Contenu en gaz
Le Bulbe galactique est essentiellement dépourvu de gaz interstellaire, excepté dans le « Disque H I central » (H I Central Disk) ou « Disque nucléaire » (Nuclear Disk), disque de gaz moléculaire s’étendant jusqu’à R = 1,5 kpc du Centre, incliné de 22˚ par rapport au plan du disque de la Galaxie, et contenant 107 M⊙ de H I (Burton & Liszt 1978). D’une manière générale, les quelques centaines de parsec centraux sont riches en gaz moléculaire, de sorte que cette région a été nommée « Zone moléculaire centrale » (Central Molecular Zone, CMZ). On prévoit dans le potentiel triaxial engendré par une barre d’étoiles l’existence de deux types d’orbites stables pour le gaz interstellaire (Fig. 2.3, voir par exemple Binney et al. 1991, et références incluses). Les orbites X1 sont allongées dans le sens du grand axe du potentiel alors que les orbites X2 sont allongées dans le sens du petit axe du potentiel. Ces deux familles d’orbites se superposent (Fig. 2.3, à gauche), mais il est clair que du gaz ne peut résider sur deux orbites de type différent si celle-ci s’intersectent. Les orbites X1 les plus internes sont dégénérées : elles s’intersectent elles-même. Ce type d’orbite ne doit pas être stable pour le gaz, qui perd du moment cinétique sur ces orbites. Les orbites au sein du Disque H I central sont probablement de type X1. Ce Disque H I central ne s’étend pas jusqu’au centre de la Galaxie : il a une limite interne, matérialisée par l’Anneau moléculaire à 180-pc (180-pc Molecular Ring), qui pourrait tracer l’orbite X1 stable la plus interne (Fig. 2.3, à droite). L’hypothèse généralement admise pour expliquer cet anneau moléculaire est que le gaz du Disque H I central qui, perdant du moment cinétique par divers processus, arrive sur l’orbite X1 stable la plus interne peut la quitter pour s’engager dans le domaine des orbites non stables. Il ne peut suivre aucune de ces orbites, et peut être amené à traverser cette zone pour entrer en collision de nouveau avec le bord interne du disque H I, qu’il va compresser suffisamment pour provoquer la création de molécules. Ce scénario explique assez bien les observations en vitesse, mais il demeure des écarts significatifs. Ceux-ci prennent peut-être leur origine dans un phénomène similaire à la seconde hypothèse qui a été invoquée pour expliquer l’Anneau moléculaire à 180-pc, à savoir un choc entre le Disque H I central et une bulle de plasma en expansion, pouvant provenir de l’explosion de ≃ 103 supernovae faisant suite à un épisode de formation d’étoiles massives (Sofue 1995)
Le Disque circumnucléaire (CND)
Le Disque circumnucléaire (CND) a été identifié dans des observations de H I (Liszt 1983), de poussières (Becklin et al. 1982) et de certaines molécules (HCN et CO, Güsten et al. 1987), plus récemment en H2 (Yusef-Zadeh et al. 2001). Ce disque est très asymétrique, s’étendant jusqu’à 7 pc aux longitudes galactiques négatives (sud-ouest), et seulement . 3 pc aux longitudes positives (nord-est). Le bord interne du CND ne s’étend pas en deçà de 1–1,5 pc. À ce rayon, on observe une limite nette, ionisée, définissant la « Cavité centrale » (Central Cavity), de sorte que le CND est peut-être plus proche du tore de matière que du disque, ce qui lui vaut une seconde appellation : Anneau circumnucléaire (Circumnuclear Ring, CNR). Il est de densité irrégulière, composé de petits grumeaux, vraisemblablement allongés par les forces de marée. La raies sont plutôt larges (& 40 km s−1) le long du bord interne, probablement en raison de la dispersion des vitesses entre les grumeaux. La présence de vide entre les grumeaux permet au rayonnement de pénétrer profondément dans le CND. La Cavité centrale contient la région H II Sgr A Ouest (Sect. 2.2.1), composée de gaz ionisé et atomique neutre et de poussières, ainsi que l’amas d’étoiles à hélium, qui sont responsables de l’ionisation du bord interne du CND. Les diverses interprétations des données cinématiques sont au premier ordre compatibles avec une rotation essentiellement circulaire, avec une vitesse radiale allant de . 20 km s−1 à 50 km s−1. Le CND serait composé principalement de dix à vingt nuages moléculaires de taille caractéristique 8–10′′ (≃ 0,5 pc), contenant chacun ≃ 1 000 M⊙ (Christopher & Scoville 2003). L’origine de cet anneau n’est pas claire. Étant donné son aspect dissymétrique, il ne peut s’agir d’une structure stable. Il peut s’agir soit d’une structure récente, non encore circularisées (par exemple un anneau formé des débris d’un nuage moléculaire disloqué par les forces de marée), soit d’une structure ancienne ayant subit récemment une perturbation. Dans les deux cas, l’aspect plus régulier du bord interne s’explique par la période de rotation plus courte, qui fait que la régularisation est plus rapide. Le CND est en projection au bord de Sgr A Est. Cette coïncidence spatiale suggère la possibilité d’une interaction mécanique entre les deux : par exemple, Sgr A Est pourrait avoir déstabilisé un disque circumnucléaire symétrique par son expansion. Coker et al. (2002b) ont montré par des simulations que dans le potentiel composite issu de la masse centrale ponctuelle et d’un amas de densité ρ ∝ r−1,75 il existe une orbite de vitesse minimum à r ≃ 4 pc, de sorte que le matériau interstellaire en orbite à tendance à s’accumuler autour de ce rayon. Ils montrent que l’apparence irrégulière du CND nécessite la combinaison de plusieurs nuages provenant de trajectoires diverses. Selon leur modèle, les cœurs des nuages les plus massifs peuvent se contracter suffisamment pour donner lieu à des régions de formation stellaire. Dans ce modèle, le CND doit être constamment alimenté par l’apport de nouveaux nuages pour être pérennisé.
Population stellaire
L’existence d’un amas d’étoiles très dense dans la région interne du centre Galactique a été mise en évidence pour la première fois par Rieke & Low (1973) puis Becklin & Neugebauer (1975), au début des observations infrarouges. À l’époque, les auteurs ont petit à petit résolu d’abord trois puis dix neuf sources infrarouge (infrared source, IRS), désignées par leur numéro d’ordre de brillance en infrarouge : IRS 1 à IRS 19. Le sigle « IRS » étant assez peu chargé de sens, de sorte que l’IAU préfère « GCIRS », pour Galactic Center InfraRed Source, cependant ce sigle officiel est très peu utilisé. Avec les progrès de l’astronomie infrarouge, au total 36 sources ont été ainsi nommées, puis ces sources ont été résolues en étoiles, parfois multiples, ce qui amène à des désignations complexes, par exemple « IRS 16SE2 », les deux lettres (SE) indiquant une localisation spatiale au sein du complexe IRS 16 (sud-est), le chiffre (2) étant un numéro d’ordre de luminosité au sein d’une étoile multiple. Hall et al. (1982) ont mis en évidence pour la première fois la présence d’une raie très large d’He I à 2,058 µm dans le spectre de la source infrarouge IRS 16, à l’époque non résolue. Puis cette émission à été résolue par Krabbe et al. (1991) en un amas d’étoiles à hélium occupant le parsec central de la Galaxie, amas composé essentiellement, mais pas uniquement, des composantes de la source IRS 16. Son membre le plus lumineux (l’étoile AF ou AHH selon les références) a été étudiée de façon détaillée par Najarro et al. (1994). Cette étude a montré que cette étoile était une supergéante bleue de type Wolf-Rayet. Elle est caractérisée par un intense vent stellaire. Plus tard, il a été proposé que toutes les sources composant cet amas soit des étoiles chaudes, jeunes et massives (Krabbe et al. 1995; Najarro et al. 1997a). Les mouvements propres de ces étoiles ont été mesurés par Eckart & Genzel (1997), et semblent indiquer un mouvement à contrecourant des flots de gaz ionisé locaux. Toujours selon ces auteurs, cet amas indiquerait un évènement de formation stellaire massive récent datant d’environ 107 ans. La cinématique stellaire serait cohérente avec l’existence d’un trou noir d’environ 2,5×106 M⊙. Un amas très serré d’étoiles faibles (mK ≃ 15), le complexe Sgr A* (IR) (Sgr A* (IR) complex) ou amas Sgr A* (Sgr A* cluster), parfois appelé plus rapidement « amas S », a également été découvert dans un rayon d’environ 0,5 ′′ autour de la position de Sgr A* par Eckart et al. (1995) grâce à un système d’imagerie haute résolution par la technique « shift-and-add » (SHARP). Cette détection a rapidement été confirmée de façon indépendante par imagerie des tavelures (Ghez et al. 1998) et par optique adaptative. Ces sources étant très proches de la masse centrale, des mesures de mouvement propre précises ont commencé à être disponibles peu de temps après (Eckart & Genzel 1996, 1997; Ghez et al. 1998; Eckart et al. 1999). Des données de spectroscopie sont également devenues possibles (Eckart et al. 1999; Figer et al. 2000a; Gezari et al. 2002), montrant que ces étoiles sont des étoiles chaudes, de type O9 à B0.5. L’influence gravitationnelle du trou noir est devenue directement mesurable à travers l’accélération de ces étoiles (Ghez et al. 2000; Eckart et al. 2002). La première mesure de vitesse propre de l’une des étoiles, S2 ou S0-2 selon les auteurs, a été obtenue par Ghez et al. (2002), permettant de trouver ses paramètres orbitaux avec une précision suffisante pour prévoir son passage au périapse, à la fin du premier trimestre 2002. Enfin, l’accumulation des données sur dix ans, contenant ce passage au périapse, a permis les mesures les plus précises des paramètres orbitaux de cette étoile (Schödel et al. 2002; Ghez et al. 2002). Cette étoile est sur une orbite elliptique avec une période de 15,2 ans, et un périapse de seulement 17 heures lumière (120 UA)
Formation stellaire
Comme on l’a vu, la formation stellaire est active dans la région du Centre Galactique, qui présente plusieurs amas d’étoiles massives. Pourtant plusieurs paramètres devraient tendre à inhiber cette formation : d’une part le champ magnétique intense (de l’ordre du mG, à comparer au champ dans le disque galactique, de l’ordre du µG), et d’autre part les forces de marée dues à l’intense champ de gravité qui règne dans cette région de la Galaxie, lui-même dominé par le potentiel gravitationnel du trou noir central dans les régions les plus internes, puis par celui des étoiles dans les régions intermédiaires. D’autres paramètres au contraire favorisent la formation stellaire, en particulier les chocs assez fréquents entre nuages moléculaires. De plus, les contraintes citées ci-dessus inhibent plus particulièrement la formation d’étoiles peu massives, puisque seuls les nuages les plus denses seront à même de ce contracter. En outre, la métallicité élevée, double de celle observée dans le voisinage solaire, favorise la formation d’étoiles massives. De plus, ces étoiles se forment préférentiellement en amas massifs, ce qui tend à favoriser la formation d’étoiles massives par coalescence. D’autres paramètres menant à la formation d’étoiles particulièrement massives dans le Centre Galactique sont discutés dans Morris (1993). Par ailleurs, Portegies Zwart et al. (2001) prévoit par des modèles d’évolution d’amas que les 200 pc centraux pourraient facilement contenir une cinquantaine d’amas stellaires similaires aux amas des Arches et du Quintuplet. Selon les auteurs, ces surdensités volumiques d’étoiles seraient indétectables, car une fois projetées sur le plan du ciel elles ne se traduiraient pas par des surdensités surfaciques significatives à cause de la confusion avec la densité surfacique de fond. Ainsi, l’étude de la population d’étoiles et de la formation stellaire dans les régions centrales de la Voie lactée doit permettre de contraindre les modèles de formation stellaire, plus particulièrement dans ces conditions particulières, et d’améliorer la connaissance de la fonction de masse initiale (Initial Mass Function, IMF) des centres galactiques
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Table des matières
Introduction
1 Intérêt de l’étude du Centre Galactique
2 Constituants et échelles du Centre Galactique
2.1 Autour de l’échelle de cent parsecs
2.1.1 Contenu en gaz
2.1.2 Contenu stellaire
2.1.3 Étoiles jeunes et formation stellaire
2.1.4 Champ magnétique
2.1.5 Rayonnement X
2.2 En dessous de quelques dizaines de parsecs
2.2.1 Milieu interstellaire
2.2.2 Population stellaire
2.2.3 Le trou noir supermassif
3 Problématique
3.1 Situation observationnelle
3.2 Formation stellaire
3.3 Mécanismes d’accrétion
3.4 Objectifs
I Méthodes observationnelles
4 Introduction
5 L’instrument BEAR
5.1 Introduction
5.2 Le spectromètre à transformée de Fourier
5.2.1 Un interféromètre de Michelson
5.2.2 Montage à deux entrées et deux sorties
5.3 Le mode imageur BEAR
5.4 Les données
5.5 Les caractéristiques de BEAR
5.6 Logiciels standards de réduction des données
5.6.1 cubeview : visualisation des cubes
5.6.2 BEARprocess : génération des cubes spectraux
5.6.3 BEAR_calib : calibration relative et absolue
5.6.4 PSubCub_gen : sélection de la bande et rééchantillonnage
5.6.5 Merge_Cube : création de mosaïques
5.6.6 Correction du mouvement de la Terre
5.6.7 Rotation du champ
5.6.8 Soustraction du continuum
6 Problématique de l’imagerie haute résolution
6.1 Introduction
6.2 Méthodes instrumentales
6.2.1 La turbulence atmosphérique
6.2.2 La diffraction
6.2.3 L’échantillonnage
6.2.4 Notion de réponse impulsionnelle
6.2.5 Théorème de Shannon
6.3 Méthodes logicielles
6.3.1 Introduction à la notion de déconvolution
6.3.2 Cas d’une source ponctuelle isolée
6.3.3 Champs denses de sources ponctuelles
6.3.4 Objets diffus
6.3.5 Objets étendus à bord franc
6.3.6 Imperfection de la connaissance de la PSF
6.3.7 Caractère falsifiant de la déconvolution
6.3.8 Champs complexes
6.4 Deux logiciels d’analyse de champs stellaires
6.4.1 Photométrie astrométrique avec StarFinder
6.4.2 Déconvolution avec le code MCS
II Nature de l’amas central
7 Étude de la population d’étoiles à hélium
7.1 Introduction
7.2 Observations
7.2.1 Spectro-imagerie BEAR
7.2.2 Imagerie au sol avec optique adaptative CFHT .
7.2.3 Imagerie NICMOS Paα
7.3 Correction des raies d’émission telluriques
7.3.1 Étude des raies telluriques
7.3.2 Correction des raies telluriques
7.4 Recherche des étoiles à raies d’émission
7.4.1 Recherche de candidates étoiles à hélium
7.4.2 Extraction et réduction des spectres des candidates
7.5 Ajustement de profils stellaires
7.5.1 Profils P Cyg
7.5.2 Modèle simple de profil P Cyg
7.6 Résultats
7.7 Discussion
7.7.1 Différents types d’étoiles à raies d’hélium en émission
7.7.2 Nature des étoiles à hélium du Centre Galactique
8 Un objet exceptionnel : IRS 13E
8.1 Introduction
8.2 Images à haute résolution de IRS 13, et leur réduction
8.2.1 Données d’optique adaptative
8.2.2 Images NICMOS
8.3 Analyse haute résolution des images
8.3.1 Critère de sélection
8.3.2 Comparaison de StarFinder et de MCS sur les données L
8.4 Résultats
8.4.1 Détection des composantes stellaires, photométrie astrométrique
8.4.2 Information spectrale
8.4.3 Calibration
8.4.4 Distribution spectrale d’énergie
8.5 Nature des sources
8.5.1 Composantes stellaires de IRS 13E
8.5.2 Les autres étoiles du champ
8.6 IRS 13E, un amas compact d’étoiles massives
III Cinématique du milieu interstellaire du parsec central
9 Introduction
10 Analyse structurelle de Sgr A Ouest
10.1 Introduction
10.2 Décomposition du profil d’émission
10.2.1 Profil de raie
10.2.2 Moteur d’ajustement
10.2.3 Première étape : ajustement d’un profil multiple par point du champ
10.2.4 Seconde étape : identification des structures
10.2.5 Troisième étape : exploration, interprétation et correction des résultats
10.2.6 Quatrième étape : itération de l’ajustement
10.2.7 Cinquième étape : itération de l’identification des structures
10.2.8 Critère de convergence
10.2.9 Résultats et limitations de la méthode
10.2.10 Cartes complémentaires
10.3 Résultats généraux concernant la Minispirale
10.3.1 Taille des structures
10.3.2 Gradient de vitesse
10.3.3 Fluctuations aux petites échelles
10.3.4 Rapport de raie [He I]/[Brγ]
10.4 Morphologie du gaz ionisé au sein de Sgr A Ouest
10.5 Discussion
11 Analyse cinématique du Bras Nord
11.1 Introduction
11.2 Rappels sur les mouvements keplériens
11.2.1 Éléments orbitaux
11.2.2 Équation de la trajectoire
11.2.3 Équations de la vitesse
11.2.4 Projection de l’orbite dans le système de coordonnées observable
11.2.5 Unicité des éléments orbitaux
11.3 Ajustement d’une orbite sur une carte
11.3.1 Introduction
11.3.2 Estimateur
11.3.3 Importance de la fonction de pondération
11.3.4 Résolution de la dégénérescence
11.3.5 Éléments orbitaux de départ
11.3.6 Résultats concernant le Bras Nord
11.4 Ajustement d’un faisceau sur une carte
11.4.1 Introduction
11.4.2 Choix d’un ensemble de points de contraintes
11.4.3 Première méthode
11.4.4 Seconde méthode
11.4.5 Étude d’hypothèses simplificatrices
11.4.6 Application au Bras Nord
11.4.7 Meilleur modèle
11.4.8 Déviations au mouvement keplérien
11.5 Validité du modèle
12 Nature et échelle de temps de la Minispirale
Conclusion
13 Origine de Sgr A Ouest
13.1 Rappel des résultats
13.1.1 Nature des étoiles chaudes du parsec central
13.1.2 Nature du gaz ionisé de Sgr A Ouest
13.2 Origine des étoiles à hélium
13.3 Origine et devenir de la Minispirale
13.4 Lien entre population stellaire et milieu interstellaire
13.5 Perspectives
13.5.1 Détermination de la fonction de masse initiale de l’amas central d’étoiles massives
13.5.2 Poursuite de l’analyse de la Minispirale
13.5.3 Structure et cinématique du CND
13.5.4 L’instrumentation idoine
Glossaire
Bibliographie
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