La grande Ile de Madagascar a toujours intéressé les naturalistes par les caractères particuliers de sa faune et de sa flore (Renaud et al., 1981). Tous les lémuriens de l’île sont protégés depuis 1927 par le décret du 16 février 1961, qui annule ou remplace divers textes antérieurs et précise la liste des espèces les plus menacées de la faune malgache. La chasse et la capture de ces derniers sont interdites. Les articles de ce décret maintiennent l’authenticité de la conservation des espèces de lémuriens et de leurs habitats naturels à cause de la dégradation progressive autour de la station forestière de Mandena. Les vestiges de forêts naturelles qui en résultent, abritent cependant des lémuriens, des oiseaux et autresvertébrés ainsi que différentes espèces de plantes endémiques telles que Nepenthes madagascariensis, Donella delphinensis, etc. (Renaud et al., 1981).
La dégradation et la fragmentation des forêts littorales du Sud-est de Madagascar sont très avancées. Comme dans d’autres régions de l’île, les zones forestières autour de la région anosienne, notamment parmi les derniers vestiges de la forêt littorale humide du pays, sont soumises à une importante pression anthropique (annexe 1). Au cours de ces dernières années, les besoins quotidiens des deux communautés locales, constituées principalement par Antandroy et Antanosy, en bois de chauffe, en bois de construction et la culture sur brûlis, ont notablement réduit et dégradé la surface des blocs forestiers existants (Lewis Environnemental Consultants, 1992b). Cette zone forestière de Mandena ne constitue plus aujourd’hui que 5750 hectares, c’est-à-dire un quart de sa superficie originelle (Donati, 2004 non publié). Cette réduction constitue une pression sur la populationd’Eulemur collaris dans les deux blocs, dénommés M3 et M4, où vivait encore l’espèce (Ralison, 2001). Toutes les populations d’E. collaris des blocs M3 et M4 ont été capturées et transférées dans les blocs M15 et M16 (Ravoahangy, 2005). Durant la période 1990 – 2000, la pression sur ces deux fragments de forêt s’est considérablement accentuée due aux activités d’un grand nombre de charbonniers nouvellement arrivés (annexe 1). Par conséquent, les lémuriens qui y vivaient se sont trouvés dans une condition écologique non viable (Donati, 2001) avec un risque imminent pour leur survie. Qit Madagascar Minérals (QMM s.a.), une compagnie privée, conduit un projet d’extraction minière dans la région de Fort-Dauphin et soutient des études approfondies sur la biodiversité dans le cadre d’un programme de conservation. Cette compagnie favorise également la réalisation d’études sur l’écosystème environnant tel que celui de Mandena dans le but d’obtenir des informations fondamentales pour améliorer les stratégies actuelles concernant la réhabilitation et la reforestation de la forêt littorale.
Milieu physique
Zone de Mandena
Situation géographique
La région de Tolagnaro se trouve dans la pointe Sud-est de Madagascar. Quant à la zone de Mandena, elle est située entre 24°53’ et 24°58’ de latitude Sud et entre 47°00’ et 47°07’ de longitude Est dont l’altitude varie de 0 à 20m (Annexe 13 ; QMM 2000).
Climat, sols et hydrographie
Tolagnaro a un climat chaud et humide (Cornet, 1975). Sous le régime des Alizés de l’Est, la précipitation est évaluée à 1756 mm (entre 1925 et 1999), car la hauteur annuelle moyenne des pluies est relativement variable passant de 966 mm en 1987 à près de 2899 mm en 1972 (Water Management Consultants, 2001 ; annexe 6). La saison sèche dure environ trois mois : août –octobre. La quantité de pluie diminue jusqu’à 74,5 mm au mois de septembre. Par contre, la précipitation mensuelle est maximale (179 mm) de janvier à mars (annexe 7). La région de Tolagnaro est classée parmi celles qui sont humides sempervirentes (Cornet, 1975), y compris la zone d’étude (Faramalala, 1992). La variation annuelle moyenne de cette humidité relative est de 75% (Annexe 8).
Les sols se sont formés sur les sables holocènes déposés pendant les dernières régressions marines. Le niveau de fertilité est faible, ainsi que le pH (Rabeson, 1992). Seuls les sols dans les zones boisées possèdent une grande fertilité à cause de la litière qui y est décomposée. La disparition de la forêt entraîne la perte d’une grande partie du bilan nutritif. Le lessivage des éléments phytonutritifs augmente la dégradation de sols (Rabeson, 1992).
L’hydrographie est constituée par des lacs, des rivières et des ruisseaux qui se déversent directement soit dans la mer, soit dans les grands lacs. Dans la zone de Mandena, le lac Lanirano au sud et la rivière Mandromondromotra au nord coulent en traversant l’aquifère sableux sous-jacent et se déversent dans le lac d’Ambavarano avant de se jeter dans la mer à la pointe Evatraha par la petite rivière Anony. Le lac Lanirano reçoit trois rivières (Antinosoro, Eonandrano et Lanirano) qui constituent le bassin hydrologique de Lanirano (annexe 12). La rivière Mandromondromotra limite la partie nord-est de la concession de Mandena et l’Interface sable par roche minière à l’Ouest (QMM, 2000).
Ecologie de Mandena
La zone de Mandena a une superficie de 23 000 ha de plaine côtière sur laquelle pousse un vestige de forêt littorale humide. Cette zone a été fragmentée en 20 blocs forestiers numérotés de M1 à M20, dont la surface respective varie de 10 à 295 ha (annexe 12). Ils sont séparés par des prairies avec du sol dénudé : « zone à Phillipia sp. » et des marécages à Ravenala madagascariensis et à Pandanus sp.. Cette zone est située entre l’Océan Indien qui est sa limite naturelle à l’est et la chaîne anosienne, qui la surplombe à l’ouest. Cette plaine sableuse montre un sol pauvre qui devient plus humifié sous la litière des blocs forestiers. La société QMM y occupe environ 2370 ha des sites miniers (annexe 11, QMM, 2000).
Végétation et flore
La région a été estimée comme étant un couvert forestier non interrompu, partant de la chaîne de l’Anosy vers le littoral de l’Océan Indien (Lewis Environmental Consultants, 1992a ; Lowry et Faber-Langedon, 1991 ; Henderson, 1999). Trois variétés de forêts ont été identifiées : forêt « subalpine », forêt tropicale denses des plaines de mangrove et forêt littorale. Ces dernières sont à l’heure actuelle, affectées par des coupes sélectives et défrichements se trouvant à proximité des villages. La forêt littorale est la plus dégradée par rapport aux deux autres (Lowry et Faber-Langedon, 1991 ; Lewis Environmental Consultants, 1992a ; Henderson, 1999) .
En général, la forêt littorale est caractérisée par sa canopée ouverte, ce qui permet la pénétration de la lumière solaire jusqu’à la strate herbacée (Lewis Environmental Consultants, 1992b). Cette structure permettra l’invasion des plantes lianescentes rendant difficile l’accès dans la forêt. Selon Lowry et Faber-Langedon (1991) les quatre subdivisions stratégiques sont bien visibles : la canopée s’étend entre 9 à 12 mètres avec émergence à 20m, la strate arbustive est visible de 5 à 8 mètres, la strate intermédiaire entre 1 à 4 mètres et la strate herbacée de 0 à 1 mètre (Henderson, 1999). Ainsi, 542 taxons sont identifiés dans les trois secteurs de la forêt littorale (Mandena, Sainte Luce et Petriky). La composition floristique de la forêt a été évaluée par Lowry et al., (1991). Les zones de capture M3-M4 et la zone de réintroduction M15-M16 sont parmi les blocs forestiers de Mandena.
Faune
L’étude de la composition faunistique dans la zone littorale de Tolagnaro a été dirigée par Lewis Environmental Consultants en 1992. D’après les résultats obtenus par ces auteurs, 339 espèces terrestres ; 45% de toutes les espèces de Madagascar y sont présentes dont 8 espèces sont endémiques de la région. La plus grande variété faunistique se trouve dans la partie sud de la chaîne de l’Anosy. Les forêts littorales sont pauvres en espèces d’oiseaux et de reptiles.
Les études menées par Lewis Environmental Consultants (1992a et 1992b) donnent le nombre d’espèces de vertébrés terrestres qu’ils ont identifiés (Annexe 2). Cinquante six (56) espèces d’oiseaux, dont deux migratrices, sont présentes dans la région de Mandena, ainsi que trente-et-un (31) espèces de Reptiles, quatorze (14) espèces d’Amphibiens, onze (11) espèces de Mammifères non primates et six (6) espèces de Lémuriens. Parmi les lémuriens figurent Eulemur collaris, Hapalemur griseus meridionalis, Avahi laniger laniger, Microcebus murinus, Cheirogaleus medius et Cheirogaleus major. Les prédateurs tels que Cryptoprocta ferox, Fossa fossana, Galidia elegans y sont présents (QMM, 2001, Donati et al., 2004 non publié). Ces espèces de carnivores sont aussi présentes à Sainte Luce et dans d’autres régions environnantes. La présence de Cryptoprocta ferox n’a pas été signalée avant l’année 2001 (Lewis Environmental Consultants, 1992 et Ravoahangy, 2005).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE
I Milieu physique
I-1 Zone de Mandena
I-1-1 Situation géographique
I-1-2 Climat, sols et hydrographie
I-2 Ecologie de Mandena
I-2-1 Végétation et flore
I-2-2 Faune
I-3 Description des sites d’étude
I-3-1 Localisation des sites d’étude
I-3-2 Site de capture M3
I-3-3 Site d’introduction M15/M16
PARTIE II : MATERIELS ET METHODES
II- Matériel biologique
II-1 Choix des groupes
II-2 Description de l’animal
II-2-1 Position systématique
II-2-2 Description morphologique
II-2-3 Ecoéthologie
II-2-4 Répartition géographique d’E. collaris
II-3 Milieu biologique
II-3-1 Etude de la structure verticale de la forêt
II-3-2 Inventaire floristique
II-3-3 Etude des caractéristiques de l’arbre
II-4 Méthode de suivi éthoécologique
II-4-1 Inventaire des animaux
II-4-2 Suivi des groupes dans la forêt
II-4-3 Etude comportementale
II-4-3-1 Observation instantanée
II-4-3-2 Observation continue
II-5 Collecte des données éco-éthologiques
II-5-1 Position sur l’arbre et position de repos
II-5-2 Rythme d’activités principales
II-5-3 Actogramme
II-5-4 Dominance et hiérarchie sociales
II-6 Exploitation de l’habitat par le groupe
II-6-1 Régime alimentaire
II-6-2 Domaine vital
II-6-3 Utilisation des arbres par les animaux
II-7 Analyse statistique
II-7-1 Rythme d’activité
PARTIE III : RESULTATS ET INTERPRETATION
III-1 Structure et composition floristique de la forêt
III-1-1 Structure verticale de la forêt
III-1-2 Espèces végétales inventoriées
III-2 Caractéristiques des arbres constituant la forêt
III-2-1 DHP des arbres et diamètre de la canopée
III-2-2 Hauteur des arbres
III-3 Ethoécologie des animaux et utilisation de la forêt
III-3-1 Rythme d’activités
III-3-2 Actogramme diurne d’Eulemur collaris
III-3-3 Position adoptée lors du repos
III-3-4 Effets de la température sur l’activité de E. collaris
III-3-5 Effet de l’humidité sur l’activité de E. collaris
III-3-6 Hiérarchie intragroupe
III-4 Exploitation de l’habitat par le groupe
III-4-1 Régime Alimentaire
III-4-1-1 Types d’aliments consommés par les animaux
III-4-1-2 Temps consacré à la consommation de chaque espèce végétale
III-4-1-3 Arthropodes consommés
III-4-2 Domaine vital et densité de la population
III-4-3 Caractéristiques des arbres utilisés par les animaux
III-4-3-1 Hauteur des arbres utilisés
III-4-3-2 Diamètre à hauteur de poitrine des arbres (DHP)
III-4-3-3 Diamètre et forme de la canopée des arbres de repos
III-4-4 Occupation de la forêt
III-4-4-1 Position verticale des animaux sur l’arbre
III-4-4-2 Utilisation de la surface forestière
PARTIE IV : DISCUSSION
IV-1 STRUCTURE ET COMPOSITION FLORISTIQUE DE LA FORET
IV-2 ETHOECOLOGIE DES ANIMAUX ET UTILISATION DE LA FORET
IV-3 EXPLOITATION DE L’HABITAT
IV-4 RECHERCHE DES RESSOURCES ALIMENTAIRES
IV-5 PRESSIONS SUR LES ANIMAUX
IV-5-1 Pression anthropique
IV-5-2 Présence des prédateurs
IV-5-3 Relation entre la taille du groupe – domaine vital et prédateur
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES