Etude comparée sur l’iconographie de la royauté en Égypte ancienne et en Afrique noire

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Les conséquences de la naissance de la royauté égyptienne

La naissance de la royauté pharaonique va marquer un tournant décisif dans l’histoire de la civilisation égyptienne ainsi que dans les autres civilisations du continent africain. Parmi ces conséquences, l’une d’elle nous semble plus pertinente : l’élaboration de l’unité culturelle égypto-africaine. Dans les lignes qui suivent, nous essayerons d’abord de montrer que la civilisation égyptienne a connu sa grandeur avec la naissance d’une royauté unique. Ensuite nous tenterons de souligner le rôle de cette royauté pharaonique dans l’élaboration de l’unité culturelle égypto-africaine.

L’avènement de la brillante civilisation égyptienne

La civilisation égyptienne était sans doute en gestation ava nt la naissance de la royauté pharaonique. Il est évident que les anciens Égyptiens avaient leur manière de vivre et de penser. Cependant, avec la mise en place de toutes les institutions, l’Égypte changea de visage pour devenir une Égypte beaucoup plus civilisée.
Dans cette étude, il convient de commencer d’abord par le roi. M. Rice remarque que “the kings of Egypt are the first true individuals known to history”67. En réalité, les rois égyptiens sont les premiers connus de l’histoire. E. Drioton et J. Vandier pensent que « les rois thinites sont les véritables créateurs de cette organisation remarquable qui a fait la grandeur de la civilisation de la monarchie égyptienne »68. Les premiers rois d’Égypte ont été les organisateurs de la civilisation égyptienne. Le fait que nos auteurs utilisent l’expression “remarquable” nous fait penser que l’on ne trouve pas une organisation de ce genre avant la genèse de la monarchie pharaonique. K. Farrington est du meme avis car il avance que « les monarques thinites donnèrent à la société égyptienne les grandes orientations qu’elle conserverait pendant des millénaires »69.
Par ailleurs, certains auteurs70 font commencer l’histoire proprement dite de l’Égypte avec Narmer, l’unificateur des deux anciens royaumes. En réalité, le triomphe de Narmer a pour corollaire la réalisation de l’unité égyptienne qui a permis de fonder la brillante civilisation pharaonique. M. A. Bonhême et A. Forgeau estiment que c’est à Narmer que revient la conception de l’organisation politique et administrative du pays. Elles s’appuient sur le fait que « sur le recto de la palette dont le verso commémore la défaite du VII e nome de Basse-Égypte , Narmer choisit d’arborer une deuxième couronne, le mortier rouge qu’aucune source antérieure n’atteste »71.
C’est ce qui, en effet, prouve l’importance de la monarchie dans la civilisation égyptienne. Cette monarchie a connu son apogée avec l’unification de l’Égypte . Par conséquent, lorsque l’unification fut accomplie, cet évènement fut toutefois commémoré par un symbole religieux72.
Le roi se plaçait désormais sous la protection des deux déesses des anciennes capitales du royaume du sud et du nord. Il s’agit de la déesse vautour d’El-Kab et de la déesse uraeus des deux royaumes préhistoriques en un seul », p. 77. ; Cette opinion est largement partagée par Claire Laouette qui, dans L’Empire des Ramsès (Fayard, 1985), soutient qu’ « avec Narmer commence l’histoire de l’Égypte, avec la monarchie débute la prospérité », p. 12. Il en est de même dans son ouvrage intitulé Thèbes ou la naissance d’un Empire, Paris Fayard, 1986, p. 12. Elle accorde du crédit au règne de Narmer qu’elle fait correspondre avec le début de l’histoire égyptienne ; cf. aussi Jean Leclant, in : Dictionnaire de l’Antiquité, de Bouto73. Le pharaon porte également le titre de nbty qui se traduit en égyptien par celui des deux dames74. Les anciens Égyptiens avaient accordé une très grande importance à l’unification du pays.
De ce qui précède, il convient de noter que la civilisation égyptienne a commencé à connaitre son apogée avec l’installation définitive de la monarchie pharaonique. À partir de ce moment, le pays des pharaons passait sous la domination totale d’un seul souverain.
Autrement dit, la civilisation égyptienne doit son efficacité et sa splendeur à la naissance de la royauté. M. Rice est beaucoup plus explicite dans ses propos lorsqu’il note que “the differences between Egypt in time before the kings and Egypt during the dynastie times are far greater than any similarities wich can be identified”75. Notre auteur confirme notre point de vue sur la portée de la royauté dans la civilisation égyptienne. En effet, il note un grand écart entre l’Égypte avant la naissance de la royauté et l’Égypte dynastique. Pour lui, il n’existe aucune ressemblance.
La royauté témoigne donc d’une sorte de rupture dans la marche vers la civilisation. Par conséquent, la naissance de la royauté peut être considérée comme la manifestation la plus brillante de la civilisation égyptienne. La royauté unique marqua le début de la florissante civilisation du pays des pharaons.
En somme, M. Rice s’accorde parfaitement avec nous que la grandeur de la civilisation égyptienne a débuté avec l’installation définitive de la monarchie. Donc, il n’y a aucun doute que la naissance de la royauté marque l’avènement de la magnifique civilisation de l’Égypte des pharaons. M. Rice renchérit que « the Egyptian kingship was a unique institution, the first of its kind any on earth»76. La royauté égyptienne est unique sur terre mais ses parents doivent être recherchés en Afrique noire. Il est impressionnant d’ajouter que l’Égypte ancienne doit sa grande renommée, en principe, à ses grands pharaons. Les pharaons de la IVe dynastie sont les bâtisseurs des grandes pyramides. Avec des pharaons comme Thoutmosis III77 et Ramsès II, l’Égypte connut une période de gloire marquée par des conquêtes.

L’élaboration de l’unité culturelle

La naissance de la royauté égyptienne a eu des conséquences sur le plan culturel. Rappelons que le rôle principal d’un pouvoir fort est avant tout de rassembler les populations sous une volonté de vie commune. Le pouvoir assure la paix et la sécurité des populations. Pour ce qui est de l’Égypte ancienne, les populations avaient très tôt senti le besoin de se protéger d’abord contre les crues dévastatrices du Nil. Les anciens Égyptiens avaient pu creuser des canaux pour l’irrigation78 mais également pour lutter contre les crues du Nil. S. Aufrère et alii admettent qu’ « entretenir les voies d’eau, curer les canaux, surveiller la navigation représentaient le souci de la monarchie afin de maintenir l’unité et les meilleures liaisons entre la capitale et les différents nomes – les divisons administratives et d’y faire parvenir ordres, informations et biens »79. Le mérite des premiers pharaons est semble-t-il, le fait d’avoir dirigé de telles entreprises. Les premiers rois de la terre des pharaons avaient tracé les voies à suivre. De plus, avec la naissance de l’État égyptien, toutes les régions étaient sous le contrôle du pouvoir pharaonique.
D. P. Silverman estime pour sa part qu’ « il est vraisemblable que le principal mérite des premiers souverains a été de forger, non seulem ent un État puissant, mais aussi une conscience nationale commune à des régions que séparaient des traditions locales tenaces »80. L’expression “conscience nationale commune” mérite d’être examinée de près. En effet, les premiers rois égyptiens avaient d’abord pour objectif de mettre en place des valeurs communes pour rassembler l’ensemble des habitants. Il s’agit donc de forger une idéologie de gouvernement pour bâtir une unité nationale.
L’outil de cette construction nationale était sans aucun doute le pouvoir monarchique81. En réalité, le pouvoir pharaonique avait posé les jalons d’une unité culturelle des peuples de la vallée du Nil. En outre, il faut souligner aussi que « dès l’aube de l’histoire, toute la société repose sur le roi »82.
Le professeur Aboubacry Moussa Lam a beaucoup insisté sur l’importance d’un pouvoir fort pour l’élaboration des traits culturels communs. Dans son excellent ouvrage intitulé La vallée du Nil, berceau de l’unité culturelle de l’Afrique noire83, M. Lam pose comme conditions nécessaires pour l’émergence d’une unité culturelle, entre autres, un pouvoir centralisé et une volonté de vie commune84. Cet ouvrage du professeur A. M. Lam est d’une grande valeur documentaire. Il montre en effet que la vallée du Nil est le berceau de l’unité culturelle égypto -africaine.
Des arguments qu’il avance, nous avons retenu l’importance d’un pouvoir fort. Par conséquent, la monarchie égyptienne a joué un rôle déterminant dans l’émergence de l’unité culturelle égypto-africaine. L’égyptologue sénégalais situe le berceau de l’unité culturelle dans la vallée du Nil et évoque un pouvoir fort nécessaire à sa réalisation. En vérité, l’unité culturelle de l’Afrique noire est une conséquence plus ou moins directe de la naissance de la royauté égyptienne. Car la vallée Nil a été le lieu de prédilection des populations chassées par la désertification du Sahara qui commença vers -7000 ans85. En plus, dans la vallée du Nil, naquit un pouvoir fort (la monarchie pharaonique) capable de garantir une vie paisible aux populations.

La conception de la royauté

Dans la mesure où l’unité culturelle égypto-africaine est une réalité et non une simple hypothèse de travail, il est tentant d’étudier la conception de la royauté en Égypte ancienne et en Afrique noire. En effet, le professeur Cheikh Anta Diop avait révélé dès Nations nègres et culture que « de l’identité qui existe, en général, entre l’Égypte et le reste de l’Afrique noire, la conception de la royauté est un des traits les plus impressionnants »91. Faire une étude comparative entre la monarchie égyptienne et les royautés négro -africaines nous permettra de mieux comprendre la conception du pouvoir c’est-à-dire l’idée que les populations avaient de la souveraineté.

Le roi considéré comme un dieu

Dans cette partie, les paragraphes que nous allons développer concernent aussi bien la royauté en Égypte ancienne qu’en Afrique noire. Il convient de commencer à chaque fois par l’Égypte ancienne avant d’évoquer les monarchies négro-africaines en question. Donc précisons qu’il s’agit de faire rapprochement entre les deux types de royauté.
La monarchie pharaonique est, selon la tradition égyptienne elle-même, d’origine divine. En effet, à en croire la tradition, les premiers rois étaient les dieux eux -mêmes92. Le pharaon est donc censé descendre des dieux. C’est ce qui fait que la monarchie et la religion sont étroitement liées dans le système pharaonique. Le pharaon est donc pour ainsi dire fils de dieu lui-même, participant aux puissances de la vie et de la terre93. Le pharaon est un dieu94 régnant sur son royaume. Il occupe une position centrale dans la civilisation égyptienne. D’ailleurs, étudier « le pharaon, c’est connaître le sésame de la civilisation dite pharaonique »95. Mais aussi « par le pharaon se perçoit tout le système de l’Égypte »96.

Le rôle du roi dans le maintien de l’ordre.

Le pharaon d’Égypte comme le roi négro-africain joue un rôle important dans la vie du royaume. En ce qui concerne le pharaon, on note que l’exercice de ses fonctions est lié à ses qualités physiques et morales. Il en est de même pour le roi en Afrique noir e. Dans l’Égypte ancienne, le pharaon « n’était pas un simple chef d’État. Il était également un élément discret du cosmos »144. Il y a une étroite relation entre le pouvoir central et l’équilibre du pays. En effet, il était « le médiateur entre les dieux et les hommes, le pharaon assure par sa bonne gestion le bon fonctionnement de l’ordre »145. Donc c’est de lui que dépend l’harmonie du pays. Parallèlement, M. Della Monica souligne cette importance du roi d’Égypte dans la vie de son royaume. Elle considère que « pour que le pays soit prospère, pharaon devait être fort. En effet, chaque fois que le pouvoir s’affaiblit, l’Égypte connut des périodes sombres »146. Ce passage illustre parfaitement l’importance du pouvoir royal égyptien. La royauté garantit à l’Égypte la stabilité, la paix et la sécurité.
Le professeur Cheikh Anta Diop aborde cette conception dans le même sens. Pour lui, le roi « est un démiurge sur terre qui recrée l’univers par ses gestes rituels. S’il n’a pas la force vitale d’un dieu, le malheur s’abat sur terre »147. Il y a donc une étroite relation entre la force vitale du roi et sa fonction. Par conséquent, sans pharaon, l’univers même serait jeté Le pharaon devait d’abord être en bonne santé pour pouvoir bien exercer ses fonctions. L’harmonie du monde dépend de la condition du monarque qui doit garder tous ses moyens pour la bonne marche du cosmos149. Si l’occupant du trône est en bonne santé, l’univers est dans l’ordre. M. Rice est beaucoup plus clair dans son explication. Par ailleurs, il admet développe à ce propos une comparaison pertinente entre le pharaon et le roi négro -africain. Il considère que le pharaon privé de son ka, comme tous les rois africains, est « inapte à l’exercice du pouvoir, sa force se décline et ne garantit plus la pérennité de l’ordre cosmique et de l’ordre social »151 . Les tares physiques ou mentales ne permettent pas au souverain de garantir l’harmonie du pays et elles attirent le malheur. Ce qui appuie ce point de vue c’est que partout en Afrique, ces tares sont le signe qu’un prince même n’a pas les faveurs des dieux152. Ainsi, il ne peut pas devenir roi ou le demeurer153. Pour J. Boulègue, la fonction royale est liée directement à l’intégrité de la personne du roi car « les princes aveugles, borgnes, enfin privés d’un membre quelconque, perdaient leurs droits aux trônes »154. Dans le même sens, R. Fall aborde cette conception de la royauté dans le royaume du Kajoor. En effet, dans son mémoire de maîtrise titré Royauté et pouvoir royal dans le Kajoor précolonial, elle a bien mentionné l’importance accordé à l’exercice de la fonction royale. Elle nous signale qu’ « un autre aspect qui illustre la conception du pouvoir, c’est l’impossibilité de régner avec des blessures, ou bien avec une infirmité »155. Or, nous savons déjà que l’incompatibilité de gouverner avec des blessures a une signification symbolique dans la royauté. Un roi régnant avec des blessures apporterait le malheur à son peuple. Il n’était pas donné à n’importe qui d’exercer la fonction monarchique puisqu’en définitive, détenir un pouvoir royal au Kajoor signifiait que l’on était un homme au-dessus des autres sur le plan mystique, un homme à qui on ne devait pas s’attaquer156. Même si l’auteur n’évoque pas le pays des pharaons, elle nous décrit une conception de la royauté qui est identique à celle de la monarchie égyptienne.
À propos du royaume du Congo, W. G. L. Randles note qu’il y avait un lien fort entre le microcosme que représentait le roi et le macrocosme qu’était son royaume157. Il fallait absolument que « le corps monarchique, sa virilité, sa santé fussent parfaits, sans quoi c’était la prospérité et le bien être de toute la société qui se trouv aient dans le compromis »158.
Donc, la prospérité du royaume était liée au roi. Pour être beaucoup plus précis , notons que la fertilité du sol, l’abondance des récoltes, la santé du peuple et des troupeaux, le déroulement normal de tous les évènements, de tous les phénomènes de la vie sont intimement liés à la force vitale du roi159. Pourtant on sait déjà que l a virilité du souverain « époux de l’Égypte » est le gage de la protection qu’il assure à celle-ci160.
Il serait significatif d’évoquer au passage un fait intéressant dans la royauté en Égypte et en Afrique noire. C’est notamment l’inceste royal. Pour sauvegarder le sang royal les pharaons prirent de préférence comme épouse leur propre sœur161. Il en est de même pour le roi en Afrique noire162. En effet la pratique de l’inceste royal participe à la condition du monarque. Elle garantit d’abord la force vitale du souverain en évitant tout mélange exogène.
Vu l’importance accordée à la personne du roi et à sa force vitale, il est légitime de se demander ce qui se passerait s’il tombait malade par exemple. Dans la mesure où il est censé égyptiens de la fertilité, inventeurs de l’agriculture ». Il s’appuie sur les écrits de Diodore de Sicile (Liv. I, chap. XIII et XXI). Ce qui est important ici, c’est que l’auteur rattache directement à l’Égypte ancienne cette pratique très fréquente en Afrique noire ; H. Gravrand a également souligné cette pratique ch ez les Sérè re du Sénégal et chez les anciens Égyptiens. Dans La civilisation sereer : Cosaan, Dakar, NEAS, 1983, p. 267, il rapporte que comme le pharaon égyptien, les Guelwar avaient le droit d’épouser leur propre sœur guelwar car ils le situaient sur le plan de la divinité ; Luc de Heusch (op. cit., p. 24) a également mis en évidence l’importance de cette coutume. Il note que «l’inceste, la mise à mort rituelle et les interdits définissent la royauté sacrée avec une garantir la prospérité et l’ordre social, ses tares physiques le conduisent hors du pouvoir. En effet, s’il se révélait « qu’il était impuissant, atteint d’une maladie contagieuse, ou avait simplement perdu une dent, on lui infligeait une mort violente »163. C’est pourquoi en Égypte , le pharaon, après un certain nombre d’années de règne, devait célébrer la fête du Sed164.
Celle-ci est aussi appelée le jubilé royal. Ce rite est le renouvellement de la fonction monarchique en raison de la conformité de l’ordre divin à l’institution pharaonique165. Elle permettait au pharaon de retrouver sa force vitale pour continuer d’exercer ses fonctions. Autrement dit, le pharaon devait mourir et renaitre. Il s’agissait d’une mort rituelle. C’est la régénérescence du souverain. Mais quelquefois, dans certaines parties du continent, on fait subir au souverain une mort violente lorsque ses forces le trahissent. C’est le cas du royaume du Congo que W. G. L. Randles nous a décrit.
J. Ki-zerbo a observé une pratique analogue en Égypte ancienne et en Afrique noire. Il constate que le Moro-naba devait comme le pharaon, célébrer cette fête au bout de trente ans de règne166. En principe, pour les sociétés africaines, le grand problème était donc de sauver le royaume avant qu’un roi vieillissant ne l’entrainât vers l’abîme167. La solution adoptée, à diverses époques fut celle de la mise à mort du roi lorsque ses forces commençaient à décliner168. En tout état de cause, il faut noter que «vitalisme et la mise à mort effective ou symbolique qui en découlent sont des traits communs à la royauté africaine depuis l’Égypte des Fari (pharaon) jusqu’à l’Afrique noire d’aujourd’hui »169.
Après avoir analysé l’importance de la condition physique du roi en Égypte et en Afrique noire, il convient d’insister davantage sur son rôle dans la société.

La notion de Maât en Égypte ancienne e t en pays sérère.

Cette étude reste toujours dans le cadre de la conception de la royauté en Égypte ancienne et en Afrique noire. Le concept de Maât (mAat)188, comme nous allons le montrer dans les pages qui suivent, est fondamental dans la monarchie égyptienne. Dans sa relation avec le pouvoir royal, il présente des similitudes avec la l’institution monarchique sérère .
Nous verrons d’abord sa relation avec la royauté avant d’aborder son importance.

La relation entre la Maât et la royauté.

Avant d’étudier la relation entre la Maât et la royauté égyptienne, il est tentant de voir d’abord et avant tout ce que ce concept signifie. Plusieurs définitions sont proposées par les égyptologues. Dans le Dictionnaire de la civilisation égyptienne, S. Sauneron définit la Maât comme l’ordre universel, l’esthétique qui consiste à agir en toute circonstance, l’accord avec la conscience que l’on a de cet ordre universel189. Les notions de vérité, ordre, justice et droiture sont adoptées comme définitions de la Maât 190.
J. Assmann dont le titre de son ouvrage (Maât , l’Égypte pharaonique et l’idée de justice sociale) est très significatif pense qu’il fallait partir de l’étymologie du mot et du sens du hiéroglyphe ( ) pour trouver sa signification mais cela n’a abouti à rien. Pour lui, les Égyptiens semblent avoir oublié l’étymologie191. Cette explication est difficile à soutenir vu la place qu’occupe cette notion dans la civilisation égyptienne. Par ailleurs, le même auteur précise que le concept de Maât est la grande création de l’Ancien Empire192. Il a participé à rassembler les habitants de l’Égypte sous une domination commune. D’après ce constat de l’auteur, est-il possible que les anciens Égyptiens aient oublié la signification de la Maât?
Malgré les difficultés qui subsiste nt pour sa définition, la Maât a joué un rôle considérable dans la civilisation égyptienne. la Maât qu’il appelle l’univers égyptien.
J. Assmann distingue cinq champs principaux de Il s’agit du sacré, du cosmos de la société, de l’individu et de l’État193. Ce dernier est celui qui nous intéresse dans notre travail. En Égypte ancienne, la notion de Maât était rattachée à l’État égyptien. En effet, l’État « est là pour que la Maât soit réalisée »194. S’appuyant sur les remarquables travaux de Schmid, J. Assmann rapporte que la Maât constitue « une structure politique de la monarchie divine, qui fait du roi le représentant terrestre de l’être suprême »195. Ici, l’être suprême est le Dieu créateur du monde. C’est la raison pour laquelle le rite que le pharaon accomplit en faveur des dieux est l’offrande de Maât 196. Vis-à- vis des dieux, le pharaon est donc le responsable de la Maât .
F. Daumas est beaucoup plus clair dans son explication sur la relation entre la royauté et la Maât . Il considère que « les dieux avaient donné à son œuvre une loi fondamentale, Maât . Et le roi était tenu de la respecter et de la faire respecter partout »197. Il existe une relation étroite entre le roi et la Maât. Le roi est en effet le socle de la monarchie et la Maât, une loi fondamentale qui est nécessaire au bon fonctionnement de l’État. Si la Maât était indispensable au dieu, elle l’était aussi au pharaon. Il y a donc une symbiose entre le roi et la Maât. Elle garantissait même la pérennité de la royauté.
La corrélation entre la Maât et la royauté égyptienne est également perceptible dans la dimension sacrée. La Maât montre encore une fois le caractère religieux de la monarchie pharaonique. Ce qui illustre cette sacralité de la Maât c’est le fait qu’elle soit représentée par une déesse portant sur la tête une plume d’autruche ( ) qui écrivait son nom198. Elle fait partie des dieux du panthéon égyptien. La Maât « équivaut à la dimension religieuse de la souveraineté »199. De ce fait, certains théologiens en faisaient la fille de Rê200. C’est un principe divinisé et littéralement il signifie « ce qui dirige »201. Du point de vue du pharaon, elle traduit l’intimité de son rapport aux forces divines. Mais elle est aussi « le principe qui gouverne et motive chacune des fonctions, vertu motrice et objectif à atteindre tout à la fois »202. Sous ce rapport, elle est rattachée directement à la royaut é.
Pour Dominique Valbelle, la Maât est à la fois un concept résumant « les principes d’une sorte d’harmonie universelle nécessaire à la marche du monde en général et à l’exercice du pouvoir de la monarchie égyptienne en particulier »203. C’est la Maât qui semble même déterminer la volonté du roi. Le roi ne peut vouloir autre chose que la Maât 204. Car il est le garant de l’ordre universel (Maât)205. Les rois étaient donc obligés de vivre selon les principes de la Maat (anx m mAat)206. Il s’avère impossible de séparer la Maât de l’exercice du pouvoir royal. En effet, pour ce qui est du roi, elle établit les liens qui lient le monde humain à celui des dieux et assure l’intégration universelle. À ce propos, M. A. Bonhême et A. Forgeau évoquent Chéchanq Ier et Osorkon II qui ont porté chacun le nom de « celui qui satisfait les dieux en accomplissant la Maât »207. D’ailleurs, le pharaon est souvent représenté offrant la Maât aux divinités. Ce geste « exprime la promesse du pharaon de maintenir l’ordre cosmique instauré par la volonté divine »208. Rattachée directement à la royauté, la Maât garantit également l’équilibre social.
Dans notre texte, nous nous sommes proposé de comparer la Maât égyptienne à la Maât en pays sérère tout en restant stricte ment dans la cadre du pouvoir monarchique. Abordant les relations entre la civilisation sérère et la civilisation égyptienne, H. Gravrand a pu remarquer que « les civilisations égyptiennes et sén égalaises se sont développées de manières différentes en fonction du milieu humain et économique mais elles sont apparentées, elles ont un héritage qui leur est commun »209. D’ailleurs, la finesse des similitudes entre les deux civilisations pousse l’auteur à se poser la question suivante : le Sénégal, une Égypte inachevée ?210 Étant donné que le caractère africain de la civilisation égyptienne n’est plus à démontrer, il est tout à fait normal qu’il ait des liens de parenté dans plusieurs domaines. Dans le cadre de la royauté, les convergences sont très saisissantes.
Selon le père H. Gravrand, la Maât fait partie des expressions fondamentales de la civilisation sérère. Pour lui, Maât se traduit dans la langue sérère par l’ordre public ou la chose publique211. Mais déjà dans Cosaan, il avait noté que Maât signifie également pouvoir212, royauté dans cette langue. Par là, nous voyons que les expressions linguistiques Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1985, col. 830. Cet excellent article traite de la responsabilité des droits et devoirs royaux. Ici l’auteur établit une certaine liaison entre le roi et la Maât . Bien qu’il définisse la Maât par ordre universel, il reconnaît qu’elle est assurée par le monarque sont exactement les mêmes. Parallèlement, le mot Maad213 (terminé par d) signifie toujours dans cette langue roi. Pour ne pas être emporté par les illusions auditives, il serait fondamental de voir le sens réel du mot. En clair, le terme sérère Maât se rapproche de la Maât égyptienne du point de vue sémantique. En Égypte, la Maât renvoie à l’ordre cosmique et social. Elle est liée à la royauté car elle dépend du roi pour être réalisée. Chez l es Sérère, elle signifie pouvoir et elle a un caractère sacré et judiciaire. Elle agit pour l’équilibre et l’harmonie sociale. L’État sérère est, comme l’État égyptien, attaché à la Maât .
Par ailleurs, J. Assmann insiste sur le rattachement de l’État égyptien à la Maât. Il nous apprend que ce rattachement est considérable à tel point qu’on retrouve la notion de Maât dans les noms royaux comme MAat -kA-Ra (Maât est le ka de Rê : Hatschepsout), Mn-mAat-Ra (Demeurant de Maât est Rê : Séthi Ier) ou encore Wsr-mAat-Ra (Puissant de Maât est Rê : sont inséparables. Cette symbiose se lit dans la monarchie sérère . Mais quelle est donc l’importance de la Maât dans la royauté ? C’est à cette question que nous allons essayer de répondre.

L’importance de la Maât dans la royauté

Les similitudes que les anciens Égyptiens et les Sérère partagent sur la notion de Maât ne se limitent pas seulement à sa relation avec la royauté. J. Assmann avait fait remarquer que « parler de Maât , c’est faire un tour d’horizon sur la civilisation égyptienne tout entière »215. Cela prouve que la Maât est présente dans tous les domaines de la civilisation pharaonique. Mais cette présence est plus notable dans la monarchie. Dans ses définitions, il y a une, qui se rapporte à la justice. Par ailleurs, G. Husson et D. Valbelle précisent que le principe de justice est l’un des plus importants que comprend le concept de Maât 216. C’est ce que fait noter F. Daumas qui estime que la Maât « c’est la norme juridique qui fait conforter les actes de chacun aux lois ; c’est la vérité qui fait adhérer la pensée aux choses , la justice qui permet d’agir selon le droit, la règle du monde qui fait tourner régulièrement le mécanisme de l’univers »217. La Maât est la grande machinerie de la justice. Or, c’est le pouvoir qui détient la justice, garant de l’ordre.
Dans la mesure où l’homme est incapable de créer l’ordre lui-même, il n’y a pas d’ordre sans État218. C’est dire qu’il n’y a pas de justice sans État. À partir de ce moment, nous pouvons faire un rapprochement avec la Maât en pays sérère. Chez les Sérère, l’exercice de la Maât revient au détenteur du pouvoir, le Maad. Le père H. Gravrand admet que la Maât sérère se rapproche de la Maât égyptienne. Même s’il traduit la Maât sérère par chose publique ou ordre public, la ressemblance est plus notable dans le domaine de la justice. Le roi sérère est, à l’instar de pharaon, le garant de la justice et de son bon fonctionnement.
Cependant, il faut préciser que malgré les analogies que nous avons soulignées, le concept de Maât est beaucoup plus explicite dans la civilisation égyptienne. En effet, la déesse Maât est la déesse de la justice en Égypte . Par contre, il n’existe pas une déesse de la justice chez les Sérère. De ce fait, il faut relativiser la comparaison. Néanmoins, il convient d’insister davantage sur l’ancrage de la Maât dans la royauté pharaonique.
Le pharaon égyptien est dispensateur de la justice. Il est également le fervent défenseur de son peuple. Comme pharaon, le roi sérère (Maad) est lui aussi le responsab le de la justice dans son royaume. Tout ceci confirme le fait que l’importance de la Maât dans la fonction royale consiste à rendre la justice. Sans la justice, le dé sordre total gagne du terrain. Et le dérèglement de l’ordre cosmique provoque immédiatement des catastrophes pour l’humanité, mais corrélativement, une perturbation de la bonne marche de la société 219. L’ordre du monde repose sur la Maât qui assure le fonctionnement des institutions. Donc, c’est sur elle que repose le pouvoir central.

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Table des matières

PREMI ÈRE PARTIE : Aperçu sur la naissance de la royauté égyptienne et ses conséquences
Chapitres premier : Les origines de la royauté égyptienne
1. La tradition
2. Les données de l’histoire
Chapitre II : Les conséquences de la naissance de la royauté égyptienne
1. L’avènement de la brillante civilisation égyptienne
2. L’élaboration de l’unité culturelle
DEUXIÈME PARTIE : Étude comparée sur la conception de la royauté en Égypte ancienne et en Afrique noire
Chapitre III : La conception de la royauté
1. Le roi considéré comme un dieu
2. Le rôle du roi
Chapitre IV. La notion de Maât en Égypte et chez les Sérère
1. La relation entre la Maât et la royauté
2. L’importance de la Maât dans la royauté
TROISIÈME PARTIE : étude comparée sur l’iconographie de la royauté en Égypte ancienne et en Afrique noire
Chapitre V : Les principaux attributs de la royauté
1. Les couronne
2. Les sceptres et autres bâtons de commandement
Chapitre VI : Les attributs secondaires
1. La queue de taureau, le serpent et le vautour
2. Les amulettes ou gris-gris
QUATRIÈME PARTIE : La relation entre la royauté et le sacrifice
Chap. VII : Considération sur le sacrifice royal
1. Les rites sacrificiels liés à la gestion du pouvoir royal
2. La question des ancêtres dans les rites sacrificiels
Chap. VIII : L’importance du sacrifice dans la royauté
1. Les propitiations pour implorer l’abondance
2. La fonction instauratrice des cérémonies sacrificielles
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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