l’extrême Sud-Ouest et un climat tropical humide sur la côte Est (MEF, 2010). Selon la Direction Générale de La Météorologie (DGM), les températures moyennes de l’air de la moitié Sud de Madagascar sont passées de près de 21,5 à 22,4°C. Concernant la moitié Nord, elles sont passées de 23,3°C à 23,5°C depuis environ 30ans. Quant aux précipitations, sur les Hauts Plateaux et la côte Est, les périodes sèches tendent à s’allonger tandis que sur la côte Ouest, les pluies sont plus intenses. Au Sud les pluies annuelles ont eu tendance à augmenter depuis les années 80 alors qu’au Nord, elles tendent à baisser.
Les outils d’évaluation des COS à Madagascar
Pour étudier le changement du COS, deux options sont proposées : l’évaluation directe qui correspond à la majorité des activités déjà en cours pour Madagascar ; et l’évaluation indirecte par l’utilisation de la modélisation pour simuler le dynamique de la MOS.
Approche ponctuelle
Depuis quelques années, le COS a été évalué de manière ponctuelle et locale à Madagascar au cours de divers projets de recherche (Andriamihaja, 2011; Heritokilalaina, 2010; Rakotonarivo, 2010; Razafimahatratra, 2006). Les mesures ont été réalisées sous différents types d’occupation de terres, sous différents latitudes, sous différents types de végétation, sur diverses profondeurs (0-30cm, 0-50cm jusqu’à plus d’un mètre de profondeur). Ces évaluations consistaient à collecter des échantillons de sols sur le terrain qui étaient ensuite analysés en laboratoire.
Approche modélisation : focus sur RothC
De nombreux modèles d’évaluation de la MOS ont été développés depuis une vingtaine d’années. Ces modèles ont tous leurs caractéristiques propres et peuvent être utilisées pour évaluer l’impact du changement climatique sur la MOS et ses effets subséquents, mais le choix de la modélisation à adopter repose sur leur exécution (prédiction avec le moins d’erreur), les conditions environnementales (type de sol, type de végétations), les paramètres nécessaires pour les faire tourner. Une étude a déjà été menée sur neuf modèles à savoir : Rothamsted Model (RothC), CENTURY, CArbon-NItrogen-Dynamics (CANDY), DAISY, DeNitrification and DeComposition (DNDC), NCSOIL, Institute of Terrestrial Ecology-Edinburgh Forest Model (ITE), SOMM et Verberne/ Van Veen Model (VERBERNE). Ces modèles ont été évalués pour tester leur capacité à simuler le dynamique de la MOS sous différents modes d’utilisation des terres et différents climats avec des données d’expérience de long terme (Smith et al., 1996 ; Stockmann et al.,2013). Un inventaire de ces modèles couramment utilisés dans la littérature, avec leurs caractéristiques, les paramètres et les conditions requis est indispensable pour déterminer le modèle à utiliser dans les zones REDD de Madagascar dans le cadre d’une étude sur la dynamique du COS .
Les valeurs des COS à Madagascar
D’après une étude menée par Grinand et al en 2009, pour Madagascar, dans l’ensemble des hautes terres centrales et la côte Est, le COS se situe entre 60 à 80tC/ha du fait de la présence de sols ferralitiques sous savane et forêt dégradée . Sur la côte ouest et dans le sud de Madagascar, le COS se situe entre 30-40tC/ha dans des sols ferrugineux, et pour les sols minéraux bruts ou roche à nue, il est de 10tC/ha. Dans les grandes plaines alluviales et zones de dépôt de la côte ouest, ainsi que sur la côte est sous les terrains cultivés, le COS varie de 40-50tC/ha .
|
Table des matières
1. INTRODUCTION
2. ETAT DES CONNAISSANCES
2.1 Les projets pilotes REDD à Madagascar
2.2 Projection climatique à Madagascar
2.3 Les outils d’évaluation des COS à Madagascar
2.4 Les valeurs des COS à Madagascar
3. MATERIELS ET METHODES
3.1 Rappel de la problématique et des hypothèses
3.2 Sites d’études
3.3 Le modèle Roth C
3.3.1 Description du modèle Roth C
3.3.2 Les étapes de la modélisation dans RothC
3.3.3 Les outils de modélisation
3.4 Collecte des données
3.5 Modélisation avec l’Interface « RothC 26.3 »
3.6 Modélisation avec Vensim
3.6.1 Initialisation dans Vensim
3.6.2 Scénarisation dans Vensim
3.6.3 Comparaison des résultats
3.7 Modélisation avec la Feuille Excel
3.7.1 Initialisation dans la Feuille Excel
3.7.2 Scénarisation dans la Feuille Excel
3.7.3 Comparaison des résultats
3.8 Traitement et Analyse des données
3.9 Cadre opératoire
4. RESULTATS
4.1 Comparaison des résultats obtenus sur VENSIM et sur EXCEL
4.2 Dynamiques de COS sous l’effet de la déforestation (scénario 1)
4.3 Dynamiques de COS sous l’effet du changement climatique
4.4 Dynamiques de COS sous l’effet de la déforestation et du changement climatique (scénario 5)
5. DISCUSSIONS
5.1 Discussions sur l’approche méthodologique
5.2 Discussions sur les résultats
5.3 Recommandations
6. CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES