Les activités humaines sont responsables de l’émission dans le milieu naturel de quantités non négligeables de métaux lourds (Cadmium, Vanadium, Plomb, Chrome, Nickel, Platine,…) qui occasionnent une forte augmentation des teneurs métalliques jusqu’à supplanter les sources naturelles. Les conséquences directes (Pereira!et al., 2004!; Schumacher et al., 2004) ou indirectes, par leur incorporation dans la chaîne alimentaire (poissons!: Henry et al., 2004!; eaux potables!: Tamasi!& Cini, 2004), s’avèrent dangereuses pour la population dans son ensemble (e. g. Wolterbeek & Verburg, 2004), et plus particulièrement pour les enfants dont les organismes en pleine croissance ont une forte propension à accumuler les espèces métalliques (e.g. Davis & Svansgaard, 1987!; Tripathi!et al., 1999!; Zietz et al., 2003!; LaKind!et!al.,!2004!; Mielke!et!al.,!in!press).
Dans le cas concret du plomb, en 1979, le Plomb d’origine anthropique mesuré dans l’Environnement est 18 fois plus abondant que le plomb d’origine naturelle (Pacyna, 1984). De ce plomb d’origine humaine, 37% sont dus aux émissions industrielles (production industrielle et génération d’énergie) et 63% aux émissions automobiles. Par l’adoption de la directive 82/884/CEE, la Commission Européenne impose un contrôle des rejets anthropiques de Pb afin de préserver la Santé Publique. Or, contrôler les rejets anthropiques de Pb revenait à limiter les émissions automobiles.
Les mesures prises par la Communauté Européenne ont conduit, directement (limitation puis interdiction pure et simple du Pb dans les carburants) ou indirectement (obligation faite aux constructeurs de doter les véhicules neufs de pots catalytiques), à l’usage généralisé de carburants sans plomb en Europe Occidentale. Les conséquences ont été immédiates puisque les teneurs de Pb mesurées dans les atmosphères urbaines (e.g. Olier et al., 1990!; Grimaldi et al., 1993) ainsi que les retombées atmosphériques dans les zones côtières méditerranéennes, soit des zones moins exposées directement au trafic automobile et aux activités industrielles (Migon, 1988!; Migon et al., 1993!; Journel, 1994!; Nicolas et al., 1994!; Journel, 1998) ont diminué. Rapportées au bilan des émissions atmosphériques sur le dernier siècle (fig. 1!; Ferrand, 1996), ces campagnes de caractérisation directe des retombées atmosphériques (représentées en grisé sur la fig. 1) sont toutes dans la phase de décroissance post-maximum. De plus, elles ne permettent de raisonner sur les retombées atmosphériques que sur une dizaine d’années.
OUTILS GEOCHIMIQUES
Les traceurs géochimiques que j’ai utilisé fournissent des informations sur l’origine, le transfert et l’accumulation de particules et des contaminants associés dans les réservoirs naturels. Il s’agit :
➤ d’éléments stables anthropiques!: le plomb et ses isotopes stables (Plomb-204 et Plomb-208, Plomb-206 et Plomb-207), ces 3 derniers se situant dans les chaînes de désintégration du Thorium-232, de l’Uranium-235 et de l’Uranium-238!;
➤ de radionucléides naturels avec une durée de vie adaptée aux processus sédimentaires!: Plomb-210 (T1/2=22,3!ans), isotope radioactif naturel du plomb, descendant du Radium-226!;
➤ de radionucléides artificiels!: Plutonium-239, Plutonium-240 et Césium-137.
ELEMENTS ETUDIES
Le Pb et ses isotopes
Le 210Pb
Le 210Pb (T1/2=22,3!ans) est un élément radioactif naturel émetteur b- et g qui se situe dans la chaîne de décroissance de l’Uranium-238 (T1/2=4,5.10⁹ !ans). Cet élément descend plus spécifiquement du Radon-222 (T1/2=3,8!jours), élément-fils du!Radium-226 (T1/2=1620!ans), qui s’échappe en permanence de la croûte terrestre sous la forme d’un gaz inerte. L’émission de 222Rn dépend de la nature du sol, de la couverture végétale, de la teneur des sols en 226Ra ou encore de leur humidité. Le taux d’émanation du 222Rn varie entre 0,2 et 2!atomes.cm-2.s-1 en fonction de la teneur des sols en 226Ra, de la couverture végétale, de la nature du sol et de l’humidité (Wilkenning!et!al.,!1975!; Turekian!et!al.,!1977!; Keller!&!Schultz,!1988). Une fois dans l’atmosphère, le 222Rn se désintègre en 210Pb qui s’adsorbe sur des aérosols submicroniques (Gillette!et!al, 1972). Le 210Pb atmosphérique retombe sur la surface terrestre sous forme de précipitations sèches et humides (de 50 à 75%!; Turekian et al., 1977!; Heyraud!et!al., 1982). Son temps de résidence dans l’atmosphère, déterminé par l’étude du déséquilibre Radon Plomb-Polonium et des modèles de circulation atmosphérique est de 1 à 10 jours (Moore!et!al., 1974!; Turekian!et!al., 1977!; Kritz!&!Rancher,! 1980).
Dans les zones océaniques, la modélisation des apports donnent les retombées suivantes (Fukuda & Tsunogai, 1975 ; Benninger, 1978 ; Turekian & Cochran, 1981 ; Turekian!et!al., 1983) :
▷ de 167 à 333!Bq.m-2.a-1 pour le Pacifique Nord!;
▷ de 84 à 167!Bq.m-2.a-1 pour l’Atlantique Nord!;
▷ et de 34 à 84!Bq.m-2.a-1 pour l’Océan Indien.
La gamme des flux atmosphériques de 210Pb dans les zones continentales est plus larges. Les valeurs fluctuent de 60 à 700 Bq.m-2.a-1 (Benninger et al., 1975!; Schell,!1977!; Benninger, 1978!; Nozaki et al., 1978!; Carpenter!et!al.,!1981!; Heyraud, 1982!; Appleby!&!Oldfield, 1983!; Murchie,!1985!; Nerissi, 1985!; Graustein!&!Turekian, 1989!; Hussain!et!al.,!1990 et Scheller,!1991). Sur le continent européen, les retombées atmosphériques, estimées à partir de modèles, se situent entre 80 et 120!Bq.m-2.a-1 (Turekian!et!al.,!1977 et Fleicher!et!al., 1991). Sur le pour tour méditerranéen, le flux atmosphérique moyen de 210Pb, mesuré directement, est de 110!Bq.m-2.a-1 à Monaco (Heyraud, 1982) et !102!Bq.m-2.a-1 à la Seynesur-mer (Abassi, 1998) et estimé à 81 ± 1!Bq.m-2.a-1 à partir de l’étude d’un tapis algaire dans le delta de l’Ebre (Sanchez-Cabeza et al., 1999). 95 % du 210Pb délivré à l’environnement provient du compartiment atmosphérique (El!Daoushy,!1988). Dans le domaine marin (fig.!2), le 210Pb dans l’océan provient de différentes sources :
➤ apports de 210Pb atmosphérique qui est appelé 210Pb en excès ou 210Pbxs;
➤ le 210Pb d’origine atmosphérique ( 210Pbxs, également) qui transite par les cours d’eau et
➤ le 210Pb résultant de la décroissance radioactive in situ du 226Ra qui s’échappe en permanence des sédiments que l’on appelle 210Pb supporté.
La contribution fluviatile à l’apport de 210Pb au système marin est faible en raison de sa forte affinité pour la phase particulaire (Benninger et al., 1975). La!majorité du 210Pb se retrouve ainsi stockée dans les alluvions des cours d’eau (Berger!&!Eisma, 1988). Abassi!(1998) calcule qu’avec une activité moyenne de 54,5!Bq.kg-1 dans ses eaux, le Rhône transporte 6,45!Bq.m-3. Ramené au débit liquide moyen (environ 1700 m3 .s-1), cet apport n’est pas à négliger lorsqu’on travaille en milieu prodeltaïque où la grande concentration de matières en suspension est synonyme de fort scavenging et d’inventaires sédimentaires de 210Pb très élevés.
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Table des matières
I/ INTRODUCTION
II/ OUTILS GEOCHIMIQUES
A/ ELEMENTS ETUDIES
1/ Le Pb et ses isotopes
a) Le 210Pb
b) Les isotopes stables
2/ Le plutonium
a) Le plutonium naturel
b) Le plutonium artificiel
3/ Le Césium
B/ QUELLES INFORMATIONS DONNENT-ILS!?
III/ MÉTHODOLOGIE
A/ ÉCHANTILLONNAGE
1/ Le sédiment
2/ Les particules marines
3/ Les échantillons atmosphériques
4/ Les sols
B/ MÉTHODES ANALYTIQUES
1/ Le comptage gamma
2/ Le comptage alpha
3/ La spectrométrie de masse
a) Spectrométrie de masse à thermo-ionisation : TIMS
b) Procédure d’extraction du plomb
c) Purification du plutonium
C/ MODÈLES DE DATATION 210Pb
1/ le calcul d’inventaires
2/ Les modèles non biodiffusifs
a) Le modèle CF : CS (Constant Flux : Constant Sedimentation)
b) Le modèle CIC (Constant Initial Concentration)
c) Le modèle CRS (Constant Rate of Supply)
3/ Les modèles biodiffusifs
IV/ APPORTS ATMOSPHERIQUES DE PLOMB EN CAMARGUE
A/ CONTEXTE DE L’ÉTUDE
1/ Contexte scientifique
2/ Zone d’étude
a/ Type de matériel collecté
B/ ACCUMULATION ET RETOMBÉES ATMOSPHÉRIQUES DE Pb EN CAMARGUE
1/ Accumulation de Pb dans les sols
2/ Estimation des retombées atmosphériques de Pb
C/ SIGNAL SÉDIMENTAIRE, SIGNAL ATMOSPHÉRIQUE
1/ le signal atmosphérique actuel
2/ Comparaison avec les sols
D/ CONCLUSIONS
V/ LE SIGNAL SÉDIMENTAIRE DANS LE GOLFE DU LION
A/ ZONE D’ÉTUDE
B/ TYPE DE MATÉRIEL COLLECTÉ
C/ 210Pb ET Pb ANTHROPIQUE DANS LE SÉDIMENT
1/ Inventaires sédimentaires
a) Inventaires de 210Pbxs
b) Inventaires de Pb anthropique
c) Accumulation de Pb anthropique sur la marge continentale du!Golfe!du!Lion
D/ MODÉLISATION DE L’ACCUMULATION DE Pb ANTHROPIQUE
1/ Conditions d’application du modèle biodiffusif
a) une porosité constante
b) Bioturbation constante dans le temps
c) Composition minéralogique constante
d) Taux de sédimentation et flux constant de 210Pb en provenance de la colonne
d’eau constants dans le temps
e) Pas de diffusion chimique et de transfert en solution du plomb
2/ Modélisation
E/ RÉSULTATS DE LA MODÉLISATION
1/ Reconstruction temporelle de l’accumulation de Pb anthropique
2/ Coefficients de diffusion DB et Taux de sédimentation S
3/ Sédimentation à l’échelle de la marge continentale du Golfe du Lion
F/ CONCLUSIONS
VI/ CONCLUSION