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Usage de l’argent et des nanoparticules d’argent
L’élément Argent
L’argent est un métal brillant, ductile et malléable, trouvé à l’état natif sous forme de pépite. Du latin Argentum, qui a donné les initiales de son symbole chimique Ag et du grec ancien argoV (argos), qui signifie : blanc, ou brillant, il a donné son nom durant l’antiquité à la cité Argentoratum, l’actuelle ville de Strasbourg.
Il s’agit d’un métal de transition, l’élément chimique 47, de valence [Kr] 5s1 4d10, légèrement plus dur que l’or. Il est le métal possédant la résistance la plus faible et proposant donc une excellente conductivité thermique.
L’atome d’argent métallique, dans son état d’oxydation neutre Ag(0), est inerte chimiquement et biologiquement inactif. Au contraire, l’argent ionique au degré d’oxydation (I) (nitrate d’argent, chlorure d’argent, . . . ) est très réactif une fois en solution. Cette réactivité est à la base de l’action antibactérienne de l’argent. Il pré-sente deux autres états d’oxydation : Ag(II) et Ag(III), qui sont instables en solu-tion aqueuse et de ce fait bien moins répandus. On retrouve l’argent présent soit sous forme d’ion monovalent avec des sulfures, sulfates, soit sous forme de com-plexes avec des carbonates ou des chlorures. L’argent métallique est insoluble, mais les sels d’argent comme le nitrate d’argent (solubilité : 2 340 g.L-1) sont solubles dans l’eau, alors que les chlorures d’argent, eux, sont insolubles dans l’eau (Ksp : 1,77.10-10 mol.L-1).
L’argent : utilisation
Utilisation
Chaque année, 33 000 tonnes d’argent sont utilisées dans le monde (The Silver Institute).
L’argent a été vastement utilisé depuis des siècles, pour des applications aussi éclectiques que la bijouterie (7 700 tonnes/an), la confection d’ustensiles et plus ré-cemment, le développement de la photographie ou de certains explosifs. L’argent, avec le cuivre et l’or, est l’un des métaux utilisés pour frapper la monnaie, ce qui est intrinsèquement lié à sa valeur marchande.
A l’heure actuelle, l’argent est toujours utilisé en grande quantité dans l’industrie moderne malgré la décroissance nette de sa consommation occasionnée par la tran-sition numérique en photographie. Le secteur industriel de la photographie argen-tique représentait en 1996 26 % de la consommation totale d’argent. Le tableau 2.1 décrit la répartition en 2014 de la part de consommation de l’argent, dont la majorité est alouée à la frappe de la monnaie et la production de lingot, à hauteur de 22,7 % et à l’industrie électronique à hauteur de 21,6 %. La consommation moyenne d’argent a doublé entre 1960 et nos jours, mue par l’évolution du secteur industriel de l’élec-tronique (composés d’argent utilisés pour optimiser la conduction) ainsi que par le développement des nouvelles applications de l’argent dans les domaines du textile et de la médecine comme agent biocide.
On retrouve dès – 3500 en Egypte, des traces écrites de l’utilisation de l’argent pour ses vertus antiseptiques. Des témoignages datant de – 355 ont été retrouvés, décrivant l’utilisation durant les campagnes militaires d’Alexandre le Grand de contenants en argent pour stocker l’eau et la faire bouillir avant de la consommer afin de la rendre potable (Russel et al., 1994). Hippocrate, le père de la médecine moderne, décrivait la poudre d’argent comme un remède et le prescrivait pour le soin des ulcères. L’argent est toujours utilisé aujourd’hui sous forme de stylo au nitrate d’argent pour le soin des ulcères cutanées surinfectés (Chen et al., 2008a). Au XVIIIème siècle, le nitrate d’argent, aussi connu sous le nom de lapis infernalis, était utilisé pour le traitement des blessures dont la cicatrisation était ralentie ou inexistante mais également pour traiter des maladies dites mentales ainsi que pour traiter l’addiction à la nicotine ou encore la syphilis. Dès le début du XIXème siècle, l’argent sous cette forme nitratée a été très utilisé pour le soin des brûlures fraîches, selon différentes formulations (Argent solide, poudre, pinceau ou solution aqueuse de 0,2 à 2 %). L’essor de la bactériologie à la fin du XIXème siècle a permis la mise en évidence et la compréhension des propriétés antibactériennes de l’argent dont l’uti-lisation dans le domaine de la lutte antimicrobienne s’est rapidement développée. On retient comme exemple le traitement et la prévention des infections oculaires par le gonocoque (Neisseria gonorrhaeae) chez le nouveau-né par des collyres à l’argent (n’est actuellement plus utilisé) et l’utilisation de pansements imprégnés d’argent sur les plaies et blessures (Klasen, 2000).
L’avènement des antibiotiques durant la deuxième guerre mondiale avec en par-ticulier la découverte en 1942 de la pénicilline par Flemming, rapidement produite à l’échelle industrielle par Eli Lily, et de l’auréomycine par Duggar, fit nettement ré-trograder la place de l’argent dans l’arsenal antimicrobien. Si bien qu’elle ne garde plus de nos jours qu’un rôle très parcellaire limité à son utilisation comme anti-septique local (sous forme de crème (Colargol©), de collyre (nitrate d’argent Faure 1 %©) ou de poudre) ou comme revêtement antibactérien sur des dispositifs médi-caux (canules d’intubation endo-trachéal afin de diminuer les pneumonies acquises sous ventilation artificielle, cathéters centraux ou prothèses qui sont à haut risque de colonisation bactérienne).
Utilisation des nanoparticules d’argent dans les produits de consom-mation courante
On retrouve des nanoparticules d’argent dans de nombreux produits du quo-tidien, avec lesquels nous sommes directement en contact. Les tableaux présentés dans ce chapitre sont issus d’une analyse et d’une classification des données collec-tées par l’institution The Silver Institute.
Il est intéressant de noter que les pays utilisant des nanoparticules d’argent dans les produits en contact direct avec l’organisme comme les produits alimentaires (Tableau 2.2) ou d’hygiène corporelle (Tableau 2.3) sont principalement des pays du continent asiatique et les USA. Les pays incorporant des nanoparticules d’argent dans les produits éléctroniques sont les pays leaders dans le marché de la téléphonie et de l’informatique (Tableau 2.4 et 2.5).
Utilisation des nanoparticules d’argent : produits pharmaceutiques
Dans le milieu médical (Chaloupka et al., 2010), les nanoparticules d’argent offrent une bonne alternative dans la lutte contre le développement bactérien. Dans le mi-lieu hospitalier, les patients et le personnel soignant sont soumis à une forte concen-tration de germes pathogènes variés développant par de multiples biais des résis-tances aux anti-bactériens classiques (Mijnendonckx et al., 2013), nécessitent donc une altérnative.
Infections nosocomiales
Les infections nosocomiales sont une source importante de décès dont la surve-nue pourrait être limitée par une asepsie adéquate de l’environnement immédiat, tant intérieur qu’extérieur au patient. Depuis 2006, à peu près un patient sur 20 contracte une infection nosocomiale, ce qui représente 750 000 patients chaque an-née, et cause la mort de 4 000 patients en France (Source : INSERM).
L’incidence des infections nosocomiales varie selon plusieurs paramètres que sont : le type d’établissement (les centres de cancérologie sont très touchés), le type de séjour (23,2 % en réanimation, du fait de la fréquence des gestes invasifs), la durée des séjours (multiplié par 15 pour une durée d’hospitalisation supérieure à 1 mois), ainsi que le profil du patient (patients hospitalisés en gériatrie ou en néo-natalité, immunodéficients, soumis à une opération) ou à la mise en place d’un dispositif mé-dical invasif. Les infections sur sondes urinaires sont les plus courantes (30 %), puis les pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (16,7 %) suivies des infec-tions sur site opératoire (13,5 %). En quatrième position se trouvent les bactériémies favorisées par l’introduction d’un cathéter intra-vasculaire.
Trois bactéries sont principalement responsables de ces infections : Escherichia coli (E. coli) (majoritairement au niveau urinaire), Staphylococcus aureus (S. aureus) sur les sites opératoires et les cathéters et Pseudomonas aeruginosa (P. aeruginosa).
Dispositifs médicaux
En france, les dispositifs médicaux sous soumis à la régulation de l’Agence Natio-nal de Sécurité du médicament. Selon l’article 2 du Règlement 2017/745 (Directive, 2017) du parlement européen et du conseil du 5 avril 2017 un dispositif médical est défini comme « tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matière ou autres articles, destiné par le fabricant à être utilisé, seul ou en association, chez l’homme pour une ou plusieurs des fins médicales précises suivantes :
— Diagnostic, prévention, contrôle, prédiction, pronostic, traitement ou atténuation d’une maladie ;
— Diagnostic, contrôle, traitement, atténuation d’une blessure ou d’un handicap ou com-pensation de ceux-ci ;
— Investigation, remplacement ou modification d’une structure ou fonction anatomique ou d’un processus ou état physiologique ou pathologique ;
— Communication d’information au moyen d’un examen in vitro d’échantillons provenant du corps humain, y compris les dons d’organes, de sang et de tissus ;
Et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens.
Les produits ci-après sont également réputés pour être des dispositifs médicaux :
— Les dispositifs destinés à la maîtrise de la conception ou à l’assistance à celle-ci ;
— Les produits spécifiquement destinés au nettoyage, à la désinfection ou à la stérilisation des dispositifs visés. »
Ces dispositifs médicaux sont classés en fonction de la durée de contact avec le patient, du caractère invasif ou non et de l’association avec des produits considérés comme actifs. On retrouve ainsi quatre catégories :
— Catégorie I : risque faible ;
— Catégorie IIa : risque moyen ;
— Catégorie IIb : risque potentiellement élevé ;
— Catégorie III : risque élevé.
En ce qui concerne les dispositifs médicaux contenant des nanomatériaux, le nou-veau règlement 2017/745 du parlement européen ( Directive, 2017) introduit une nouvelle règlementation ciblée sous la règle 19 : « Tous les dispositifs qui incorporent un nanomatériau ou qui en sont constitués relèvent :
— De la classe III s’ils présentent un potentiel d’exposition interne moyen ou élevé ;
— De la classe IIb s’ils présentent un faible potentiel d’exposition interne ;
— De la classe IIa s’ils présentent un potentiel d’exposition interne négligeable.
Actuellement on retrouve déjà sur le marché un certain nombre de dispositifs médicaux invasifs ou non, contenant des nanoparticules d’argent (Tableau 2.6) :
Action sur la membrane bactérienne
Les bactéries se présentent en deux catégories distinctes, différenciées l’une de l’autre par la nature de leur paroi. Les bactéries dites à Gram-positif (G+) (du fait de la rétention intracytoplasmique de la coloration de Gram lors de l’observation microscopique) ont une paroi bactérienne d’une épaisseur de 15 à 80 nm formée par des peptidoglycanes, un polymère constitué d’une partie glucidique et d’une partie peptidique. Les bactéries dites à Gram-négatif (G-) quant à elles possèdent une paroi bactérienne bien plus fine (2 nm) mais ont une membrane supplémentaire autour du peptidoglycane composée de phospholipides et de lipopolysaccharides (Figure 3.1).
L’interaction avec la paroi bactérienne est primordiale pour la compréhension de l’action bactéricide des nanoparticules d’argent. En effet, c’est en traversant la paroi bactérienne et la membrane plasmique que les Ag(I) pourront interférer avec les bio-molécules comme l’ADN, les protéines et les petites molécules comme le glutathion (GSH) puis générer des espèces réactives de l’oxygène (ROS) dans le cytoplasme. D’autre part, l’accumulation des espèces de l’Ag(I) sous forme ionique au niveau de la membrane bactérienne entraîne une perméabilisation de celle-ci (Marambio-Jones et al., 2010).
Il a été montré par microscopie électronique à transmission (MET) que les Ag(I) causaient une modification de la morphologie des bactéries G+ et G- allant du dé-tachement de la paroi bactérienne de la membrane plasmique jusqu’à sa rupture (observée sur Staphylococcus aureus après un traitement de deux heures par des ions argent) (Jung et al., 2008).
Dans le cas de l’exposition aux nanoparticules d’argent, leur fixation à la paroi d’E. coli, de Salmonella typhimurium (Figure 3.2) et P. aeruginosa a été observée par HAADF STEM (High Angle Annular Dark Field Scanning Transmission Electron Microscopy) et décrite (Morones et al., 2005) comme provoquant une modification de la perméabilité de la membrane et un déséquilibre dans le pool d’ATP, entraînant ainsi la mort de la bactérie. Cette perméabilisation est médiée par la fixation forte des Ag(I) aux protéines de surface de la bactérie probablement par l’intermédiaire de leurs groupements thiols. Cette fixation peut cependant être limitée par la charge de surface de la nanoparticule d’argent : une répulsion électrostatique peut s’opérer entre la nanoparticule et la bactérie. Une nanoparticule d’argent chargée négative-ment sera repoussée par une bactérie présentant des lipopolysaccharides chargés négativement (exemple : les Bacillus (-37mV)) ce qui ne sera pas le cas d’une nano-particule chargée positivement (Badawy et al., 2011).
La deuxième action des nanoparticules d’argent sur la paroi bactérienne est la destruction des liaisons glycosidiques b-1-4 entre la N-acétylglucosamine et l’acide N-acétylmuranique. Cela a été démontrée sur les bactéries G+ (Mirzajani et al., 2011) par chromatographie en phase gazeuse couplée à une analyse par spectrométrie de masse des résidus de la membrane des bactéries avant et après traitement par des nanoparticules. Cette approche a permis de mettre en évidence que la présence de nanoparticules d’argent entraîne le relargage de portions glucidiques de la mem-brane. Cette action a également été démontrée sur des G- (Li et al., 2010) décrite par la formation de trous, appelés « pits » (Kim et al., 2007) par lesquels s’écoulait le milieu extracellulaire (Sondi et al., 2004).
Action sur les protéines
Il a été montré que les Ag(I) peuvent se lier à différentes biomolécules et se substi-tuent notamment aux ions métalliques physiologiques. Les protéines liant le cuivre ou le zinc contiennent des motifs riches en histidine, cystéine et méthionine qui sont également de bons ligands des Ag(I), ce qui explique ces substitutions. La situation la plus majoritairement décrite est celle dans laquelle l’ion Ag(I) forme un complexe avec les groupements thiols pour lesquels elle a une affinité picomolaire ou supé-rieure selon le type de coordination (Veronesi et al., 2015; Adams et al., 1999). Dans les protéines ou peptides, on trouve ce type de fonction sur la chaîne latérale de la cystéine. L’interaction de l’argent avec le résidu cystéine est la plus largement décrite mais cet ion possède également une bonne affinité pour d’autres acides aminés tels que la Met (groupement thioether) et l’histidine (groupement imidazole, Figure 3.3). La liaison des Ag(I) dans les protéines peut avoir différents impacts. Dans le cas par-ticulier de l’interaction dans le site actif d’une enzyme à la place d’un ion cuivre, cette substitution entraîne l’inactivation de l’enzyme, comme dans le cas de la Super Oxyde Dismutase (SOD) (Chen et al., 2008b). En effet, le cuivre a un rôle redox dans les enzymes et oscille entre les états Cu(I) et Cu(II) que ce l’Ag(I) ne peut pas réaliser.
Action sur l’ADN
L’interaction entre les Ag(I) et l’ADN a été mise en évidence dans des bactéries G+ et G- par (MET). Il a été décrit, au centre des bactéries, une région déplétée en électron mais riche en matériel organique et entourée de granules riches en électron très denses contenant une forte quantité d’argent et de sulfure. Cette zone est appe-lée « ADN condensé » (Li et al., 2011; Feng et al., 2000). Cet ADN a perdu sa capacité à se répliquer car seul l’ADN sous une forme dite « relaxée » peut se répliquer. Il a été observé par spectroscopie d’infrarouge par transformée de fourier (FTIR) que l’argent pouvait se fixer sur le N7 de la guanine et le N7 de l’adénine (Arakawa et al., 2001) ou bien se lier aux phosphates (Morones et al., 2005).
Formation de ROS
Les ROS sont générées à l’intérieur comme à l’extérieur de la bactérie, de manière continue et naturelle, étant à la fois cause et conséquence de l’endommagement de la membrane bactérienne. Ces ROS dérivent de réductions monoélectroniques suc-cessives du dioxygène O2, pour former l’anion superoxyde O2 – puis le peroxyde d’hydrogène H2O2 et le radical hydroxyle HO . La SOD et la catalase sont des en-zymes qui permettent la transformation de ces espèces réactives en espèces moins toxiques par des réactions de dismutation (Figure 3.4), c’est à dire la tranformation d’une espèce chimique en deux espèces : l’une oxydée et l’autre réduite. L’espèce chimique de départ joue donc à la fois le rôle de réducteur et d’oxydant (Imlay, 2015).Les ROS ciblent l’ADN, l’ARN, les protéines et les lipides, causant des dommages irréversibles. Les ROS sont continuellement produites à partir de l’oxygène molécu-laire comme un sous-produit au cours du métabolisme des cellules aérobies. Des mécanismes de protection ont donc été développés par ces organismes. De plus, à l’intérieur de la bactérie, la destruction de cluster fer/soufre par l’Ag(I) bloque la réaction enzymatique de la respiration et entraîne la production importante de radicaux hydroxyles (Gordon et al., 2010). Les nanoparticules d’argent entraînent davantage de formation de ROS que les ions argent, ce qui est dû au mécanisme de dissolution des nanoparticules produisant des espèces réactives intermédiaires, à l’exterieur de la bactérie, tels que H2O2 et O2 – (Liu et al., 2010a) nAg + O2 ! nAg O2 ! Ag+ + ROS + nAg ! Ag+ + H2OH+ H+ (3.1)
Cela met en évidence que l’action bactéricide des nanoparticules d’argent n’est pas uniquement due à la libération des ions Ag(I) mais peut également être due aux réaction redox impliquant l’étape d’oxydation de l’Ag(0) en Ag(I), et du stress oxydant associé.
Mise en place de mecanismes de résistance à l’argent et aux nanoparticules d’argent
Il a été démontré que certaines souches bactériennes peuvent croître dans un environnement riche en argent dont la concentration est de l’ordre du millimolaire, comme les mines d’argent (Klaus et al., 1999), ou les services hospitaliers spécialisés dans les patients brulés (Mchugh et al., 1975).
La résistance bactérienne aux métaux toxiques est en général médiée par des plas-mides contenant des gènes codant des protéines permettant cette résistance. Dans le cas de l’Ag deux cas de figures ont été observés. Le premier consiste en l’expression de protéines permettant l’accumulation et le stockage d’Ag(0) par la bactérie, sous forme de dépôt d’argent (Klaus et al., 1999) dans le periplasme, comme cela a été dé-crit pour des bactéries telles que Pseudomonas stutzeri se développant sur le sol des mines d’argent (Haefeli et al., 1984). Le second est un mécanisme d’efflux d’argent, ou l’argent serait éliminé sous sa forme ionique ce qui a été observé sur des souches bactériennes dans des hôpitaux pour grands brulés (Chopra, 2007).
La résistance à l’argent via un phénomène d’efflux a été décrite par Simon Sil-ver en 1999 (Gupta et al., 1999) suite à l’identification d’une souche de Salmonelle : Salmonella Typhimurium. Ses travaux ont permis de mettre en évidence une famille de protéines, les protéines Sil responsables de la résistance à l’argent et à d’autres métaux (Figure 3.5). Les protéines SilE et SilF fixent les ions métalliques et le reste de la machinerie protéique est constituée de deux pompes à efflux : SilP ainsi que le complexe échangeur de cation/proton SilABC. Les protéines SilE et SilF, malgré un rôle très similaire, ne fixent pas les métaux de la même façon : SilE est une protéine structurée en hélices alpha qui lient l’argent par des résidus histidine et méthionine alors que SilF est sous forme de plusieurs feuillets Beta qui fixent Ag(I) par des rési-dus méthionine uniquement (Silver et al., 2006).
Bien que les deux systèmes de résistance permettent la désintoxication de la cel-lule des Ag(I), les mécanismes en jeu sont complétement opposés, le premier étant basé sur une bio-accumulation et bio-transformation de l’argent dans la cellule sous une forme non toxique alors que le second permet une élimination progressive de l’élément. Ces résistances sont observées dans des milieux riches en Ag(I) et sont basés sur la présence d’un plasmide, ce qui permet le transfert de la résistance entre les bactéries. Cependant un troisième mécanisme de résistance spécifique aux nano-particules d’argent a été décrit chez E. Coli et P. aeruginosa. Dans ce cas, après une exposition des bactéries aux nanoparticules d’argent en concentration sub-toxiques, la concentration minimale inhibitrice (CMI) des nanoparticules d’argent augmente progressivement, de pair avec l’observation d’une aggrégation des nanoparticules. Cette aggrégation est due à la sécrétion d’une protéine adhésive, la flagélline, qui va entraîner l’aggrégation des nanoparticules d’argent (Panáˇcek et al., 2018) et de ce fait limiter l’action bactéricide des nanoparticules d’argent. La description de ce mé-canisme propose une piste de réflexion sur la résistance des micro-organismes face à un traitement antimicrobien aux nanoparticules d’argent.
Ces multiples modes de résistance qui se développent montrent bien l’impor-tance de l’utilisation raisonnée des biocides à base d’argent, afin d’éviter leur pro-pagation et dissémination dans l’environnement et d’entrainer des résistances mas-sives de ce type.
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Table des matières
Liste des Abréviations
1 Nanomatériaux
1.1 Définitions
1.1.1 Nanoparticules
1.1.2 Nanotechnologie et Nanomatériaux
1.2 Part de marché
2 Les nanoparticules d’argent
2.1 Usage de l’argent et des nanoparticules d’argent
2.1.1 L’élément Argent
2.1.2 L’argent : utilisation
2.1.3 Utilisation des nanoparticules d’argent dans les produits de consommation courante
2.1.4 Utilisation des nanoparticules d’argent : produits pharmaceutiques
2.1.5 Future / Perspectives d’avenir
2.1.6 Architecture
2.1.7 Complémentarité des méthodes de caractérisation
2.1.8 Synthèse et production
2.1.9 Top-down
3 Action biocide de l’argent
3.1 Action sur la membrane bactérienne
3.2 Action sur les protéines
3.3 Action sur l’ADN
3.4 Formation de ROS
3.5 Mise en place de mecanismes de résistance à l’argent et aux nanoparticules d’argent
4 Transformations des nanoparticules d’argent
4.1 Transformations selon l’environnement
4.1.1 Dissolution oxydative
4.1.2 Réactivité avec les molécules thiolées
4.1.3 Réactivité avec les chlorures
4.2 Toxicité humaine et animale
4.2.1 Assimilation et transformation par l’organisme
4.2.2 Administration par voie orale
4.2.3 Clairance
4.2.4 Formation de la corona protéique dans les fluides biologiques
4.3 Mécanisme de toxicité
4.3.1 Généralités sur la toxicologie des nanoparticules d’argent chez les mammifères
4.3.2 Homéostasie des métaux chez les eucaryotes
4.3.3 Impact de l’argent sur l’homéostasie des métaux
4.3.4 Entrée des nanoparticules d’argent dans la cellule
4.3.5 Dissolution endosomale
4.3.6 La spéciation de l’argent intracellulaire
5 Safer-by-design et objectif des travaux
5.1 Maîtrise du risque
5.2 Nanomatériaux Safer-by-design : définition
5.3 Les leviers d’action dits « Safer-by-design »
5.3.1 Limites des principes « Safer-by-design » appliqués aux nanoparticules
5.4 Objectif de ces travaux de thèse
6 Etude de la dissolution des nanoparticules d’argent par des biomolécules thiolées
6.1 Introduction aux travaux de dissolution
6.1.1 Présentation des ligands linéaires
6.1.2 Présentation des molécules pré-organisées
6.1.3 Méthodologie
7 Preuve de concept : les assemblages de nanoparticules d’argent
7.1 Observations préliminaires et sérendipité
7.1.1 Description principale
7.1.2 Cinétique de réaction
7.1.3 Stabilisation des édifices
7.1.4 Comparaison avec un phénomène connu
7.1.5 Conclusion
7.2 Production des échantillons
7.2.1 Réaction d’assemblage & purification
7.2.2 Caractérisation des assemblages de nanoparticules d’argent de 40, 60 et 200 nm
7.3 Description architecturale : physico-chimie des assemblages
7.3.1 Potentiel zêta
7.3.2 Caractérisation des liaisons stabilisant l’assemblage par XPS
7.3.3 Analyse des assemblages par XANES au seuil du soufre
7.3.4 Analyse de l’extrême surface par ToF-SIMS
7.3.5 Quantification du soufre engagé dans les assemblages de nanoparticules d’argent
7.4 Activité biologique
7.4.1 Caractérisation et stabilité dans les milieux biologiques
7.4.2 Détermination de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) des différents nano-objets
7.4.3 Origine de la différence d’activité bactéricide entre les nanoparticules d’argent et les assemblages
7.4.4 Toxicité sur cellules eucaryotes
7.4.5 Origine de la différence de toxicité entre les nanoparticules d’argent et les assemblages de nanoparticules
7.4.6 Conclusion sur la toxicité eucaryote des assemblages des nanoparticules
7.5 Nanoparticules d’argent isolées enrobées de L1
7.6 Déclinaison autour du même squelette organique
7.7 Conclusion
8 Des PEG-polythiols pour des assemblages plus versatiles
8.1 Déclinaison du projet
8.1.1 L’utilisation des Poly Ethylène Glycol (PEGs) dans l’industrie
8.2 PEGs utilisés pour l’étude
8.2.1 Les ligands qui entraînent une dissolution simple des nanoparticules d’argent
8.2.2 Les ligands qui forment un enrobage autour des nanoparticules d’argent
8.2.3 Les ligands qui forment des assemblages entre les nanoparticules
8.2.4 Les ligands qui entraînent la formation d’assemblages et une dissolution
8.3 Conclusion
9 Conclusion
10 Matériels et méthodes
10.1 Production des nanoparticules d’argent et des assemblages de nanoparticules d’argent
10.1.1 Production des nanoparticules d’argent
10.1.2 Production des assemblages de nanoparticules d’argent
10.2 Production de protéine
10.2.1 Production de la protéine ATX1
10.3 Analyse de la taille, forme et homogénéité
10.3.1 Diffusion dynamique de la lumière : DLS
10.3.2 Nanoparticles Tracking Analysis : NTA
10.3.3 Asymmetrical Flow Field Flow Fractionation (AFFFF ou AF4)
10.3.4 Microscopie électronique
10.4 Analyse la élémentaire
10.4.1 Spectroscopie à dispersion d’énergie des rayons X : EDX
10.4.2 Spectrométrie à plasma à couplage inductif (ICP)
10.5 Analyse de la surface
10.5.1 XPS
10.5.2 ToF-SIMS
10.5.3 Potentiel zêta
10.6 Analyse Mixte
10.6.1 Signal SPR
10.7 Approches synchrotron
10.7.1 X-ray Absorption Near Edge Structure
10.7.2 L’imagerie de fluorescence des rayons X (XRF)
10.8 Analyse de la toxicité des nanoparticules d’argent et assemblages de nanoparticules d’argent
10.8.1 Détermination de la Concentration Minimale Inhibitrice de croissance (CMI)
10.8.2 Mesure de la viabilité cellulaire
10.8.3 Mesure de l’entrée d’argent dans les cellules HepG2
10.8.4 Préparation des échantillons pour les analyses XRF
10.8.5 Analyse de la corona protéique
10.8.6 Stabilité des assemblages de nanoparticules d’argent dans différents milieux
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