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Relation avec la K-théorie
Soient G un groupe topologique et (ρ, V ) une représentation irréductible de di-mension finie de G. De la même façon que l’on a défini l’algèbre Aρ(G), qui est l’analogue tordu par ρ de la C∗-algèbre maximale de G, on peut définir une algèbre de Banach réduite tordue par ρ de G comme étant la complétion de Cc(G) pour la norme :
f Aρr (G) = ρ ⊗ LG(f ) L(V ⊗L2(G)),
pour f ∈ Cc(G) et où LG est la représentation régulière gauche de G dans L2(G).
On note Aρ(G) cette complétion.
On a alors un unique morphisme d’algèbres de Banach ρ ⊗ LG : Aρ(G) → Aρr(G). qui prolonge l’identité sur Cc(G). Soit (ρ ⊗ LG)∗ : K(Aρ(G)) → K(Aρr(G)), le morphisme en K-théorie induit par ρ ⊗ LG.
Proposition 1.1.8. Si G a la propriété (T) tordue par ρ et G n’est pas un groupe compact alors les algèbres Aρ(G) et Aρr(G) n’ont pas la même K-théorie, c’est-à-dire que (ρ ⊗ LG)∗ n’est pas injectif.
Démonstration. Supposons que G soit un groupe localement compact non-compact ayant la propriété (T) tordue par une représentation ρ. Il existe alors un idempotent non-nul pG ∈ Aρ(G) tel que ρ(pG) = IdV et, pour toute représentation π unitaire de G qui ne contient pas la représentation triviale, (ρ ⊗ π)(pG) = 0. Comme G n’est pas compact on peut prendre π = LG et, par conséquent, (ρ ⊗ LG)(pG) = 0, ce qui montre que (ρ ⊗ LG)∗ n’est pas un morphisme injectif.
Cas des groupes de Lie semi-simples
Tout au long de cette section G sera la composante connexe des points réels d’un groupe algébrique simplement connexe (c’est-à-dire que tout revêtement algébrique de G est isomorphe à G) de façon à ce que G soit produit direct de ses facteurs simples [Mar91, Proposition I.1.4.10]. On suppose en plus que tout facteur direct simple de G est soit de rang au moins 2, soit localement isomorphe à Sp(n, 1) pour n ≥ 2 ou à F4(−20). Le groupe G a alors la propriété (T) de Kazhdan usuelle (c’est-à-dire que 1G est isolée dans le dual unitaire de G) [dlHV89] et vérifie, en fait, une propriété plus forte de décroissance uniforme de coefficients de matrice de représentations unitaires [Cow79].
Soit ρ : G → Aut(V) une représentation irréductible de dimension finie de G dans un espace vectoriel complexe V de dimension m. On considère le complexifié G(C) de G et le complexifié de l’algèbre de Lie de G, g, que l’on note gC. On notera de la même façon la représentation de g définie par ρ sur V et ρ elle même. Soit u une forme réelle compacte de gC compatible avec g et soit U le sous-groupe de Lie connexe de G(C) qui a pour algèbre de Lie u. Le groupe U est un sous-groupe compact maximal de G(C) qui est invariant par la conjugaison complexe sur G(C) [Kna02]. Soit K le sous-groupe compact maximal de G donné par U ∩ G. On considère sur V un produit hermitien invariant par l’action de U (unique à constante près car V est irréductible), c’est-à-dire tel que ρC(U ) soit contenu dans les matrices unitaires de GL(V ), où ρC est le complexifié de ρ. Pour un élément M ∈ End(V ), notons M ∗ son adjoint par rapport à ce produit hermitien.
On considère toujours la norme d’opérateur sur End(V ) que l’on notera .
et une mesure de Haar sur G, dg pour g ∈ G.
Soit ω : G → Aut(V ′) une représentation fidèle de G qui contient ρ et telle que V ′ soit muni d’un produit hermitien de sorte que ωC(U ) soit contenu dans le groupe unitaire de GL(V ′). On définit une longueur l sur G (c’est-à-dire une fonction sur G à valeurs dans R+ telle que l(1) = 0, l(gh) ≤ l(g) + l(h) et l(g) = l(g−1), ∀g, h ∈ G) de la façon suivante : l(g) = log(max( ω(g) End(V ), ω(g−1) End(V ))), ∀g ∈ G.
Cette longueur définit une semi-métrique pour g, x ∈ G. Soit Bq = {g ∈ G|l(g) ≤ q} d sur G donnée par d(g, x) = l(g−1x), pour tout q ∈ N.
Le but de cette section est de démontrer que le groupe G a la propriété (T) tordue par ρ.
Soient Aρ(G), A′G et A′′G définies comme dans la section précédente que l’on note A, A′ et A′ respectivement pour simplifier les notations. Soit Θ le morphisme d’algèbres de Banach
Θ :A→A′⊕A′′.
KK-théorie équivariante de Kasparov
Dans une série d’articles (cf. [Kas80], [Kas88], [Kas95]), G. Kasparov a défini un bifoncteur de la catégorie des C∗-algèbres, munies d’une action continue d’un groupe localement compact, dans la catégorie des groupes abéliens, qui regroupe à la fois la K-théorie et la K-homologie des C∗-algèbres. Il utilise ce “K-bifoncteur” pour calculer la K-théorie des C∗-algèbres de groupe pour des groupes de Lie connexes moyennables ainsi que pour les sous-groupes discrets. Il l’utilise aussi pour montrer la conjecture de Novikov sur l’invariance homotopique des signatures d’ordre supérieur pour des variétés lisses dont le groupe fondamental est un sous-groupe discret d’un groupe de Lie connexe. Nous allons rappeler ici les définitions ainsi que les propriétés principales de cette KK-théorie équivariante, que nous allons utiliser dans la construction de notre morphisme tordu. On renvoie le lecteur vers [Ska91], vers [Val02] ou vers [Hig90], pour des expositions de cette théorie.
Si A et B sont des C∗-algèbres, la norme de C∗-algèbre sur le produit tensoriel algébrique A ⊗algC B que l’on va toujours considérer est la minimale (cf. [Hig90, 1.1]). On note alors A ⊗B la C∗-algèbre produit tensoriel par rapport à cette norme.
Produit croisés. On rappelle que si G est un groupe localement compact, une G-C∗-algèbre A est une C∗-algèbre munie d’une action continue de G, c’est-à-dire qu’il existe un homomorphisme continu α de G dans le groupe des ∗-automorphismes de A, que l’on note Aut(A), muni de la topologie de la convergence en norme point par point. Pour simplifier les notations, si A est une G-C∗-algèbre, on note, pour tout g ∈ G et pour tout a ∈ A, g(a) := α(g)(a). ou, plus simplement encore, ga := α(g)(a).
Soit G un groupe localement compact et soit A une G-C∗-algèbre. L’espace vectoriel des fonctions à support compact sur G à valeurs dans A, noté Cc(G, A), est munie d’une structure d’algèbre involutive : on définit la multiplication par la formule, pour f1, f2 ∈ Cc(G, A) et g ∈ G, Z f1 ∗ f2(g) = f1(t)t(f2(t−1g))dt,G. où dg est la mesure de Haar invariante à gauche sur G, et l’involution est définie par la formule, pour f ∈ Cc(G, A) et g ∈ G, f ∗(g) = g(f (g−1))∗Δ(g−1), où Δ est la fonction modulaire de G (c’est-à-dire que dg−1 = Δ(g)−1dg).
Intuitivement, il est parfois utile de noter tout élément g f (g) de Cc(G, A) par l’intégrale formelle G f (g)eg dg, où eg est une lettre formelle satisfaisant :
– eg eg′ = egg′ .
– e∗g = e−g1 = eg−1 .
– et eg ae∗g = g.a pour a ∈ A.
Nous allons utiliser très souvent cette notation.
KK-théorie banachique de Lafforgue
Dans [Laf02b], Lafforgue a défini une théorie similaire à la KK-théorie équiva-riante de Kasparov mais pour les algèbres de Banach qui a permis de pour prouver la conjecture de Baum-Connes pour des groupes infinis discrets ayant la propriété
(T). On rappelle qu’une preuve de la conjecture, pour un groupe localement compact G, qui utilise la méthode du “dual Dirac-Dirac” (cf. introduction), et donc la KK-théorie de Kasparov, implique forcément l’existence d’un isomorphisme entre la K-théorie de la C∗-algèbre maximale de G et la K-théorie de sa C∗-algèbre réduite. De plus, elle utilise le fait que l’on puisse construire une homotopie entre un élément, appelé élément γ de Kasparov, et l’identité dans KKG(C, C), ce qu’il n’est pas possible dès que le groupe a la propriété (T). L’idée principale de la KK-théorie de Lafforgue, dite désormais “banachique”, est de remplacer les représentations unitaires de G dans des espaces de Hilbert dans la définition de KKG(C, C) par des représentations isométriques de G dans des espaces de Banach. Dans ce cadre, il n’existe pas de difficulté analogue à la propriété (T) (cf. [Laf02b, Introduction]). Lafforgue construit la KK-théorie banachique, à partir de la KK-théorie équivariante de Kasparov, en remplaçant les modules hilbertiens par des paires de modules de Banach en dualité.
Dans la suite une algèbre de Banach B est un espace de Banach muni d’une structure de C-algèbre telle que ab B ≤ a B b B pour a, b ∈ B. Elle est non-dégénérée si le sous-espace vectoriel BB est dense dans B. On va considérer des algèbres de Banach qui ne sont pas nécessairement unifères (c’est-à-dire qu’elles ne possèdent pas nécessairement un élément unité). Si B est une algèbre de Banach, on note B˜ l’algèbre unitarisée de B, c’est-à-dire B˜ = B ⊕ C munie du produit (a, λ).(b, µ) = (ab + λb + µa, λµ) et de la norme (b, λ) = b + |λ|, pour a, b ∈ B ˜ = (0, 1). On identifie alors B avec son image et λ ∈ C. L’élément unité de B est 1 ˜ B ˜ (b, 0). dans B par l’homomorphisme b.
Modules de Banach. Un B-module de Banach à droite (resp. à gauche) sur une algèbre de Banach B est un espace de Banach E, avec une norme que l’on note . E , muni d’une structure de B-module à droite (reps. à gauche) telle que, pour x ∈ E, b ∈ B, xb E ≤ x E b B (reps. bx E ≤ b B x E ).
Un B-module de Banach est non-dégénéré si le sous-espace vectoriel EB (resp. BE) de E est dense dans E.
Si B et C sont deux algèbres de Banach, un morphisme d’algèbres θ : B → C est un morphisme d’algèbres de Banach si θ(b) C ≤ b B , c’est-à-dire que l’on ne considère que les morphismes d’algèbres de Banach qui sont de norme inférieure où égale à 1.
Soit B une algèbre de Banach et soient E et F des B-modules de Banach, à gauche ou à droite. Un morphisme de B-modules de Banach de E dans F est une application linéaire continue f : E → F qui est un morphisme de B-modules au sens algébrique. On pose : f = sup f (x) F . x∈E, x E =1
Flèche de descente tordue
Soit G un groupe localement compact et soit (ρ, V ) une représentation de di-mension finie de G. Pour toutes G-C∗-algèbres A et B, on veut définir des variantes des morphismes de descente définis et notés jG et jrG par Kasparov dans [Kas88, Theorem 3.11] (cf. 2.1.25) :
jρ : KKG(A, B) → KKban(A ⋊ρ G, B ⋊ρ G).
jρ,r : KKG(A, B) → KKban(A ⋊ρ G, B ⋊ρ G). r r.
On remarque que, comme A ⋊ρ G et B ⋊ρ G sont des algèbres de Banach, ces morphismes ont nécessairement une image dans KKban et non pas dans la KK-théorie de Kasparov. La construction est analogue à la construction de la descente banachique dans le cas des complétions inconditionnelles introduites dans [Laf02b, Section 1.5].
Soient A et B deux G-C∗ algèbres et soit E un G-(A, B)-bimodule de Kasparov. On rappelle que l’on note E le G-B-module de Banach à gauche non-dégénéré déter-miné par E (cf. exemple 2.1.29 et [Laf02b, Section 1.1]) tel qu’il existe une isométrie C-antilinéaire ∗ : E → E vérifiant b∗x∗ = (xb)∗ pour x ∈ E et b ∈ B. On définit alors un crochet ., . : E × E → B que l’on note ., . par abus de notation, par : x∗, y = x, y , pour x, y ∈ E, de sorte que (E, E) soit un G − (A, B)-bimodule de Banach. Si T ∈ LB (E) l’application T ∗ = (∗)T ∗(∗)−1 définit un élément de LB (E). On rappelle que pour toute longueur ℓ sur le groupe G, on note ι l’application : ι : KKG(A, B) → KKG,ℓban(A, B).
Construction du morphisme
Soit G un groupe localement compact et B une G-C∗-algèbre. On rappelle que l’on note EG le classifiant de G pour les actions propres et Ktop(G,B) la K-homologie G-équivariante de EG à valeurs dans B (cf. section 2.1). On rappelle que Ktop(G,B) = lim → KKG(C0(X),B), où X décrit les parties G-compactes de EG, c’est-à-dire les parties fermées de EG, G-invariantes et telles que X/G soit compact.
Définition 2.2.19. Soient G un groupe localement compact et X une partie Gcompacte de EG. Soit c une fonction continue à support compact sur X et à valeurs dans R+ telle que R G c(g−1x)dg = 1, pour tout x ∈ X (une fonction avec ces propriétés existe d’après [Tu99] et elle est appelée “fonction de cut-off” sur X). Soit p la fonction sur G × X définie par la formule p(g, x) = p c(x)c(g−1x).
La fonction p définit alors un projecteur de Cc(G,C0(X)), que l’on note p par abus de notation. L’élément de K(C0(X)⋊ρG) qu’il définit est appelé élément de Mischenko associé à X. On le note ρ. Soit
: KKban(C0(X) ⋊ρ G,B ⋊ρ G) → Hom(K(C0(X) ⋊ρ G),K(B ⋊ρ G)) le morphisme provenant de l’action de KKban sur la K-théorie défini dans [Laf02b] (cf. théorème 2.1.37). On a alors une suite de morphismes KKG(C0(X),B) jρ→ KKban(C0(X) ⋊ρ G,B ⋊ρ G) (.)(ρ) −→ K(B ⋊ρ G).
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Table des matières
1 Propriété (T) tordue par une représentation non unitaire
1.1 Propriété (T) tordue
1.1.1 Définitions et terminologie
1.1.2 Relation avec la K-théorie
1.1.3 Propriété d’hérédité
1.2 Cas des groupes de Lie semi-simples
2 Morphisme de Baum-Connes tordu
2.1 Rappels et notations
2.1.1 Actions propres
2.1.2 KK-théorie équivariante de Kasparov
2.1.3 KK-théorie banachique de Lafforgue
2.2 Morphisme de Baum-Connes tordu
2.2.1 Produits Croisés tordus
2.2.2 Flèche de descente tordue
2.2.3 Fonctorialité
2.2.4 Descente et action de KKban sur la K-théorie
2.2.5 Construction du morphisme
2.2.6 Compatibilité avec la somme directe de représentations
3 Étude de la bijectivité du morphisme B-C tordu
3.1 Cas des groupes avec un élément γ de Kasparov
3.1.1 Coefficients dans une algèbre propre
3.1.2 Élément γ de Kasparov
3.2 Cas des complétions inconditionnelles
3.2.1 Complétions inconditionnelles
4 Action sur Ktop(G) par le produit tensoriel de ρ
4.1 Définitions et énoncé du théorème principal
4.2 Algèbres L1. Rappels et notations
4.3 Démonstration du théorème 4.1.6
Bibliographie
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