Étude de la copromanie en EHPAD

La psychomotricité dans l’institution

   L’établissement emploie une psychomotricienne à temps plein. Elle réalise des prises en charge (PEC)3 individuelles et groupales. Il n’y a pas de salle de psychomotricité. La psychomotricienne dispose d’un bureau qui est commun avec l’ergothérapeute, la diététicienne et les kinésithérapeutes. Elle réalise ses prises en charge dans la chambre du résident, la salle snoezelen*, la salle de bain thérapeutique, la salle commune, ou dehors en fonction du projet thérapeutique et des possibilités.

Les personnes atteintes de copromanie et le syndrome démentiel

   Dans sa définition de la copromanie, le dictionnaire médical de l’Académie de médecine précise qu’elle est banale chez l’enfant et qu’elle peut être due à l’incontinence sphinctérienne chez les personnes présentant des troubles physiques et mentaux importants, déficiences profondes, démences ou les personnes très âgées. En effet, dans la littérature on peut lire que la copromanie se retrouve chez certaines personnes déficientes intellectuelles profondes, polyhandicapées, atteintes de pathologies psychiatriques telles que la schizophrénie, les troubles du spectre autistique (TSA) sévères, ou encore les démences, ainsi que chez le jeune enfant ordinaire*. Dans la présente étude, le public cible est les personnes âgées. Celles que j’ai rencontrées et qui étaient atteintes de copromanie présentaient toutes un syndrome démentiel de type Alzheimer ou apparenté, diagnostiqué ou suspecté. Voici donc un peu de théorie concernant ces personnes. Selon l’OMS, le vieillissement est un « processus graduel et irréversible de modification des structures et des fonctions de l’organisme résultant du passage du temps ». Pour D. Le Breton (2008, p 214) « la vieillesse et d’abord un sentiment », elle ne se sent pas, elle semble étrangère, puis « seule la dernière goutte fait déborder le vase ». C’est souvent soudainement, suite à la prise de conscience qu’une action quotidienne n’est plus réalisable que la personne se sent vieille. Il y a alors rupture avec la vie antérieure, les patients nous parlent d’ailleurs souvent de la vie « d’avant » et de la vie « d’après ». Théoriquement, il existe trois types de vieillissement. Le vieillissement est dit « réussi », lorsque la personne maintient ou augmente ses capacités cognitives malgré l’âge. On parle de vieillissement normal ou en bonne santé lorsque la personne ne présente pas de pathologie, notamment lorsque ses capacités cognitives restent relativement préservées. On observe cependant une dégradation normale des capacités physiques et mentales et des altérations biologiques, moléculaires et cellulaires. Sur le plan psychique la personne devient plus vulnérable car son narcissisme se fragilise et car elle est moins en lien avec l’autre, du fait de la perte de certaines capacités et des nombreux deuils qu’elle a vécus. En plus de la perte des personnes aimées, la personne âgée doit faire le deuil de l’idéal du moi. C’est le deuil du moi immortel, jeune, fort, en bonne santé, aimé et aimant, et en relation. D. Le Breton (2008, p 210) explique que la vieillesse « rappelle la fragilité et la précarité de la condition humaine » et que « le travail du vieillissement est évocateur d’une mort faisant son chemin sans qu’il soit possible de l’endiguer ». C’est donc une période de crise identitaire, mais aussi une période de bilan de sa vie passée, avec ses bons mais aussi ses mauvais souvenirs, voire ses traumatismes non assimilés qui peuvent refaire surface. Dans le cadre du vieillissement pathologique, on retrouve le syndrome démentiel. Selon l’OMS, et en référence à la CIM 10, « la démence est une altération progressive de la mémoire et de l’idéation, suffisamment marquée pour handicaper les activités et la vie quotidienne ». Cette dégradation doit s’observer durant au moins six mois et être associée à une altération d’une des fonctions suivantes : langage, calcul, jugement, abstraction, praxies*, gnosies*, ou à des modifications de la personnalité. La démence entraîne également des troubles du comportement. Les altérations doivent être progressives, continues et irréversibles. La maladie d’Alzheimer est un syndrome démentiel. Le DSM 5 (2013) en précise les critères diagnostics. Pour parler de démence, un trouble neurocognitif majeur doit être diagnostiqué. La personne doit présenter une amnésie* et un déclin majeur dans au moins un autre domaine cognitif. Ces troubles doivent être objectivés par des observations cliniques et un test standardisé, comme le MMSE14. Une étiologie génétique par mutation est également recherchée en fonction de l’histoire familiale et des tests génétiques. En fonction des résultats une maladie d’Alzheimer « probable » ou « possible » peut être diagnostiquée. L’étiologie de la maladie d’Alzheimer est multifactorielle. Les causes exactes de sa survenue sont encore à ce jour inconnues. Elle s’explique en partie par une mauvaise expression de certains gènes, qui entraîne une peptidopathie ainsi qu’une protidopathie. Le peptide ß-A4 amyloïde est dysfonctionnel ce qui entraîne des dépôts de plaques amyloïdes entre les neurones et donc leur mort. Un autre dysfonctionnement s’observe au niveau de la protéine Tau phosphorylée, ce qui entraîne une dégénérescence neurofibrillaire. Cette perte neuronale double au niveau cortical s’observe d’abord au niveau hippocampique*, puis s’étend au reste du cerveau. On distingue ainsi trois stades dans la maladie. Selon la HAS (2011) ils se définissent ainsi : stade léger pour un score au MMSE supérieur à 20, stade modéré entre 10 et 20, stade sévère si le résultat est inférieur à 10. Cliniquement, on peut observer au stade léger des troubles de la mémoire et des fonctions exécutives*, des troubles anxio-dépressifs et des SPCD (Symptômes Psycho Comportementaux dans les Démences) tels que des troubles émotionnels et de la motivation. Au stade modéré la personne possède le plus souvent une amnésie, agnosie, apraxie et une aphasie globale, une altération croissante des fonction exécutives et notamment du jugement et une désorientation temporo-spatiale. Le retentissement sur la vie quotidienne est majeur, la dépendance quotidienne est partielle voire totale. C’est souvent une cause d’institutionnalisation. On observe davantage de SPCD avec en plus des troubles affectifs, de l’agitation, de l’agressivité et des troubles des conduites élémentaires. La copromanie peut s’observer au stade modéré ou sévère. Les résidents que j’ai rencontré lors de cette étude ont un syndrome démentiel au stade modéré.

Hypothèses déjà sous-tendues dans les parties précédentes

   Pour l’instant, nous avons noté que des facteurs personnels tels que l’histoire personnelle, les traumatismes non assimilés, et certains traits de caractère semblaient favoriser l’apparition de la copromanie. Nous avons également remarqué que des caractéristiques du stade anal sont liées au comportement : à ce stade libidinal de leur développement, certains enfants manipulent leurs selles et jouent avec, et, les personnes copromaniaques présentent des traits de caractères anaux. D’autres observations chez ses personnes permettent d’expliquer la copromanie, notamment une tentative de destruction du moi pour survivre, une volonté de garder ce qui vient de soi, de le maîtriser pour se le réapproprier, de l’assimiler. Nous savons également désormais que le comportement s’inscrit dans un besoin de recréer les limites psychocorporelles et spatiales personnelles. Il témoigne parfois d’une opposition à l’autre dans un contexte d’affirmation de soi et de colère à exprimer. Enfin, il présente un enjeux relationnel fort et ambivalent.

Autres hypothèses psychopathologiques

   La copromanie pourrait être un moyen de réinvestir corporellement la zone urogénitale et fécale peu stimulée chez la personne âgée. En effet, l’inexistence des rapports sexuels et du contrôle sphinctérien provoque une anesthésie sensorielle de cette zone corporelle, avant source de plaisir. Cette théorie rencontre, celle psychanalytique, qui considère que le stade anal est réactivé par la diminution (le désinvestissement) des stades suivants, phallique et génital, chez la personne. Une autre hypothèse consiste à considérer la copromanie, au même titre que d’autres troubles du comportement, comme un exutoire à l’angoisse. E. Pireyre (2015), nomme à ce sujet les angoisses archaïques*. Ce sont des angoisses corporelles d’effondrement, de liquéfaction, de morcellement ou encore de dévoration, retrouvées chez les personnes psychotiques, ayant des TSA, atteintes de démence, ainsi que les tous petits. Il explique que l’on observe en clinique dans le cas de ces angoisses, et pour lutter contre elles, des fixations sur des zones corporelles (comme la région anale). Ce serait un mode défensif d’investissement du corps visant à préserver l’image du corps. En plus d’exutoire, ce comportement agi serait un appel à l’aide pour apaiser l’angoisse que le sujet ne peut alléger seul. La personne appelée va ainsi suppléer la défaillance de la fonction d’auto-apaisement de la personne copromaniaque, par sa propre capacité d’apaisement et d’élaboration. Elle va prêter à l’autre sa capacité à digérer, par la parole notamment, les éléments bruts inacceptables pour cette dernière. C’est ce que W. R. Bion (1962) appelle la fonction alpha, fonction protectrice de la mère, qui par son appareil à penser, donne du sens au vécu de son bébé. Pour finir, étudions les hypothèses en lien avec l’approche de la mort. J. Maisondieu (2018, p 187) propose une explication en lien avec l’angoisse de mort « cette panique psychique née de l’idée insoutenable et irreprésentable de notre propre décomposition corporelle ». Suivant l’idée de la copromanie comme lutte contre la dépression, J. Maisondieu l’envisage comme lutte contre l’angoisse de mort. C’est un processus défensif et apaisant, allant à l’encontre du laisser-aller, de l’abandon et de la passivité mortifère. Il écrit : « sous la pression de l’exécration, la fécalisation est le mécanisme ultime que la psyché met en œuvre dans son incapacité à réaliser l’imposture de l’ordre symbolique et son échec à protéger de la mort » (2018, p 297). Certaines personnes atteintes de copromanie vont chercher les selles à l’intérieur de leur anus, pour lui, c’est : « s’arracher la mort des tripes, extraire la pourriture de ses entrailles » (Ibid.). L’objectif poursuivi serait de se détacher du corps mourant, sénile et sale, afin de, et même si cela peut paraître contradictoire, rester digne, propre, et vivant. Ce même auteur, apporte une autre explication à la survenue de la copromanie, en lien avec le deuil du moi éternel. Le comportement s’inscrirait dans un mouvement transgressif libertaire au vu de la mort qui approche. Ces personnes qui ont toujours religieusement respecté les lois et les règles de bonne conduite, et qui malgré cela sont tombées malades et vont maintenant mourir, voudraient alors se révolter et savourer les choses de la vie qui leur ont été proscrites. Pourtant, la copromanie semble être un comportement involontaire, presque inconscient. En effet, nous allons le voir, la plupart des personnes interrogées sur leur comportement copromaniaque répondent « je ne sais pas », « je ne comprends pas », ou encore « ce n’est pas moi ». Selon J. Maisondieu ces réponses déroutantes ne s’expliquent pas par la détérioration neurologique seule, mais également par le refoulement d’un comportement inacceptable psychiquement : « Personne ne pourra admettre l’intentionnalité inconsciente de son inconduite. Chacun, et lui comme les autres préférera penser qu’il n’y est pour rien, que sa main s’est égarée parce qu’il a complètement perdu la tête, non sous l’effet d’un réveil du désir mais à la suite d’une atteinte du cerveau » (2018, p 298). La copromanie semble donc être un comportement reflétant une impossibilité à réaliser les deuils liés à la sénescence et à la maladie. Il s’inscrit dans une volonté de se battre pour continuer malgré tout à rester digne, à être écouté, s’exprimer, être en relation, mais aussi contre la dépression et la mort. Ces hypothèses de compréhension sont inspirées d’horizons variés. Je vous propose maintenant d’apporter un éclairage spécifiquement psychomoteur au sujet.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
Partie 1 – PRESENTATION DE LA RECHERCHE : Le cadre de la recherche et l’état de la littérature à ce jour 
I. L’institution 
1) Le personnel de l’EHPAD
2) Les personnes accueillies
II. Ma place de stagiaire 
1) La psychomotricité dans l’institution
2) Le cadre de mon travail en tant que stagiaire
III. La démarche de recherche 
1) Déroulé de ma réflexion aboutissant au projet de recherche
2) Les outils méthodologiques utilisés
3) Méthode scientifique et points de vigilance
a) Méthode scientifique utilisée
b) Pour une scientificité garantie : la nécessité d’une vigilance et d’une remise en question constante
IV. Théorie sur le sujet 
1) La copromanie
a) Définition et étymologie
b) Un trouble du comportement ?
c) Les personnes atteintes de copromanie et le syndrome démentiel
d) Le sale
2) Hypothèses d’explication de la copromanie
a) Hypothèses déjà sous-tendues dans les parties précédentes
b) Hypothèses liées à la maladie et à l’histoire de vie
c) Hypothèses psychanalytiques
d) Autres hypothèses psychopathologiques
3) Psychomotricité et copromanie
a) Une légitimité à travailler auprès de ces patients
b) Besoins de base et besoins psychomoteurs
c) Les items psychomoteurs concernés
Partie 2 – PSYCHOMOTRICITE AUPRES DE CES PATIENTS 
I. 1ère étape : Exploration préalable – Les entretiens cliniques 
1) Pourquoi réaliser des entretiens
2) Entretiens avec le personnel de l’EHPAD
3) Les données recueillies
4) Analyse des données et conclusions possibles de ces entretiens
II. 2ème étape : Le choix du toucher terre comme médiation 
1) L’idée de cette médiation
2) Théorie autour de la médiation
a) La terre dans le toucher terre
b) Le toucher dans le toucher terre
3) Le cadre et le dispositif de la médiation toucher terre
III. 3ème étape : Enquête sur le terrain 
1) Présentation des trois patients pris en soin
2) Leur bilan psychomoteur
3) Les hypothèses pour expliquer leur copromanie
4) Le projet thérapeutique de chacun
5) Le déroulement et l’évolution des prises en charge
IV. 4ème étape : Analyse des données récoltées 
1) Bilans psychomoteurs de fin d’étude
2) Entretiens de fin d’étude avec le personnel de l’EHPAD
3) Grilles d’évolution de la copromanie
Partie 3 – RESULTATS DE LA RECHERCHE ET DISCUSSION 
I. Conclusion de la recherche 
II. Retour sur cette étude 
1) Les difficultés rencontrées
2) Les écarts entre ce qui a été pensé et réalisé
3) Les limites et améliorations possibles
III. Apports cliniques de la recherche 
1) Le travail pluridisciplinaire
2) Incidence sur les soignants
IV. Réflexions thérapeutiques concernant la copromanie 
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *