Arrière-plan théorique
J´ai beaucoup réfléchi sur la raison pour laquelle les jeunes dans certains pays parlent si peu – et si mal- d´autres langues que leur langue maternelle, notamment en France. Pour essayer de trouver une raison, plusieurs ouvrages traitant de ce problème ont été consultés.
Krashen, Pinter, Abrahamsson
Un chercheur en linguistique important pour ces recherches est l´américain Stephen Krashen. Dans son livre The Input Hypothesis (1985:1) il présente sa théorie qu´il appelle ‹‹ L´hypothèse du Monitor››. Les cinq hypothèses sont:
1. Acquisition et apprentissage (learning). Ce qu´il voulait entendre par l´acquisition est que l´élève n´est pas conscient de ce qu´il apprend en communiquant tandis que l´ apprentissage est une étude consciente de la langue, par exemple des règles de grammaire.
2. L´ordre naturel. Cela veut dire que les structures grammaticales sont apprises dans un ordre fixe qui est imposé cognitivement.
3. Le monitor est utilisé quand on corrige sa langue à l´aide de règles grammaticales.
4. Les données (The input). Selon Krashen la meilleure acquisition aura lieu quand le niveau des données est juste un peu plus élevé que le niveau de connaissance de l’élève.
5. Les filtres affectifs. Il y a des filtres hauts et bas. Si le filtre est élevé, l´acquisition peut être bloquée, par exemple par le stress, un mauvais milieu etc.
Pour cette étude, les hypothèses numéro 1, 4 et 5 semblent être les plus importantes. Numéro 1 parce que cela parle de l´importance d´entendre une langue étrangère à l´extérieur de l´école. Numéro 4 parce que c´est important que le niveau d´apprentissage soit ajusté à l´élève et numéro 5 qui traite de l´importance du milieu où la langue sera apprise. Krashen parle aussi de deux sortes d´acquisition: informelle et formelle. La première est basée sur la communication et il n´est pas nécessaire qu´elle ait lieu à l´école. Mais cela nécessite un milieu où la deuxième langue est parlée ou peut être écoutée d´une manière naturelle. Mais les critiques doutent, comment peut-on savoir où on a acquis ses connaissances?
Krashen et beaucoup d´autres avec lui, parlent aussi de l´influence de la première langue sur l´apprentissage d´une deuxième langue. On y reviendra un peu plus tard.
Dans beaucoup de livres, d´articles et d´études on parle de l´effet de l´âge auquel a lieu l´apprentissage d´une langue étrangère. Dans son livre Teaching young language learners (2006. p.28), Annamaria Pinter essaie de répondre à la question: Pourquoi est-ce que cela sera avantageux de commencer l´apprentissage à l´âge précoce? Une explication peut être la soi-disant période sensible, une expression lancée par Eric Lennberg en 1967. Selon lui, la plasticité du cerveau était seulement favorable jusqu´à la puberté (Pinter. p.29). On dit que si l´enfant commence plus jeune qu´à 11-12 ans et est exposé à beaucoup de données (input) de la langue anglaise, il aura plus de possibilités d´atteindre le niveau langagier d´un énonciateur natif (aussi discuté chez Abrahamsson. 2009. p. 13). Mais de l´autre côté, Pinter écrit que d´autres recherches montrent le contraire. L´enfant qui commence à étudier une langue plus tard a beaucoup plus de stratégies efficaces, il peut faire des références au monde autour de lui, il peut mieux s´exprimer dans sa langue maternelle et, plus important, comprend mieux pourquoi il doit apprendre une nouvelle langue. Un chercheur linguiste suédois, Niclas Abrahamsson, commence son livre Andraspråksinlärning (2009) par la question: Qu´est-ce que l´apprentissage d´une deuxième langue? Sa réponse est: ‹‹…une deuxième langue représente normalement n´importe quelle langue après que la première langue est établie ou commence à être établie›› (Abrahamsson. p. 13). Pour apprendre une nouvelle langue, il fait aussi, comme Krashen, la différence entre acquisition et apprentissage mais aussi la distinction entre l´apprentissage formel et informel. L´acquisition (tillägnande) se passe dans un milieu naturel et l´acquisition est automatique tandis que l´apprentissage a lieu dans une salle de classe, un milieu artificiel (Abrahamsson p. 15). L´apprentissage informel est celui qui se fait sans enseignement tandis que l’apprentissage formel se passe dans la salle de classe. Une autre différence qu´il fait est celle entre les compétences et les performances linguistiques. Cette distinction vient du linguiste américain Noam Chomsky qui disait que la compétence est notre représentation mentale des structures et règles linguistiques, c´est-à-dire la grammaire interne que tout le monde parlant une langue a en soi. De l´autre côté, la performance linguistique emploie cette compétence linguistique, c´est-à –dire ce que nous disons, écrivons, écoutons et lisons (Abrahamsson. p. 16). Mais la compétence linguistique ne se reflète pas toujours dans la performance. Par exemple, tout le monde sait que la 3ème personne du singulier en anglais prend un –s au présent et c´est une règle grammaticale qui est enseignée tôt dans les écoles en Suède. Et pourtant, c´est la faute la plus courante que les élèves font en Suède et dans beaucoup d´autres pays. Cela confirme sûrement qu´il y a un ordre naturel d’apprentissage que tous les étudiants dans le monde entier qui apprennent une nouvelle langue suivent (Abrahamsson. p.21). L´étude à laquelle Abrahamsson fait référence(Dulay et Burt. 1973), montre que très peu de fautes que les enfants ont faites peuvent être dues à l´influence de la langue maternelle. Cette étude montre aussi que l´ordre d´apprentissage dans trois groupes d´enfants d´origine complètement différente du point-de-vue social, culturel, éducatif ou personnel est le même. Une troisième constatation est que les enfants avec différentes langues maternelles avaient le même ordre naturel d´apprentissage. Cette théorie est aussi valable pour les adultes qui apprennent une deuxième langue (Abrahamsson. p.58). Finalement l´étude d´Abrahamsson montre l´importance d´un élève qui est un constructeur actif et créatif de sa version de la langue étrangère cible et d´une grammaire mentale. Abrahamsson continue dans son livre Andraspråksinlärning de traiter ‹‹Le rôle de l´environnement linguistique et les effets formels de l’enseignement ››(chapitre 8. p. 188). En Suède, l´enseignement d´une langue étrangère a beaucoup changé ces quarante dernières années. L´enseignement traditionnel était basé sur les exercices écrits, les règles de grammaire et la traduction. Aujourd´hui la communication est centrale mais loin d´être satisfaisante. La communication/interaction professeur-élève ne ressemble pas du tout à une communication naturelle à l´extérieur de la classe. Le professeur est souvent le plus important – et même le seul – modèle et source de communication pour les élèves et c´est bien sûr insuffisant pour l´apprentissage et le développement d´une deuxième langue (Abrahamsson. p.189). Naturellement il y a une différence entre les professeurs et leurs classes, mais en général on peut constater que c´est le professeur qui représente deux tiers de toute la communication pendant un cours de langue. Niclasson écrit ensuite que des études d´Inger Lindberg (par ex. 1988, 1996) ont montré que l´interaction élève-élève était beaucoup plus favorable pour créer une communication au plus près d´une situation authentique ou qui ressemblait à une situation authentique (Abrahamsson. p. 190).
Sundin, trois Rapports, STRIMS
En 2001, la Direction nationale des établissements scolaires (Skolverket) a publié Språkboken qui est un regroupement d´articles qui ont été écrits par des auteurs spécifiquement choisis selon leur compétence. L´anthologie est composée de 23 articles regroupés sous six thèmes différents. L´article choisi est Nybörjarundervisning i språk för barn mellan sju och tio år ( Cours de langue pour enfant entre sept et dix ans ), par Kerstin Sundin. Les Suédois, politiciens, parents et enfants, ont toujours compris l´importance d´apprendre l´anglais puisque nous sommes un si petit pays. Dans son article Sundin décrit un projet de recherche, Engelska på lågstadiet (EPÅL), qui a commencé en 1970 et s´est terminé dix ans plus tard. La ville choisie où le projet a eu lieu s´appelle Västerås et les raisons pour lesquelles cette ville a été choisie étaient d´abord le nombre d´enfants immigrés, 10 % à l´époque. Ensuite les professeurs avec des compétences pour enseigner de l’anglais étaient suffisants. Le but du projet était de montrer les effets d´un enseignement précoce de l´anglais, c´est-à-dire commencer à l´âge de 7 ans (Sundin. p.152). Les horaires d´enseignement n´ont ni changé en anglais, ni en suédois mais ont été redistribués de la CE 1 à la 5ième. Le groupe expérimental se composait de 24 classes årskurs 1 (= CE 1) et le groupe témoin du même nombre de classes. Les résultats montrent que les élèves dans le groupe expérimental n´ont pas perdu leur compétence en suédois, contrairement à ce que beaucoup de gens craignaient. C´était même plutôt le contraire. Une autre différence entre les deux groupes que le résultat a montrée était le changement d´attitude vis-à vis des étrangers. Le groupe expérimental montrait une attitude beaucoup plus positive envers les étrangers. . Aujourd´hui les communes suédoises peuvent décider quand commencer l´enseignement de l´anglais. Selon les statistiques de Skolverket en 1996, plus d´un tiers des élèves en Suède commencent avec l´anglais en årskurs 1 (=CE 1) et le nombre d´ heures minimum pendant les neuf ans de l´école obligatoire sont 480 heures.
Trois rapports de Skolverket ont aussi été consultés, les numéros 154, 242 et 251. D’abord nr : 154 (1997) : Undervisningen i engelska. En jämförelse mellan tre EU-länder : Frankrike, Spanien och Sverige. ( ‹‹ L´enseignement de l´anglais. Une comparaison entre trois pays de l´Union Européenne : la France, l´Espagne et la Suède››). Ce projet a été réalisé entre 1995 et 1997 et a pour but d´augmenter la coopération internationale sur l´enseignement. L´enseignement des langues est un domaine prioritaire dans l´Union Européenne (Rapport 154. p. 7). Ce projet a été réalisé avec des élèves de 15 ans dans les trois pays. Les tests que les élèves ont faits venaient de Suède et de France. Les tests qui étaient communs pour les trois pays étaient les tests nationaux français. Les tests reflètent bien les directives des pays où l´on peut constater, comme pour la France, que les directives françaises contiennent beaucoup plus de descriptions détaillées, par exemple en ce qui concerne la grammaire et le vocabulaire. Les directives (kursplan) françaises s’étendent sur 250 pages, à comparer avec l´équivalent suédois de cinq pages (le programme de 1980, Lgr 80 ). Les directives suédoises décrivent plutôt ce que les élèves doivent être capables de faire avec la langue, surtout communiquer dans des situations les plus réelles que possibles. À l´époque, les nouvelles directives espagnoles ressemblaient aux directives suédoises. Les élèves dans les trois pays avaient étudié l´anglais durant le même nombre d´années et d´heures. Une enquête pour les élèves et une autre pour les professeures ont été aussi effectuées.
Les résultats montrent que les élèves suédois ont les mieux réussi les tests qui étaient constitués de quatre parties : la compréhension orale et écrite, l´expression écrite et la compétence linguistique (grammaire). Sur les 26 questions qui étaient communes pour les élèves, les élèves suédois ont résolu en moyenne 61%, les Espagnols 49 % et les Français 48 % des questions. La différence entre les élèves suédois et français était plus grande quand on compare les résultats de la compréhension orale et de la compréhension écrite. Les Suédois avaient un bien meilleur résultat en compréhension orale. Une raison de cet écart est peut-être la présence de l´anglais en Suède à l´extérieur de l´école, par exemple films, vidéos et émissions à la télé qui sont doublés en France. Le rapport contient aussi les résultats d´une enquête à laquelle les élèves ont répondu. Les résultats montrent que les étudiants suédois sont plus motivés, qu´ils comprennent pourquoi il faut apprendre l’anglais et que c´est une matière importante à l´école. L´enseignement de l´anglais en Suède et en France est différent aussi selon les enquêtes. Il y avait plus d´élèves dans les classes françaises. En France l´enseignement était centré sur le professeur et il était plus rare que les élèves travaillent ensemble pour pratiquer la langue. Les élèves français avaient plus souvent de devoirs que leurs camarades suédois et ils pensaient aussi qu´il fallait beaucoup travailler la grammaire et le vocabulaire si on voulait atteindre la meilleure note en anglais. Les élèves dans les trois pays étaient à un niveau égal, satisfaits de leur enseignement. Les professeurs français avaient une formation plus longue que leurs collègues en Suède et ils avaient aussi passé plus de temps dans un pays anglophone. Le deuxième rapport consulté est le rapport 242 (Skolverket. 2004), Engelska i åtta europeiska länder – en undersökning av ungdomars kunskaper och uppfattningar (The assessement of pupils´ skills in English in eight European countries). Chaque année en Suède plus de 100 000 élèves font des tests nationaux en anglais qui nous donnent une idée de leurs connaissances. Mais on ne connaît pas la valeur de ces connaissances si on ne les compare pas avec des jeunes dans d´autres pays d´Europe. Les sept autres pays qui ont participé étaient : le Danemark, la Finlande, la France, les Pays-Bas, la Norvège, l´Espagne et l´Allemagne (pas pour toutes les questions pour ce dernier pays). Les mêmes tests que dans le rapport 154 ont été utilisés mais les enquêtes pour les élèves et les professeurs ont été rédigées. L´âge des élèves était aussi le même que dans le rapport précédent, c´est-à-dire qu´ils répondaient pendant la dernière année scolaire obligatoire. Certains l´ont fait au printemps, d´autres pays en automne, par conséquent ces derniers élèves n´ont pas eu les mêmes heures d’enseignement (Rapport 242. p.8). Le rapport dit aussi que les comparaisons doivent être prises en considération en fonction des différentes conditions et données dans les huit pays (Rapport 242. p.9). Après regroupement et analyse des résultats des pays participants, on rencontrait beaucoup de problèmes à la correction et on a pris la décision de supprimer certaines questions à cause des difficultés d’analyse. Le test était divisé en quatre compétences : la compréhension orale et écrite, la compétence linguistique et l´expression écrites (Rapport 242. p.26). Les différences dans les résultats sur les tests sont importantes, vus dans une perspective générale, individuelle et nationale (Rapport 242. p. 27).
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Table des matières
1. Introduction
2. Arrière-plan
2.1 Krashen, Pinter, Abrahamsson
2 .2 Sundin, trois Rapports, STRIMS
2 .3 Herreras, Dodane, Genelot
2 .4 Les directives suédoises et françaises
2 .4.1 Les directives suédoises
2.4.2 Les directives françaises
2 .5 Historique de l´enseignement de la langue anglaise
2.5.1 En Suède
2.5.2 En France
3. Buts de travail
4. Questions
5. Méthodes
5 :1 Présentation des élèves,des professeures et des écoles
5.2 La choix de la méthode d´étude
5 .3 Principes éthiques
5 .3 Interview avec les professeures
6. Les résultats et les discussions
6 .1 De l´enquête
6 .2 Du test des mots
6 .3 De la compréhension écrite
7. Conclusion
8. Bibliographie
9. Annexe