Etude comparative des groupes selon le diagnostic avant PL : démographie et dosage des marqueurs en LUMIPULSE

Variables étudiées

Les données suivantes ont été recueillies pour chaque patient : le sexe, la date du prélèvement de LCS, l’âge aumoment de la PL et le diagnostic clinique retenu (MA ou non MA) à différents temps : avant PL en aveugle des biomarqueurs, après PL en tenant compte des résultats des biomarqueurs et le diagnostic final retenu après un suivi clinique (au moins une visite supplémentaire) lorsque les observations cliniques étaient disponibles dans le logiciel CDP2 (dossier informatisé du patient au CHU de Rouen).
Nous avons dosé les concentrations en Tau, P-Tau, Aβ42, Aβ40 en méthode manuelle INNOTEST® et en méthode automatisée LUMIPULSE® G600 II ainsi que les rapports Aβ42/Aβ40 et P-Tau/Aβ42.
En amont, une étude des performances analytiques (répétabilité et fidélité intermédiaire) a été réalisée sur le LUMIPULSE® G600 II pour chaque paramètre afin d’évaluer la fidélité des dosages. L’essai de répétabilité consiste à analyser un même échantillon dans les conditions suivantes : même opérateur, même lot de réactifs, même instrument, même étalonnage dans un délai le plus court possible. L’objectif est de caractériser la meilleure performance possible, dans des conditions optimales et de vérifier le bon fonctionnement du système (instrument/réactif) pour l’analyte concerné. L’essai de fidélité intermédiaire (reproductibilité intra laboratoire) consiste à analyser un même échantillon dans des conditions différentes en faisant varier au moins un des facteurs : l’opérateur, le temps, les lots de réactifs, les étalonnages, il reflète la variation analytique longitudinale au laboratoire (126).

Analyse statistique

Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide des logiciels Medcalc (version 13.0) et R (version 3.6.1).
Pour l’étude de corrélation entre les deux méthodes d’analyse INNOTEST® et LUMIPULSE® G600 II, ont été réalisées pour chaque marqueur, les droites de régression obtenues par la méthode de Passing Bablok. L’intervalle de confiance de la droite de régression a été estimé par bootstrap percentile sur la base de 10 000 ré-échantillonnages. Lecoefficient de corrélation de Pearson et le coefficient de corrélation intra-classe ont également été calculés. Les intervalles de confiance de ces deux outils statistiques ont été estimés par bootstrap à biais corrigé accéléré (BCa) selon la méthode décrite par Efron en 1987 (127). 10 000 ré-échantillonnages ont été faits à chaque fois. Enfin le delta moyen c’est-à-dire la valeur absolue de la différence entre les deux méthodes de mesure pour chaque patient +/- l’écart type (ET) entre les deux méthodes sans correction a également été calculé.
Les données des comparaisons (différences relatives) entre les deux méthodes ont également été représentées sous la forme de graphique de Bland et Altman.
Les variables quantitatives ont été décrites par la moyenne et l’écart type (ET), la médiane et les quartiles. Les variables qualitatives ont été décrites par les pourcentages et effectifs.
Une comparaison des groupes MA et non MA a été effectuée par la réalisation de diagrammes en boîte et l’utilisation du test non paramétrique de Mann Whitney pour les variables quantitatives, en raison d’un écart à la normalité. Pour comparer la répartition hommes/femmes, le test du Chi² a été utilisé.
De nouveaux seuils pour le LUMIPULSE® ont été calculés à partir de l’équation des droites de régression par la méthode de Passing Bablok. La capacité discriminante de chaque paramètre en faveur du diagnostic de MA a été évaluée par une courbe ROC (Receiver Operating Characteristic), ainsi que l’aire sous la courbe (AUC).
Les courbes ROC ont également permis de sélectionner des seuils de décision clinique « candidats » correspondant au maximum de l’indice de Youden. Cette analyse a été faite en fonction du diagnostic avant PL qui n’est pas sujet au biais d’incorporation contrairement au diagnostic après PL.
Les seuils candidats issus des deux approches (translation et courbes ROC) ont ensuite été évalués par une étude de concordance clinique entre les deux méthodes, chaque variable a été transformée en une variable qualitative à deux ou trois classes : test négatif, positif et en zone grise quand elle existe. Ces classes ont été construites en prenant en compte les valeurs seuils de chaque méthode. Pour le LUMIPULSE® les valeurs seuils ont été calculées à l’aide des droites de régression linéaire selon Passing Bablok à partir des seuils INNOTEST® et aussi à partir des valeurs seuils obtenues à partir des courbes ROC, afin de comparer quelle approche possède la meilleure concordance avec la technique INNOTEST®. Le test de pourcentage de concordance a été calculé et le test non paramétrique de Kappa de Cohen a été utilisé.
La significativité statistique a été fixée au seuil p = 0,05.

Résultats

Performances analytiques

Une étude des performances analytiques (répétabilité et fidélité intermédiaire) a été réalisée sur le LUMIPULSE® G600 II pour chaque paramètre car elle est le préalable requis avant toute comparaison d’une méthode avec une autre et avant la mise en production d’une méthode.
Le COFRAC (comité Français d’accréditation) qui est chargé de l’accréditation des laboratoires de biologie médicale selon la norme ISO 15189, préconise d’effectuer ces essais sur 30 déterminations et un nombre d’essais inférieur doit être argumenté. Dans notre cas, le coût des analyses est important et le LCS est un prélèvement précieux, cette étude a donc été effectuée sur 10 essais et sur matrice artificielle pour chaque paramètre.

Etude de répétabilité

Un contrôle interne de qualité (CIQ) est un matériau, fabriqué par l’homme la plupart du temps produit par le fournisseur du kit. Il se compose d’un ou plusieurs analytes de concentration connue dont la matrice doit se rapprocher au mieux d’un échantillon patient. A chaque série de dosages la validité des CIQ est analysée de la même façon que les échantillons de patients, ils permettent de vérifier la maitrise du processus analytique, d’encadrer les séries de dosage des échantillons de patient et d’enconfirmer la validité des résultats. Plusieurs niveaux de concentration de CIQ sont disponibles pour chaque analyte, classiquement un niveau de concentration normal et un ou plusieurs niveaux de concentrations anormaux déterminés en fonction du paramètre à doser.
L’étude de répétabilité a été effectuée sur 10 passages consécutifs pour chacun des 4 biomarqueurs à partir des CIQ du fournisseur, sur 3 niveaux de concentration pour les peptides Aβ42et Aβ40, afin d’une part d’encadrer les plages de mesure étendues de ces deux biomarqueurs et d’autre part de garantir un degré de confiance important sur le ratio Aβ42/Aβ40 et sur 2 niveaux de concentration (un proche du seuil décisionnel et un pathologique) pour Tau et P-Tau.
La moyenne des valeurs, l’ET et les coefficients de variation (CV) du laboratoire, calculés à partir du logiciel Excel (version 1911) et les CV du fournisseur sont inscrits dans le tableau III.

Comparaisons des techniques par la méthode de Bland et Altman

La représentation graphique de Bland et Altman (130) permet d’évaluer l’écart observé entre deux valeurs obtenues à partir d’un même échantillon, par deux méthodes de dosage différentes, en passant par une approche graphique.
Plusieurs représentations sont possibles, il est possible de représenter les différences absolues ou relatives entre les deux méthodes de dosage soit par rapport à l’une des deux méthodes qui serait de référence ou « gold standard », soit par rapport à la moyenne des deux méthodes quand aucune n’est «gold standard ».
Dans notre étude, le choix s’est porté sur la représentation des différences relatives (c’est-àdire la différence entre les 2 méthodes par rapport à la moyenne des deux méthodes) en ordonnée par rapport à la moyenne des deux méthodes en abscisse car aucune des deux méthodes n’est considérée de référence.

Tau totale

La figure ci-dessous présente un diagramme de dispersion des différences relatives (DR) de concentration en Tau totale obtenues par Lumipulse et Innotest (en %) en fonction des moyennes de ces deux mesures (en ng/L). La ligne continue appelée « mean » correspond à la moyenne des différences relatives, on l’appellera aussi «moyenne des DR», tandis que les lignes en pointillés « + / – 1,96 SD » appelées limites de concordance, montrent les limites à +/- 1,96 écart-type (ET) de la moyenne des DR, accompagnées de leur intervalle de confiance à 95% (signalé sous forme de barre d’erreur). La ligne au niveau 0 représente l’hypothèse d’une concordance parfaite entre les deux techniques. La ligne diagonale en pointillés représente la régression linéaire entre les différences relatives de concentrations entre les deux techniques et la moyenne des concentrations.

Courbes ROC

Les groupes MA et non MA ont été formés sur la base du diagnostic avant PL qui n’est pas sujet au biais d’incorporation contrairement au diagnostic après PL et au diagnostic final (à la dernière visite). Pour rappel, le groupe MA est constitué de 33 patients et le groupe non MA de 15 patients. La capacité discriminante d’un paramètre est évaluable au moyen de la réalisation de courbes ROC qui est une représentation graphique de la relation entre la spécificité (abscisse) et la sensibilité (ordonnée) calculées pour toutes les valeurs seuils possibles. Cette courbe est aussi utile pour la détermination d’une valeur seuil optimale correspondant au maximum de l’indice de Youden = Sensibilité + Spécificité –1 ou au point le plus éloigné de la diagonale représentant un apport nul du test. La sensibilité correspond à la proportion de vrais positifs chez les malades, il s’agit du rapportdes vrais positifs sur la somme des vrais positifs et des faux négatifs. Enfin, la spécificité correspond à la proportion de vrais négatifs chez les non malades, il s’agit du rapport des vrais négatifs sur la somme des vrais négatifs et des faux positifs.

Tau

L’aire sous la courbe ROC de la protéine Tau est égale à 0,75. La valeur seuil calculée comme le meilleur compromis entre la sensibilité et la spécificité est de 380 ng/L. La spécificité liée à ce seuil est de 66,7% et la sensibilité de 75,8%. A 466 ng/L, valeur seuil transposée issue de l’étude de régression selon Passing Bablok, la spécificité est de 66,7% et la sensibilité de 60,6%

Rapport Aβ42/Aβ40

L’AUC est égale à 0,77. La valeur seuil calculée comme le meilleur compromis entre la sensibilité et la spécificité est de 0,061. La spécificité liée à ce seuil est de 73,3% et la sensibilité de 78,8%. A 0,057 la spécificité est de 73,3% et la sensibilité de 75,8% .

Rapport Aβ42/P-Tau

L’AUC est égale à 0,79. La valeur seuil calculée comme le meilleur compromis entre la sensibilité et la spécificité est de 5,069. La spécificité liée à ce seuil est de 93,3% et la sensibilité de 60,6%. A 9,3 la spécificité est de 73,3% et la sensibilité de 78,8% .

Etude de concordance

Test Kappa selon Cohen

Afin de déterminer l’accord de classification des patients entre les deux méthodes INNOTEST® et LUMIPULSE®, chaque variable quantitative a été transformée en une variable qualitative à deux ou trois classes : test négatif, positif et en zone grise quand elle existe. Ces classes ont été construites en prenant en compte les valeurs seuils de chaque méthode. L’étude de concordance par le test de Kappa selon Cohen a été effectuée à partir des valeurs seuils calculées à l’aide des droites de régression linéaire selon Passing Bablok à partir des seuils INNOTEST® et aussi à partir des valeurs seuils obtenues à partir des courbes ROC, afin de comparer quelle approche possède la meilleure concordance avec la technique INNOTEST®.
Dans un premier temps, l’étude du test Kappa selon Cohen est menée avec le premier jeu de valeurs seuils LUMIPULSE®, obtenu à partir de la translation des seuils INNOTEST® via les droites de régression linéaire, reporté dans le tableau suivant : Tableau X : Valeurs seuils des méthodes INNOTEST® et LUMIPULSE® (selon Passing Bablok (PB)) et variables qualitatives « négatif / positif » associées.

Discussion

L’objectif de ce travail était d’effectuer une validation de méthode des dosages des biomarqueurs Tau, p-Tau, Aβ42 et Aβ40 dans le LCS sur l’automate LUMIPULSE® G600II, validation comprenant une vérification des performances analytiques, une comparaison de la méthode automatisée à la méthode manuelle INNOTEST® et parce que cela était nécessaire, une réévaluation des valeurs seuils en faveur du diagnostic de la MA.

Vérification analytique des dosages sur LUMIPULSE®

o Les CV de répétabilité établis au cours de ce travail pour le laboratoire ont été obtenus à partir de 10 passages consécutifs des CIQ pour chacun des biomarqueurs, sur 2 niveaux pour Tau et P-Tau et sur 3 niveaux pour Aβ42 et Aβ40, ils sont ≤ 1,73 % pour Tau, ≤ 2,80 % pour P-Tau, ≤ 1,16 % pour Aβ42 et ≤ 1,26 % pour Aβ40.
Les CV du laboratoire sont inférieurs aux CV fournisseur pour Tau, P-Tau et Aβ40. Seuls les niveaux 2 et 3 d’Aβ42 sont supérieurs aux CV fournisseur mais ils sont concordants avec les données de la littérature où des CV de 1,94% et 2,84% sont retrouvés respectivement pour les niveaux 2 et 3 d’Aβ42 (128). On peut noter que les recommandations de la SFBC et la biological variation database (hébergée sur le site de Westgard ou le site de l’EFLM (European federation of clinical chemistry and laboratory medecine)) n’intègrent pas à ce jour de recommandations pour ces biomarqueurs.
L’étude de répétabilité montre des performances conformes aux attentes du laboratoire pour les 4 biomarqueurs.
o Les CV de reproductibilité ont été obtenus à partir de 10 passages des CIQ sur 10 jours différents avec le même opérateur pour chacun des biomarqueurs, sur 2 niveaux pour Tau et P-Tau et sur 3 niveaux pour Aβ42 et Aβ40, ils sont ≤ 5,07 % pour Tau, ≤ 2,61 % pour P-Tau, ≤ 3,95 % pour Aβ42 et ≤ 5,05 % pour Aβ40. Les CV obtenus sont supérieurs à ceux du fournisseur sauf pour la P-Tau. Faute de recommandations des sociétés savantes sur les CV de reproductibilité souhaitables pour ces marqueurs, nous avons vérifié que ces CV de reproductibilité intra-laboratoire restaient bien inférieurs aux CV inter-laboratoires constatés dans les programmes de qualité externe (tableau XV) et nous les avons comparés à ceux des études récemment publiées sur le sujet où l’on retrouve des CV ≤5% pour Tau, ≤6,2% pour Aβ42 et ≤5,5% pour Aβ40 (128,129,132,133).
A l’issue de l’étude de reproductibilité, nous avons conclu que la méthode était conforme aux attentes du laboratoire.
Par rapport à la méthode INNOTEST®, les CV de reproductibilité du LUMIPULSE® sont comparables aux CV INNOTEST® calculés au laboratoire à partir des EEQ longitudinaux (sur un niveau et 9 passages, Aβ42=6,6%, Tau=6,4% et P-Tau= 3,5%) et ils sont meilleurs que les CV INNOTEST® retrouvés dans la littérature, aux alentours de 10% pour chacun des biomarqueurs (134), ce qui souligne l’intérêt de l’automatisation qui s’affranchit de lavariabilité engendrée par les étapes manuelles de pipetage, agitation et lavages.
Au-delà de nos propres résultats, nous avons également observé les performances de la méthode LUMIPULSE® par rapport à ses concurrentes (INNOTEST® et les autres) par l’interface offerte par le programme de contrôle de qualité externe (EEQ) suédois organisé et promu par Alzheimer’s Association Quality Control (AAQC) depuis 2009, regroupant des résultats de laboratoires adhérents du monde entier (90 participants) utilisant la plupart des méthodes dédiées à la recherche ou au diagnostic disponibles sur le marché mondial. Les EEQ permettent de calculer la variabilité inter-laboratoires pour chaque technique. Les résultats d’un des contrôles de qualité externe de l’année 2019 sont répertoriés dans le tableau XV:

Comparaison LUMIPULSE® / INNOTEST®

L’étude de corrélationmenée sur les échantillons de 53 sujets ayant bénéficié de dosages au laboratoire entre 2012 et 2013 montre que les biomarqueurs : Aβ42, Tau, P-Tau et les ratios Aβ42/Aβ40 et Aβ42/P-Tau évalués en LUMIPULSE® sont très bien corrélés à l’INNOTEST®, les coefficients de corrélation de Pearson r pour Aβ42, Tau, P -Tau, Aβ42/Aβ40 et Aβ42/P-Tau sont respectivement de 0,95, 0,988, 0,98, 0,84 et 0,95. L’Aβ40 est quant à elle corrélée de façon modérée mais satisfaisante, avec r = 0,77. On sait quepour ce dosage la technique manuelle est moyennement performante, en effet, des repasses de dosages que l’on a été amené à effectuer par le passé l’ont prouvé(résultats non montrés). D’autres études ont évalué la corrélation des biomarqueurs entre les deux méthodes (128,129,132,135) INNOTEST® et LUMIPULSE®, elles ont trouvé que les deux familles de techniques étaient très bien corrélées, les coefficients de corrélation varient de 0,83 à 0,98 selon le biomarqueur et selon l’étude. Concernant la P-Tau, nos résultats sont particulièrement en accord avec ceux de l’étude de Leitao et al, de novembre 2019 (128), en effet, l’allure globale de la régression linéaire est la même, une sous-évaluation de la P-Tau en LUMIPULSE® est constatée pour des concentrations inférieures à 40ng/L et une surévaluation pour les concentrations supérieures à 40 ng/L (dans notre étude la valeur pivot est de 75ng/L). Le même type de différence est également constatée dans un travail de thèse mené au CHU de Lille, avec une valeur pivot à 50 ng/L, cette fois ci (133). Enfin, dans l’étude de Bayart et al de mai 2019 les différences observées pour la P-Tau sont moins nettement prononcées et la droite de régression linéaire croise l’axe x=y plutôt aux alentours de 85 ng/L (132). Curieusement, la différence systématiquement observée pour la P-Tau n’est pas retrouvée dans l’étude de comparaison effectuée par FUJIREBIO (136). Concernant l’Aβ42, nous avons observé une sous-évaluation systématique de l’Aβ42 du LUMIPULSE® par rapport à l’INNOTEST®, ce constat est également en accord avec l’étude de Leitao et al et l’étude de Bayart et al (128,132). D’autres études (129,137) y compris celle du fournisseur, retrouvaient une surévaluation systématique de l’Aβ42 en LUMIPULSE® par rapport au dosage en INNOTEST®, mais ces comparaisons avaient été effectuées avec l’Aβ42LUMIPULSE® de 1ère génération non standardisée sur les CRM d’où ces différences de résultats. Nous constatons également l’existence d’une sous-évaluation systématique et proportionnelle à partir de 3000 ng/L entre INNOTEST® et LUMIPULSE® pour l’Aβ40. Nous avons peu de données de comparaison pour ce paramètre, dans l’étude de Leitao et al, on observe une discrète augmentation d’Aβ40 pour des valeurs inférieures à 7500 ng/L et une discrète diminution d’Aβ40 pour des concentrations supérieures à 7500 ng/L. Enfin, pour la Tau, nous avons montré qu’il n’y avait pas de différence systématique significative entre les deux techniques et ces résultats sont aussi comparables à l’étude de Leitao et al.
o La comparaison des techniques par la méthode de Bland et Altman retrouvait une moyenne des différences relatives (DR) de 6,2% pour Tau, – 5,9 % pour P-Tau, – 14,7 % pour Aβ42 et – 22,8 % pour Aβ40, toutefois l’importance de ces résultats est à relativiser car on a pu constater que la moyenne des DR représentait parfois mal le comportement des DR d’une extrémité à l’autre du domaine de mesure et c’est notamment le cas pour la P-Tau. Par ailleurs, les représentations graphiques de Bland et Altman confirment l’existence de différences entre les deux méthodes pour P-Tau, Aβ42 et Aβ40, différences déjà suspectées lors des études de corrélation. Ces différences observées entre les deux famillesde méthodes impliquent la nécessité de redéfinir de nouveaux seuils de décision cliniques pour la technique automatisée LUMIPULSE®.

Réévaluation des valeurs seuils en faveur du diagnostic de MA 

o Il n’existe pas de consensus français, européen ou international robuste sur les valeurs seuils de décision clinique ou sur des limites de référence pour les biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer dans le LCS. En effet, les cut off diffèrent grandement d’une étude à l’autre, ce qui est un frein à la mutualisation des données ou à l’échange des données d’un centre à l’autre.Ces résultats peuvent s’expliquer par desdifférences dans la sélection des patients et leurs caractéristiques démographiques (par exemple l’âge et le génotype) et notamment dans le choix des sujets contrôles. Les procédures diagnostiques varient également d’uneétude à l’autre, ainsi que les étapes pré-analytiques et les méthodes analytiques des dosages. On peut aussi observer cette variabilité sur les cut-off calculés dans les études effectuées sur le LUMIPULSE®. Pour l’Aβ42 le seuil fluctue de 437 à 615 ng/L, pour la P-Tau, de 50,6 à 73 ng/L, pour la Tau de 335 à 525 ng/L et enfin pour le ratio Aβ42/Aβ40 de 0,056 à 0,069 (125,128,132,133) (Tableau XVI). Par ailleurs, le fournisseur a défini des valeurs usuelles pour les biomarqueurs du LCS dans une étude menée sur 121 sujets sains obtenues par les 10 ème et 90 ème percentiles des concentrations en biomarqueurs dans le LCS de cette population. Toutefois, nous ne disposons pas des données démographiques de la population(âge, sexe), ni des données pré-analytiques complètes telles que le nombre de cycles de décongélation (seuls les tubes utilisés étaient mentionnés). Au total, il est délicat de s’approprier ces valeurs usuelles, ce qui nous a conforté dans la décision de définir nos propres valeurs usuelles ou valeurs seuils de décision clinique adaptées à nos conditions de travail au laboratoire et à notre patientèle. Ainsi, deux approches ont été étudiées. La première consistait à translater les valeurs usuelles de la méthode manuelle INNOTEST® actuellement utilisées via les droites de régression linéaire selon Passing Bablok. La seconde consistait à réaliser des courbes ROC à partir des groupes de diagnostics cliniques avant PL : MA vs non MA et d’en déduire des seuils de décision clinique. La moyenne des DR calculée par la méthode de Bland et Altman n’était pas une option à envisager pour la définition des nouveaux seuils car nous avions constaté que les DR variaient d’un bout à l’autre du domaine de mesure. Le Tableau XVI récapitule les résultats de notre travail.

Organisation des dosages, place de l’Aβ40 et question des zones d’incertitude

o Le passage à une méthode de dosage automatisée est l’occasion de faire évoluer la stratégie de dosage des biomarqueurs. En méthode manuelle chaque biomarqueur était dosé en série individuelle réalisée toutes les 4 semaines en moyenne, au total deux jours étaient nécessaires pour effectuer le techniquage complet des 3 types de biomarqueurs (Aβ42, Tau et P-Tau). Les séries de dosage avaient un format rigide (16 patients nécessaires pour programmer les séries). Le délai de rendu des résultats était parfois long (de 15j jusqu’à 2 mois et demi en été). Le dosage de l’Aβ40 lui, était effectué à posteriori pour quelques cas choisis en concertation avec les cliniciens et le rendu du résultat pour ce marqueur était décalé dans le temps. Avec le LUMIPULSE® nous avons la possibilité de doser les 3 ou 4 biomarqueurs à partir d’un seul échantillon de LCS en moins d’une journée, permettant des sessions de dosages plus fréquentes. Le format des séries de patients est libre (et économiquement acceptable quand n ≥ 7). L’automatisation permet également d’intégrer plus facilement le dosage de l’Aβ40 dans la pratique, ce qui nous incite à réfléchir de nouveau sur la place du dosage d’Aβ40.
La pertinence du ratio Aβ42/Aβ40 suscite beaucoup d’attention et d’observations depuis quelques années. Plusieurs études ont montré que l’intégration du ratio permettait de diminuer significativement le nombre de profils discordants (c’est-à-dire présentant un ou deux marqueurs normaux en même temps qu’un ou deux marqueurs pathologiques) (68,111,138– 140), pour deux raisons, tout d’abord parce qu’il permettrait de minimiser les biais liés aux facteurs pré-analytiques par compensation des variations de concentrations d’Aβ dues au phénomène d’adsorption dans les tubes (141) mais aussi parce qu’il informe sur le niveau de synthèse global de peptides amyloïdes qui diffère d’un sujet à l’autre, ce qui permet de prévenir les erreurs d’interprétations de la concentration en Aβ42 chez les patients présentant constitutionnellement des concentrations élevées ou faibles de peptides Aβ totaux (142). Certaines études suggèrent que les performances diagnostiques du ratio par rapport à Aβ42 seule seraient meilleures pour distinguer les patients MA et MCI des patients témoins (128,143,144) mais elles sont nuancées par d’autres études (69,70,145) et par nos propres résultats.
Par ailleurs, le ratio montrerait une meilleure concordance avec le PET amyloïde qu’Aβ42seule (63,146).

Apport du ratio Aβ42/Aβ40dans les diagnostics différentiels

Les TCM sont des maladies complexes, dont les profils se chevauchent, ce qui diminue les performances diagnostiques des biomarqueurs et rend le diagnostic différentiel difficile.
L’étude de Slaets et al, dont les diagnostics ont été confirmés par autopsie montre que l’ajout du ratio Aβ42/Aβ40 au panel existant (Aβ42 et P-Tau) peut améliorer la précision du diagnostic différentiel de la MA (TCM cérébro-vasculaire, DFT, DCL) lorsque la concentration en P-Tau est intermédiaire (49,3 –87,6 ng/L) (70). Dans l’étude de Nutu et al, le ratio Aβ42/Aβ40 améliore la différentiation des patients atteints de MA de ceux atteints de la maladie de Parkinson et de MCL par rapport au peptide Aβ42 seul (147). D’autres études admettent que l’utilisation du ratio Aβ42/Aβ40 au lieu d’Aβ42 est une valeur ajoutée dans la précision du diagnostic différentiel (148–151). Une étude contraste ces propos et montre que l’incorporation d’Aβ40 aux principaux marqueurs du LCS (Aβ42, Tau et P-Tau) n’apporte aucune valeur ajoutée dans la distinction des patients MA, des patients DFT (69).

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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS 
INDEX DES TABLEAUX
INDEX DES FIGURES 
I. INTRODUCTION
1.1 Epidémiologie
1.2 Neurophysiopathologie
1.2.1 Les plaques amyloïdes et la cascade amyloïde
1.2.1.1 Les plaques amyloïdes
1.2.1.2 La cascade amyloïde .
1.2.2 Les dégénérescences neurofibrillaires et la protéine Tau
1.2.3 Dynamique hypothétique d’installation des lésions
1.3 Clinique
1.4 Imagerie
1.5 Les principaux marqueurs biologiques du LCS
1.5.1 Place des biomarqueurs du LCS dans le diagnostic de la MA
1.5.2 Profil biologique du LCS compatible avec une MA
1.5.3 Aspects pré-analytiques des dosages des biomarqueurs dans le LCS
1.5.4 Méthodes de dosage
1.5.4.1 Techniques ELISA manuelles INNOTEST®
1.5.4.2 Technique automatisée LUMIPULSE® G600II
1.5.4.3 Autres méthodes commercialisées pour le dosage des BM du LCS
1.5.4.4 Facteurs de variabilité analytique
1.5.4.5 Matériaux de référence certifiés (CRM)
1.5.5 Interprétation des biomarqueurs du LCS : ratios et outils facilitants
1.5.6 Prise en charge basée sur l’interprétation des biomarqueurs du LCS
1.6 Les autres biomarqueurs dans le LCS
1.7 Les biomarqueurs sanguins
1.8 Objectifs de l’étude
II. MATERIELS ET METHODES 
2.1 Matériel
2.1.1 Phase pré-analytique
2.1.2 Phase analytique
2.2 Méthodologie
2.2.1 Population d’étude
2.2.2 Sélection des patients
2.2.3 Variables étudiées
2.3 Analyse statistique
III. Résultats 
3.1 Performances analytiques
3.1.1 Etude de répétabilité
3.1.2 Etude de fidélité intermédiaire
3.2 Etude de corrélation
3.2.1 Tau totale
3.2.2 P-Tau
3.2.3 Aβ42
3.2.4 Aβ40
3.2.5 Rapport Aβ42/Aβ40
3.2.6 Rapport Aβ42/P-Tau
3.3 Comparaisons des techniques par la méthode de Bland et Altman
3.3.1 Tau totale
3.3.2 P-Tau
3.3.3 Aβ42
3.3.4 Aβ40
3.4 Etude comparative des groupes selon le diagnostic avant PL : démographie et dosage des marqueurs en LUMIPULSE
3.5 Courbes ROC
3.5.1 Tau
3.5.2 P-Tau
3.5.3 Aβ42
3.5.4 Aβ40
3.5.5 Rapport Aβ42/Aβ40
3.5.6 Rapport Aβ42/P-Tau
3.6 Etude de concordance
3.6.1 Test Kappa selon Cohen
IV. Discussion 
V. Conclusion 
VI. Références bibliographiques et sitographiques 
VII. Annexes

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