Présentation de l’espèce
Généralités
Les oursins appartiennent au phylum des Echinodermes qui comprend cinq classes : les Crinoidea, les Asteridea, les Holothuroidea, les Echinoidea (dont les oursins font partie) et les Ophiuroidea . Il en existe environ 1000 espèces réparties dans tous les océans et sous toutes les latitudes, de l’Arctique à l’Antarctique, et qui colonisent divers substrats entre la surface et plus de 6000 mètres de profondeur (Yokota 2002b).
L’espèce Paracentrotus lividus est une des plus représentée sur le littoral méditerranéen . Son aire de répartition s’étend de l’Ecosse jusqu’au sud du Maroc (Boudouresque & Verlaque 2007). Cette espèce vit dans des biotopes très hétérogènes comme les fonds rocheux, les herbiers de posidonies et parfois sur fonds sableux, mais toujours préférentiellement dans des faibles profondeurs où l’on trouve le maximum d’algues qui constituent sa principale nourriture. Cette espèce présente une forte plasticité phénotypique lui permettant de s’adapter à une large gamme de conditions environnementales comme la température, l’hydrodynamisme, la qualité environnementale ainsi que la qualité et la quantité de nourriture disponible. P. lividus peut supporter des températures allant de 4°C à 30°C, et peut survivre en milieu lagunaire à des salinités comprises entre 15 et 40 (Fernandez & Boudouresque 1997; Boudouresque & Verlaque 2007). Cette espèce est surtout active la nuit et présente un comportement agrégatif. Elle comporte une phase de vie pélagique correspondant à la phase larvaire qui dure jusqu’à 30 jours, ce qui est relativement long. En fin de vie larvaire, lors de la métamorphose, les postlarves tombent sur le fond et se fixent au substrat sur lequel elles vont recruter et commencer leur vie benthique qui dure plusieurs années .
Cycle de vie
Les oursins sont des organismes ovipares gonochoriques. Le cycle commence lors des épisodes de reproduction avec l’émission des gamètes dans la colonne d’eau , souvent synchrone au sein d’une population, probablement déterminée par des signaux chimiques propres aux oursins (Pennigton 1985). La reproduction peut aussi être induite par un bloom phytoplanctonique, une élévation de la température ou des contraintes hydrodynamiques (voir revue de McEdward & Miner 2007). Le long des côtes méditerranéennes, deux épisodes reproductifs ont lieu chaque année, le plus important au printemps, le second de moindre importance à l’automne (Fenaux 1994 ; Lopez et al. 1998 ; Tomas et al. 2004).
L’œuf fertilisé se développe rapidement en un échinopluteus, larve nageuse, environ 48 heures après la fertilisation . Le développement se poursuit pendant environ 3 à 4 semaines en surface de la colonne d’eau, dans le plancton dont les larves se nourrissent. Vers la fin du développement larvaire, un groupe de cellules situé sur la partie gauche de la larve, se différencie rapidement pour donner le rudiment, qui constituera le futur petit oursin .
A mesure que le rudiment se développe, les structures larvaires (bras, bouche, estomac) se résorbent et apparaissent des structures typiques des oursins adultes, que sont les pieds ambulacraires (Gosselin & Jangoux 1998). Cette métamorphose est initiée en surface de la colonne d’eau. A ce stade, les larves tombent vers le fond et terminent leur métamorphose si le substrat leur est propice (Gosselin & Jangoux 1998). Les larves métamorphosées sont alors des juvéniles d’une taille approximative de 1 millimètre piquants compris . Les juvéniles devront croître pour atteindre la taille correspondant à leur maturité sexuelle et recommencer le cycle. Le taux de croissance des oursins est déterminé par la nourriture, l’hydrodynamisme, la température de l’eau, l’allocation énergétique vers le développement gonadique ainsi que la densité. Toutefois, la disponibilité en nourriture influence plus le taux de croissance que la densité des populations (Himmelman 1986 ; Turon et al. 1995 ; Fernandez 1996 ; Boudouresque & Verlaque 2007). L’oursin comestible P. lividus atteindra une taille commercialisable au bout de 4 à 5 ans, soit 5 cm de diamètre hors piquants (Grosjean et al. 2003 ; Ouréns et al. 2013).
Rôle écologique
En Méditerranée, l’oursin P. lividus est l’un des principaux invertébrés herbivores benthiques. Il s’agit d’une espèce clé dans la régulation des communautés algales, principalement dans les premiers mètres de profondeur (Ruitton et al. 2000 ; Boudouresque et Verlaque 2007). Parmi les espèces algales les plus sensibles, les cystoseires (Phaeophycae), font partie du préférendum alimentaire de P. lividus (Thibaut et al. 2005 ; Boudouresque et Verlaques, 2007 ; Agnetta et al. 2015). Les cystoseires sont des ingénieurs dans de nombreux assemblages phytobenthiques et constituent l’un des plus importants habitats marins en formant des forêts marines dont les canopées ont rôle comparable aux forêts terrestres (Jones et al., 1994; Ballesteros et al., 1998). Ces algues se retrouvent de la zone intertidale jusqu’à la zone circalittorale supérieure (Ballesteros et al., 2009). Elles rendent de nombreux services écosystémique en fournissant une forte production primaire, une source de nourriture, le cycle des nutriments. Le substrat généré par ces herbiers jouent un rôle important de nurserie pour de nombreuses espèces de poissons en fournissant une structure biogénique, de la nourriture et un abri (Jones et al. 1994 ; Ballesteros et al. 1998 ; Cheminée et al. 2013). Au cours du siècle dernier les forêts de cystoceires ont fortement régressées le long du littoral Méditerranéen avec même la disparition de certaines espèces. (Perkol-Finkel et Airoldi, 2010 ; Thibaut et al. 2015). La reconstitution de ces forêts d’algues est particulièrement longue voire inexistante. (Perkol-Finkel et Airoldi, 2010).
De par leur action de broutage, les oursins sont capables de faire basculer l’écosystème d’un état stable et complexe à communautés macrophytiques dressées (dont les cystoseires) vers un autre état stable plus simple de type barren, moins productif et moins diversifié, dominé par des algues incrustées (Barnes et al. 2002 ; Eklöf et al. 2008). Par conséquent, toute modification de densité ou de la structuration démographique des communautés d’oursins peut avoir des conséquences sur l’ensemble de l’écosystème infralittoral (Verlaque 1984 ; Azzolina et al. 1985 ; Palacin et al. 1998 ; Bonaviri et al. 2012 ; Giakoumi et al. 2012). A partir de densités d’environ 15 ind.m-², les oursins sont capables d’éliminer progressivement la totalité des peuplements algaux dressés et de maintenir un état semi désertique . Cette relative désertification est entretenue même pour des densités plus faible de P. lividus par l’action de broutage ainsi que par la présence d’algues corallines incrustées qui empêche l’instauration de nouvelles propagules (Verlaque 1984 ; Fanelli et al. 1998 ; Bulleri et al. 2002). Même avec des densités inférieures à 5 ind.m², le broutage exercé par P. lividus a un effet significatif sur la structure de l’habitat (Palacin et al. 1998).
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Table des matières
INTRODUCTION
Résumé
Abstract
CONTEXTE ET OBJECTIFS DU TRAVAIL DE THESE
CHAPITRE 1. L’OURSIN COMESTIBLE DE MEDITERRANEE : PARACENTROTUS LIVIDUS. GENERALITES SUR L’ESPECE ET LA RESSOURCE
I. Présentation de l’espèce
1. Généralités
2. Cycle de vie
3. Rôle écologique
II. Structuration des populations
1. Notion de population
2. Hétérogénéité environnementale, métapopulation et connectivité
3. Structuration génétique des populations à l’échelle de l’aire de répartition et locale: l’apport de la génétique des populations
III. Dynamique des populations
1. Généralité
2. Vie pélagique
3. Vie benthique
4. Facteurs biotiques et abiotiques influençant les populations d’adultes
IV. La ressource oursinière
1. Contexte économique
2. États des lieux des stocks naturels mondiaux
3. Gestion de la ressource
4. Bilan
V. Le réensemencement
1. Historique
2. Objectifs et prérequis pour le développement d’opérations de lâchers de juvéniles
3. Risques et préconisations
CHAPITRE 2. CARACTERISATION DE L’ETAT ET DE L’EVOLUTION DES STOCKS D’OURSINS DE L’AIRE TOULONNAISE
I. Introduction
1. Etats des lieux des stocks naturels français
2. Effet de la pêche sur les populations de P. lividus
3. Mesure de gestion et réglementation actuelle
4. Caractérisation des populations d’oursins comestibles P. lividus de l’agglomération de Toulon et mise en place d’un suivi des stocks à long terme
III. Matériels et méthodes
1. Zone et sites d’étude
2. Recensement des populations de Paracentrotus lividus
3. Traitement des données
IV. Résultats
1. État des peuplements de P. lividus de l’aire toulonnaise
2. Structuration spatiale des peuplements
3. Fluctuation temporelle des peuplements de P. lividus
4. Interaction entre Arbacia lixula et Paracentrotus lividus
V. Discussion
CHAPITRE 3. AQUACULTURE ET PRODUCTION DE JUVENILES
I. Introduction
1. L’échiniculture
II. L’écloserie expérimentale
III. Production de juvéniles de P. lividus
1. Obtention de géniteurs, récolte des gamètes et fécondation
2. Les bacs d’élevage et renouvellement d’eau
3. Température et photopériode
4. Densités d’élevage
5. Suivi des paramètres de développement larvaire
6. Alimentation
7. La métamorphose larvaire
IV. Transfert dans le milieu naturel
V. Discussion
1. Elevage larvaire
2. Grossissement
VI. Conclusion
CONCLUSION
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